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La problématique des sites d'enchères en ligne ou « e-enchères » (L. Costes, in RLDI, mai 2009, p. 31)

Selon les dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 321-3 du Code de commerce, le courtage aux enchères vise les opérations réalisées à distance par voie électronique se caractérisant par l'absence d'adjudication et d'intervention dans la conclusion de la vente d'un bien entre les parties. Les opérations de courtage en ligne de biens culturels réalisées à distance par voie électronique sont soumises aux articles L. 321-1 à L. 321-17 du Code de commerce, à l'exception des articles L. 311-7 et L. 321-16.

La qualification de certaines situations juridiques est complexe (Note M. T. sur CA, 9e ch., sect. B., 8 avr. 2008, in RLDI, mai 2009, p.63 et s.).

La question du statut de sites d'enchères en ligne, comme la société « eBay », a donné lieu à une longue série de contentieux. Très récemment la Cour de cassation a donné un éclairage important sur la qualification juridique des sites Internet de cette nature (Cour de cassation, chambre commerciale, 3 mai 2012, n° de pourvoi : 11-10.508). Plusieurs sociétés produisant des parfums et cosmétiques de luxe, prétendaient que la société « eBay » avait participé à la violation de l'interdiction de revente en dehors des réseaux de distribution sélective qu'elles avaient mis en place et avaient engagé en justice la responsabilité de cette dernière et demandé des mesures d'interdiction. La Cour de cassation considère en substance qu'« eBay »n'est pas un simple « hébergeur » mais que ses activités s'apparentent selon les faits relevés par les juges du fond à celles d'une forme de « courtage » puisque la société précitée perçoit des commissions. En revanche la Cour de cassation, au visa de l'article L 442-6-1, 6° du Code de commerce considère que les ventes accomplies par de simples particuliers grâce à l'entremise des sites Internet ne constituent pas une violation de revente hors réseau de distribution sélective, dès lors la responsabilité d' « eBay » ne pourra pas être retenue sur ce fondement, mais on notera, a contrario, que la responsabilité civile de droit commun pourra être mise en œuvre.

Attention

La question des sites d'enchères en est un exemple révélateur. Plus de 13 millions d'utilisateurs et 88 sites d'enchères avaient été recensés en 2008 dont 6 seulement bénéficient de l'agrément du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (CVV).

Faute de transparence suffisante l'internaute qui participe aux enchères en ligne ne sait pas toujours clairement si l'organisateur est un professionnel ou un particulier. Pour les objets courants, le courtage aux enchères en lignes est assimilable à une sorte de « journal électronique de petites annonces » et n'est pas soumis en principe au régime des ventes aux enchères publiques soumise à agrément en l'absence d'intervention d'un tiers agissant en qualité de mandataire véritable.

Exemple

A titre d'exemple de litige on citera le cas du site « encherexpert.com » a été considéré comme site de vente aux enchères publiques, et la société « Encherexpert » a été condamnée du chef « d'organisation de vente volontaire de meubles aux enchères publiques par une société non agréée su le fondement des dispositions de l'article L. 321-15-1°du Code de commerce » par la Cour d'appel de Paris, 9e ch., sect. B., le 8 avr. 2008.

En ce qui concerne la technique des ventes aux enchères sur « « eBay » », le Tribunal de Grande Instance de Paris a décidé dans un jugement récent du 25 mai 2010 (TGI Paris, 5e ch., 1re sect., 25 mai 2010, Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques c/ eBay Europe et a. : www.legalis.net) que : « les ventes aux enchères passées sur le site eBay ne constituent pas des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques soumises aux articles L. 321-1 et suivants du Code de commerce en l'absence de mandat et d'adjudication au mieux-disant ». En effet, il n'y a pas d'adjudication obligatoire au mieux-disant sur eBay, la qualification de ventes aux enchères était donc exclue. Quant à la qualification de l'opération conclue « en ligne » on soulignera qu'il ne s'agit pas non plus de « courtage aux enchères » réalisé à distance par voie électronique, portant sur des biens culturels.

En savoir plus : Les ventes aux enchères sur eBay

Anne DEBET, « Les ventes aux enchères sur eBay ne sont pas des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques », in « Communication Commerce électronique », n° 9, Septembre 2010, comm. 86.

Le site de courtage en ligne « eBay » est également périodiquement l'objet de contentieux à l'occasion desquels la question fondamentale est celle de la qualification de sa situation juridique. La Cour de cassation a considéré dans un arrêt du 5 mai 2009, qu'en sa qualité d'hébergeur, la société « eBay Europe », « avait pu légitimement procéder à la suspension sans préavis des comptes ouverts par l'exposante sur le site www.ebay.fr prises en application de l'article 9 des conditions générales de vente qui dispose qu'une telle mesure peut être prise, notamment, dans les cas de violation des conditions générales de vente ».

Un livre blanc sur les enchères sur Internet a été remis le 23 avril 2009 au gouvernement par le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (CVV) établissant un bilan de la situation actuelle, et formulant des propositions pour « développer les enchères électroniques tout en protégeant les consommateurs ». Les risques de fraude sont en effet nombreux (fausses enchères stimulés par des prête-noms, vente de faux, de meubles volés, de biens contrefaits, etc.). La mise en place d'une charte de qualité applicable à l'ensemble des opérateurs est la proposition majeure du livre blanc.

Certaines techniques originales se sont récemment développées en ligne comme celles des enchères inversées (J. Huet, N. Genty, A. Dumont-Ticot, « Les enchères électroniques inverses », in CCE, mai 200-, n° 5, chron., p. 22).

Attention

La pratique des enchères inversées est la technique par laquelle une entreprise intéressée par une marchandise ou un service mettra en concurrence plusieurs personnes, qui à partir d'un prix initial fixé par elles au plus haut, vont devoir surenchérir pour proposer le prix le plus bas et emporter le marché.

Afin d'encadrer et de moraliser la pratique, la direction générale « Entreprises » de la Commission européenne, (« B2B Commerce électronique interentreprises : opportunité et obstacles pour les PME - première évaluation », SEC (11 novembre 2002) 1217.) la Commission européenne, (Communication du 14 juillet 2004 « Renforcer la confiance dans les marchés électroniques interentreprises ») et la DGCCRF (DGCCRF, avis n° 04-08, du 15 décembre 2004, relatif à la conformité au droit des pratiques d'enchères électroniques inversées) avaient formulé plusieurs observations et recommandations.

L'article 51 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005, en faveur des PME, (JORF n° 179 du 3 août 2005 p.12639) les a prises en compte et introduites dans l'article 442-10 du Code de commerce. Cet article précise les modalités et conditions devant être respectées sous peine de nullité du contrat issu des enchères, notamment des obligations d'information devant être assumées par l'entreprise aux enchérisseurs avant leur « concours » sur les caractéristiques du produit ou du service recherché, et après le concours sur l'identité du « gagnant », une obligation de conservation pendant un an de l'enregistrement de l'enchère afin de détecter fraudes et ententes. La cessation des pratiques discriminatoires peut être réclamée en justice et des amendes civiles peuvent être prononcées par référence aux dispositions de l'article L. 442-6 III du Code de commerce. Les enchères inversées sont interdites dans certains secteurs sensibles : fixation des salaires (article L. 1221-4 du Code du travail), produits agricoles figurant sur une liste établie par décret, produits alimentaires issus de la première transformation, etc.

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