Texte intégral :
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
REJET du pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 1er juillet 1999, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de violation du secret professionnel, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 226-13 et 434-26 du Code pénal, 38 de la loi du 29 juillet 1881, 1382 du Code civil, 2, 10, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que la Cour a dit que le prévenu, avocat de profession avait commis des faits de violation du secret professionnel, et l'a condamné à verser une indemnité à la partie civile ;
" aux motifs, en premier lieu, que X..., avocat au barreau de Marseille, et la société civile professionnelle d'avocats dont il était membre, avaient assisté Y..., entre 1984 et 1994, à l'occasion de diverses poursuites pénales exercées à son encontre devant les tribunaux de grande instance de Grasse et de Paris ; qu'en 1994, un contentieux relatif aux honoraires dus à la société civile professionnelle, et portant sur une somme supérieure à 1 000 000 francs, avait opposé X... et Y... ; que Me X..., qui avait expliqué n'avoir reçu de Y... qu'une somme d'environ 80 000 francs à titre de provision, sur l'engagement de son client et le rémunérer dès que la caution de 1 500 000 francs versée dans le cadre de la procédure suivie devant le tribunal de Grasse lui serait restituée, avait engagé une procédure de taxation le 12 décembre 1994 devant le bâtonnier de Marseille, puis avait saisi le premier président de la Cour d'Aix-en-Provence, qui avait finalement rendu le 17 janvier 1996 une ordonnance fixant les honoraires dus à la somme de 933 020 francs ; qu'au cours de cette procédure, Y... avait soutenu avoir déjà réglé le montant des honoraires réclamés et avait produit à l'appui de ses déclarations des lettres et attestations manuscrites émanant de son amie Z... et certifiant qu'elle avait, à de multiples reprises, versé en espèces des fonds à l'avocat, à hauteur de 1 200 000 francs ; qu'au nom de la société civile professionnelle, X... avait, le 25 juillet 1995, déposé entre les mains d'un juge d'instruction parisien une plainte avec constitution de partie civile contre Y... et Z... des chefs de faux et usage, tentative d'escroquerie au jugement et complicité qui avait donné lieu à une information, toujours en cours ; que Y... dénonçait les passages suivants de cette plainte :
" 1° du mois de juillet 1985 au 7 novembre 1994, Me X..., plus particulièrement, et les autres associés de la société civile professionnelle ont assisté Y..., à l'occasion de plusieurs affaires dont les deux plus importantes ont été par ordre :
"devant le tribunal de grande instance de Grasse, celle relative aux poursuites du chef d'escroquerie sur plainte de A... qui s'est achevée le 7 juin 1994 par un jugement le condamnant à une peine amnistiable et à une amende de 10 000 francs, les intérêts civils en jeu étant aujourd'hui d'environ 6 000 000 francs, en capital et intérêts ;
"devant le tribunal de grande instance de Paris, celle relative aux poursuites du chef d'escroquerie sur plainte de B..., qui s'est achevée le 7 décembre 1989 par un jugement de relaxe, confirmé par un arrêt du 6 avril 1990, rendus l'un et l'autre pour des motifs de pure procédure ... (nullité de l'information et prescription) les intérêts en jeu étant de 12 000 000 francs environ ;
" 2° Y... étant, de surcroît, étroitement surveillé en raison de son activité prétendue dans le commerce des armes " ;
" 3° il est bon de rappeler :
"que Y... n'a jamais eu la moindre activité officiellement rémunérée en France, ni le moindre revenu à ce titre, ainsi qu'il l'a fait valoir à l'administration fiscale dans un courrier du 28 avril 1989 et dans lequel il écrit :
"je peux à nouveau vous certifier que je ne possède rien en France, aucun bien, aucun véhicule, aucun compte en banque, aucune société et que je ne reçois aucune rémunération d'aucun organisme que ce soit" ;
"que lorsqu'il a requis la société civile professionnelle d'avocats, lors de l'audience de jugement de mai 1994 de faire valoir au tribunal de grande instance de Grasse que contrairement à ce que lui reprochait la partie civile, il avait bien une profession dans le négoce d'armes et qu'il était, entre autres, président d'une société C..., 10, rue de la Paix à Paris, ainsi que l'attestait un courrier en date du 30 décembre 1993 de M. D..., ministre de la Défense nationale, il a fait usage d'une fausse qualité puisqu'il s'est avéré lorsque la société civile professionnelle a voulu prendre des mesures conservatoires, par notamment la saisie de ses parts dans cette société, qu'il n'en avait jamais eu la qualité d'associé et n'en avait même pas été l'employé ;
