2010

Introduction au droit

Les modes de preuve des droits subjectifs

La leçon a pour objet de présenter les modes de preuves admissibles pour démontrer l'existence et le contenu des actes juridiques et des faits juridiques. Le principe est que la preuve des actes et des faits juridiques se rapporte par tous moyens : écrits, indices, présomptions judiciaires, témoignages etc. Par exception, les actes juridiques d'un montant supérieur à 1500 € se prouvent au moyen d'une preuve parfaite : preuve littérale (acte authentique ou acte sous seing privé), serment judiciaire, aveu décisoire). Il est fait exceptions à ces règles dans les cas suivants : matière commerciale, existence d'un commencement de preuve par écrit, impossibilité morale ou matérielle de produire un écrit, production d'une copie fiable d’acte sous seing privé. Dans ces cas, la preuve est libre. Quand la preuve est libre, certains modes de preuve demeurent interdits. C'est le cas lorsque la preuve porte atteinte à l'intimité de la vie privée, au secret professionnel ou au droit à l'image (loyauté de la preuve) ou encore quand le principe du contradictoire n'a pas été respecté.



Rq.RAPPEL : Le droit français de la preuve a fait l'objet d'une importante réforme avec l' . Dans cette leçon les articles du Code civil qui portent la mention "nouv." (ex. art. 1353 nouv. du C. civ.) font référence aux articles postérieurs à la réforme, tels qu'ils figurent dans les codes d'une édition postérieure à 2016.

Prouver quelque chose, au sens commun du terme, c'est établir et faire reconnaître que cette chose est vraie, réelle, certaine. Dans cette mesure le droit ne se distingue pas des autres domaines, qu'ils soient historique ou scientifique. La démarche intellectuelle est en effet la même lorsqu'il s'agit d'établir la véracité d'un fait. Mais il y a au moins deux particularités fondamentales de la preuve juridique, par rapport aux autres domaines :

  1. La preuve juridique est judiciaire : quelle que soit la matière, la preuve juridique est destinée à convaincre le juge, et même si on envisage la preuve en dehors de tout procès (par exemple un individu prouve sa filiation pour pouvoir bénéficier d'un héritage), c'est toujours en fonction de ce que déciderait le juge si un litige naissait.
  2. La preuve juridique est règlementée : le fait que la preuve s'apprécie essentiellement dans le cadre d'un procès civil ou pénal a pour conséquence que son administration ne se fait pas en toute liberté, mais selon des règles plus ou moins contraignantes, dictés par des objectifs autres que la simple recherche de la vérité. Il s'agira ainsi de préserver une certaine sécurité juridique (prescription extinctive) ou judiciaire (respect de l'autorité de la chose jugée par de précédentes décisions), et de s'assurer que le litige sera bien tranché, pour éviter les dénis de justice. On voit ici que la recherche de la vérité n'est pas l'unique objectif de la preuve juridique => Cette spécificité se concrétise dans les règles d'admissibilité des modes de preuve.
    Le Code civil réglemente principalement cinq modes de preuves : la preuve littérale, la preuve testimoniale, la preuve par indices et présomptions, l'aveu et le serment.


Tous les modes de preuves relatent un évènement antérieur, mais ils peuvent être répartis en deux grandes catégories :

  1. Df.Les preuves pré-constituées, ou preuves a priori sont établies avant que les difficultés n'apparaissent, en prévision de leur survenance.
    Il s'agit la plupart du temps de documents écrits, rédigés pour faire la preuve d'un fait juridique (ex : procès-verbal d'un agent de police relatant un accident.) ... ou d'un acte juridique (ex : acte rédigé par les parties pour constater un contrat de bail qu'elles ont conclu).
    Rq.Le vocable "acte" peut viser tantôt l'opération juridique intervenue (ici, le bail), que l'on appelle le negotium, tantôt le document écrit qui relate cette opération, et qui servira de preuve (ici, le contrat de vente), qu'on appelle l'acte instrumentaire, ou instrumentum.
    L'instrumentum fait preuve du negotium mais, en principe, il n'est pas une condition de validité du negotium.
  2. Df.Les preuves a posteriori sont des preuves que les parties réunissent en vue du procès, après la survenance du litige.
    Il s'agit des témoignages, présomptions, indices, aveux et serments.


Après avoir présenté les différents modes de preuve (Section 1) nous étudierons leur admissibilité (Section 2).

Section 1. Les différents modes de preuves


Le droit privé français est dominé par un système de preuve légale (voir supra, leçon n° 8). En effet, le droit réglemente précisément l'admissibilité des modes de preuve des actes juridiques, en déterminant la force probante des différents modes de preuve admis, et en établissant une hiérarchie entre eux.


On peut diviser ces modes de preuve entre les preuves écrites parfaites, et les autres écrits. Les preuves écrites parfaites ont été spécialement constituées avant la survenance du litige, selon des règles précisément énoncées par la loi.

Elles servent pour prouver l'existence et le contenu des actes juridiques.

Df.Les actes juridiques sont des manifestations de volonté accomplies en vue de la réalisation d'effets juridiques. L'exemple le plus fréquent est le contrat.

Il y a deux modes de preuves écrites parfaites : l'acte authentique et l'acte sous signature privée. Un traitement particulier devra être accordé aux écrits passés sous la forme électronique, dont l'apparition a provoqué une profonde réforme du droit de la preuve.


Il existe deux modes de preuves écrites parfaites : l'acte authentique et l'acte sous signatures privées.


Df.L'acte authentique est un acte dressé par un officier public compétent, selon les formalités requises par la loi (v. art. 1369 nouv. du Code civil).

