Rq.RAPPEL :
Le droit français du contrat, du régime général et de la preuve des obligations a fait l'objet d'une importante réforme avec l'
.
Dans cette leçon les articles du Code civil qui portent la mention "nouv." (ex. art. 1353 nouv. du C. civ.) font référence aux articles postérieurs à la réforme, tels qu'ils figurent dans les codes d'une édition postérieure à 2016.
Rappel : Les droits subjectifs sont les prérogatives que le droit objectif reconnait et sanctionne au profit des personnes physiques et morales.
On peut classer les droits subjectifs en fonction de leur objet ou en fonction de leur source.
La première distinction en ce qui concerne les droits subjectifs s'attache à
l'objet sur lequel porte le droit, et oppose les droits patrimoniaux (§1) aux droits extra-patrimoniaux (§2).
Df.Les droits patrimoniaux sont les droits subjectifs qui sont susceptibles d’une évaluation pécuniaire, et qui entrent à ce titre dans le patrimoine de l’individu.
Cette valeur pécuniaire confère aux droits patrimoniaux plusieurs caractéristiques :
- la cessibilité (entre vifs) : on peut les vendre, les échanger, les donner ;
- la transmissibilité (pour cause de mort) : ils passeront dans l'héritage du défunt ;
- la prescriptibilité : on peut les perdre si on ne les utilise pas pendant un certain temps (prescription extinctive) ou les acquérir par un usage prolongé (prescription acquisitive) ;
- la saisissabilité : le créancier du titulaire peut les faire vendre et se payer sur leur prix.
Avant de s'intéresser aux trois catégories de droits patrimoniaux (droits réels, droits personnels et droits intellectuels) il faut au préalable étudier la notion de patrimoine.
La notion de patrimoine est une notion relativement abstraite mais très importante en droit français. Elle est marquée par un principe d'unité qui supporte de plus en plus d'exceptions.
Df.En vocabulaire courant, le patrimoine, est un ensemble de choses - des immeubles surtout, mais également des meubles - qui nous appartiennent, que l’on tient parfois de sa famille, et qui constituent plus ou moins notre richesse.
En droit, le patrimoine est l'ensemble des droits et des obligations patrimoniaux présents et à venir détenus par une même personne.
Le patrimoine comprend aussi bien un actif (incluant les droits que l'on a sur les choses et sur les gens) et un passif (les dettes du titulaire).
Le passif peut être plus important que l’actif sans que le patrimoine disparaisse. Le patrimoine est en fait une enveloppe, dans laquelle se trouvent (ou ne se trouvent pas) tous les droits et les dettes présents et à venir qui peuvent faire l’objet d’une évaluation monétaire.Le patrimoine est susceptible de désigner tantôt le contenant (indépendamment de son contenu), tantôt le contenu lui-même.
En droit français, l’existence du patrimoine est étroitement liée à l’existence de la personnalité juridique. Ainsi est-il admis que :
-
Toute personne a un patrimoine (même s’il est vide, ou criblé de dettes) ;
-
Seule une personne peut avoir un patrimoine (ni les choses ni les groupements dépourvus de personnalité morale ne peuvent avoir de patrimoine) ;
- Le patrimoine dure aussi longtemps que dure la personnalité juridique (de la naissance à la mort). Une personne ne peut donc de son vivant céder l'intégralité de son patrimoine, ce qui équivaudrait à céder sa personnalité juridique.
- Chaque personne n’a qu’un patrimoine. Il n'est en principe pas possible de compartimenter, de cloisonner le patrimoine.
On exprime cette dernière idée par le principe d’unité du patrimoine. La personnalité juridique est une, le patrimoine qui y est attaché est donc un.
En vertu du principe d'unité du patrimoine, chaque élément de l’actif répond de tous les éléments du passif : on exprime cette idée en disant que le patrimoine est une universalité juridique, c’est-à-dire un ensemble de droits et d’obligations soumis à un régime juridique global.
Ex.Si un commerçant tombe en faillite, ses créanciers pourront venir saisir tous ses biens professionnels (son stock, son mobilier, son droit au bail), mais également ses biens personnels (sa maison, sa voiture, sa télévision).
On est donc responsable de ses dettes sur l’ensemble de son patrimoine présent et futur.
Tx.Art. 2284 du C. civ. : «
Quiconque s'est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers présents et à venir. »
La théorie française d'unité du patrimoine, issue des recherches d’Aubry et Rau au XIXème siècle, a toutefois été influencée par la théorie allemande, dite du patrimoine d’affectation, qui autorise à affecter quelques biens au paiement de ses dettes.
Deux possibilités existent pour remédier aux inconvénients de l'unité du patrimoine :
- La première possibilité est de créer une personne morale, c.a.d. une société, qui aura un patrimoine distinct. Dans ces conditions, seul l’actif de la société répondra des dettes de cette société (cela peut être intéressant en cas de faillite, ou d'accident engageant la responsabilité professionnelle du commerçant). Depuis 1985 l'entrepreneur individuel peut ainsi créer une EURL (Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée). La théorie de l'unité du patrimoine n'est pas vraiment entamée ici, puisqu'à deux personnes (physique et morale) correspondent 2 patrimoines.