"en sorte que la lettre de M. D... a été obtenue de ce ministre par subterfuge, ce qui a incontestablement trompé les juges grassois, qui le 6 juin 1994 l'ont fait bénéficier d'un traitement de faveur en requalifiant l'escroquerie en abus de confiance et en lui infligeant une peine amnistiable, ce qui, au passage, prouve qu'il n'a pas hésité à tromper Me X... lui faisant croire qu'il avait une activité professionnelle alors qu'il n'en avait aucune ;
"qu'il se targue de n'avoir d'autres moyens d'existence en France que ceux provenant de retraits opérés sur un compte en Suisse à l'évidence non déclaré ;
qu'il s'énorgueillit, nonobstant de certaines complaisances de la part de magistrats, de fonctionnaires de police, des Douanes et du fisc auprès desquels il joue le rôle d'indicateur ou "d'aviseur" et qu'il prétend avoir obligés ; que Y... exposait que X... avait violé le secret professionnel, en ce que ces propos reflétaient le contenu de certaines de ses lettres, remises pour les besoins de sa défense, ou en ce que ces propos reproduisaient des confidences ou traduisaient l'expression de l'intime conviction de l'avocat à l'égard des dossiers de son client (arrêt p. 4 à 6) ; que le secret professionnel s'imposait à l'avocat, confident nécessaire de son client, à raison de tous les renseignements recueillis dans l'exercice de sa profession et dont la divulgation pourrait s'avérer préjudiciable soit à celui qui s'est confié, soit au crédit attaché à sa profession ; que si les indications contenues dans la plainte avec constitution de partie civile déposée au nom de la société civile professionnelle et relatives aux jugements des tribunaux de Grasse et de Paris ne relevaient pas du secret professionnel, celles concernant la situation matérielle ou les activités de Y... en France, ou celles relatives aux circonstances de la production d'un courrier du ministre de la Défense lors de l'une de ces instances, ou bien encore les allégations de l'intéressé quant à ses relations, revêtaient incontestablement un caractère protégé, quand bien même elles auraient été débattues publiquement lors des audiences correctionnelles, la révélation par le professionnel lui-même conférant à ces informations un crédit supérieur ; que la plainte avec constitution de partie civile déposée en juillet 1995 constituait l'élément matériel de l'infraction de révélation du secret, l'élément intentionnel étant également caractérisé, puisque le prévenu, professionnel du droit, ne pouvait ignorer ses obligations ; qu'étaient couvertes par le secret professionnel non seulement les confidences faites par le client à son avocat, mais également toutes les informations qu'avait pu recueillir ce professionnel à l'occasion de l'exercice de ses fonctions et les déductions personnelles qu'il avait pu en faire ; que seule la publicité intégrale de l'information était de nature à priver celle-ci de son caractère secret, et que même si le fait était partiellement connu ou divulgué, sa révélation par le professionnel dépositaire du secret, qui lui conférait un caractère certain dont il était jusque-là dépourvu, était punissable au sens de l'article 226-13 du Code pénal ; que la défense exposait que la plainte n'avait fait que reprendre les déclarations de la partie civile au bâtonnier du barreau de Marseille et au procureur général d'Aix-en-Provence à l'occasion de la procédure de taxe, ou au juge de l'exécution de Paris lors de la mise en oeuvre de procédures d'exécution, ou bien encore que cette plainte avait exposé des faits portés à la connaissance de l'avocat postérieurement au contentieux de la procédure de taxe, ou débattus lors des instances pénales ;
qu'une telle argumentation ne pouvait prospérer, dans la mesure où le caractère public des informations en cause ne pouvait se déduire du fait que Y... aurait partiellement livré certaines informations, de façon d'ailleurs parfois indirecte à d'autres personnes ou instances tenues elles aussi au secret, ni du fait qu'il aurait été fait état de certaines de ces informations lors d'audiences correctionnelles tenues publiquement (arrêt p. 7 à 9) ;
" 1° alors, d'une part, que le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile entre les mains d'un juge d'instruction est irréprochable, dès lors que la plainte n'a pas fait l'objet d'une publicité à l'initiative de la partie civile, que le juge d'instruction est lui-même tenu au secret et que les conditions éventuelles d'une dénonciation téméraire ou abusive ne sont pas réunies du chef de la personne mise en cause ; qu'ainsi, la Cour a méconnu le champ d'application limité de l'article 226-13 du Code pénal ;