Trois conditions doivent être réunies pour qu'un écrit soit qualifié d'acte authentique :
  • L'écrit doit être dressé par un officier public, c'est-à-dire principalement les notaires, ainsi que les officiers d'état civil, les huissiers de justice et, à l'étranger, les consuls.
  • L'officier public doit être compétent. On distingue la compétence d'attribution et la compétence territoriale, qui sont toutes deux fixées par la loi. Ainsi les notaires ont une compétence d'attribution générale pour établir les actes et conventions qui intéressent les particuliers, et leur compétence territoriale est nationale. En revanche, les officiers d'état civil (les maires, ou leurs adjoints, sur délégation) ont une compétence limitée à la rédaction d'actes d'état civil dans le ressort de leur commune.
  • Plusieurs formalités doivent être respectées. Ainsi, l'acte doit être écrit en langue française, sans que soient laissés d'interligne vacant ni de blanc ; il doit être daté et signé par le notaire et par les parties.




Df.L'acte sous signature privée est un acte établi par les parties elles-mêmes, sous leur seule signature et sans intervention d'un officier d'état public. Avant la réforme du 10 février 2016 on l'appelait acte sous seing privé (seing vient du latin signum, signature).

La rédaction des actes sous seing-privé est plus libre que celle des actes authentiques. Ils peuvent être écrits en n'importe quelle langue, et sur n'importe quel support.

Les conditions de validité de ces instrumentum sont variables en fonction du negotium qu'ils constatent.


Selon l'article 1367 nouv. du Code civil, la signature « identifie son auteur » et « manifeste son consentement aux obligations qui découlent de l'acte ».

La signature des parties est toujours exigée. C'est la seule condition qui s'impose à tous les actes sous signature privée. La signature est une marque distincte et personnelle et, en principe, manuscrite, permettant d'identifier son auteur (la simple croix ou les empreintes digitales sont normalement exclues).

Ex.Ainsi la Chambre sociale a-t-elle pu décider que l'écrit revêtu de la signature malhabile d'une personne ne sachant ni lire, ni écrire, sauf tracer son nom, ne pouvait être considéré comme un acte sous signature privée apte à faire preuve de l'engagement : , Bull. civ. V, n° 685 ; RTD Civ. 1988, 756, obs. Mestre.

Les actes sous signatures privée constatant des conventions synallagmatiques (c'est-à-dire des conventions mettant des obligations à la charge de chacune des parties) doivent en outre être rédigés en autant d'exemplaires qu'il existe de parties (art. 1375 nouv. du Code civil).

Ainsi chaque partie aura un exemplaire en sa possession et, en cas de conflit, pourra prouver l'existence du contrat et le contenu de ses obligations. Pour limiter la possibilité de fraude, chaque exemplaire doit mentionner le nombre d'originaux qui ont été rédigés.

EXCEPTION : Cette formalité dite du « double » peut être écartée si le seul original existant a été déposé entre les mains d'un tiers chargé de la tenir à la disposition de tous, ou s'il a été rédigé sous la forme électronique, à laquelle chaque partie aura librement accès.

Cette formalité du double a en effet pour objet d'assurer aux parties une situation égale face à l'administration de la preuve. L'idée est que chacun puisse produire l'original de l'acte en cas de litige.

Ex.La Cour de cassation admet que l'exemplaire détenu par une partie porte uniquement la signature de l'autre partie, sans qu'il soit nécessaire que chaque original soit signé par toutes les parties : , Bull. civ. I, n° 141.

Dans les actes constatant une promesse unilatérale de payer, un seul exemplaire suffit puisque, par définition, une seule personne s'oblige Il s'agira par exemple d'une reconnaissance de dette ou d'un engagement de caution. La formalité du double n'est donc pas requise.

L'article 1376 nouv. du Code civil exige toutefois que l'acte soit non seulement signé de la part de celui qui s'oblige, mais qu'il contienne en outre la mention du montant, en chiffres et en lettres de la somme à payer, ou de la quantité à livrer (suppression en 1980 de la mention « lu et approuvé », ou « bon pour »).

Cette formalité a pour but de s'assurer que la personne a bien pris conscience de la portée de son engagement. Elle sera notamment requise dans les reconnaissances de dette, ou dans les engagements de caution (une personne s'engageant à payer la dette d'autrui si celui-ci n'y satisfait pas).

Rq.NB : Cette formalité devait à l'origine être manuscrite (= écrite de la main de celui qui s'engage) mais a évolué depuis que la loi française admet la validité des modes de preuve électroniques.



Les progrès techniques ont rendu nécessaire une réforme du droit de la preuve, qui était depuis l'origine organisé autour de l'écrit rédigé sur un support en papier. Cette réforme devait permettre de sécuriser la conclusion des "télé-contrats" conclus à distance, via internet (par la voie du courriel, ou par l'intermédiaire d'un site commercial) ou grâce au télé-paiement (au moyen d'une carte de paiement du type Carte Bleue).

Tx.La a donc posé les conditions de validité de tels actes, et adapté les conditions de validité des modes de preuves traditionnels aux spécificités de l'écrit électronique.


Les conditions sont posées par l'article 1375 nouv. du Code civil. L'acte électronique est considéré comme fiable dès lors que sont garanties :
  • l'identité du signataire (certifiée par un code secret - certains organismes sont en mesure de délivrer un numéro d'identification réputé inviolable - et/ou par l'adresse IP de l'ordinateur)
  • l'intégrité du document (pas de modification depuis la signature. Cette intégrité est assurée par la procédure du "double-clic", qui interdit toute modification après le deuxième clic).

L'article 1369, al. 2 nouv. du Code civil précise que l'acte authentique peut également être dressé sur support électronique.
En savoir plus : La rédaction d'actes authentiques électroniques

Concrètement, chacune des parties se rendra chez son notaire respectif, et les deux notaires se mettront en contact à distance au moyen d'un réseau intranet sécurisé et d'un logiciel adapté qui leur permettra de travailler ensemble et simultanément sur l'acte à régulariser. Chacun recueillera la signature électronique de son propre client. Les actes authentiques ainsi dressés seront conservés dans un minutier central électronique des notaires de France.