- Depuis 2010, il est possible de créer une EIRL (Entrepreneur individuel à responsabilité limitée) sans création d'une personne morale distincte. Une même personne physique peut désormais avoir deux patrimoines : un patrimoine propre et un patrimoine professionnel. Ce dispositif rompt clairement avec la théorie d'unité du patrimoine, et constitue une belle application de la théorie du patrimoine d'affectation.
Le patrimoine comprend des droits réels (II), des droits personnels (III) et des droits intellectuels (IV).
Df.Les droits réels sont les droits que l’on a sur une chose corporelle susceptible d'appropriation (res, réi : la chose).
Cette définition appelle quelques précisions sur quelques distinctions.
On a tendance à considérer que la chose dont on parle en droit est forcément corporelle, c'est-à-dire qu'elle a une existence vérifiable, tangible (une table, un chien, un arbre, une maison). Mais il est possible d'inclure dans cette catégorie les choses incorporelles, sans existence palpable (une part de société, un savoir-faire, un logiciel, une chanson). Dans l'hypothèse des choses incorporelles, c'est davantage au droit portant sur la chose, qu'à la chose elle-même, que l'on va s'intéresser (on parlera de droit intellectuel, cf infra).
Rq.Souvent les choses incorporelles peuvent avoir un support physique. Ainsi, l'œuvre littéraire pourra-t-elle être imprimée dans un livre, une chanson sera gravée sur un compact-disc, un film sur un DVD. Mais la propriété du support (le livre, le CD, le DVD) n'emporte aucun droit intellectuel sur l'œuvre elle-même.
Le droit s'intéresse surtout aux choses appropriées, ce qui est le cas le plus fréquent : la plupart des choses font l’objet d’un droit de propriété, le propriétaire pouvant être un particulier, une société, une association, une collectivité publique...
Cependant, il existe des choses non appropriées :
Df.
- On appelle res communis les choses communes, qui appartiennent à tout le monde, et ne peuvent pas faire l’objet d’une appropriation privative : l’air, l’eau de la mer et des eaux courantes (ruisseaux et torrents).
Ex.L'
art. 714 du C. civ. parle des «
choses qui n'appartiennent à personne et dont l'usage est commun à tous ».
Df.
- On appelle res nullius : les choses sans maîtres, qui ne sont pas appropriées, mais sont néanmoins susceptibles d'appropriation : le gibier, les poissons d'un torrent.
- On appelle res derelictae les choses abandonnées par leur ancien propriétaire : un trésor, un chien abandonné.
En savoir plus : La distinction entre les choses et les biens
La distinction entre les choses et les biens n'est pas toujours facile à appréhender, et on finit souvent par les confondre.
Df.On peut définir les biens comme l'ensemble des choses et des droits susceptibles d'appropriation.
On voit avec cette définition que la catégorie des biens
est à la fois plus large et plus étroite que celle des choses :
-
plus large, parce que les biens comprennent des choses, mais également des droits. On a vu en effet que, s'agissant des choses incorporelles, c'est davantage le droit sur ces choses qui est pris en compte. En conséquence, la catégorie des biens comprend à la fois des choses corporelles et des droits sur des choses incorporelles (ou droits intellectuels).
-
plus étroite, parce que toutes les choses ne sont pas des biens : en effet, les biens sont par définition susceptibles d'appropriation. Or, comme on l'a vu, certaines choses ne peuvent pas faire l'objet d'un droit de propriété : les choses communes, mais également les éléments du corps humain (les organes) ou encore le cadavre humain, sortent du champ des biens.
Les droits réels portent donc nécessairement sur des choses corporelles susceptibles d'appropriation.
Les droits réels peuvent être classés de différentes façons. La summa divisio dépend de la nature mobilière ou immobilière de la chose sur laquelle porte le droit ; mais on peut également classer les droits réels en droits principaux et droits accessoires.
La distinction entre les meubles et les immeubles est une distinction fondamentale du droit français, héritée du droit romain.
Cette distinction s’applique à tous les biens, c’est-à-dire non seulement aux choses mais également aux droits.
Lorsque l’on parle de choses, le critère essentiel qui permet de distinguer un meuble d’un immeuble est un critère physique reposant sur la nature de la chose (pour les droits personnels, c’est la valeur économique qui importera). A la marge, le critère tiré de la destination de la chose pourra être pris en compte :
Df.
-
Les choses mobilières sont celles qui peuvent se transporter d’un lieu à un autre, qu’elles se meuvent seules (animaux) ou non (meubles meublants...) - Art. 528 du C. civ..
Ex.Les matériaux utilisés pour une maison sont des meubles, jusqu’à ce qu’ils soient incorporés dans la construction (
art. 532 du C. civ.).
Df.
-
Les choses immobilières par nature sont celles qui ne peuvent pas être déplacées, ou qui sont immobiles par nature : elles sont énumérées aux articles 518 et s. du C. civ..
Ex.Les bâtiments, les fonds de terre, les récoltes sur pied et les arbres plantés (attention ces deux derniers deviennent meubles une fois qu’ils sont coupés).
Df.
-
Les choses immobilières par destination sont des choses mobilières par nature, mais la loi les répute immeubles car elles ont été placées par le propriétaire pour le service et l’exploitation d’un fonds.
