Prouver quelque chose, au sens commun du terme, c'est établir et faire reconnaître que cette chose est vraie, réelle, certaine. Dans cette mesure le droit ne se distingue pas des autres domaines, qu'ils soient historique ou scientifique. La démarche intellectuelle est en effet la même lorsqu'il s'agit d'établir la véracité d'un fait. Mais il y a au moins deux particularités fondamentales de la preuve juridique, par rapport aux autres domaines :
- La preuve juridique est judiciaire : quelle que soit la matière, la preuve juridique est destinée à convaincre le juge, et même si on envisage la preuve en dehors de tout procès (par exemple un individu prouve sa filiation pour pouvoir bénéficier d'un héritage), c'est toujours en fonction de ce que déciderait le juge si un litige naissait.
-
La preuve juridique est règlementée : le fait que la preuve s'apprécie essentiellement dans le cadre d'un procès civil ou pénal a pour conséquence que son administration ne se fait pas en toute liberté, mais selon des règles plus ou moins contraignantes, dictés par des objectifs autres que la simple recherche de la vérité. Il s'agira ainsi de préserver une certaine sécurité juridique (prescription extinctive) ou judiciaire (respect de l'autorité de la chose jugée par de précédentes décisions), et de s'assurer que le litige sera bien tranché, pour éviter les dénis de justice. On voit ici que la recherche de la vérité n'est pas l'unique objectif de la preuve juridique => Cette spécificité se concrétise dans les règles d'admissibilité des modes de preuve.
Le Code civil réglemente principalement cinq modes de preuves : la preuve littérale, la preuve testimoniale, la preuve par indices et présomptions, l'aveu et le serment.
Tous les modes de preuves relatent un évènement antérieur, mais ils peuvent être répartis en deux grandes catégories :
-
Df.Les preuves pré-constituées, ou preuves a priori sont établies avant que les difficultés n'apparaissent, en prévision de leur survenance.Il s'agit la plupart du temps de documents écrits, rédigés pour faire la preuve d'un fait juridique (ex : procès-verbal d'un agent de police relatant un accident.) ... ou d'un acte juridique (ex : acte rédigé par les parties pour constater un contrat de bail qu'elles ont conclu).
Rq.Le vocable "acte" peut viser tantôt l'opération juridique intervenue (ici, le bail), que l'on appelle le negotium, tantôt le document écrit qui relate cette opération, et qui servira de preuve (ici, le contrat de vente), qu'on appelle l'acte instrumentaire, ou instrumentum.
L'instrumentum fait preuve du negotium mais, en principe, il n'est pas une condition de validité du negotium. -
Df.Les preuves a posteriori sont des preuves que les parties réunissent en vue du procès, après la survenance du litige.Il s'agit des témoignages, présomptions, indices, aveux et serments.
Après avoir présenté les différents modes de preuve (Section 1) nous étudierons leur admissibilité (Section 2).
Section 1. Les différents modes de preuves
Le droit privé français est dominé par un système de preuve légale (voir supra, leçon n° 8). En effet, le droit réglemente précisément l'admissibilité des modes de preuve des actes juridiques, en déterminant la force probante des différents modes de preuve admis, et en établissant une hiérarchie entre eux.
§1. Les preuves écrites
On peut diviser ces modes de preuve entre les preuves écrites parfaites, et les autres écrits. Les preuves écrites parfaites ont été spécialement constituées avant la survenance du litige, selon des règles précisément énoncées par la loi.
Elles servent pour prouver l'existence et le contenu des actes juridiques.
Il y a deux modes de preuves écrites parfaites : l'acte authentique et l'acte sous signature privée. Un traitement particulier devra être accordé aux écrits passés sous la forme électronique, dont l'apparition a provoqué une profonde réforme du droit de la preuve.
A. Les preuves écrites parfaites
Il existe deux modes de preuves écrites parfaites : l'acte authentique et l'acte sous signatures privées.
1. L'acte authentique
Trois conditions doivent être réunies pour qu'un écrit soit qualifié d'acte authentique :
- L'écrit doit être dressé par un officier public, c'est-à-dire principalement les notaires, ainsi que les officiers d'état civil, les huissiers de justice et, à l'étranger, les consuls.