Les règles du droit commun de la preuve ont été adaptées aux spécificités de l'écrit électronique :
  • L'article 1376 nouv. du Code civil, qui exigeait autrefois que le montant de l'obligation soit écrit par une "mention manuscrite" requiert désormais que le débiteur écrive la mention "par lui-même", l'objectif étant uniquement de s'assurer par tout moyens que celui qui s'engage est bien l'auteur de la mention. Une mention dactylographiée du montant de l'engagement est donc valable, si son origine est établie.
    Ex.La Cour de cassation a considéré que la reconnaissance de dette revêtue de la signature manuscrite du débiteur pouvait constituer un mode de preuve parfait même si l'ensemble de l'acte - y compris la somme en chiffres et en lettres - était rédigé par le biais d'un logiciel de traitement de texte, dès lors que son auteur était identifié comme étant le débiteur de l'engagement : , Bull. civ. I, n° 73.
  • L'exigence d'une pluralité d'originaux requise pour les actes synallagmatiques (formalité du double, art. 1375 nouv. du C. civ.) « est réputée satisfaite lorsque (...) le procédé permet à chaque partie de disposer d'un exemplaire ou d'y avoir accès ». Ainsi la formalité sera considérée comme remplie si les parties peuvent consulter et imprimer l'original à partir d'un site internet.




La loi donne aux écrits pré-constitués une force probante différente selon les cas.

Il en résulte que l'acte authentique et l'acte sous signature privées fournis à titre de preuve ne s'imposeront pas au juge et aux parties avec la même force.


Les actes authentiques sont dotés d'une force probante particulière, que l'on définit en disant qu'ils font foi « jusqu'à inscription de faux ». Cela signifie que, pour contester l'exactitude ou la date de l'acte, on doit s'inscrire en faux contre l'acte. La procédure d'inscription de faux est compliquée et risquée, et expose le demandeur en cas d'échec au paiement d'une amende civile.
En dehors de cette procédure, le juge est obligé de tenir pour vraies les énonciations de l'acte authentique.

Rq.Ces règles ne valent que pour ce qui a été personnellement contrôlé par l'officier public : la présence des parties, la teneur de leurs déclarations, le paiement effectué sous le contrôle de l'officier... En revanche, les énonciations que l'officier ne fait que relater, et qui émanent des parties, ne font foi que jusqu'à preuve contraire, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas besoin pour être contestées d'une procédure d'inscription de faux, et qu'elles n'ont pas la force probante d'un acte authentique.

Ex.L'acte d'état civil qui constate que telle personne s'est présentée tel jour pour déclarer la naissance de tel enfant, tel jour à tel heure à tel endroit, n'a de valeur authentique que pour les énonciations effectivement constatées par l'officier d'état civil.

Ainsi la déclaration du notaire, rédacteur d'un testament, sur l'état mental du disposant, peut être contestée sans qu'il soit nécessaire de recourir à l'inscription de faux car cette appréciation n'est pas de la compétence de l'officier ministériel : Paris, 17 septembre 1996, Dr. fam. 1997, n° 170, note Beignier (2ème espèce).
  • Les copies d'actes authentiques, appelées grosses (parce qu'elles étaient soumises à une droit du notaire proportionnelle à la longueur du document, et étaient donc écrites en gros caractères), rédigées par le notaire et conservées par lui, ont en principe la même force probante que les originaux d'actes authentiques.
  • L'acte sous signature privée n'a pas la même force probante que les actes authentiques : il ne fait foi que jusqu'à preuve contraire. Mais on ne peut le contester que par un autre acte sous signature privée ou par un acte authentique (art. 1359, al. 2 nouv. du C. civ.).
  • Les écrits électroniques ont, en vertu de l'article 1366 nouv. du Code civil (issu de la loi précitée du 13 mars 2000) la même force probante que les actes équivalents (actes authentiques / actes sous signature privée) écrits sur support papier.
En savoir plus : La preuve de la date d'un acte sous signature privée

En ce qui concerne la date de l'acte sous signature privée, elle fait foi entre les parties jusqu'à la preuve du contraire, avec les mêmes réserves que celles qui ont été évoquées à propos de la preuve du contenu de l'acte.

A l'égard des tiers, on peut redouter que les parties ne soient de connivence pour antidater l'acte (par exemple un propriétaire signe un contrat de bail antidaté avec un complice, pour anéantir un contrat de bail qu'il vient de passer avec un locataire indésirable). Pour éviter une telle hypothèse de fraude, l'article 1377 nouv. du Code civil décide que la date de l'acte sous signature privée n'est opposable aux tiers que si la date est "certaine", c'est-à-dire que l'acte a été passé dans l'une des circonstances suivantes :
  • l'acte a été dûment enregistré (p. ex. à l'administration fiscale) ;
  • l'un des signataires (ou les deux) est mort ; l'acte prend alors la date du décès ;
  • la substance de l'acte est relatée dans un acte dressé par un officier public (p. ex. dans une assignation en référé, ou dans un exploit d'huissier).

Qu'il s'agisse d'acte authentique ou d'acte sous seing-privé, le non-respect des différentes conditions de validité des modes de preuve entraîne en principe la nullité de l'acte, en tant qu'instrumentum , c'est-à-dire qu'il ne pourra plus être qualifié d'acte authentique, ou d'acte sous signature privée, et ne pourra pas à lui seul faire la preuve du negotium.
Ex.Quand on conclut un contrat de vente, qu'on le constate dans un acte sous signatures privés, mais qu'on ne respecte pas la formalité du double, seul l'acte sous signature privée, en tant que mode de preuve est nul. La vente reste valable, mais il faudra trouver d'autres modes de preuve pour l'établir.

EXCEPTIONS :
  • S'agissant des actes authentiques, l'article 1370 nouv. du Code civil admet que l'acte nul en raison de l'incompétence de l'officier, ou par un défaut de forme, peut éventuellement valoir comme un acte sous signature privée (s'il en remplit les conditions).
  • Les actes authentiques et les actes sous signature privée nuls peuvent, sous certaines conditions, servir comme commencement de preuve par écrit.



De nombreux documents écrits sont susceptibles de servir de preuve même s'ils ne revêtent pas les caractères nécessaires pour être qualifiés d'actes sous signatures privées ou d'acte authentique.