Ex.Le chien de garde, le matériel agricole ou industriel (
art. 524 du C. civ.).
La catégorie des immeubles par destination désigne aussi les objets que leur propriétaire a attachés « à perpétuelle demeure » : les tableaux, les boiseries, les fresques, dès lors qu’elles ont été fabriquées pour être intégrées dans l’immeuble, ou qu’ils ont été scellées dans celui-ci, de sorte qu'on ne saurait les retirer sans que l'immeuble n'en garde la trace.
De même une statuette posée sur une table est un meuble ; la même statuette posée dans une niche spécialement préparée dans le mur pour la recevoir est un immeuble par destination.
- Lorsque l’on parle de droits, ceux-ci seront qualifiés de meubles ou d'immeubles en fonction de la nature de la chose à laquelle ils s’appliquent.
Ex.Un droit de propriété sur une maison est un droit réel immobilier ; sur une voiture, c’est un droit réel mobilier.
- Tous les droits ne peuvent pas revêtir les deux qualifications. Certains droits réels sont nécessairement immobiliers : par exemple l'hypothèque, qui est une sûreté permettant au créancier impayé de faire vendre l'immeuble sur lequel elle s'applique, est un droit réel immobilier par nature.
- Certains droits sont mobiliers par détermination de la loi : il s'agit de droits portant sur des choses incorporelles que la loi répute mobilières, comme les parts et actions de société, ou les droits sur un office ministériel (charge d'huissier, de notaire, cabinet d'avocats aux Conseils...)
Rq.On peut voir à travers les différents exemples que la distinction entre les meubles et les immeubles ne s'applique pas de façon définitive, et certains biens peuvent changer de qualification dans leur cycle de vie. Ainsi des grains de blé que l'on plante et que l'on finit par récolter auront alternativement revêtu la qualification de meubles puis d'immeubles, avant de redevenir meubles.
Les intérêts de la distinction entre meubles et immeubles sont multiples car le régime des meubles est très différent de celui des immeubles.
Ex.La vente d’immeuble doit faire l’objet d’une publication, la vente de meuble non ; l’immeuble est susceptible d’hypothèque, le meuble peut pour sa part être affecté d'un gage ; les contestations sur un immeuble doivent être portées devant le lieu de situation de cet immeuble, pour les meubles le litige doit être porté devant le tribunal du défendeur ; les règles de possession sont différentes selon que le bien est meuble ou immeuble, etc...
En savoir plus : Choses de genre et corps certains
Cette distinction recoupe en partie - mais pas complètement - la distinction entre meubles et immeubles. Elle repose sur le critère de la
fongibilité (qui désigne l'état d'équivalence entre biens de même espèce).
-
Les choses de genre - ou choses fongibles - sont celles qui se comptent, se pèsent, se mesurent. Elles sont envisagées dans leur genre ou dans leur espèce et non dans leur identité. Elles peuvent être remplacées par d’autres choses semblables (même qualité). Elles sont fongibles, c'est-à-dire interchangeables.
Ex.Ex : Un kilo de blé ; deux hectolitres de vin ; 20 euros ; 3 poires.
-
Ex.
Ce sont toujours des meubles (ce qui ne signifie pas que tous les meubles soient fongibles).
-
Les corps certains - ou choses non fongibles - sont celles qui sont envisagées dans leur individualité. Ex : Telle maison, tel tableau de maître.
Intérêt de la distinction :
- La vente d’un corps certain opère transfert de propriété dès l’accord de consentement sur l'identité de la chose et sur son prix.
- Pour la vente de choses fongibles, déterminées seulement en qualité et en quantité, le transfert de propriété est différé et se réalise seulement lors de l’individualisation de la chose vendue (par la délivrance, ou par la marque apposée par le vendeur sur les marchandises).
Qu'ils soient meubles ou immeubles, les droits réels se classent en droits réels principaux et droits réels accessoires. Cette division est ancienne, et repose sur la structure et sur les attributs des droits. En effet les droits réels instituent un rapport direct entre une personne, qui est sujet actif du droit, et une chose, qui est objet du droit. Du point de vue du titulaire, le droit réel se définit comme un pouvoir immédiat sur la chose (ce que suggère la formule latine jus in re, qui désigne le droit sur la chose). Mais l'étendue de ce pouvoir peut varier selon les types de droits réels.
Les droits réels principaux donnent à leurs titulaires le pouvoir de tirer de la chose tout ou partie de son utilité économique. On en distingue deux catégories :
1- Parmi les droits réels principaux, le droit de propriété est le plus important : c’est le droit le plus complet qu’une personne puisse exercer sur une chose.
Il présente trois aspects :
- le fructus, ou droit de percevoir les fruits de la chose ;
Df.En droit, les fruits sont tout ce que peuvent rapporter les biens, sans que leur substance en soit affectée (contrairement aux produits, qui sont consubstantiels au bien).
Ex.Sont des fruits les récoltes, mais également les loyers d'un bien immobilier, ou les intérêts d'une dette. Les arbres d'une futaie non exploitée en coupe réglée sont des produits.
- l’abusus, ou droit de disposer de la chose.
Ex.On peut disposer d'une chose en la détruisant, en cédant les droits qu’on a sur elle (vente, donation), ou en la grevant de droits réels (par exemple en l'affectant d'une hypothèque).