- L'officier public doit être compétent. On distingue la compétence d'attribution et la compétence territoriale, qui sont toutes deux fixées par la loi. Ainsi les notaires ont une compétence d'attribution générale pour établir les actes et conventions qui intéressent les particuliers, et leur compétence territoriale est nationale. En revanche, les officiers d'état civil (les maires, ou leurs adjoints, sur délégation) ont une compétence limitée à la rédaction d'actes d'état civil dans le ressort de leur commune.
- Plusieurs formalités doivent être respectées. Ainsi, l'acte doit être écrit en langue française, sans que soient laissés d'interligne vacant ni de blanc ; il doit être daté et signé par le notaire et par les parties.
2. L'acte sous signature privée
La rédaction des actes sous seing-privé est plus libre que celle des actes authentiques. Ils peuvent être écrits en n'importe quelle langue, et sur n'importe quel support.
Les conditions de validité de ces instrumentum sont variables en fonction du negotium qu'ils constatent.
a) La condition commune à tous les actes : la signature des parties
Selon l'article 1367 nouv. du Code civil, la signature « identifie son auteur » et « manifeste son consentement aux obligations qui découlent de l'acte ».
La signature des parties est toujours exigée. C'est la seule condition qui s'impose à tous les actes sous signature privée. La signature est une marque distincte et personnelle et, en principe, manuscrite, permettant d'identifier son auteur (la simple croix ou les empreintes digitales sont normalement exclues).
b) La condition spécifique aux actes synallagmatiques : la formalité du « double »
Les actes sous signatures privée constatant des conventions synallagmatiques (c'est-à-dire des conventions mettant des obligations à la charge de chacune des parties) doivent en outre être rédigés en autant d'exemplaires qu'il existe de parties (art. 1375 nouv. du Code civil).
Ainsi chaque partie aura un exemplaire en sa possession et, en cas de conflit, pourra prouver l'existence du contrat et le contenu de ses obligations. Pour limiter la possibilité de fraude, chaque exemplaire doit mentionner le nombre d'originaux qui ont été rédigés.
EXCEPTION : Cette formalité dite du « double » peut être écartée si le seul original existant a été déposé entre les mains d'un tiers chargé de la tenir à la disposition de tous, ou s'il a été rédigé sous la forme électronique, à laquelle chaque partie aura librement accès.
Cette formalité du double a en effet pour objet d'assurer aux parties une situation égale face à l'administration de la preuve. L'idée est que chacun puisse produire l'original de l'acte en cas de litige.
c) La condition spécifique aux actes constatant une promesse unilatérale de verser une somme d'argent ou une chose fongible : la mention en chiffres et en lettres
Dans les actes constatant une promesse unilatérale de payer, un seul exemplaire suffit puisque, par définition, une seule personne s'oblige Il s'agira par exemple d'une reconnaissance de dette ou d'un engagement de caution. La formalité du double n'est donc pas requise.
L'article 1376 nouv. du Code civil exige toutefois que l'acte soit non seulement signé de la part de celui qui s'oblige, mais qu'il contienne en outre la mention du montant, en chiffres et en lettres de la somme à payer, ou de la quantité à livrer (suppression en 1980 de la mention « lu et approuvé », ou « bon pour »).
Cette formalité a pour but de s'assurer que la personne a bien pris conscience de la portée de son engagement. Elle sera notamment requise dans les reconnaissances de dette, ou dans les engagements de caution (une personne s'engageant à payer la dette d'autrui si celui-ci n'y satisfait pas).
3. Les modes de preuve électroniques
Les progrès techniques ont rendu nécessaire une réforme du droit de la preuve, qui était depuis l'origine organisé autour de l'écrit rédigé sur un support en papier. Cette réforme devait permettre de sécuriser la conclusion des "télé-contrats" conclus à distance, via internet (par la voie du courriel, ou par l'intermédiaire d'un site commercial) ou grâce au télé-paiement (au moyen d'une carte de paiement du type Carte Bleue).
a) Conditions de validité de l'acte électronique
Les conditions sont posées par l'article 1375 nouv. du Code civil. L'acte électronique est considéré comme fiable dès lors que sont garanties :
- l'identité du signataire (certifiée par un code secret - certains organismes sont en mesure de délivrer un numéro d'identification réputé inviolable - et/ou par l'adresse IP de l'ordinateur)
- l'intégrité du document (pas de modification depuis la signature. Cette intégrité est assurée par la procédure du "double-clic", qui interdit toute modification après le deuxième clic).