L'évolution des technologies a profondément modifié la notion d'écrit, grâce à de nombreux procédés permettant des copies matérialisées (fac-similé, microfilm, carbone, photocopie) ou dématérialisés (copie numérique).

Le droit positif a dû lui aussi évoluer :
  • Les copies ont longtemps été dépourvues de force probante, sauf si elles étaient revêtues d'une signature originale, ou si il était possible d'en vérifier la conformité à l'original (par ex. si l'original avait été conservé par la partie adverse). Cette règle stricte s'appliquait y compris lorsque les copies étaient "certifiées conformes" par une autorité publique :
    Ex.« Les copies d'actes sous signature privée, même certifiées conformes, n'ont par elles-mêmes aucune valeur juridique, et ne peuvent suppléer au défaut de production de l'original dont l'existence est niée » (, Bull. civ. I, n° 160).
  • Depuis la loi du 12 juillet 1980, on accorde aux copies une force probante autonome. Cette réforme est intervenue à la suite de l'évolution des techniques, et notamment de la pratique des banques qui, pour des raison pratiques, conservaient les copies des chèques sur des microfilms, en détruisant l'original.
  • L'ordonnance du 10 février 2016 considère en principe que la copie a la même force probante que l'original.


La loi pose comme condition que la copie soit une reproduction "fiable" de l'original. La question est donc de savoir comment apprécier ladite fiabilité ? L'art. 1379 nouv. du Code civil donne 3 directives :
  • La « copie exécutoire authentique » d'un écrit authentique (établie par l'officier public, p. ex. le notaire) est « réputée » fiable, c'est-à-dire qu'il existe une présomption irréfragable de fiabilité.
  • La « copie résultant d'une reproduction à l'identique de la forme et du contenu de l'acte » et « dont l'intégrité est garantie dans le temps » est présumée fiable, mais seulement jusqu'à la preuve contraire (présomption simple). Il s'agit des copies numériques conservées dans des conditions permettant de garantir l'identité de l'auteur et l'intégrité du document. Les différents procédés garantissant la copie (horodatage, cachet électronique ou signature électronique qualifiés) sont décrits dans un décret du 5 décembre 2016.
  • Pour les autres copies, la fiabilité est en général laissée à la libre appréciation du juge.

Df.La définition du commencement de preuve par écrit est donnée par l'article 1362 nouv. du C. civ. : « Constitue un commencement de preuve par écrit tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte (...) rend vraisemblable le fait allégué ».

La loi pose donc trois conditions :
  • Il faut, en principe, un écrit. N'importe quel type d'écrit peut faire l'affaire : un courrier, un talon de chèques, un document comptable, la mention d'un écrit authentique ou sous signature privée dans un registre d'état civil...
    EXCEPTION : L'alinéa 2 de l'article 1362 du Code civil admet que, par exception à cette exigence, de simples déclarations faites par une partie lors d'une comparution personnelle, ou même son refus de répondre ou de comparaître, peuvent être considérés comme un "écrit" au sens de la loi.
  • L'écrit doit émaner de celui à qui on l'oppose, c'est-à-dire que ce qu'il démontre doit être défavorable à celui qui l'a rédigé.
    Ex.Un chèque peut faire preuve contre celui qui l'a signé, pas contre celui qui est désigné comme bénéficiaire.
    La 1ère chambre civile de la Cour de cassation a ainsi considéré que le relevé informatique émanant de la société de téléphonie ne peut pas constituer un commencement de preuve par écrit de la créance litigieuse à l'égard de celui qui conteste avoir souscrit un abonnement (, Bull. civ. I n° 238).
  • Enfin, l'écrit doit rendre vraisemblable le fait allégué. Ceci est une question de fait qui est soumise à l'appréciation souveraine des juges du fond.

Dans un système de preuve libre, certains écrits peuvent être invoqués comme preuve alors même qu'ils n'ont pas été établis à des fins probatoires.

Tous les écrits sont concernés, qu'ils soient signés ou non signés, et notamment :
  • les lettres missives (courrier, courriel), qui peuvent être produites par le destinataire si l'expéditeur ne s'y oppose pas. Elles peuvent selon les cas tenir lieu d'aveu extrajudiciaire (si elles contiennent une reconnaissance du droit qui est contesté par son auteur) ou de commencement de preuve par écrit (si elles répondent aux conditions de l'article 1362 du C. civ.), ou, à défaut, de simple indice ;
  • les registres ou papiers domestiques : notes personnelles et livres de comptes tenus par les particuliers ;
  • les livres de commerce tenus par les commerçants, etc.

Plusieurs types de preuve non écrites peuvent être invoquées devant les juges. Il s'agit de l'aveu, du serment, du témoignages et des présomptions.


Df.L'aveu est la reconnaissance par une partie d'un fait qui lui est défavorable.

Il existe deux types d'aveu :
  • L'aveu judiciaire est celui qui est fait au cours de l'instance, devant le juge. L'aveu judiciaire s'impose au juge.
    • L'aveu judiciaire est indivisible : il doit être pris dans sa globalité, et l'on ne peut pas en retrancher une partie selon l'intérêt des personnes en présence.
    • L'aveu judiciaire est irrévocable : son auteur ne peut revenir sur ses déclarations en prétendant qu'il s'est trompé sur les conséquences juridiques de son aveu.
  • L'aveu extra-judiciaire est celui fait en dehors du tribunal (dans une lettre, devant un témoin), ou en justice, mais lors d'une autre instance. Il n'a pas davantage de force probante qu'un simple témoignage.
Seul l'aveu judiciaire peut être considéré comme un mode de preuve parfait.


Df.Le serment est l'affirmation solennelle, par une partie, d'un fait qui lui est favorable.

En principe, une telle affirmation est suspecte, mais il en va autrement lorsqu'elle intervient dans une forme solennelle. Le serment est un mode de preuve peu usité, qui a une origine religieuse. Aujourd'hui, on ne jure plus devant Dieu, mais l'idée persiste que le faux serment est une faute grave, qui est sanctionnée non seulement sur le plan moral, mais également par des condamnations pénales.

