2. La violation du secret professionnel de l'avocat
Le secret professionnel de l'avocat étant une obligation légale, sa violation est punie par la loi, car il s'agit d'une infraction pénale, étant également une obligation déontologique, sa violation peut être sanctionnée sur le plan disciplinaire.
a) Une infraction pénale
La violation du secret professionnel par l'avocat est une infraction pénale : l'article 226-13 du Code pénal est applicable à l'avocat dont la révélation d'une information liée à l'affaire d'un client est punie d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende.
- Il y a violation du secret professionnel lorsque l'information est recueillie à titre professionnel et présente un caractère secret. Mais au delà de ces éléments préalables, l'élément matériel est constitué par le simple fait de révéler l'information, peu importe le moyen matériel par lequel l'information a été révélée : conversation, attestation, lettre, photocopie de pièces...
L'infraction est constituée quels que soient le nombre, la qualité des personnes ayant accès à l'information couverte par le secret. Ainsi l'information révélée à une seule personne suffit à révéler l'infraction (Cass. crim. 16 mai 2000, Bull. crim., no 192 ; D. 2002, somm. 858, obs. Blanchard[1]).
La révélation punissable ne suppose pas une divulgation. Le délit est constitué lorsque la violation du secret bénéficie à une seule et unique personne. La seule réserve est qu'il s'agisse d'un tiers par rapport à la relation professionnelle et non pas de l'intéressé lui-même.
- La violation du secret professionnel est un délit intentionnel, ce qui signifie que l'élément moral est constitué dès lors que l'auteur de l'infraction a violé le secret professionnel en connaissance de cause, mais peu importe qu'il ait eu l'intention de nuire ou la volonté de porter atteinte aux intérêts d'autrui.
Dans une affaire récente, une conversation téléphonique entre un avocat et son client avait été enregistrée à leur insu par le maître d'hôtel du client afin d'apporter des éléments de preuve dans une procédure. La chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que la violation du secret professionnel ne pouvait entacher de nullité la procédure car « les enregistrements contestés ne sont pas en eux-mêmes des actes ou des pièces de l'information, au sens de l'article 170 du code de procédure pénale, et comme tels, susceptibles d'être annulés, mais des moyens de preuve qui peuvent être discutés contradictoirement » (Crim. 31 janvier 2012). Au nom du respect du contradictoire, la chambre criminelle admet ainsi que des éléments de preuve soient rapportés en violation du secret professionnel. Une telle jurisprudence a été vivement critiquée par les avocats (E. Daoud, P.P. Boudon-Marnion, La chambre criminelle valide la violation du secret professionnel de l'avocat, A.J. Pén. 2012, p. 224).
b) Une violation aux obligations déontologiques
Le règlement intérieur du barreau de Paris envisage les poursuites disciplinaires contre l'avocat qui viole ses obligations déontologiques parmi lesquelles figure la violation du secret professionnel.
Les peines disciplinaires que le conseil de l'Ordre des avocats peut infliger sont prévues par le Décret n° 2005-531 du 24 mai 2005 modifiant le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat et relatif à la discipline[2] :
l'avertissement ;
le blâme ;
l'interdiction temporaire, qui ne peut excéder trois années ;
la radiation du tableau des avocats ou le retrait de l'honorariat (modifié en séance du conseil du 26 février 2008, Bulletin du Barreau du 04/03/2008 n°9/2008).
La suspension provisoire peut également être prononcée lorsque l'urgence ou la protection du public l'exigent, à la demande du procureur général ou du bâtonnier, lorsque l'avocat fait l'objet d'une poursuite pénale ou disciplinaire. Cette mesure ne peut excéder une durée de quatre mois, renouvelable.
La suspension provisoire d'exercer prévue par l'article 24 de la loi ne constitue pas une peine disciplinaire mais une mesure de sûreté instituée pour la protection des tiers.
Exemple :
Décision du Conseil de Discipline de l'Ordre des Avocats de Paris - Séance du 18 octobre 2011
Formation de jugement n°1 n°188139.
La formation de jugement n°1 a connu le dossier d'un confrère qui avait publié sur son blog des décisions de justice dans lesquelles figurait le nom de ses clients. Il a, par ailleurs, tenu des propos injurieux envers les membres et les anciens membres du conseil de l'ordre.
L'avocat soutenait que la citation était nulle car le Bâtonnier l'avait signée. Or, le conseil de discipline rappelle que la formation disciplinaire du Conseil de l'Ordre est indépendante du Bâtonnier, qui est autorité de poursuite et qui ne peut siéger dans ladite formation. Les juges disciplinaires concluent qu'en tout état de cause, un avocat ne saurait se constituer une immunité au prétexte qu'il a mis, par avance, en cause l'autorité de poursuite qui est fondée à le renvoyer devant le Conseil de Discipline.
Le conseil décide, pour les décisions mise en ligne, qu'il n'était pas établi que la publication des décisions constituerait une violation du secret professionnel régie par l'article 2.2 du RIN[3], étant toutefois rappelé à l'avocat qu'il doit préciser systématiquement à la suite des décisions publiées sur son site si elles sont ou non définitives.
Concernant la phrase mettant en cause un certain nombre de membres et anciens membres du conseil, sans les nommer, ne permettant pas aux personnes visées de faire valoir ses droits et notamment d'agir en justice à l'encontre de cette déclaration : constitue un manquement aux principes essentiels de la Profession et notamment aux principes de loyauté et de délicatesse. En conséquence de quoi un blâme sera prononcé.
Décision du Conseil de Discipline de l'Ordre des Avocats de Paris - Séance du 19 octobre 2010
Formation de jugement n°4 n°194565.
La formation de jugement n°4 a connu le dossier d'un confrère à qui il est reproché des manquements aux principes essentiels ainsi que la violation du secret professionnel. En effet, ce dernier a révélé des informations et communiqué des pièces de dossiers à une tierce personne, et cela, dans le but de faire pression sur la partie adverse à qui, il a adressé des courriers contenant des termes de menaces.
Le conseil a ainsi estimé que cet avocat s'est rendu coupable de violation du secret professionnel et de manquement aux principes essentiels et a prononcé une interdiction temporaire d'exercice d'une durée de un mois ferme et de cinq mois avec sursis.