Maîtriser les droits des personnes

1) La position de la Cour européenne

Le principe de telles écoutes a été admis par la Cour européenne dans l'arrêt Klass et a. c/ R.F.A. du 6 septembre 1978[1]. Dès lors que l'ingérence est nécessaire dans une société démocratique à la sécurité nationale, la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales, les écoutes téléphoniques constituent une atteinte proportionnée à la protection de la vie privée des personnes faisant l'objet de ces écoutes téléphoniques.

En savoir plus : Arrêt Klass et a. c/ R.F.A.

L'arrêt Klass et a. c/ R.F.A. du 6 septembre 1978 portait sur des surveillances secrètes de communications postales et téléphoniques justifiées pour des raisons d'ordre public, sous certaines conditions.

Dans cette affaire, nul ne contestait que la législation en cause impliquait une ingérence dans le droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale et de leurs correspondances. La principale question consistait donc à savoir si cette ingérence était justifiée en vertu du paragraphe 2 de l'article 8.

En effet, le pouvoir de surveiller en secret les citoyens est caractéristique de l'État policier et n'est tolérable d'après la Convention que dans la mesure strictement nécessaire à la sauvegarde des institutions démocratiques.

La Cour estima que la législation en question avait un but légitime au regard du paragraphe 2 de l'article 8, celui de sauvegarder la sécurité nationale et d'assurer la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales.

Avant de rechercher si les moyens adoptés en Allemagne pour atteindre ce but restaient à l'intérieur des bornes de ce qui était nécessaire dans une société démocratique, la Cour présenta deux considérations générales.

Premièrement, elle constate que les sociétés démocratiques se trouvent menacées de nos jours par des formes très complexes d'espionnage et par le terrorisme, de sorte que l'État doit être capable, pour combattre efficacement ces menaces, de surveiller en secret les éléments subversifs opérant sur son territoire. Elle doit donc admettre que l'existence de dispositions législatives accordant des pouvoirs de surveillance secrète de la correspondance, des envois postaux et des télécommunications est nécessaire dans une société démocratique à la sécurité nationale et/ou à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales.

Deuxièmement, bien que la Convention laisse aux États contractants un pouvoir discrétionnaire quant au choix des modalités du système de surveillance « (...) La Cour souligne néanmoins que les États contractants ne disposent pas pour autant d'une latitude illimitée pour assujettir à des mesures de surveillance secrète les personnes soumises à leur juridiction. Consciente du danger, inhérent à pareille loi, de saper, voire de détruire, la démocratie au motif de la défendre, elle affirme qu'ils ne sauraient prendre, au nom de la lutte contre l'espionnage et le terrorisme, n'importe quelle mesure jugée par eux appropriée. » (§ 49).

« Quel que soit le système de surveillance retenu, la Cour doit se convaincre de l'existence de garanties adéquates et suffisantes contre les abus. Cette appréciation ne revêt qu'un caractère relatif: elle dépend de toutes les circonstances de la cause, par exemple la nature, l'étendue et la durée des mesures éventuelles, les raisons requises pour les ordonner, les autorités compétentes pour les permettre, exécuter et contrôler, le type de recours fourni par le droit interne. (...). » (§ 50).

A la lumière de ces considérations, la Cour estima que le fonctionnement du système de surveillance secrète établi par la législation allemande, était confié à deux organes de contrôle jouissant d'une indépendance suffisante pour statuer de manière objective, de sorte que l'article 8 n'était pas violé.

Si le principe même des écoutes téléphoniques est ainsi consacré par la Cour européenne, celle-ci a indiqué dans l'arrêt Kruslin c/ France du 24 avril 1990[2] que l'étendue et les modalités d'exercice du pouvoir des autorités dans le domaine considéré devaient être claires et précises : le manque de prévisibilité constitue une violation de l'article 8.

La loi doit ainsi prévoir de façon précise les modalités de ces interceptions et définir les infractions permettant l'ingérence de l'État.

L'écoute doit être déterminante dans le processus de recherche des preuves et la surveillance téléphonique ne peut être générale : une personne déterminée doit être suspectée d'une infraction particulière.

Les droits de la défense doivent être respectés afin que l'individu en cause puisse contrôler l'ingérence de l'État.

  1. Date06/09/1978
    Nom de l'arrêtKlass et autres contre Allemagne
    JuridictionCour européenne des droits de l'homme
    TypeEuropéen
    Mots clésDroit au respect de la vie privée et familiale, Respect de la correspondance, Respect du domicile, Ingérence prévue par la loi, Ingérence nécessaire dans une société démocratique, Ingérence nécessaire à la prévention des infractions pénales, Ingérence nécessaire à la défense de l'ordre, Droit à un procès équitable, Surveillance secrète, Écoutes téléphoniques
    Textes Appliqués

    Article 8 de la CEDH

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  2. Date24/04/1990
    Nom de l'arrêtKruslin c. France
    JuridictionCour européenne des droits de l'homme
    TypeEuropéen
    Mots clésDroit au respect de la vie privée et familiale, Ingérence prévue par la loi, Respect de la correspondance, Perquisition
    Textes Appliqués

    Article 8 de la CEDH

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