Il existe deux sortes de serments :
  • Le serment décisoire est celui qui est déféré par un plaideur à son adversaire, sur un fait dont dépend l'issue du litige.
    L'hypothèse est la suivante : un des plaideurs, à cours d'argument, offre de renoncer à sa prétention si l'autre partie affirme sous serment que les faits sur lesquels elle se fonde personnellement sont vrais. Cette offre porte le nom de délation de serment.
    • Si celui à qui le serment a été déféré accepte et jure, il gagne le procès (la seule sanction possible serait alors d'engager une procédure pénale pour faux serment - art. 434-17 du Code pénal).
    • Mais il peut également refuser de jurer, et référer le serment à celui qui le lui avait déféré, en lui offrant d'abandonner sa propre prétention si l'adversaire affirme que la sienne est fondée.
      • Si le premier jure, il gagne le procès.
      • S'il refuse, on considère que c'est un aveu tacite, et il perd.
    La force du serment décisoire est telle qu'elle lie le juge, qui est obligé d'en tirer les conséquences en accueillant la prétention de celui qui a prêté serment.
  • Le serment déféré d'office est le serment qui est déféré non pas par une partie, mais par le juge, qui ne s'estime pas convaincu par les preuves qui ont déjà été produites, et qui demande à l'une des parties d'affirmer sous serment que ce qu'il dit est vrai.
    Avant la réforme du 10 février 2016 on l'appelait serment supplétoire.
    Il ne peut intervenir qu'en cas de nécessité (si la demande n'est pas déjà pleinement fondée) et s'il existe déjà des commencements de preuve qui rendent la demande vraisemblable. Il ne peut pas être déféré pour suppléer l'absence de preuve de la partie demanderesse.
    Ce serment ne lie pas le juge, qui lui accordera la foi qu'il estime appropriée, en fonction des circonstances de l'espèce, et notamment des autres preuves fournies par les parties.

Seul le serment décisoire constitue un mode de preuve parfait.

Le témoignage est la déclaration par laquelle une personne atteste la véracité de faits dont elle a eu personnellement connaissance.

La preuve testimoniale se distingue donc de la preuve dite par commune renommée, les gens témoignent de ce qu'ils ont su par ouï-dire ou par la rumeur publique.

La preuve par commune renommée est une preuve particulièrement peu sûre, et elle n'est admise qu'à titre exceptionnel :
Ex.L'acte de notoriété est admis pour la preuve de la qualité d'héritier.

En revanche, on admet le témoignage indirect, par lequel le déclarant rapporte le récit qu'une personne déterminée a fait en sa présence.

Le témoignage est le plus courant des modes de preuves libres, notamment en matière de divorce, ou dans les procès en responsabilité, lorsqu'il s'agit de reconstituer un accident.

La loi prévoit que certaines personnes ne sont pas admises à témoigner dans certains litiges, lorsque leur impartialité est sujette à caution, ou que l'on veut leur éviter de prendre partie.
Ex.Dans une procédure de divorce, les enfants et autres descendants des époux ne sont pas admis à témoigner sur les griefs invoqués contre les époux (art. 259 al. 2 du C. civ.).

Si le témoignage oral reste le principe, ce n'est plus le mode le plus courant, et c'est la plupart du temps par voie d'attestation écrite que le témoignage s'exprimera lors de l'audience.

En savoir plus : La rédaction des attestations écrites

Les attestations écrites sont demandées par le juge, ou spontanément produites par les parties. Elles relatent les fait auxquels son auteur a assisté, ou qu'il a pu constater personnellement. Elles doivent contenir certaines indications, précisées par l'article 202 du Code de procédure civile :
  • Les noms, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur.
  • S'il y a lieu : son lien de parenté, d'alliance ou de subordination avec les parties.
  • Elle doit indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice, et que son auteur a connaissance du fait qu'il s'expose à des sanctions pénales s'il rédige une fausse attestation.
  • L'attestation doit être écrite, signée et datée de la main de son auteur.
  • Une pièce d'identité portant la signature de l'auteur (original ou photocopie) doit être annexée à l'attestation.
L'article 203 du Code de procédure civile précise que le juge peut, s'il le souhaite, entendre l'auteur de l'attestation pour préciser son témoignage.

Les présomptions sont des moyens offerts aux plaideurs pour leur faciliter l'administration de la preuve : le juge va déduire d'un fait connu et vérifié un fait inconnu et plus difficilement vérifiable.
Il existe deux sortes de présomptions :
  • Les présomptions légales sont celles qui sont expressément prévues par la loi. Nous les avons déjà étudiées (voir supra, Leçon n° 8, Section I, § 3, A).
  • Les présomptions judiciaires, étaient autrefois appelées « présomptions du fait de l'homme ». On fait rentrer dans cette catégorie toutes sortes d'indices qui laissent supposer la réalité du fait constituant l'objet principal de la preuve : il peut s'agir de comportements, de photos, de traces relevées ou de l'avis d'un expert...
En principe, le juge doit se prononcer sur la foi de présomptions « graves, précises et concordantes », mais il a été admis que le juge puisse forger sa conviction sur un indice unique, si celui-ci lui apparaît suffisamment probant.

Ex.La Cour de cassation a estimé que les juges du fond pouvaient déduire du refus du défendeur de se soumettre à un examen comparé des sangs la preuve qu'il avait eu des relations sexuelles avec la mère de l'enfant, ce qui le rendait redevable de subsides pour l'entretien de l'enfant (action à fins de subsides, v. Cours de Droit de la famille) : « Mais attendu que la preuve de relations intimes pendant la période légale de la conception, nécessaire, selon l'article 342 du Code civil, pour que des subsides puissent être accordés pour l'entretien d'un enfant, peut se faire par tous moyens, y compris par présomptions, et que l'article 1353 du même Code ne s'oppose pas à ce que les juges forment leur conviction sur un fait unique si celui-ci leur paraît de nature à établir la preuve nécessaire » ( , Bull. civ. I n° 48, p. 31 ; D. 1991 456, note Massip).

