Date02/04/1997
JuridictionChambre criminelle de la Cour de cassation
Pourvoi97-80269 97-80270
TypeNationale
Résumé

Ne constitue pas une interception de correspondance émise par la voie des télécommunications, au sens des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ou 100 du Code de procédure pénale, le simple compte rendu de propos entendus par des policiers au cours d'une conversation téléphonique qui s'est déroulée en leur présence, sans artifice ni stratagème. L'utilisation, lors de l'enquête, d'un procédé technique ayant pour seul objet l'identification de l'auteur d'appels téléphoniques n'est pas irrégulier

PublicationBulletin criminel 1997 N° 131 p. 440
Composition

Président : M. Le Gunehec

Rapporteur : M. Le Gall

Avocat général : M. Lucas

Avocats : la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde.

Textes Appliqués

Articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ou 100 du Code de procédure pénale.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

REJET des pourvois formés par :

1o X... Vincent,

contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Bordeaux, du 26 novembre 1996, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'enlèvement et de séquestration suivis de mort, vols avec arme et délits connexes, a rejeté sa demande en nullité d'actes de la procédure ;

2o X... Vincent, Y... Philippe,

contre l'arrêt de ladite chambre d'accusation, du 10 décembre 1996, qui les a renvoyés devant la cour d'assises de la Gironde sous l'accusation d'enlèvement et séquestration suivis de mort, vols avec arme et délits connexes, ainsi que, pour le second, sous l'accusation d'assassinat et délits connexes.

LA COUR,

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits ;

I. Sur le pourvoi de Vincent X... contre l'arrêt du 26 novembre 1996 :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 432-9 du Code pénal, 19, 40, alinéa 2, 100 à 100-7 et 429 du Code de procédure pénale, 591 et 593 du même Code, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :

" en ce que l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Bordeaux du 26 novembre 1996 a refusé de prononcer la nullité des procès-verbaux D 28, D 29, D 36, D 37, D 40 et D 569 et de toute la procédure subséquente, ces procès-verbaux relatant la réquisition en date du 21 juillet 1995 à la société France Télécom aux fins de mise en oeuvre du procédé IAM, des conversations téléphoniques échangées avec le mis en examen et l'interpellation de ce dernier ;

" aux motifs que la ligne objet de la mise en place du procédé technique " indicateur d'appels malveillants " est suffisamment identifiée par le nom et l'adresse de son titulaire figurant sur la réquisition du 21 juillet 1995 qui permettait aux services techniques de France Télécom de mettre en oeuvre le procédé IAM, sans recourir au numéro de la ligne, ce qui a été fait ; qu'il importe peu, dès lors, que la réquisition ait mentionné un numéro de ligne erroné, attribuée à un tiers ;

" qu'il ne ressort pas que les enquêteurs qui se trouvaient en la présence constante de Mme Z..., qui recevait les communications incriminées et qui a seule échangé des propos avec son correspondant ont pratiqué des interceptions de correspondances émises par la voie de télécommunications ;

" alors, d'une part, qu'il ne résulte pas des pièces de la procédure que la société France Télécom, saisie par une réquisition aux fins de mise en place du procédé IAM faisait état de renseignements contradictoires (ligne téléphonique ne correspondant pas au titulaire à surveiller), a sollicité une rectification de la réquisition erronée ; que, dès lors, les surveillances téléphoniques exercées les 21 et 22 juillet 1995, et notamment la localisation de la communication téléphonique reçue le 22 juillet 1995 à 9 heures 50 au domicile de Guy Z..., n'ont aucun fondement légal et devaient être annulées ;

" alors, d'autre part, qu'est constitutif d'une interception prohibée au sens des articles 100 à 100-7 du Code de procédure pénale le fait, pour des officiers de police judiciaire agissant en enquête de flagrance, d'écouter et de retranscrire sur procès-verbaux le contenu des communications téléphoniques adressées à une personne au domicile de laquelle ils exerçaient une surveillance avec mise en place du procédé IAM ; qu'en l'espèce il résulte des procès-verbaux de l'enquête préliminaire transcrivant les propos tenus téléphoniquement par l'interlocuteur de la personne au domicile de laquelle les officiers de police judiciaire exerçaient une surveillance et comportant la description de sa voix et des appréciations sur son comportement que les officiers de police judiciaire ont écouté et donc intercepté des conversations téléphoniques en violation des articles 100 à 100-7 du Code de procédure pénale ; que l'arrêt attaqué, qui affirme qu'il ne résulte pas de ces procès-verbaux que les enquêteurs ont pratiqué des interceptions de correspondance, s'est mis en contradiction avec les pièces de la procédure en violation de l'article 543 du Code de procédure pénale ;

" et, alors, enfin, que les articles 100 à 100-7 du Code de procédure pénale confèrent au juge d'instruction le pouvoir exclusif d'ordonner l'interception des correspondances émises par la voie des télécommunications sans distinguer selon que ladite interception est obtenue avec ou sans procédé technique ; que, dès lors, le fait pour les officiers de police judiciaire agissant en enquête de flagrance et sans ordre du juge d'écouter à son insu les propos tenus par un correspondant téléphonique constitue une interception prohibée ; que, dès lors, l'arrêt attaqué qui a refusé d'annuler les écrits pratiqués dans de telles conditions a violé les textes susvisés " ;