2- Les démembrements du droit de propriété (ou droit réels que l’on a sur la chose d’autrui) confèrent à leur titulaire une partie seulement des prérogatives attachées au droit de propriété.
Ex.L'usufruit : l’usufruitier a sur la chose l’usus et le fructus, c'est-à-dire qu'il peut utiliser la chose et en percevoir les fruits (mais pas les produits). L’abusus reste au nu-propriétaire : l'usufruitier ne peut pas détruire ou vendre la chose.
Sont donc considérés comme des droits réels principaux le droit de propriété et les démembrements de ce droit de propriété.
On les appelle ainsi parce qu’ils sont l’accessoire d’une créance, dont ils garantissent l'exécution. Le créancier, qui souhaite se garantir contre l’insolvabilité de son débiteur, peut obtenir une sûreté qui lui permettra, en cas de non-paiement, de faire vendre la chose et de se payer sur son prix.
- Le gage est une sûreté inscrite sur un bien meuble ;
-
L’hypothèque est une sûreté inscrite sur un bien immeuble.
Mais le droit réel accessoire ne permet généralement pas à son titulaire d'utiliser la chose.
Les droits réels peuvent donc être classés en fonction de la nature mobilière ou immobilière de la chose à laquelle ils s'appliquent, mais également en fonction des pouvoirs qu'ils confèrent à leur titulaire.
Df.Le droit personnel - ou obligation - est le droit qu’a une personne, appelée créancier, d’exiger une certaine prestation d’une autre personne, appelée débiteur.
C'est donc une relation juridique entre deux personnes (contra : le droit réel, qui relie une personne et un bien).
Rq.Souvent le droit personnel est relatif à un bien, mais ce n'est pas pour autant qu'il donne au créancier un droit réel sur ce bien.
Ex.Le locataire peut exiger du bailleur qu'il lui assure la jouissance paisible des lieux loués. Il ne pourra pas prendre directement possession des lieux.
Le droit personnel comporte trois éléments :
Ce droit, appelé droit de créance quand on l’envisage du côté du créancier, est appelé dette, ou obligation, quand on se place du côté du débiteur.
Les obligations se divisent en trois grandes catégories, selon la prestation promise par le débiteur :
-
L’obligation de donner : le débiteur s’engage à transmettre la propriété d’un bien lui appartenant.
Ex.Le vendeur, le donateur, celui qui cède une créance...
-
L’obligation de faire : le débiteur s’engage à accomplir une certaine prestation.
Ex.Le débiteur qui s'engage à peindre un tableau, à dessiner les plans d’une maison, à livrer une marchandise, à soigner un patient…
-
L’obligation de ne pas faire : le débiteur s’interdit de faire quelque chose.
Ex.Le vendeur d’un fonds de commerce s’engage à ne pas ouvrir dans la même ville un établissement concurrent.
Le droit personnel, comme le droit réel, est soumis à la classification entre les meubles et les immeubles. L'article 529 du Code civil décide que sont de nature mobilière les obligations portant sur une somme d'argent, ou sur une chose mobilière.
Ex.Le droit du vendeur est toujours mobilier (car sa créance porte sur une somme d'argent). Le droit d'un acheteur sera mobilier ou immobilier, selon la nature mobilière ou immobilière de la chose vendue.
Trois différences importantes existent entre le droit réel et le droit personnel :
-
Le droit réel est absolu : il peut être opposé par son titulaire à toutes les autres personnes (on parle d'opposabilité erga omnes). Il en résulte que, par exemple, les voisins du nouvel acquéreur d'une maison doivent respecter ce droit de propriété, même si ce ne sont pas eux qui ont vendu la maison.
Au contraire, le droit personnel est relatif, c'est-à-dire qu'il ne peut être opposé qu'au débiteur de l'obligation, et nul ne peut en principe être contraint d'exécuter l'obligation à sa place.
-
Le droit réel emporte droit de suite : le titulaire d'un droit réel peut suivre la chose en quelques mains qu'elle passe. Ainsi l'usufruitier peut réclamer la chose, pour l'utiliser et en percevoir les fruits, même si elle a changé de propriétaire.
Au contraire le droit personnel n'emporte pas de droit de suite : la personne à qui l'on a promis de louer une maison ne pourra pas exiger du nouveau propriétaire qu'il respecte la promesse de l'ancien.
La catégorie des droits intellectuels est apparue récemment.
Df.Elle désigne les droits dont l'objet est immatériel et procède généralement d'une activité de l'esprit dérivant d'une connaissance du monde (propriété industrielle), ou du pouvoir de le décrire (propriété littéraire) ou de le sublimer (propriété artistique).
Ex.Brevet déposé par un inventeur sur son invention ; droit d'un auteur sur son œuvre ; droit d'un commerçant sur sa clientèle.
Les droits intellectuels sont soumis à un régime qui peut schématiquement être rapproché de celui des droits réels. On parlera d'ailleurs à leur sujet de "propriété" (industrielle, littéraire et artistique) ou plus justement de "monopole d'exploitation".