Section 2. L'admissibilité des modes de preuves


On ne peut prouver tout ce que l'on veut au moyens de preuves que l'on aurait choisies librement : dans le système français de preuve légale, l'admissibilité des modes de preuve est déterminée par la loi. Il en résulte que certains faits ne peuvent être prouvés que de certaines façons, et que certaines preuves sont interdites, parce qu'elles sont considérées comme déloyales dans un procès civil.


Dans le système qui prévalait avant la réforme du droit des obligations et du droit de la preuve (ord. 10 février 2016), on distinguait les faits juridiques, qui pouvaient être prouvés par tout moyen, et les actes juridiques pour lesquels un mode de preuve parfait était requis.

Df.RAPPEL :
Les faits juridiques sont des faits volontaires ou involontaires dont les effets juridiques ne sont pas recherchés par leur auteur.
Les actes juridiques sont des évènements volontaires dont les effets juridiques sont recherchés par leurs auteurs.
L'exemple type est le contrat, mais il peut aussi s'agir d'actes unilatéraux comme le testament ou la reconnaissance d'un enfant.

Toutefois il était prévu de nombreuses exceptions à l'exigence d'une preuve parfaite pour les actes juridiques, si bien qu'au final les hypothèses de preuve libre étaient devenues plus fréquentes que les cas où seule la preuve parfaite était admises.

L'ordonnance du 10 février 2016 a pris acte de ces évolutions et est venu simplifier le système probatoire. Elle a repris l'essentiel des solutions traditionnelles, mais en a changé la présentation générale : désormais la liberté de la preuve est de principe. Seule la preuve de certains actes juridiques est encore soumise à l'exigence d'une preuve parfaite.

Selon l'article 1358 nouv. du Code civil :
Tx.« Hors les cas où la loi en dispose autrement, la preuve peut être rapportée par tout moyen ».

Les différents modes de preuve admis sont donc :
  • Les modes de preuve parfaits : Acte authentique, acte sous signature privée, aveu judiciaire, serment décisoire
  • Les modes de preuve libres : Témoignages, indices et présomptions, aveu extra-judiciaire, serment déféré d'office, commencement de preuve par écrit, et tous les écrits ne répondant pas aux critères de l'acte authentique ou de l'acte sous signature privée (copies, rapports d'expertises, livres de compte, etc.)
Rq.NB : Les modes de preuve libres ont une force probante moins élevée que les preuves parfaites : Contrairement à ce qui se passe en matière de preuve légale, le juge n'est jamais lié par les témoignages, indices et présomptions rapportés par les parties. Exerçant ici son libre pouvoir d'appréciation, il peut les écarter ou les retenir, en leur accordant la portée qu'il veut.

Au vu des différents éléments de preuve qui lui sont soumis, il se forgera son intime conviction.



Les actes juridiques d'un montant supérieur à 1 500 € sont en principe exclus du système de la liberté de la preuve.

Selon l'article 1359 al. 1 nouv. du Code civil,
Tx.« L'acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant (1500 €) doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique ».

L'acte sous signature privée et l'acte authentique sont donc les deux principaux modes de preuve des actes juridiques d'un montant supérieur à 1500 €.

Rq.La difficulté est parfois d'évaluer l'enjeu du litige, quand il ne s'agit pas directement de réclamer le paiement d'une somme d'argent, mais d'une chose dont il faut apprécier la valeur. Il appartient alors au demandeur de chiffrer sa prétention, et cette évaluation servira de référence. Il ne pourra pas restreindre sa créance pour échapper à l'exigence d'une preuve par écrit.

Mais le Code civil prévoit un certain nombre d'exceptions.

Les articles 1360 et suivants nouv. du Code civil admettent que dans certains cas il soit fait exception à l'exigence d'une preuve parfaite pour établir un acte juridique.

=> Dans les cas visés, la preuve de l'acte juridique peut-être rapportée par tout moyen, c'est-à-dire non seulement les modes de preuves parfaits, mais également les modes qui présentent moins de garanties, comme les témoignages, les indices et les présomptions judiciaires.

Il existe différentes hypothèses dans lesquelles la preuve de l'acte juridique sera libre.


Le système probatoire civil n'est pas considéré comme étant d'ordre public. Les règles applicables en la matière sont donc supplétives de volonté, et les parties peuvent y déroger dans un contrat, en prévoyant par exemple que la preuve du contrat pourra se faire par tous moyens, ou par un moyen spécialement désigné.

Ex.La jurisprudence a reconnu la validité de la convention bancaire qui accorde une valeur probatoire au ticket de carte bleue, pourtant dénué de toute signature, dès lors que le client a composé son code confidentiel (, D. 1990, 369, note Gavalda ; JCP G 1990 II 21576, note Virassamy ; D. 1990, Somm. 327, obs. J. Huet ; D. 1991, somm. 38, obs. Vasseur).

L'article 1356 nouv. du Code civil précise toutefois que ces contrats sur la preuve :
  • ne peuvent pas contredire des présomptions irréfragables établies par la loi (p. ex. : l'autorité de la chose jugée) ;
  • ne peuvent contredire un aveu judiciaire ou un serment décisoire ;
  • ne peuvent pas établir une présomption irréfragable au profit de l'une des parties.

L'article L. 110-3 du Code de commerce prévoit que :
Tx.« A l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tout moyen, à moins qu'il n'en soit disposé autrement par la loi. »

Ces règles répondent aux exigences de rapidité des opérations de commerce : pour ne pas nuire à la conclusion des actes de commerces, on les dispense du formalisme probatoire civil, en admettant par exemple que la preuve de l'acte juridique soit rapportée au moyen d'un écrit ne répondant pas aux conditions prévues par les articles 1363 et suivants nouv. du Code civil (signature, double original, mention en chiffre et en lettres...).