L'article 1369, al. 2 nouv. du Code civil précise que l'acte authentique peut également être dressé sur support électronique.
En savoir plus
Concrètement, chacune des parties se rendra chez son notaire respectif, et les deux notaires se mettront en contact à distance au moyen d'un réseau intranet sécurisé et d'un logiciel adapté qui leur permettra de travailler ensemble et simultanément sur l'acte à régulariser. Chacun recueillera la signature électronique de son propre client. Les actes authentiques ainsi dressés seront conservés dans un minutier central électronique des notaires de France.
b) L'adaptation des règles traditionnelles
Les règles du droit commun de la preuve ont été adaptées aux spécificités de l'écrit électronique :
- L'article 1376 nouv. du Code civil, qui exigeait autrefois que le montant de l'obligation soit écrit par une "mention manuscrite" requiert désormais que le débiteur écrive la mention "par lui-même", l'objectif étant uniquement de s'assurer par tout moyens que celui qui s'engage est bien l'auteur de la mention. Une mention dactylographiée du montant de l'engagement est donc valable, si son origine est établie.Ex.La Cour de cassation a considéré que la reconnaissance de dette revêtue de la signature manuscrite du débiteur pouvait constituer un mode de preuve parfait même si l'ensemble de l'acte - y compris la somme en chiffres et en lettres - était rédigé par le biais d'un logiciel de traitement de texte, dès lors que son auteur était identifié comme étant le débiteur de l'engagement : , Bull. civ. I, n° 73.
- L'exigence d'une pluralité d'originaux requise pour les actes synallagmatiques (formalité du double, art. 1375 nouv. du C. civ.) « est réputée satisfaite lorsque (...) le procédé permet à chaque partie de disposer d'un exemplaire ou d'y avoir accès ». Ainsi la formalité sera considérée comme remplie si les parties peuvent consulter et imprimer l'original à partir d'un site internet.
4. La force probante des écrits préconstitués
La loi donne aux écrits pré-constitués une force probante différente selon les cas.
Il en résulte que l'acte authentique et l'acte sous signature privées fournis à titre de preuve ne s'imposeront pas au juge et aux parties avec la même force.
a) Force probante des écrits valablement constitués
Les actes authentiques sont dotés d'une force probante particulière, que l'on définit en disant qu'ils font foi « jusqu'à inscription de faux ». Cela signifie que, pour contester l'exactitude ou la date de l'acte, on doit s'inscrire en faux contre l'acte. La procédure d'inscription de faux est compliquée et risquée, et expose le demandeur en cas d'échec au paiement d'une amende civile.
En dehors de cette procédure, le juge est obligé de tenir pour vraies les énonciations de l'acte authentique.
Ainsi la déclaration du notaire, rédacteur d'un testament, sur l'état mental du disposant, peut être contestée sans qu'il soit nécessaire de recourir à l'inscription de faux car cette appréciation n'est pas de la compétence de l'officier ministériel : Paris, 17 septembre 1996, Dr. fam. 1997, n° 170, note Beignier (2ème espèce).
- Les copies d'actes authentiques, appelées grosses (parce qu'elles étaient soumises à une droit du notaire proportionnelle à la longueur du document, et étaient donc écrites en gros caractères), rédigées par le notaire et conservées par lui, ont en principe la même force probante que les originaux d'actes authentiques.
- L'acte sous signature privée n'a pas la même force probante que les actes authentiques : il ne fait foi que jusqu'à preuve contraire. Mais on ne peut le contester que par un autre acte sous signature privée ou par un acte authentique (art. 1359, al. 2 nouv. du C. civ.).
- Les écrits électroniques ont, en vertu de l'article 1366 nouv. du Code civil (issu de la loi précitée du 13 mars 2000) la même force probante que les actes équivalents (actes authentiques / actes sous signature privée) écrits sur support papier.
