Respecter et intégrer les aspects légaux liés à la protection et à l'accessibilité des données professionnelles

1. Contenu du secret professionnel

Le secret professionnel de l'avocat est général et absolu. Il peut paraître curieux dans ces conditions de tenter de le délimiter. Le législateur a admis des dérogations à ce principe essentiel de la profession en l'obligeant ou lui permettant de révéler certaines informations.

a) Délimitation du secret professionnel

Le principe est que le secret de l'avocat est général et absolu. Il est conçu comme un devoir de la fonction.

- Les personnes tenues au secret : l'avocat doit aussi faire respecter le secret par les membres du personnel de son cabinet et par toute personne qui coopère avec lui dans son activité professionnelle (il peut s'agir par exemple des agents de recherche privés –détectives privés-). Il répond des violations du secret qui seraient ainsi commises.

Lorsque l'avocat exerce en groupe ou participe à une structure de mise en commun de moyens, le secret s'étend à tous les avocats qui exercent avec lui et à ceux avec lesquels il met en commun des moyens d'exercice de la profession.

Afin de permettre aux avocats et aux cabinets d'avocats de respecter cette obligation de secret professionnel, parfois compliquée à mettre en œuvre, la CNIL[1] a mis en ligne sur son site internet, mardi 8 novembre 2011, un guide pratique à destination des avocats pour les aider à protéger leurs données informatiques.

Il propose des fiches pratiques, concernant « les fichiers relatifs aux clients », « l'accès au dossier professionnel », « le contrôle de l'activité des membres du cabinet », « le contrôle de l'accès aux locaux », « les avocats et Internet », « le transfert des données à caractère personnel en dehors de l'Union européenne », « le rôle de l'avocat en cas de contrôle sur place » et « le rôle de l'avocat en cas de procédure de sanction », etc.

En savoir plus

Guide CNIL « Les avocats et la loi Informatique et Libertés », édition 2011 :

Source : Site internet de la CNIL - Les guides [Date de consultation : 21/03/2013]

Mais le secret ne s'impose qu'à l'avocat et pas à son client ; la confidentialité des correspondances échangées entre l'avocat et son client ne s'impose qu'au premier et non au second qui, n'étant pas tenu au secret professionnel, peut les rendre publiques[2].

- Les éléments couverts par le secret : l'avocat doit garder confidentiel le contenu de ses discussions, de ses courriers avec ses clients ainsi que les informations dont il a eu connaissance au cours de ses échanges avec l'avocat de la partie adverse.

Le Règlement Intérieur National de la profession d'avocat (RIN) note que :

Le secret couvre toutes les confidences que l'avocat a pu recevoir dans le domaine du conseil ou de la défense devant les juridictions et ce quels qu'en soient les supports, matériels ou immatériels (papier, télécopie, voie électronique) ; il peut s'agir :

  • des consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci ;

  • des correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères, à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention officielle ;

  • des notes d'entretien et plus généralement toutes les pièces du dossier, toutes les informations et confidences reçues par l'avocat dans l'exercice de la profession ;

  • du nom des clients et de l'agenda de l'avocat ;

  • des règlements pécuniaires et des maniements de fonds effectués en application de l'article 27 alinéa 2 de la loi du 31 décembre 1971 ;

  • des informations demandées par les commissaires aux comptes ou tous tiers, (informations qui ne peuvent être communiquées par l'avocat qu'à son client).

Mais le secret ne couvre que les rapports entre l'avocat et son client. Il ne se confond pas avec l'obligation de confidentialité qui concerne la correspondance entre les avocats. Définie à l'article 3 du RIN[3], la confidentialité concerne tous les échanges entre les avocats, verbaux ou écrits quel qu'en soit le support (papier, télécopie, voie électronique).

Ainsi, les correspondances entre avocats ne peuvent pas être produites en justice, ni faire l'objet d'une levée de confidentialité.

A titre exceptionnel, ne sont pas couvertes par le secret professionnel :

  • les correspondances équivalentes à un acte de procédure ;

  • les correspondances ne faisant référence à aucun écrit, propos ou éléments antérieurs confidentiels, portant la mention « officielle ».

Dans ses relations avec les avocats de l'Union européenne, l'avocat doit clairement exprimer le caractère confidentiel de ses communications avec son confrère européen avant l'envoi de la première de ces communications. Si le futur destinataire des communications n'est pas en mesure de leur donner un caractère confidentiel, il doit en informer l'expéditeur sans délai.

Dans ses relations avec un avocat inscrit à un barreau hors l'Union Européenne, l'avocat doit, avant d'échanger des informations confidentielles, s'assurer de l'existence, dans le pays concerné, de règles permettant d'assurer la confidentialité de la correspondance. Dans la négative, il doit conclure un accord de confidentialité ou demander à son client s'il accepte le risque d'un échange d'informations non confidentielles.

b) Les limites au secret professionnel de l'avocat : les obligations de révéler

- La première limite au secret professionnel de l'avocat est prévue expressément à l'article 4 du Décret du 12 juillet 2005[4] et à l'article 2 du RIN[3] : l'avocat ne viole pas son secret professionnel « lorsqu'il effectue une divulgation pour les strictes exigences de sa propre défense devant toute juridiction ». En raison du principe de l'égalité des armes, il est logique que l'avocat attrait dans une affaire puisse se défendre en révélant des éléments couverts par le secret professionnel. C'est une situation assez fréquente lorsque l'avocat est assigné en responsabilité civile par un client ; afin de se défendre, il est en droit de présenter des correspondances échangées avec son client.