Ex.Un livre comptable, un bon de commande, une facture, etc... pourront permettre de prouver l'existence et le contenu d'un acte de commerce.

Rq.NB : Ce principe de liberté de la preuve ne vaut qu'entre deux commerçants. Si l'acte est conclu entre un commerçant et un non-commerçant, il relève alors de la catégorie des actes mixtes : La liberté de la preuve ne joue alors qu'à l'encontre de celui pour lequel l'acte est de nature commerciale. Elle ne bénéficie donc qu'au non-commerçant. Au contraire, le commerçant, dans la mesure où il doit prouver contre un non-commerçant (pour qui l'acte est de nature civile) sera soumis aux exigences du droit commun, c'est à dire exigence d'une preuve parfaite pour les actes juridiques d'un montant supérieur à 1 500 €, avec les exceptions ajoutées par la loi.

Cette limite à l'exigence d'une preuve littérale est prévue par l'article 1362 nouv. du Code civil. Elle suppose qu'il existe un écrit, mais que celui-ci ne remplit pas les conditions requises pour être considéré comme une preuve parfaite.

Ex.Il manque la mention en chiffres et en lettres prévue par l'article 1376 nouv. du C. civ., ou la formalité du double n'a pas été respectée, ou il manque une signature, ou il s'agit d'un écrit électronique ne présentant pas les garanties par la loi, etc.

=> Ce document bien qu'incomplet, pourra servir de commencement de preuve par écrit, et pourra faire preuve de l'acte à condition qu'il soit complété par des indices, témoignages ou présomptions. Il peut s'agir par exemple d'un aveu extra-judiciaire, ou d'un simple comportement (par exemple les parties exécutent spontanément le contrat litigieux).


Lorsque les parties se trouvent dans l'impossibilité de produire l'écrit, soit parce qu'il a été perdu, soit parce qu'il n'a jamais existé, la loi (article 1360 nouv. du Code civil) autorise à certaines conditions que la preuve de l'acte puisse être rapportée par tous moyens.

Deux cas peuvent se présenter :
  • Impossibilité matérielle de produire l'écrit, parce que celui-ci a été détruit par un cas de force majeure (ex : incendie, inondation), ou parce que la rédaction de l'acte était matériellement impossible.
    Ex.Contrat de sauvetage en plein naufrage.
    La Cour de cassation a reconnu qu'un individu analphabète pouvait se prévaloir de l'impossibilité matérielle de produire une preuve littérale de son contrat : , Bull. civ. I, n° 25.
  • Impossibilité morale de rédiger un écrit : parce que les parties se trouvaient dans des relations de confiance (prêt d'argent au sein de la famille) ou de subordination (prêt conclu entre un employé et son employeur ; entre un militaire et son supérieur), qui rendaient difficile que l'une des parties exige de l'autre la rédaction instrumentaire.
    Rq.il ne suffit pas devant le juge d'invoquer les liens de famille ou de subordination, pour pouvoir bénéficier du système de preuve libre : il faut encore établir concrètement l'impossibilité morale. Celle-ci sera appréciée souverainement par les juges du fond.

L'article 1361 nouv. du Code civil précise qu' :
Tx.« Il peut être suppléé à l'écrit par l'aveu judiciaire (ou) le serment décisoire. »

Rq.Ces deux modes de preuve, rares en pratique, sont considérés comme équivalents à l'écrit. Ils se suffisent à eux-mêmes, et n'ont pas à être corroborés par une autre preuve.

Selon l'article 1379 nouv. du Code civil,
Tx.« La copie fiable a la même force probante que l'original. »

Il en résulte que s'il s'agit d'une copie fiable d'un acte authentique ou d'un acte sous signature privée, le document aura une force probatoire autonome, et n'aura pas besoin d'être complété par d'autres preuves.

Si au contraire il s'agit de copies d'un acte ne répondant pas aux exigences des modes de preuve parfait, il pourra être nécessaire d'y ajouter d'autres preuves concordantes pour convaincre le juge du bien-fondé de sa prétention.



Certains modes de preuve sont interdits, soit en raison de la nature du fait à prouver, soit parce qu'il faut respecter les principes de liberté de la preuve et du respect du contradictoire.

Il existe quelques faits juridiques pour lesquels il est impossible de produire une preuve préconstituée, mais dont l'importance est telle que le législateur exige néanmoins une preuve parfaite : il s'agit de la naissance et de la mort, qui en principe se prouvent par les actes d'état civil (acte de naissance, acte de décès).


En matière de faits ou d'actes juridiques « dire que la preuve peut se faire par tous moyens ne signifie pas que tous les moyens sont bons, et que la fin les justifie » (A. Bénabent, note sous Cass. civ. 2ème, 26 nov. 1975, D. 1976, jur. p. 371).

Ex.La Cour de cassation a censuré l'arrêt qui avait admis les enregistrements d'une conversation téléphonique comme preuve de l'existence d'un prêt. Selon la 2ème chambre civile, « l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué et conservé à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue » (, Bull. civ. n° 447).

=> Toutes les preuves ne peuvent être produites ; elles devront être rejetées dans les cas suivants :


Les preuves ne peuvent pas être reçues si elles portent atteinte à la vie privée protégée par l'article 9 du Code civil. Ainsi les enregistrements audio ou vidéo, les photos et les correspondances privées ne peuvent être produites sans le consentement de la personne.

Ex.En matière de divorce : Aux termes de l'ancien art. 259-1 du C. civ., « un époux ne peut verser aux débats les lettres échangées entre son conjoint et un tiers qu'il aurait obtenues par violence ou par fraude ». La loi du 26 mai 2004 a étendu cette règle à tous les modes de preuve (art. 259-1 nouveau).
En outre, selon l'art. 259-2 du Code civil : « Les constats dressés à la demande des époux sont écartés des débats s'il y a eu violation de domicile ou atteinte illicite à l'intimité de la vie privée ». Seuls les constats effectués par un huissier sur autorisation du juge sont donc admissibles à titre de preuve.

