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Droits des étrangers et de l'asile

Le travail

Cette leçon porte sur l’exercice par des étrangers d’une activité professionnelle.



A partir du premier choc pétrolier de 1973, la France a fermé ses frontières à l’immigration dite de main d’œuvre, revenant sur une politique d’ouverture informelle du marché de l’emploi aux étrangers (V. leçon n° 1).
En savoir plus : Référence bibliographique

Sylvain Laurens remet en cause cette analyse d’un « turning-point » dans les politiques françaises à partir du premier choc pétrolier, dans l’article suivant : « 1974 » ET LA FERMETURE DES FRONTIÈRES– Analyse critique d'une décision érigée en turning-point, Politix, 2008/2 n° 82, p. 69 à 94.
Les ressortissants étrangers ont un accès différencié au marché de l’emploi en France, selon qu’ils sont ressortissants d’Etats tiers, ressortissants d’Etats membres de l’Union européenne ou assimilés ou encore nationaux d’Etats avec lesquels la France a signé des accords bilatéraux.

Tx.L’article L. 5221-1 du Code du travail dispose que les « dispositions du présent titre sont applicables, sous réserve de celles des traités, conventions ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés et publiés, et notamment des traités instituant les communautés européennes ainsi que de celles des actes des autorités de ces communautés pris pour l'application de ces traités. »

Seront soumis au droit commun du travail :
  • les ressortissants d’Etats membres de l’Union européenne ;
  • les ressortissants d’Etats membres de l’Espace Economique Européen ;
  • les Andorrans ;
  • les Monégasques ;
  • les Suisses.

Les autres ressortissants étrangers sont, en revanche, soumis à un régime spécifique prévu par le code du travail, en lien avec le CESEDA. La situation des Algériens et des Tunisiens est régie, de manière particulière, par les accords bilatéraux liant la France à l’Algérie et à la Tunisie.

Tx.L’article R. 5221-1 du code du travail dispose que :
« Pour exercer une activité professionnelle salariée en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail et, lorsqu'elles doivent le produire, le certificat médical mentionné au 3° de l’article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui leur est remis à l'issue de la visite médicale à laquelle elles se soumettent au plus tard trois mois après la délivrance de l'autorisation de travail :
1° Etranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;
2° Etranger ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne pendant la période d'application des mesures transitoires relatives à la libre circulation des travailleurs
. »

En outre, un certain nombre d’emplois sont fermés aux étrangers, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Il n’est ainsi pas possible pour les étrangers ressortissants d’Etats tiers d’accéder à des emplois relevant de la titularisation dans la fonction publique. Les ressortissants d’Etats membres de l’Union européenne peuvent désormais prétendre à un emploi dans la fonction publique, à moins qu’il ne s’agisse d’un poste rattaché à des fonctions régaliennes, comme la police ou la magistrature. Dans le secteur privé, d’assez nombreuses professions sont fermées aux ressortissants d’Etats tiers, dans des secteurs très variés, notamment le barreau.

Ex.Aux termes de l’article 11 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, « nul ne peut accéder à la profession d'avocat s'il ne remplit les conditions suivantes : 1° Etre français, ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ou ressortissant d'un Etat ou d'une unité territoriale n'appartenant pas à l'Union ou à cet Espace économique qui accorde aux Français la faculté d'exercer sous les mêmes conditions l'activité professionnelle que l'intéressé se propose lui-même d'exercer en France, sous réserve des décisions de conseil de l'Union européenne relatives à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté économique européenne ou avoir la qualité de réfugié ou d'apatride reconnue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; ».


Par conséquent, toute personne ressortissante d’un Etat tiers doit avoir été préalablement autorisée à travailler avant de pouvoir accéder au marché de l’emploi (Section 1). Toutefois, en pratique, il n’est pas rare que des personnes n’étant pas titulaires d’un droit d’accès au marché de l’emploi travaillent, notamment dans certains secteurs : restauration, confection, travaux, etc… L’absence d’autorisation de travail n’équivaut toutefois pas à une absence de droit pour les travailleurs (Section 2).