Sy.Qu'ils portent sur un bien meuble ou immeuble (droits réels ou intellectuels), ou qu'ils relient entre elles deux personnes (droits personnels), les droits patrimoniaux ont en commun de pouvoir faire l'objet d'une évaluation pécuniaire et représentent un élément de richesse pour leur titulaire.
On étudiera la notion (A) avant de se pencher sur la catégorie particulière des droits de la personnalité (B).
Df.Comme leur nom l’indique, les droits extrapatrimoniaux sont ceux qui n'entrent pas dans le patrimoine de la personne, car ils ne peuvent pas faire l’objet d’une évaluation pécuniaire.
Ils relèvent d'un autre ordre de valeur : ils concernent davantage les intérêts moraux de la personne, dans son mode de vie, ses sentiments intimes, sa vie intellectuelle, son corps.
On y trouve :
-
Les droits politiques : droit de vote, éligibilité.
- Les libertés publiques ou libertés fondamentales proclamées dans les grandes déclarations et généralement protégées par la Constitution : liberté d’opinion, liberté d’expression, droit à la vie, à l’honneur, à la nationalité ...
- Les droits de famille : ex : autorité parentale ; protection du nom patronymique.
- Les droits de la personnalité sont la projection directe de la personnalité juridique sur le plan extra-patrimonial : droit à l’inviolabilité du corps ; droit au respect de la vie privé, droit à l'honneur, droit à l’image, droit moral d’auteur ...
Les droits extrapatrimoniaux sont étroitement attachés à la personne, et bénéficient à ce titre d’un régime particulier :
EXCEPTIONS : prescription du droit d’agir en justice ; prescription acquisitive par l'usage prolongé d’un nom patronymique, prescription des actions en filiation...
EXCEPTIONS : don d’organes, de sang, cession à une personne morale du droit d’utiliser son patronyme pour une utilisation commerciale (v. Affaire Bordas).
Ces contrats sont soumis à des conditions particulières, plus ou moins strictes.
-
Intransmissibilité : En principe, on n’hérite pas des droits extrapatrimoniaux de ses parents.
Rq.Les héritiers peuvent agir pour contester la publication de l'image d'une personne décédée, ou sur des révélations concernant une personne décédée, dès lors que l'image ou les révélations portent atteinte à leur propre vie privée.
Ex.Les ayants droit de François Mitterrand ont obtenu la condamnation du magazine qui avait publié la photographie de l'ancien Président de la République sur son lit de mort :
. Mais cela ne contredit pas le principe d'intransmissibilité car la jurisprudence considère que les héritiers agissent
en vertu d'un droit propre (c.a.d. sans exercer le droit transmis par le défunt) et défendent finalement leur propre vie privée et familiale (
).
Df.Les droits de la personnalité sont l’ensemble des droits extrapatrimoniaux que la loi reconnaît à tout être humain dès lors qu’il est doté de la personnalité juridique, pour la protection de ses intérêts primordiaux dans ses rapports avec autrui.
Ces droits civils sont en quelque sorte innés, et se distinguent donc des autres droits subjectifs, qui sont acquis, comme le droit de propriété.
Ces droits se distinguent également des droits de l’homme et libertés publiques en ce qu’ils n’ont pas pour objet la protection de l’individu contre l’arbitraire de la Puissance Publique, mais contre les autres membres de la société. Ils visent donc des rapports de droit privé.
Les lois se sont multipliées à compter de 1970, mais la détermination et le régime des droits de la personnalité sont principalement le fruit du travail jurisprudentiel.
Les droits de la personnalité peuvent être répartis en deux groupes : ceux qui visent à protéger l’intégrité physique de l’individu, et ceux qui assurent la protection de son intégrité morale.
Le corps humain est, en droit, davantage que l'enveloppe de la personne : il en est une composante, et ressort plus du domaine de l’être que de l’avoir. C’est pourquoi si l'on veut réellement assurer la protection de la personne, on doit en amont assurer la sauvegarde de son corps.
Chaque individu possède le droit de protéger son corps contre toute atteinte : c’est le principe du droit à l’intégrité physique, ou principe d’inviolabilité, ou d’intangibilité du corps humain : (Noli me tangere : « Qu’on ne me touche pas », aurait dit Jésus ressuscité à Marie-Madeleine)
Ce principe n’est pas récent, et il a toujours fait partie des règles coutumières du droit français. Mais il a fallu attendre 1994 (1ères "Lois bioéthiques") pour qu’il soit officiellement inscrit dans le Code civil :
Tx.Article 16-1 du C. civ. : «
Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable (...). »
Le droit à l'intégrité physique présente deux aspects :
Cela constitue le principal fondement d’un certain nombre d’incriminations pénales : les coups et blessures, la torture, les agressions sexuelles, l’administration de substances nuisibles sont pénalement sanctionnées parce qu’ils portent atteinte à l’intégrité physique d’autrui.
En droit civil, la protection du corps humain est assurée par la responsabilité délictuelle, fondée sur l'art. 1240 nouv. du C. civ. (art. 1382 anc. du C. civ.), qui expose l’auteur d’un dommage corporel au paiement de dommages et intérêts.
Le droit positif ne considère pas le corps comme un objet propriété de la personne, mais comme la personne elle-même.
- Aussi les mutilations et stérilisations volontaires sont-elles considérées comme illicites.
