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Lettre recommandée sous forme électronique dite « LRE »

La technique de la lettre recommandée est parfois utilisée en matière contractuelle, notamment dans la perspective d'un contentieux opposant le client au vendeur, prestataire de service, etc., aussi bien du point de vue de la formation du contrat que de son exécution.

Dans ce domaine il convient de mentionner l'apport d'un important décret n° 21001-144 du 2 février 2011, publié au JO, du 4 février 2011, p. 2274 et s, le Conseil d'Etat ayant enjoint le Gouvernement de l'édicter. Le texte, d'application immédiate, précise les modalités d'application de l'article 1369-8 du Code civil issu des dispositions de l'ordonnance du 16 juin 2005, qui autorise l'envoi d'une lettre recommandée en matière de conclusion ou d'exécution du contrat par « courrier électronique ». Il était donc indispensable comme les prévoyaient les dispositions des alinéas 3 et 5 de l'article 1369-8 d'adapter au commerce électronique les règles habituellement applicables aux service postaux et de mettre en œuvre des procédés fiables permettant d'identifier les tiers chargé de l'acheminement du courrier électronique, de déterminer quel est l'expéditeur de la « LRE », de garantir de manière précise l'identité du destinataire de la « LRE », et enfin, d'établir si la lettre sous forme de « LRE » a été remise, ou non, au destinataire désigné initialement par l'expéditeur.

L'avantage essentiel de la lettre recommandée, envoyée par voie électronique, dite « LRE », est d'être moins coûteuse que la forme « papier » traditionnelle. Encore faut-il pour que la lettre recommandée sous forme électronique qu'il n'y ait pas d'équivoque en ce qui concerne aussi bien la date d'expédition), que la date de réception (importance procédurale des délais).

Malgré la rapidité d'exécution dont bénéficie l'expéditeur, les destinataires autres que les « professionnels » peuvent exiger que la lettre lui soit envoyée sous la forme « papier », on relève de manière indirecte une influence indéniable du droit de la consommation. La « LRE3 sera alors imprimée sur papier et mise sous enveloppe par le tiers chargé par l'expéditeur de l'envoi. La distribution de ce courrier sera effectuée par un prestataire de services postaux. Si le destinataire exige le format papier, le document doit donc être remis aux services postaux pour une diffusion effectuée de manière tout à fait traditionnelle et perd dès lors tout caractère novateur.

Le décret précise les caractéristiques et modalités de la lettre recommandée envoyée sous forme électronique. Le texte indique tout spécialement les obligations de l'opérateur (tiers chargé de l'acheminement de la « LRE »).

L'article 1er du décret indique les règles applicables à l'identification du « tiers » chargé de l'acheminement de la lettre recommandée par voie électronique. Ce tiers peut être une personne physique ou morale, qui n'est pas nécessairement un opérateur connu de communications électroniques. Si la technique de la « LRE » est utilisée, le tiers doit renvoyer par courrier électronique une preuve de dépôt de la « LRE » avec toute une série de mentions (numéro d'identification de l'envoi, coordonnées du destinataire, etc.) et indications permettant d'identifier l'envoi et d'assurer sa traçabilité de l'envoi à la réception avec les dates et heures de l'envoi de la « LRE ». Ces informations devront être conservées pendant une durée d'un an à compter de la date de l'envoi et serviront de preuve de la transmission de la « LRE ». Le document original sous forme de « LRE » proprement dite devra également être conservé tout comme son « empreinte » électronique. Lorsque l'expéditeur le requiert, une copier de ces éléments doit lui être transmise.

L'utilisateur de la « LRE » doit avant d'avoir recours au procédé, être totalement informé des caractéristiques de cette technique et connaître l'identité du tiers chargé de l'acheminement du document. Le tiers chargé de l'acheminement doit indiquer à l'utilisateur une adresse électronique et un dispositif permettant à ce dernier de déposer une réclamation.

De nombreuses indications, sous forme de « mentions obligatoires » sont requises par le décret en ce qui concerne la preuve du dépôt et la distribution de la « LRE ». Lorsque le contenu de la « LRE » a été imprimé sur papier, le décret met en place une procédure spécifique lorsque le destinataire est absent afin d'organiser la « mise en instance » du document expédié. Lorsque la distribution est effectuée totalement sous forme électronique, une procédure originale a été imaginée par le décret afin de permettre au destinataire de la « LRE » d'accepter ou, au contraire, de refuser l'envoi pendant un délai de quinze jours. Dès lors, dès que l'expéditeur, au besoin après avoir reçu l'accord préalable du destinataire lorsqu'il s'agit d'un « non professionnel », a demandé la distribution d'une distribution d'un courrier sous forme de « LRE » le tiers doit informer le destinataire par courrier électronique qu'une « LRE » lui sera envoyée et qu'il à compter du lendemain de la réception de cette dernière de l'accepter ou de la refuser pendant quinze jours alors même, et cet élément est essentiel, sans connaître l'identité de l'expéditeur de la « LRE ». Si le destinataire a accepté la « LRE », le tiers l'enverra à l'adresse électronique qui lui avait été préalablement communiquée par l'expéditeur.