" 2° alors que, d'autre part, il ne peut exister de révélation punissable qu'en présence d'un secret, lequel est exclu lorsque les informations concernées ont été débattues dans une enceinte publique, telle qu'une juridiction correctionnelle ; que la Cour, après avoir constaté que l'essentiel des informations contenues dans la plainte de l'avocat contre un ancien client avaient déjà été débattues publiquement devant un juge correctionnel, ne pouvait se dispenser de caractériser précisément les informations ainsi rendues publiques, et de rechercher s'il résultait effectivement, du reste des termes de la plainte, la violation d'un secret protégé ;
" aux motifs, en second lieu, que quant à l'existence de faits justificatifs découlant de l'exercice des droits de la défense de l'avocat lui-même, la plainte avec constitution de partie civile précitée s'était inscrite dans une stratégie de défense, destinée à contrecarrer la production par Y... d'attestations tendant à établir que la société civile professionnelle avait déjà été honorée et que sa réclamation était de mauvaise foi ; que, cependant, les révélations faites dans cette plainte, par leur nature, avaient excédé les strictes exigences des intérêts de la défense de la société d'avocats, en ce que cette plainte se référait à des lettres adressées par Y... et remises par ce dernier à Me X... (par exemple une lettre à l'administration fiscale datée d'avril 1989), soit à des confidences ou renseignements livrés par la partie civile à son conseil notamment lors de l'exercice de ses droits devant les juridictions (courriers du ministre de la Défense du 30 décembre 1993), ou en ce que la plainte faisait état de la conviction de l'avocat en ce qui concernait la situation de son client (complaisance de diverses autorités) ; que le principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant la loi ne pouvait justifier la violation du secret professionnel de l'avocat, quels que soient les mobiles de son auteur (arrêt p. 8 et 9) ;
" 3° alors, enfin que, n'excède pas les nécessités de l'exercice des droits de la défense, l'avocat qui, pour contrer les allégations déshonorantes d'un ancien client selon lesquelles des honoraires réclamés par voie contentieuse auraient déjà été payés en espèces, se prévaut d'éléments de nature à jeter le doute sur la crédibilité de son accusateur ; qu'à cet égard, les fraudes ordinaires aussi bien que les mensonges et les faux commis par un ancien client tous éléments déjà débattus pour l'essentiel au cours de procès antérieurs en audience publique et concourant à démontrer la fausseté des allégations de l'intéressé sur de prétendus versements d'honoraires en espèces doivent pouvoir être invoqués par l'avocat sans restriction ni réserve ; qu'à défaut, l'avocat injustement mis en cause serait placé dans une situation nettement désavantageuse et ne serait pas mis en situation de se défendre " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que X..., avocat, et la société civile professionnelle X..., D..., X..., ont assisté Y..., entre 1985 et 1994, à l'occasion de plusieurs poursuites exercées contre celui-ci ;
Qu'en 1994, la société civile professionnelle a engagé une procédure en recouvrement d'honoraires au cours de laquelle Y..., soutenant avoir déjà réglé, en espèces, les sommes qui lui étaient réclamées, a produit diverses lettres et attestations en ce sens ;
Que X..., au nom de la société civile professionnelle, a déposé plainte avec constitution de partie civile contre Y... devant le juge d'instruction des chefs de fausses attestations et usage ;
Que Y... estimant que plusieurs passages de cette plainte caractérisaient le délit de violation du secret professionnel, a cité directement X... devant le tribunal correctionnel, lequel a relaxé le prévenu et débouté la partie civile ;
Attendu que, pour condamner X... à des réparations civiles sur le seul appel de la partie poursuivante, la juridiction du second degré se prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs l'infraction retenue à la charge du prévenu et a ainsi justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, d'une part, la révélation d'une information à caractère secret réprimée par l'article 226-13 du Code pénal n'en suppose pas la divulgation ; qu'elle peut exister légalement, lors même qu'elle en est donnée à une personne unique et lors même que cette personne est elle-même tenue au secret ;
Que, d'autre part, la connaissance par d'autres personnes, de faits couverts par le secret professionnel, n'est pas de nature à enlever à ces faits leur caractère confidentiel et secret ;
Qu'enfin les juges ont souverainement apprécié les faits et circonstances de la cause d'où ils ont déduit que la violation du secret professionnel n'était pas, en l'espèce, rendue nécessaire par l'exercice des droits de la défense ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.