- La seconde limite au secret professionnel tient à la lutte contre le terrorisme et en particulier contre le blanchiment de capitaux. L'Union Européenne a pris des directives visant à couper les financements du terrorisme et à prévenir l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux. La 3ème directive anti-blanchiment n° 2005/60/CE du 26 octobre 2005 a été transposée en droit interne par l'ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009[5].

Cette ordonnance impose aux avocats ayant un soupçon quant à l'origine des fonds de leurs clients ou futurs clients de les dénoncer auprès de TRACFIN[6], l'autorité en charge du Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins.

Reconnaissant légitime la lutte contre la criminalité et le terrorisme, la profession d'avocat considère néanmoins que les directives européennes anti-blanchiment, en soumettant l'avocat à une obligation de dénonciation, menacent les droits fondamentaux des citoyens, l'indépendance de l'avocat, le secret professionnel et la confidentialité des échanges entre l'avocat et son client.

En savoir plus

Article : « TRACFIN : aucune déclaration de soupçon par les avocats en 2010 ».

Publié le 11/09/2011 sur le blog « Le Cercle du Barreau »

[Date de consultation : 21/03/2013]

Aussi, la profession d'avocat a-t-elle saisi plusieurs juridictions pour dénoncer l'application des dispositifs anti-blanchiment aux avocats.

La Cour de justice de l'Union Européenne (CURIA[7]) dans sa décision du 26 juin 2007 (aff. C-305/05) et le Conseil d'Etat dans sa décision du 10 avril 2008 ont délimité strictement le champ d'application des obligations déclaratives et de vigilance imposées aux avocats ainsi que leurs relations avec les cellules de renseignement financier.

L'ordonnance n°2009-104 du 30 janvier 2009[5] et son décret d'application n°2009-874 du 16 juillet 2009[8] ont pris en compte ces jurisprudences et introduit dans le Code monétaire et financier (CMF) une obligation de déclaration de soupçon des avocats (art. L561-2 CMF), mais l'ont exclue lorsque l'activité se rattache à une procédure juridictionnelle ou que les informations recueillies le sont à l'occasion d'une consultation juridique, sauf si le client ne souhaite obtenir des conseils juridiques aux fins de blanchiment de capitaux (art. L561-3 II CMF).

La déclaration de soupçon ne s'applique donc pas en cas de procédure juridictionnelle, ce que l'on comprend aisément, car les informations recueillies par l'avocat sont nécessaires pour l'exercice des droits de la défense. Ces informations ne pourraient pas être portées à la connaissance de l'avocat si celui-ci était un informateur des services de police ou de justice et il n'y aurait alors pas de défenseur.

Le champ de la déclaration de soupçon est étendu à la fraude fiscale et aux infractions passibles d'une peine de prison supérieure à un an ou qui pourraient participer au financement des activités terroristes (art. L561-15 CMF).

- Troisième limite au secret professionnel de l'avocat : en matière fiscale, l'avocat peut être tenu de communiquer certains renseignements ou documents en vertu de l'article L. 98 du Code général des impôts :

L'administration peut demander aux intéressés tous renseignements susceptibles de justifier l'exactitude des chiffres déclarés et, notamment, tous éléments permettant d'apprécier l'importance de la clientèle.

  1. CNIL : Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés

  2. Date04/04/2006
    JuridictionCour de Cassation, Chambre civile 1
    Pourvoi04-20735
    TypeNationale
    Résumé

    N'est pas couverte par le secret professionnel une lettre adressée à un avocat par son client dès lors que c'est ce dernier qui l'a rendue publique, lui ôtant ainsi son caractère confidentiel.

    Précédents jurisprudentiels : Sur l'absence de caractère confidentiel des informations données et rendues publiques par le client de l'avocat, dans le même sens que : Chambre commerciale, 2001-06-06, Bulletin 2001, IV, n° 110, p. 101 (rejet) ; Chambre civile 1, 2003-12-16, Bulletin 2003, I, n° 257 (1), p. 204 (cassation partielle sans renvoi).

    Décision attaquée : Cour d'appel de Metz , du 28 septembre 2004

    Mots clésAVOCAT - Secret professionnel - Exclusion - Cas
    PublicationBulletin 2006 I N° 189 p. 166
    Textes Appliqués

    Loi 71-1130 1971-12-31 art. 66-5

    Consultez le texte
  3. RIN : Règlement intérieur national de la profession d'avocat

  4. Descriptif simple

    Décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat.

    Type de texteDécret
    Date12/07/2005
    Référence2005-790
    Consultez le texte
  5. Descriptif simple

    Ordonnance n°2009-104 du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l'utilisation

    du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme

    Type de texteOrdonnance
    Date30/01/2009
    Référence2009-104
    Consultez le texte
  6. TRACFIN : Cellule française de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

  7. CURIA : Cour de Justice de l'Union Européenne

  8. Descriptif simple

    Décret n° 2009-874 du 16 juillet 2009 pris pour application de l'article L. 561-15-II du code monétaire et financier

    Type de texteLoi
    Date16/07/2009
    Référence2009-874
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