- De même, les conventions portant sur le corps ou sur ses éléments sont en principe interdites. On parlera ici d’indisponibilité du corps humain : on ne peut en disposer, en le vendant, ou le louant.
Ex.C’est sur le fondement de l’indisponibilité qu’ont été interdites les conventions de mère porteuse, par lesquelles une femme « loue son ventre », ou plutôt ses facultés gestatrices, en s’engageant à abandonner l’enfant au profit d’un autre couple (v.
,
Bull. Ass. plén. n° 4).
La plupart des exceptions au principe d'intangibilité du corps humains sont fondées sur la reconnaissance de la liberté individuelle, et sont subordonnées au consentement de l’individu concerné.
Ex.Les interventions chirurgicales sont soumises à l'autorisation du patient.
Le suicide et la prostitution ne sont pas en soi des infractions pénales, car ils reposent a priori sur le consentement du sujet. En revanche la provocation au suicide d'autrui et le proxénétisme sont pénalement sanctionnées.
D’autres exceptions doivent être justifiées par l’existence d’un motif particulier rendant nécessaire l’atteinte portée au corps humain.
- Il peut s'agir de nécessités thérapeutiques : ainsi les interventions chirurgicales peuvent être effectuées sans le consentement du patient, en cas d'urgence.
- Il peut encore s'agir de nécessités d’ordre public : Ainsi l’auteur de coups et blessures peut échapper aux sanctions pénales, s’il démontre qu’il a agit en état de légitime défense, c’est-à-dire qu’il avait toutes raisons de craindre pour sa personne ou celle d’autrui, et que la réplique était proportionnée au danger encouru. De même on admet qu’on puisse contraindre une personne à déposer ses empreintes digitales ou génétiques, à condition que l’opération soit faite dans le cadre d’une enquête criminelle.
- L’atteinte au corps humain peut encore être justifiée par des considérations religieuses : on admet que, dans la mesure où elle est pratiquée dans des conditions d’hygiène satisfaisantes, ne mettant pas en péril la santé de l’enfant, la circoncision peut être pratiquée hors de toute nécessité thérapeutique (cultes israélite et musulman).
La reconnaissance du droit à l’intégrité morale est assez récente. L’idée s’est peu à peu imposée que tout être humain a besoin de liberté, de tranquillité et d’un respect minimum de sa sphère d’intimité.
Cette préoccupation a notamment inspiré la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) qui proclame dans son article 21 que :
Tx.« Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteinte à son honneur ou à sa réputation. »
On s’accorde pour classer parmi les droits moraux de la personnalité, le droit à l’honneur, le droit au nom (v. infra leçon n° 6), l’inviolabilité du domicile, la présomption d’innocence, le droit sur sa propre image, et le droit au respect de la vie privée. Nous ne retiendrons que ces deux derniers.
Le droit au respect de la vie privée trouve ses fondements textuels :
- dans l'article 9 du Code civil :
Tx.« Chacun a droit au respect de sa vie privé. »
- dans l' :
Tx.« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. »
Les conditions d'application de l'article 9 du Code civil ont été progressivement fixées par la jurisprudence. Trois éléments sont à prendre en considération :
- L’immixtion consistera le plus souvent dans la publication de renseignements relatifs à la vie privée d’autrui. Mais toute sorte d'immixtion peut constituer une atteinte à la vie privée.
Ex.Le journaliste qui a mené des investigations attentatoire à la vie privée, mais dont l'article est refusé par son éditeur, peut être poursuivi sur le fondement de l'article 9 du C. civ..
- La notion de vie privée est difficile à définir, d'autant qu'elle est susceptible d'évoluer avec les mœurs.
L'étude la jurisprudence démontre que font partie de la vie privée les informations relatives :
- aux relations familiales, sentimentales et sexuelles de l'individu ;
- à son état de santé ou de maternité ;
- à ses pratiques religieuses ;
- à son adresse, son numéro de téléphone ou son identité.
En revanche les informations relatives au patrimoine de l'individu (montant des revenus ou du capital) n'entrent pas dans le domaine de la vie privée.
- L'absence de consentement de l'intéressé :
- Ce consentement est requis même s'il s'agit d'une personne publique, qui a le droit comme quiconque de protéger sa vie privée.
- S'agissant des mineurs ou des majeurs en tutelle, l'autorisation doit être donnée par le représentant légal.
- Le consentement doit être renouvelé pour chaque nouvelle immixtion, et une tolérance passée ne peut valoir pour l’avenir. Ce consentement peut être tacite(= déduit du comportement de la personne), mais il doit être certain.
Ex.La personne publique qui étale consciemment sa vie privée devant le grand public est considérée comme en autorisant tacitement la publication.
Ex.Affaire Günther Sachs.
Un hebdomadaire avait publié des informations relatives à la vie privée d'un milliardaire allemand (qui s'était rendu célèbre par son mariage avec Brigitte Bardot).