Section 1. L’exigence d’une autorisation de travail


L’autorisation de travail peut revêtir différentes formes (§ 1). Lorsqu’une autorisation de travail distincte d’un titre de séjour est exigée, il faut procéder à une demande particulière (§ 2).


L’autorisation d’accéder au marché du travail doit être matérialisée par un document qui peut revêtir deux formes distinctes :
  • Soit l’intéressé est titulaire d’un titre de séjour comportant une autorisation de travailler (A) ;
  • Soit l’intéressé doit demander la délivrance d’une autorisation de travail distincte de son titre de séjour (B) ;


Conformément à l’article R. 5221-3 du Code du travail, les titres de séjour généraux autorisant leur titulaire à travailler sont principalement :
  •  la carte de résident ;
  • la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ;
  • la carte de résident de longue durée – UE ;
  • la carte pluriannuelle générale.

Les titulaires de ce type de titres de séjour peuvent exercer, de plein droit, une activité professionnelle salariée de leur choix sur l’ensemble du territoire. Les ressortissants algériens munis d’un certificat de résidence de dix ans ou d’un certificat de résidence d’un an portant la mention « vie privée et familiale » sont également autorisés à exercer une activité professionnelle salariée.

Rq.il existe d’autres titres de séjour qui permettent à leur titulaire d’exercer une activité professionnelle ; mais soit la durée de travail est limitée (carte de séjour portant la mention « étudiant » : la durée de travail ne peut excéder 60 % d’un équivalent temps plein), soit le type d’activités est restreint (carte pluriannuelle portant une mention spécifique).

Les mineurs se trouvent dans une situation particulière. En effet, les mineurs bénéficient d’un droit au séjour implicite sur le territoire français jusqu’à leur majorité. Ils sont ainsi placés dans une situation paradoxale. S’ils ne sont pas soumis à l’obligation de détention d’un titre de séjour, ils doivent, en revanche, être en possession d’une autorisation de travailler dès l’âge de 16 ans. Cette obligation s’impose à eux, entre 16 et 18 ans, pour les activités à caractère salarié ainsi que pour les activités en lien avec une formation professionnelle. Soit le mineur dépose une demande de titre de séjour lui ouvrant l’accès au marché de l’emploi, soit il demande une autorisation de travail qui sera découplée d’un quelconque titre de séjour.

Ex.Les stages, les apprentissages, les formations en alternance supposent que le mineur soit titulaire d’une autorisation de travailler.

Lorsque la personne n’est pas en possession d’un tel titre de séjour, elle doit déposer une demande de titre de séjour spécifique.


Plusieurs titres de séjour peuvent être délivrés dans la perspective d’exercer une activité professionnelle :
  • La carte de séjour temporaire portant la mention « salarié », qui peut être d’une année, puis pluriannuelle ;
  • La carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire », d’une durée correspondant à la durée du CDD et, en toute hypothèse, plafonnée à un an ;
  • L’autorisation provisoire de travail d’une durée également limitée à une année ;
  • Les cartes pluriannuelles portant des mentions « passeport talent », « travailleur saisonnier » ou encore « salarié détaché ICT ».

Rq.Les ressortissants algériens sont là encore soumis à un régime particulier. En effet, ils ne peuvent obtenir de cartes pluriannuelles. En revanche, la délivrance d’un certificat de résidence d’un an portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire », ainsi que d’une autorisation provisoire de travail est possible.

Nous renvoyons à la leçon n° 3 sur les titres de séjour qui détaille de manière plus précise les conditions de délivrance des documents visés.


L’instruction de la demande se dédouble selon que l’étranger est ou non déjà en France (A). Il arrive fréquemment que la situation de l’emploi soit opposée à l’étranger pour refuser l’accès au marché de l’emploi (B). Une possibilité de régularisation exceptionnelle existe cependant (C).