En savoir plus : La lettre recommandée électronique

Éric A. CAPRIOLI, « La lettre recommandée électronique, un nouveau décret pour la confiance numérique » in « Communication Commerce électronique », n° 4, Avril 2011, comm. 40.

Enfin, du point de vue de la jurisprudence relative à la preuve du contenu d'une lettre recommandée, on relèvera que la Cour de cassation (Cass. 2e civ., 17 mars 2011, pourvoi n° 10-14850) affirme que la production d'une réplique informatique de l'avis de clôture d'un dossier contenant les mêmes références que la lettre recommandée envoyée avec accusé de réception doit être souverainement appréciée par la Cour d'appel quant à la valeur et la portée des éléments de preuve produits. La production d'une copie d'un document original établi par acte sous seing privé qui doit en être la reproduction fidèle mais aussi durable, selon les dispositions des articles 1334, 1348 et 1356 du Code civil. En l'espèce, rien ne permettait de démontrer que le document avait effectivement été établi à une certaine date et qu'il avait été conservé depuis sa rédaction dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité, comme l'exige l'article 1316-1 du Code civil relatif à l'écrit sous forme électronique. La question de la violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales n'ayant pas été invoquée devant les juges du fond est en revanche écartée par la Cour de cassation.

En savoir plus : Appréciation de la preuve du contenu d'une lettre recommandée

M.T. « Appréciation de la preuve du contenu d'une lettre recommandée », in « Revue Lamy Droit de l'Immatériel », 2011 70, ACTUALITÉS, ACTIVITÉS DE L'IMMATÉRIEL, LES GRANDS SECTEURS DE L'IMMATÉRIEL, NTI ET DROIT DE LA PREUVE.

En matière de recevabilité de copies informatiques en tant que techniques probatoires la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt récent (Cass. 2e civ., 1er juill. 2010, n° 09-14685, SAS Carrefour Hypermarchés c/ CPAM des Vosges) a également rappelé le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond concernant la valeur et la portée des éléments de preuve produits devant elle et en précisant que « [la copie de la lettre recommandée ainsi que l'accusé de réception] constitue[nt] un commencement de preuve émanant de la personne à laquelle elle est opposée et rend vraisemblable le fait allégué, même si l'en-tête et le pied figurant sur la lettre ne sont pas ceux qu'utilisait la caisse à l'époque, et résulte de la réédition de la lettre conservée en informatique [...] ». Il ne s'agit donc pas d'un moyen de preuve stricto sensu, mais d'un simple adminicule conformément aux dispositions de l'article 1347 du Code civil.

En savoir plus : Recevabilité des copies informatiques en preuve

Éric A. CAPRIOLI, « Recevabilité des copies informatiques en preuve » in « Communication Commerce électronique », n° 10, Octobre 2010, comm. 105.

Si l'article 1316-1 du Code civil, impose l'admission de la preuve littérale sous forme électronique à condition que l'auteur de l'acte sous seing privé puisse être identifié et que « l'écrit sous forme électronique » soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité, la Cour de Cassation a très récemment rappelé (Cass. 2e civ., 23 sept. 2010, n° 09-68367) qu'il est impératif que les juges du fond recherchent si les copies des notifications envoyées aux parties et stockées dans la base de données respectent les exigences légales des articles 1334 et 1348 du Code civil. Ainsi, lorsqu'une partie n'a pas conservé l'original d'un document, la preuve de l'existence de celui-ci peut certes être rapportée par la présentation d'une copie mais à la condition sine qua non que la copie soit la reproduction non seulement fidèle mais durable de l'original de l'acte sous seing privé.

En savoir plus

Éric A. CAPRIOLI, « Preuve et copies numériques » in « Communication Commerce électronique », n° 12, Décembre 2010, comm. 131.

On soulignera enfin que la Cour de cassation manifeste une grande rigueur en ce qui concerne les conditions de recevabilité des documents établis sous forme électronique comme en témoigne Cass. 1re civ., 30 sept. 2010, (n° de pourvoi 09-68.555, Michelet c/ Frachebois) soulignant ferment « qu'une cour d'appel qui ne vérifie pas, comme elle y était tenue conformément à l'article 287 du Code de procédure civile, si les conditions mises par les articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil à la validité de l'écrit ou de la signature électroniques étaient satisfaites alors que le prétendu auteur du document déniait être l'auteur des messages produits par la partie adverse, a violé les dispositions susvisées ».

En savoir plus : Écrit électronique

Éric A. CAPRIOLI, « Vérification d'écriture et courrier électronique » in Communication Commerce électronique n° 12, Décembre 2010, comm. 129 ; Akodah AYEWOUADAN, « Contrôle de la validité de l'écrit électronique : l'office du juge », Cass. 1re civ., 30 sept. 2010, RLDI 2010/65, n° 2151, Revue Lamy Droit de l'Immatériel, 2011 69, ACTUALITÉS, CRÉATIONS IMMATÉRIELLES, ÉCLAIRAGE.

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