En savoir plus
En ce qui concerne la date de l'acte sous signature privée, elle fait foi entre les parties jusqu'à la preuve du contraire, avec les mêmes réserves que celles qui ont été évoquées à propos de la preuve du contenu de l'acte.
A l'égard des tiers, on peut redouter que les parties ne soient de connivence pour antidater l'acte (par exemple un propriétaire signe un contrat de bail antidaté avec un complice, pour anéantir un contrat de bail qu'il vient de passer avec un locataire indésirable). Pour éviter une telle hypothèse de fraude, l'article 1377 nouv. du Code civil décide que la date de l'acte sous signature privée n'est opposable aux tiers que si la date est "certaine", c'est-à-dire que l'acte a été passé dans l'une des circonstances suivantes :
- l'acte a été dûment enregistré (p. ex. à l'administration fiscale) ;
- l'un des signataires (ou les deux) est mort ; l'acte prend alors la date du décès ;
- la substance de l'acte est relatée dans un acte dressé par un officier public (p. ex. dans une assignation en référé, ou dans un exploit d'huissier).
b) Non respect des conditions de validité de l'instrumentum
Qu'il s'agisse d'acte authentique ou d'acte sous seing-privé, le non-respect des différentes conditions de validité des modes de preuve entraîne en principe la nullité de l'acte, en tant qu'instrumentum , c'est-à-dire qu'il ne pourra plus être qualifié d'acte authentique, ou d'acte sous signature privée, et ne pourra pas à lui seul faire la preuve du negotium.
EXCEPTIONS :
- S'agissant des actes authentiques, l'article 1370 nouv. du Code civil admet que l'acte nul en raison de l'incompétence de l'officier, ou par un défaut de forme, peut éventuellement valoir comme un acte sous signature privée (s'il en remplit les conditions).
- Les actes authentiques et les actes sous signature privée nuls peuvent, sous certaines conditions, servir comme commencement de preuve par écrit.
B. Les preuves écrites imparfaites
De nombreux documents écrits sont susceptibles de servir de preuve même s'ils ne revêtent pas les caractères nécessaires pour être qualifiés d'actes sous signatures privées ou d'acte authentique.
1. Les copies
L'évolution des technologies a profondément modifié la notion d'écrit, grâce à de nombreux procédés permettant des copies matérialisées (fac-similé, microfilm, carbone, photocopie) ou dématérialisés (copie numérique).
Le droit positif a dû lui aussi évoluer :
- Les copies ont longtemps été dépourvues de force probante, sauf si elles étaient revêtues d'une signature originale, ou si il était possible d'en vérifier la conformité à l'original (par ex. si l'original avait été conservé par la partie adverse). Cette règle stricte s'appliquait y compris lorsque les copies étaient "certifiées conformes" par une autorité publique :Ex.« Les copies d'actes sous signature privée, même certifiées conformes, n'ont par elles-mêmes aucune valeur juridique, et ne peuvent suppléer au défaut de production de l'original dont l'existence est niée » (, Bull. civ. I, n° 160).
- Depuis la loi du 12 juillet 1980, on accorde aux copies une force probante autonome. Cette réforme est intervenue à la suite de l'évolution des techniques, et notamment de la pratique des banques qui, pour des raison pratiques, conservaient les copies des chèques sur des microfilms, en détruisant l'original.
- L'ordonnance du 10 février 2016 considère en principe que la copie a la même force probante que l'original.
La loi pose comme condition que la copie soit une reproduction "fiable" de l'original. La question est donc de savoir comment apprécier ladite fiabilité ? L'art. 1379 nouv. du Code civil donne 3 directives :
- La « copie exécutoire authentique » d'un écrit authentique (établie par l'officier public, p. ex. le notaire) est « réputée » fiable, c'est-à-dire qu'il existe une présomption irréfragable de fiabilité.
- La « copie résultant d'une reproduction à l'identique de la forme et du contenu de l'acte » et « dont l'intégrité est garantie dans le temps » est présumée fiable, mais seulement jusqu'à la preuve contraire (présomption simple). Il s'agit des copies numériques conservées dans des conditions permettant de garantir l'identité de l'auteur et l'intégrité du document. Les différents procédés garantissant la copie (horodatage, cachet électronique ou signature électronique qualifiés) sont décrits dans un décret du 5 décembre 2016.