En savoir plus : La production du journal intime du conjoint lors d'une procédure de divorce

Le débat sur la loyauté de la preuve est particulièrement vif en matière de divorce, puisqu'il y est pratiquement toujours question de prouver des faits qui, par nature, relèvent de la vie privée. Qu'il s'agisse de prouver l'adultère, la violence ou le mépris d'un conjoint, le journal intime tenu par ce dernier apparaît donc comme une preuve de choix, pour qui ne craint pas de commettre une ultime déloyauté entre époux.

La question s'est posée de savoir si l'art. 259-1 du C. civ. était également applicable au journal intime de l'un des époux et, dans l'affirmative, à qui incombait la charge de la preuve de la fraude ou de l'absence de fraude.
La réponse a été donnée dans par lequel la Cour de cassation a censuré la Cour d'appel qui, au nom du respect dû l'intimité de la vie privée, avait écarté des débats le journal intime tenu par l'épouse. La Cour de cassation a censuré cet arrêt, sous le visa des articles 259 et 259-1 du Code civil. Pour la deuxième Chambre civile, la Cour d'appel ne pouvait statuer ainsi sans constater que l'époux s'était procuré ces documents par violence ou par fraude. Cass. civ. 2ème, 29 janvier 1997, D. 1997, 296, note Bénabent ; Dr. fam. 1997, n° 85, note Lécuyer - Dans le même sens, , D. 2000, 557, note Caron ; J.C.. 1999, II, 10201, note Garé ; Dr. fam. 1999, n° 79, note Lécuyer.

Cette solution devient plus lourde de conséquences quand on sait que la jurisprudence considère que la charge de la preuve incombe à celui qui invoque les violences ou la fraude  (Cass. civ. 2ème, 16 février 1983, Bull. civ. II, n° 38) et que le seul fait de l'absence de remise volontaire ne fait pas présumer la fraude (TGI de Versailles 18 déc. 2000, Dr. Fam. 2001, n° 57, note Lécuyer - Cass. civ. 2ème, 6 mai 1999, Dr. Fam. 1999, n° 79, note Lécuyer, où la défenderesse « qui se bornait à alléguer que son mari lui avait subtilisé » le journal intime et où la Cour de cassation valide le fait pour la Cour d'appel d'avoir tiré la preuve de l'adultère de la seule lecture dudit journal).

Cette jurisprudence a soulevé de nombreux commentaires critiques en doctrine, et suscite encore quelques résistances dans les juridictions du fond.

Les photographies et les enregistrements vidéos pris dans un lieu privé sans l'accord de l'intéressé ne peuvent pas être retenus à titre de preuve. Cette jurisprudence est applicable au salarié sur le lieu de travail :

La jurisprudence est abondante en matière sociale, et permet notamment de déclarer irrecevables les enregistrements produits par des caméras cachées sur le lieu de travail :
Ex.« si l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses salariés pendant le temps de travail, tout enregistrement, quels qu'en soient les motifs, d'images ou de paroles à leur insu, constitue un mode de preuve illicite » (, Dr. soc. 1992, p. 31, rapp. P. Waquet).

Les preuves recueillies au mépris du secret médical, bancaire, confessionnel, etc. doivent être rejetées.

Ex.En matière civile, « nul ne peut être contraint à produire en justice des documents relatifs à des faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et touchant à l'intimité de la personne » (, D. 1990, 45, où l'archevêque de Nouméa avait refusé de communiquer au juge civil des pièces extraites d'une procédure ecclésiastique en annulation de mariage).

Rq.NB : Toutes ces preuves sont interdites en matière civile, où elles doivent en principe être écartées par le juge, mais elles sont généralement admises en matière pénale, où la manifestation de la vérité est un objectif absolu et doit primer sur la protection de la vie privée ou autres intérêts particuliers.

Les preuves ne peuvent être reçues par le juge si le principe du contradictoire n'a pas été respecté.

Ce principe déjà évoqué, qui entre dans la catégorie des droits de la défense, implique en effet que :
Tx.« Les parties doivent se faire connaître mutuellement et en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent, et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense. » (article 15 du Code procédure civile).




Sy.Les règles régissant le droit de la preuve sont capitales, car de leur application dépend l'issue d'un grand nombre de litiges.

Il est donc indispensable de connaitre parfaitement ces règles, et de retenir la méthode qui consiste à :
  1. D'abord, identifier l'objet de la preuve : il convient donc d'isoler les faits contestés et pertinents, c'est-à-dire utiles au succès de la prétention ;
  2. Ensuite, déterminer qui en a la charge. Pour cela il faut faire application de l'article 1353 nouv. du Code civil : celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit prouver son existence ; si l'autre partie se prétend libérée, elle doit démontrer le fait qui a causé l'extinction de l'obligation.
  3. Puis se demander s'il s'agit de prouver un fait juridique ou un acte juridique :
  • En principe la preuve est libre, sous réserve de loyauté et de respect du contradictoire.
  • Si c'est un acte juridique d'un montant supérieur à 1 500 € le principe veut que la preuve soit rapportée par un moyen de preuve parfait : acte authentique, acte sous signature privée, aveu judiciaire, serment décisoire, sauf dans les cas suivants : Contrat sur la preuve, matière commerciale, existence d'un commencement de preuve par écrit, impossibilité morale ou matérielle de produire un écrit, écrit perdu par force majeure, existence d'une copie de l'acte. Dans tous ces cas on retombe sur un système de liberté de la preuve.

Dans chaque hypothèse il convient de vérifier que les conditions sont réunies.

Ex. 1 : le commencement de preuve par écrit est en principe un écrit qui doit émaner de celui à qui on l'oppose, et rendre vraisemblable le fait allégué. Il doit impérativement être complété par des preuves complémentaires.

Ex. 2 : s'il s'agit de prouver un acte juridique synallagmatique d'un montant supérieur à 1 500 € l'acte sous signature privée doit être signé, et respecter la formalité du "double".
Fermer