Günther Sachs demande en référé la saisie de l’hebdomadaire, et l’allocation de dommages-intérêts. Les juges du fond ayant donné raison au demandeur, l'éditeur forma un pourvoi en cassation en soutenant notamment que l'article n'était qu'une compilation de faits qui avaient déjà été publiés antérieurement, avec l'accord exprès ou tacite de l'intéressé. La Cour de cassation rejeta le pourvoi, en considérant que la tolérance passée de l'intéressé
ne permettait pas de présumer son accord définitif et illimité pour des publications futures (donc que le consentement devait être renouvelé pour chaque publication). La Cour a toutefois précisé que cette tolérance passée de la victime, avait pour conséquence de
réduire l'étendue du préjudice qu'elle éprouvait (donc des dommages-intérêts qui lui seraient accordés) :
La victime d'une atteinte à sa vie privée peut obtenir des sanctions civiles et des sanctions pénales.
-
Sanctions civiles : elles peuvent consister dans l'octroi de dommages et intérêts, ou prendre la forme d'une réparation en nature (par ex : suppression des passages litigieux dans la publication, publication d'un "communiqué judiciaire" faisant état de la condamnation de l'éditeur, ou pour les cas les plus graves : saisie ou interdiction de la publication.)
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Sanctions pénales : L'atteinte à la vie privée entre dans le champ de la loi pénale :
- quand elle est portée au moyen d'une violation de domicile, de la correspondance, ou du secret professionnel (par ex : secret bancaire ; secret médical).
- en cas de captation, enregistrement ou divulgation de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel.
Les peines encourues peuvent aller jusqu'à un an d'emprisonnement et 45 000 € d'amende (art. 226-1 du C. pén.).
Ex.Affaire du Grand secret : Le Dr G. était le médecin personnel de François Mitterrand, qui fut Président de la République de 1981 à 1995. En 1996, 8 jours après la mort de ce dernier, le Dr G. publia un livre intitulé
Le grand secret, qui révélait que le Président était affecté d'un cancer qui l'empêchait de gouverner depuis 1994. A la demande de la famille de l'ancien Président, le livre fut retiré de la vente, le médecin fut condamné à 4 mois de prison avec sursis pour violation du secret professionnel, et fut radié de l'Ordre des médecins. Son éditeur et lui-même furent condamnés au paiement de lourds dommages et intérêts. Cette décision fut confirmée en appel et en cassation (
). Le 18 mai 2004, la Cour EDH condamna la France en estimant que l'interdiction de l'ouvrage aurait dû être levée au bout de quelques mois, au nom de
la liberté d'expression. Suite à cette décision, le livre a finalement été réédité.
Enregistrements audio : Des enregistrements de conversations privées avaient été réalisés au domicile du demandeur au pourvoi, à son insu, et publiés ensuite dans la presse. La Cour d'appel avait refusé de sanctionner l'éditeur, aux motifs que «
les informations (...) révélées, mettant en cause la principale actionnaire de l'un des premiers groupes industriels français, dont l'activité et les libéralités font l'objet de très nombreux commentaires publics, (et relevaient) de la légitime information du public ». La Cour de cassation a censuré l'arrêt : Constitue en effet une atteinte à l'intimité de la vie privée,
que ne légitime pas l'information du public, la captation, l'enregistrement ou la transmission sans le consentement de leur auteur des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel (
).
Chacun a le droit de s'opposer à la reproduction et la publication de son image par les tiers. Ce droit est généralement invoqué à l'encontre des organes de presse ou des entreprises usant de l'image d'une personne dans le cadre d'une opération publicitaire ou commerciale.
Aucun texte spécifique n'ayant été adopté pour le droit à l'image, le fondement de l'action sera généralement l'article 1240 nouv. du Code civil (art. 1382 anc. du C. civ.), qui pose le principe de la responsabilité civile :
Tx.« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. »
- Droit à l’image et droit au respect de la vie privée.
Le droit à l’image fait parfois double emploi avec le droit au respect de sa vie privée : c’est le cas lorsque l’image reproduite ou publiée porte sur une scène de la vie privée de la personne (ex : personne photographiée chez elle ou au bord de sa piscine). Les deux fondements - art. 9 et art. 1240 nouv. du Code civil - peuvent alors être invoqués cumulativement devant le juge, ce qui n’est pas gênant dans la mesure où les deux droits reçoivent la même sanction civile (dommages et intérêts, saisies, destructions).
Mais le droit à l’image déborde le strict cadre de la vie privée : il permet par exemple à une personne de s’opposer à ce que sa photographie soit prise dans un lieu public, ou dans une manifestation extérieure.
Ainsi une personne privée peut en principe s’opposer à la reproduction de son image saisie dans un lieu public.
Ex.Personnes prises en photo dans une manifestation.
Rq.La jurisprudence subordonne ici la sanction à la condition que l’individu soit nettement reconnaissable, c’est-à-dire spécialement cadrée, et non pas prise au milieu d’une foule de gens. Ce sont alors les nécessités de l'information qui l'emportent sur le droit à l'image.
- L'expression du consentement.
Comme en matière de vie privée, l’autorisation de la personne peut être tacite.
- Entre ces deux hypothèses se situe le cas de la personne publique intervenant dans un lieu public mais dans le cadre d’une activité privé.
Ex.Une vedette de la chanson fait son marché en famille le dimanche matin.
Ici, tout est affaire de circonstances. S’il est clair que la personne s’est rendue compte de la présence du photographe, mais n’a pas manifesté son opposition, la publication pourra être validée. Si au contraire la photo a été prise à l’insu de la personne, cela pourra ouvrir droit à réparation.