- Pour les autres copies, la fiabilité est en général laissée à la libre appréciation du juge.
2. Le commencement de preuve par écrit
La loi pose donc trois conditions :
- Il faut, en principe, un écrit. N'importe quel type d'écrit peut faire l'affaire : un courrier, un talon de chèques, un document comptable, la mention d'un écrit authentique ou sous signature privée dans un registre d'état civil...
EXCEPTION : L'alinéa 2 de l'article 1362 du Code civil admet que, par exception à cette exigence, de simples déclarations faites par une partie lors d'une comparution personnelle, ou même son refus de répondre ou de comparaître, peuvent être considérés comme un "écrit" au sens de la loi.
-
L'écrit doit émaner de celui à qui on l'oppose, c'est-à-dire que ce qu'il démontre doit être défavorable à celui qui l'a rédigé.Ex.Un chèque peut faire preuve contre celui qui l'a signé, pas contre celui qui est désigné comme bénéficiaire.
La 1ère chambre civile de la Cour de cassation a ainsi considéré que le relevé informatique émanant de la société de téléphonie ne peut pas constituer un commencement de preuve par écrit de la créance litigieuse à l'égard de celui qui conteste avoir souscrit un abonnement (, Bull. civ. I n° 238). - Enfin, l'écrit doit rendre vraisemblable le fait allégué. Ceci est une question de fait qui est soumise à l'appréciation souveraine des juges du fond.
3. Les autres écrits
Dans un système de preuve libre, certains écrits peuvent être invoqués comme preuve alors même qu'ils n'ont pas été établis à des fins probatoires.
Tous les écrits sont concernés, qu'ils soient signés ou non signés, et notamment :
- les lettres missives (courrier, courriel), qui peuvent être produites par le destinataire si l'expéditeur ne s'y oppose pas. Elles peuvent selon les cas tenir lieu d'aveu extrajudiciaire (si elles contiennent une reconnaissance du droit qui est contesté par son auteur) ou de commencement de preuve par écrit (si elles répondent aux conditions de l'article 1362 du C. civ.), ou, à défaut, de simple indice ;
- les registres ou papiers domestiques : notes personnelles et livres de comptes tenus par les particuliers ;
- les livres de commerce tenus par les commerçants, etc.
§2 : Les preuves non écrites
Plusieurs types de preuve non écrites peuvent être invoquées devant les juges. Il s'agit de l'aveu, du serment, du témoignages et des présomptions.
A. L'aveu (art. 1383 s. nouv. du Code civil)
Il existe deux types d'aveu :
-
L'aveu judiciaire est celui qui est fait au cours de l'instance, devant le juge. L'aveu judiciaire s'impose au juge.
- L'aveu judiciaire est indivisible : il doit être pris dans sa globalité, et l'on ne peut pas en retrancher une partie selon l'intérêt des personnes en présence.
- L'aveu judiciaire est irrévocable : son auteur ne peut revenir sur ses déclarations en prétendant qu'il s'est trompé sur les conséquences juridiques de son aveu.
- L'aveu extra-judiciaire est celui fait en dehors du tribunal (dans une lettre, devant un témoin), ou en justice, mais lors d'une autre instance. Il n'a pas davantage de force probante qu'un simple témoignage.
B. Le serment (art. 1384 s. nouv. du Code civil)
En principe, une telle affirmation est suspecte, mais il en va autrement lorsqu'elle intervient dans une forme solennelle. Le serment est un mode de preuve peu usité, qui a une origine religieuse. Aujourd'hui, on ne jure plus devant Dieu, mais l'idée persiste que le faux serment est une faute grave, qui est sanctionnée non seulement sur le plan moral, mais également par des condamnations pénales.
Il existe deux sortes de serments :
- Le serment décisoire est celui qui est déféré par un plaideur à son adversaire, sur un fait dont dépend l'issue du litige.
