2) Le droit positif français
Depuis l'arrêt Kruslin[1] condamnant la France, la loi n°91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques réglemente l'ensemble des écoutes téléphoniques.
Désormais, au titre de l'article 1 de cette loi :
:
« Le secret des correspondances émises par la voie des télécommunications est garanti par la loi. »
« Il ne peut être porté atteinte à ce secret que par l'autorité publique, dans les seuls cas de nécessité d'intérêt public prévus par la loi et dans les limites fixées par celle-ci. »
.
Les interceptions de sécurité sont donc soit judiciaires, soit administratives.
1. Les interceptions de sécurité judiciaires
Visées aux articles 100 à 100-7 du Code de procédure pénale, ces écoutes ne peuvent être ordonnées que dans le cadre d'une enquête judiciaire, sous le contrôle du juge.
Définition :
Les écoutes téléphoniques se définissent comme une technique consistant à interposer, au moyen d'une dérivation sur la ligne d'un abonné, un procédé magnétique d'enregistrement et de conservation.
: Jurisprudence
A l'inverse, ne sauraient être analysés en une interception de correspondance émise par la voie des télécommunications :
la simple écoute par un tiers, sans branchement ni artifice ou stratagème, d'une conversation téléphonique (Cass. crim.[3] 19 janv. 2000, n° 99-83.929[2]) ;
le simple compte rendu de propos entendus par des policiers au cours d'une conversation téléphonique qui s'est déroulée en leur présence, sans artifice ni stratagème (Cass. crim. 2 avril 1997, Bull. crim. n° 131[4] ; 6 mai 1997, Bull. crim. n° 172) ;
le procédé consistant à identifier le numéro d'un appelant (Cass. crim. 16 janv. 1974, [2 arrêts], JCP 1974. 17731[5] ; 2 avril 1997, Parera[4]).
Pour qu'il y ait interception des communications, il faut donc un agissement particulier c'est-à-dire un branchement qui permet l'enregistrement et la conservation des messages par stratagème ou artifice.
Plusieurs conditions doivent être remplies pour que l'écoute téléphonique soit légale :
Elles ne sont possibles que pour les crimes et délits dont la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d'emprisonnement ;
C'est le juge d'instruction qui est compétent, lorsque les nécessités de l'information l'exigent, pour prescrire l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications ;
La décision du juge d'instruction doit comporter tous les éléments d'identification de la liaison à intercepter, l'infraction qui motive le recours à l'interception ainsi que la durée de celle-ci qui ne peut être supérieure à quatre mois. Elle ne peut être renouvelée que dans les mêmes conditions de forme et de durée ;
Dernière condition : ces opérations sont effectuées sous l'autorité et le contrôle du juge d'instruction qui prend une décision écrite, laquelle n'a pas de caractère juridictionnel et n'est donc susceptible d'aucun recours.
Toutefois, dans le cadre de l'enquête préliminaire ou de flagrance relative aux infractions commises en bandes organisées selon l'article 706-73 du Code de procédure pénale, c'est le juge des libertés et de la détention qui autorise la mise en place des interceptions téléphoniques, décision écrite pour une durée maximale de 15 jours, renouvelable une fois (art. 706-95 Code de procédure pénale).
Chaque opération d'interception et d'enregistrement fait l'objet d'un procès verbal et fait l'objet d'une transcription dont procès verbal est aussi dressé.
Enfin, les enregistrements sont détruits, à la diligence du procureur de la République ou du procureur général, à l'expiration du délai de prescription de l'action publique.
Certaines interceptions nécessitent une information supplémentaire par le juge d'instruction, c'est le cas :
de celles ayant lieu sur une ligne dépendant du cabinet d'un avocat ou de son domicile pour lesquelles le bâtonnier doit être informé ;
de celles sur la ligne d'un député ou d'un sénateur qui requiert l'information du président de l'assemblée à laquelle il appartient ;
et de celles sur une ligne dépendant du cabinet d'un magistrat ou de son domicile pour lesquelles le premier président ou le procureur général de la juridiction où il réside doit en être informé.
2. Les interceptions de sécurité administratives
: Loi du 10 juillet 1991
Les interceptions de sécurité administratives sont réglementées par la loi du 10 juillet 1991 :
Art. 3. -
« Peuvent être autorisées, à titre exceptionnel, dans les conditions prévues par l'article 4, les interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications ayant pour objet de rechercher des renseignements intéressant la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous en application de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées. »
.Art. 4. -
« L'autorisation est accordée par décision écrite et motivée du Premier ministre ou de l'une des deux personnes spécialement déléguées par lui. Elle est donnée sur proposition écrite et motivée du ministre de la défense, du ministre de l'intérieur ou du ministre chargé des douanes, ou de la personne que chacun d'eux aura spécialement déléguée. »
« Le Premier ministre organise la centralisation de l'exécution des interceptions autorisées. »
.Art. 6. -
« L'autorisation mentionnée à l'article 3 est donnée pour une durée maximum de quatre mois. Elle cesse de plein droit de produire effet à l'expiration de ce délai. Elle ne peut être renouvelée que dans les mêmes conditions de forme et de durée. »
.Art. 13. -
« Il est institué une Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Cette commission est une autorité administrative indépendante. Elle est chargée de veiller au respect des dispositions du présent titre. Elle est présidée par une personnalité désignée, pour une durée de six ans, par le Président de la République, sur une liste de quatre noms établie conjointement par le vice-président du Conseil d'Etat et le premier président de la Cour de cassation. »
.Art. 14. -
« La décision motivée du Premier ministre mentionnée à l'article 4 est communiquée dans un délai de quarante-huit heures au plus tard au président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. »
« Si celui-ci estime que la légalité de cette décision au regard des dispositions du présent titre n'est pas certaine, il réunit la commission, qui statue dans les sept jours suivant la réception par son président de la communication mentionnée au premier alinéa. »
« Au cas où la commission estime qu'une interception de sécurité a été autorisée en méconnaissance des dispositions du présent titre, elle adresse au Premier ministre une recommandation tendant à ce que cette interception soit interrompue. »
« Elle porte également cette recommandation à la connaissance du ministre ayant proposé l'interception et du ministre chargé des télécommunications. »
« La commission peut adresser au Premier ministre une recommandation relative au contingent et à sa répartition visés à l'article 5. »
« Le Premier ministre informe sans délai la commission des suites données à ses recommandations. »
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Art. 15. -
« De sa propre initiative ou sur réclamation de toute personne y ayant un intérêt direct et personnel, la commission peut procéder au contrôle de toute interception de sécurité en vue de vérifier si elle est effectuée dans le respect des dispositions du présent titre. »
« Si la commission estime qu'une interception de sécurité est effectuée en violation des dispositions du présent titre, elle adresse au Premier ministre une recommandation tendant à ce que cette interception soit interrompue. »
« Il est alors procédé ainsi qu'il est indiqué aux quatrième et sixième alinéas de l'article 14. »
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