Lorsque le demandeur réside à l’étranger, une procédure particulière est mise en œuvre qui est désignée sous le terme d’introduction de travailleurs salariés. Etant peu utilisée en pratique, il n’est pas nécessaire de s’y attarder longuement. Il faudra que l’employeur, à l’origine de la démarche, démontre qu’il a recherché, vainement, une personne déjà présente en France susceptible d’occuper le poste visé.

Lorsque l’intéressé réside en France – c’est le cas de figure le plus fréquent –, la demande d’autorisation de travail doit être déposée auprès des autorités préfectorales qui, après avis de la Direction Régionale de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi (DIRECCTE), prendront la décision. Si cette dernière considère, après examen de la situation de l’emploi (V. supra B), que l’accès au travail peut être autorisé, la préfecture pourra délivrer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de travail.

En cas d’accord, l’autorisation de travailler sera matérialisée soit par une autorisation provisoire de travail, soit par une mention portée sur le titre de séjour du demandeur :
  • Mention « salarié » ;
  • Mention « travailleur temporaire » (art. L. 313-10 du CESEDA) ;

La carte de séjour portant la mention « salarié » est réservée aux personnes disposant d’un contrat de travail à durée indéterminée, tandis que la carte de séjour portant la mention « travailleur temporaire » est délivrée aux personnes ayant un contrat de travail à durée déterminée, même si la durée de ce contrat est d’une durée supérieure à une année.

Rq.Pour prétendre à la délivrance de tels titres de séjour, il faudra produire soit une promesse d’embauche, soit un contrat de travail, ainsi qu’un engagement de l’employeur de s’acquitter de la redevance auprès de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration.


La situation de l’emploi peut être opposée à un étranger lorsque ce dernier sollicite la délivrance d’une autorisation de travail. Il faut distinguer les cas dans lesquels la situation de l’emploi n’est pas opposable (1), des cas dans lesquels elle l’est (2).


La situation de l’emploi ne peut pas être opposée lorsqu’il s’agit d’un métier « en tension » (a) ou à certaines catégories de personnes comme les mineurs ou jeunes majeurs (b).


En premier lieu, certains étrangers bénéficient d’une absence d’opposabilité de l’emploi en raison d’accords bilatéraux qui ont établi des listes particulières de métiers dits « en tension ». Ces métiers « en tension » requièrent des compétences ou des qualifications particulières qui ne se présentent pas en nombre suffisant en France ou au sein de l’Union européenne. En d’autres termes, le recrutement de ressortissants d’Etats tiers à l’Union européenne est facilité, dès lors que le vivier national/européen de l’emploi est insuffisant pour pourvoir ce type de postes.

En deuxième lieu, dans chaque accord de gestion concertée des flux migratoires, une liste des métiers en tension est établie, qui peut varier d’un pays à un autre.

Pays concernés

Nombre de métiers en tension

Bénin
16

Burkina-Faso
64

Cap-Vert
40

Congo
15

Gabon
9

Maurice
61

Sénégal
108

Tunisie
77


En troisième lieu, des métiers « en tension » permettent d’exclure de manière générale, au-delà des accords bilatéraux précédemment cités, l’opposabilité de l’emploi. Il est en effet précisé que « la situation de l’emploi ou l’absence de recherche préalable de candidats déjà présents sur le marché du travail n’est pas opposable à une demande d’autorisation de travail présentée pour un étranger non ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne, d’un autre Etat partie à l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse souhaitant exercer une activité professionnelle dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur la liste annexée au présent arrêté ». Cet arrêté du 18 janvier 2008 relève plusieurs métiers en tension, mais qui peuvent varier d’une zone géographique à une autre. Si les professions de technicien de vente à distance et de conducteur de travaux du BTP sont systématiquement considérées comme en tension toute zone géographique confondue, il n’en va pas de même des géomètres ou des façonneurs bois.

En savoir plus : Arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse

Consultez le texte en cliquant ici.

S’agissant des demandes d’autorisation de travail déposées par des mineurs étrangers, la situation de l’emploi ne peut pas être opposée, dès lors que le mineur demande à entrer en apprentissage ou à suivre une formation professionnalisante.