L'hypothèse est la suivante : un des plaideurs, à cours d'argument, offre de renoncer à sa prétention si l'autre partie affirme sous serment que les faits sur lesquels elle se fonde personnellement sont vrais. Cette offre porte le nom de délation de serment.
- Si celui à qui le serment a été déféré accepte et jure, il gagne le procès (la seule sanction possible serait alors d'engager une procédure pénale pour faux serment - art. 434-17 du Code pénal).
- Mais il peut également refuser de jurer, et référer le serment à celui qui le lui avait déféré, en lui offrant d'abandonner sa propre prétention si l'adversaire affirme que la sienne est fondée.
- Si le premier jure, il gagne le procès.
- S'il refuse, on considère que c'est un aveu tacite, et il perd.
- Le serment déféré d'office est le serment qui est déféré non pas par une partie, mais par le juge, qui ne s'estime pas convaincu par les preuves qui ont déjà été produites, et qui demande à l'une des parties d'affirmer sous serment que ce qu'il dit est vrai.
Avant la réforme du 10 février 2016 on l'appelait serment supplétoire.
Il ne peut intervenir qu'en cas de nécessité (si la demande n'est pas déjà pleinement fondée) et s'il existe déjà des commencements de preuve qui rendent la demande vraisemblable. Il ne peut pas être déféré pour suppléer l'absence de preuve de la partie demanderesse.
Ce serment ne lie pas le juge, qui lui accordera la foi qu'il estime appropriée, en fonction des circonstances de l'espèce, et notamment des autres preuves fournies par les parties.
Seul le serment décisoire constitue un mode de preuve parfait.
C. La preuve par témoins (art. 1381 nouv. du Code civil)
Le témoignage est la déclaration par laquelle une personne atteste la véracité de faits dont elle a eu personnellement connaissance.
La preuve testimoniale se distingue donc de la preuve dite par commune renommée, les gens témoignent de ce qu'ils ont su par ouï-dire ou par la rumeur publique.
La preuve par commune renommée est une preuve particulièrement peu sûre, et elle n'est admise qu'à titre exceptionnel :
En revanche, on admet le témoignage indirect, par lequel le déclarant rapporte le récit qu'une personne déterminée a fait en sa présence.
Le témoignage est le plus courant des modes de preuves libres, notamment en matière de divorce, ou dans les procès en responsabilité, lorsqu'il s'agit de reconstituer un accident.
La loi prévoit que certaines personnes ne sont pas admises à témoigner dans certains litiges, lorsque leur impartialité est sujette à caution, ou que l'on veut leur éviter de prendre partie.
Si le témoignage oral reste le principe, ce n'est plus le mode le plus courant, et c'est la plupart du temps par voie d'attestation écrite que le témoignage s'exprimera lors de l'audience.
En savoir plus
Les attestations écrites sont demandées par le juge, ou spontanément produites par les parties. Elles relatent les fait auxquels son auteur a assisté, ou qu'il a pu constater personnellement. Elles doivent contenir certaines indications, précisées par l'article 202 du Code de procédure civile :
- Les noms, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur.
- S'il y a lieu : son lien de parenté, d'alliance ou de subordination avec les parties.
- Elle doit indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice, et que son auteur a connaissance du fait qu'il s'expose à des sanctions pénales s'il rédige une fausse attestation.
- L'attestation doit être écrite, signée et datée de la main de son auteur.
- Une pièce d'identité portant la signature de l'auteur (original ou photocopie) doit être annexée à l'attestation.
D. Les présomptions
Les présomptions sont des moyens offerts aux plaideurs pour leur faciliter l'administration de la preuve : le juge va déduire d'un fait connu et vérifié un fait inconnu et plus difficilement vérifiable.
Il existe deux sortes de présomptions :
- Les présomptions légales sont celles qui sont expressément prévues par la loi. Nous les avons déjà étudiées (voir supra, Leçon n° 8, Section I, § 3, A).
- Les présomptions judiciaires, étaient autrefois appelées « présomptions du fait de l'homme ». On fait rentrer dans cette catégorie toutes sortes d'indices qui laissent supposer la réalité du fait constituant l'objet principal de la preuve : il peut s'agir de comportements, de photos, de traces relevées ou de l'avis d'un expert...