Autorisation tacite possible
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Autorisation expresse requise
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Solution variable
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Personne publique | Personne publique / Personne privée | Personne publique |
Lieu public | Lieu privé | Lieu public |
Activité publique | Activité privée | Activité privée |
Rq.Dans les cas où une autorisation expresse est requise, la jurisprudence considère que le consentement doit être renouvelé pour chaque opération : l’actrice qui accepte de paraître nue pour une publicité de savon n'abandonne pas pour autant cette image dans le domaine public, et le périodique qui souhaite ultérieurement publier cette image pour illustrer un article doit recueillir le consentement spécial de l’actrice. De même, la personne qui consent à se faire photographier par des touristes ne consent pas nécessairement à ce que l’image soit utilisée par la suite dans un journal, ou pour la création de cartes postales.
Il arrive fréquemment que le droit de la personnalité se heurte aux libertés de la presse et d'expression ainsi qu'au droit à l'information du public.
La jurisprudence établit alors une sorte de gradation, en fonction de l’intensité des forces en présence. Deux cas :
- Si la personne est simplement présente lors de l’évènement relaté : elle pourra obtenir réparation si elle est facilement reconnaissable (i.e. spécialement cadrée, v. supra).
- Si la personne est directement impliquée dans l’évènement : alors le droit à l’information passera avant le droit à l’image, et la personne ne pourra s’opposer à la publication SAUF si le traitement qui est fait par la presse porte atteinte à la dignité de la personne humaine.
Ex. Affaire du Préfet Erignac.
L'éditeur qui a publié la photo du corps et du visage du Préfet Erignac assassiné, gisant dans une mare de sang, a été condamné au nom du droit au respect de la dignité de la personne humaine, sans qu'il puisse opposer la liberté d'expression et le légitime droit à l'information du public (
).
Sy.La distinction droits patrimoniaux / droits extrapatrimoniaux est fondamentale en droit français, mais cela ne signifie pas que la frontière entre les deux soit parfaitement étanche.
Ainsi, certains droits extrapatrimoniaux peuvent avoir des conséquences patrimoniales directes :
Ex.L'établissement d'un lien de filiation fera naitre une obligation d'entretien à la charge du parent, et un droit de succession au profit de l'enfant.
Par ailleurs, il arrive que la sanction des droits extrapatrimoniaux puisse seulement s'apprécier sur un plan pécuniaire.
Ex.La violation du droit au respect de la vie privée sera parfois sanctionnée par l'octroi à la victime de dommages-intérêts.
Enfin, certains droits comprennent à la fois un volet patrimonial et un volet extrapatrimonial.
Ex.Le droit d'auteur comprend d'un côté un droit moral qui permet à l'auteur de faire respecter son œuvre, voire de la détruire, et qui reste attaché à la personne, et de l'autre un droit d'exploitation de l'œuvre, qui peut être cédé.
Une autre distinction est très importante en droit français : il s'agit de la distinction qui oppose les droits en fonction de leur source.
On peut dire
d'une façon générale que c’est le
droit objectif qui constitue la première source des droits subjectifs, puisque ceux-ci n’existent que s’ils sont reconnus par le droit objectif.
Mais il faut s'interroger plus précisément pour savoir quels sont les procédés qui donnent naissance aux droits subjectifs.
Il en existe deux :
l’acte et le fait juridique.
Df.L’acte juridique est une manifestation de volonté accomplie en vue de produire des effets de droits.
Ces effets recherchés peuvent être la création, la transmission ou l’extinction de droits subjectifs.
- L’acte juridique par excellence est le contrat par lequel, deux ou plusieurs personnes s’entendent pour créer entre elles un rapport d’obligation.
On distingue le contrat unilatéral qui ne met d’obligation qu’à la charge d’une des parties (ex : don ou prêt sans charge), du contrat synallagmatique qui met à la charge des parties des obligations réciproques (vente, échange, location...).
- Mais l’acte juridique peut être issu de la volonté d’une seule personne : c'est le cas de l’acte unilatéral (reconnaissance d’un enfant naturel ; testament).
Df.Un fait juridique est un fait volontaire ou involontaire, dont les effets juridiques ne sont pas recherchés par leur auteur.
- Il peut exister des faits juridiques purement involontaires : la naissance, la mort sont en principe involontaires, et produisent automatiquement des effets juridiques, telles que l’acquisition ou la disparition de la personnalité juridique, par l'effet de la loi.
- Il peut également y avoir quelques manifestations de volonté dans la création d’un fait juridique.
Ex.Lorsqu'une personne cause un dommage à autrui, elle pourra l’avoir fait volontairement. Mais elle n’aura pas voulu les effets juridiques de cette situation, c’est-à-dire l’obligation de réparer le dommage, en vertu de l’article
1240 nouv. du Code civil (art. 1382 anc. du C. civ.). Il s’agit donc bien d’un
fait juridique.
Cette distinction faits juridiques / actes juridiques est très importante, car c’est elle qui conditionne le régime de la preuve des droits subjectifs.
Quel que soit leur mode de classification (objet du droit ou source du droit), les droits subjectifs n'auront d'efficacité que si leur existence peut être démontrée (v. leçon n° 7 : la preuve des droits).
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