Attendu que, pour refuser d'annuler la réquisition adressée par les enquêteurs aux services des télécommunications, aux fins de mise en place d'un dispositif technique permettant de déterminer l'origine des appels téléphoniques adressés au domicile de Guy Z..., la chambre d'accusation énonce, à bon droit, que ce procédé, qui n'avait pas pour objet l'interception des communications, est régulier et que la ligne sur laquelle il a été adapté était suffisamment identifiée par le nom et l'adresse de son titulaire, peu important qu'une erreur, sans conséquence, se soit glissée dans le numéro attribué à l'abonné ;

Attendu que, par ailleurs, pour rejeter la demande d'annulation des procès-verbaux par lesquels les policiers ont rendu compte des appels suspects reçus, en leur présence, par l'épouse de la victime, la chambre d'accusation relève que " les policiers présents au domicile de Mme Z... lors des appels incriminés n'ont pas prêté leur assistance à une provocation ou procédé à une machination " et qu'ils se sont contentés de rapporter, en substance, les propos tenus par le correspondant ;

Attendu qu'en cet état la chambre d'accusation n'encourt pas le grief allégué ;

Qu'en effet ne saurait constituer une interception de correspondance émise par la voie des télécommunications, au sens de l'article 100 du Code de procédure pénale, le simple compte rendu de propos entendus par des policiers au cours d'une conversation téléphonique qui s'est déroulée en leur présence, sans artifice ni stratagème ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

II. Sur les pourvois de Vincent X... et Philippe Y... contre l'arrêt du 10 décembre 1996 :

Sur le second moyen de cassation, présenté par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour Vincent X..., pris de la violation des articles 224-1 et 224-2 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Bordeaux du 10 décembre 1996 a prononcé la mise en accusation de Vincent X... des chefs d'enlèvement et séquestration de Guy Z... ;

" alors que l'arrêt attaqué, qui constate que les mis en examen ont séquestré Guy Z... à sa descente du véhicule dont il faisait faire un essai à Vincent X..., n'a relevé aucune charge susceptible de justifier la qualification d'enlèvement retenue à titre de chef d'accusation " ;

Sur le premier moyen de cassation, présenté par la société civile professionnelle Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde pour Philippe Y..., pris de la violation des articles 224-1 du Code pénal, 215 et 593 du Code de procédure pénale :

" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la mise en accusation de Philippe Y... du chef d'enlèvement de Guy Z... ;

" alors que l'arrêt attaqué, qui constate seulement que Philippe Y... a séquestré Guy Z... dès l'arrivée de ce dernier avec Vincent X... au point de rendez-vous où il les attendait, n'a donc pas constaté un fait quelconque susceptible de constituer une charge pesant sur Philippe Y... d'avoir procédé à l'enlèvement de la victime " ;

Sur le second moyen de cassation, présenté par la société civile professionnelle Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde pour Philippe Y..., pris de la violation des articles 312-1 et 312-13 du Code pénal, 215 et 593 du Code de procédure pénale :

" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la mise en accusation de Philippe Y... du chef de tentative d'extorsion de fonds ;

" alors que ledit arrêt n'a constaté à la charge de Philippe Y... aucun fait qu'il aurait lui-même commis et qui serait constitutif d'une telle tentative " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour renvoyer Vincent X... et Philippe Y... devant la cour d'assises, notamment sous l'accusation d'enlèvement suivi de mort et pour tentative d'extorsion de fonds, l'arrêt attaqué énonce que Vincent X... aurait attiré Guy Z... dans un guet-apens en lui faisant croire qu'il était intéressé par l'achat d'une automobile qu'il désirait essayer ; qu'il se serait ainsi fait conduire en un lieu, convenu à l'avance avec son complice, où celui-ci les aurait attendus, masqué et armé d'un fusil à crosse et canon sciés ; que, sous prétexte de vérifier la garde au sol du véhicule, Vincent X... aurait demandé à Guy Z... d'arrêter la voiture à cet endroit ; que Philippe Y... aurait alors surgi, en menaçant la victime de son arme, avant de la ligoter et de la bâillonner ; qu'ils auraient ultérieurement décidé d'étrangler leur otage pour ne pas être reconnus ; que l'arrêt ajoute que, selon un plan préparé à l'avance, les 2 ravisseurs auraient ensuite " mis en route " le mécanisme de remise de la rançon, Philippe Y... étant chargé de surveiller l'épouse de la victime à diverses étapes du scenario prévu ;

Attendu qu'en cet état les juges, qui ont répondu comme ils le devaient aux articulations essentielles des mémoires dont ils étaient saisis, n'encourent pas les griefs allégués ;

Qu'en effet il résulte des articles 214 et 215 du Code de procédure pénale que les chambres d'accusation apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, en tous ses éléments légaux, tant matériels qu'intentionnel, la Cour de Cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier, à supposer ces faits établis, si leur qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;

Que, tel étant le cas en l'espèce, les moyens ne peuvent qu'être écartés ;

Et attendu que la chambre d'accusation était compétente ; qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle Vincent X... et Philippe Y... ont été renvoyés ; que la procédure est régulière et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;

REJETTE les pourvois.

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