Tx.Conformément à l’article L. 5221-5 al. 2 du Code du travail, « l’autorisation de travail est accordée de droit à l'étranger autorisé à séjourner en France pour la conclusion d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée. »

Ex.Sont considérés comme professionnalisant par le Code de l’éducation, les CAP, les BEP, les bacs professionnels, les DUT…

De même, la situation de l’emploi ne peut pas être opposée à une personne demandant une autorisation de travail en vue de la conclusion d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation, lorsqu’elle a été confiée à l’aide sociale à l’enfance (ASE) avant l’âge de 16 ans, et demeure prise en charge par l’ASE au moment où elle présente sa demande, conformément à l’article R. 5221-22 du Code du travail. L’alinéa 2 de cette disposition précise que la situation de l’emploi est également inopposable à un étranger confié à l’ASE entre l’âge de 16 et 18 ans, dès lors qu’il remplit les conditions d’obtention de la carte de séjour temporaire portant mention « salarié » ou « travailleur temporaire » (V. leçon n° 8 sur les mineurs).

Précisons que l’article L. 313-15 du CESEDA prévoit la délivrance, à titre exceptionnel, et sous réserve de l’absence de menace à l’ordre public, d’une carte de séjour portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » à l’étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de 16 et 18 ans et qui «  justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. »


L’ensemble des demandeurs ne bénéficiant pas de dispositions particulières dérogeant au principe général de l’opposabilité de la situation de l’emploi est donc concerné par cette dernière. Priorité est donnée aux ressortissants français ainsi qu’aux ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne.

La Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi (DIRECCTE), tient compte de la nature de l’emploi envisagé pour apprécier l’opportunité de recourir à un étranger au regard de l’offre et de la demande dans ce secteur d’activités. La consultation de Pôle emploi dans la région concernée doit permettre d’avoir une vision assez éclairée de la situation dans un bassin d’emploi.

Lorsque la situation de l’emploi est opposable, l’issue de la procédure est nécessairement plus aléatoire.

Rq.Conformément à l’article L. 744-11 du CESEDA, l'accès au marché du travail peut être autorisé au demandeur d'asile lorsque l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, pour des raisons qui ne sont pas imputables au demandeur, n'a pas statué sur la demande d'asile dans un délai de neuf mois à compter de l'introduction de la demande. Dans ce cas, le demandeur d'asile est soumis aux règles de droit commun applicables aux travailleurs étrangers pour la délivrance d'une autorisation de travail. Il peut se voir opposer la situation de l’emploi. En cas de rejet de la demande d’asile, l’accès au marché du travail sera interrompu.



La présence, sur le territoire français, de personnes en séjour irrégulier exerçant une activité professionnelle ne fait aucun mystère. De loin en loin, à l’instar d’autres pays de l’Union européenne, la France a mis en place des opérations de régularisation exceptionnelle, principalement par le travail.

Intégrant ces campagnes de régularisation comme un élément des politiques migratoires, la loi du 20 novembre 2007 a modifié l’article L. 313-14 du CESEDA en prévoyant une admission exceptionnelle au séjour pour une personne ayant une activité professionnelle salariée, sans toutefois être munie des documents nécessaires.

Tx.L’article L. 313-14 du CESEDA dispose que « la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. »

En savoir plus : La circulaire du 28 novembre 2012 n° NOR INTK1229185C relative aux conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du CESEDA

« 2.2. L'admission au séjour au titre du travail ?
2.2.1 – Principes d'éligibilité ?En application de l'article L.313-14 du CESEDA, vous pourrez apprécier favorablement les demandes d'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail, dès lors que l'étranger justifie :
–  d'un contrat de travail ou d'une promesse d'embauche (formulaire CERFA n°13653*03) et de l'engagement de versement de la taxe versée au profit de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (formulaire CERFA n° 13662*05) ;
–  d'une ancienneté de travail de 8 mois, consécutifs ou non, sur les 24 derniers mois ou de 30 mois, consécutifs ou non, sur les 5 dernières années ;
–  d'une ancienneté de séjour significative, qui ne pourra qu'exceptionnellement être inférieure à cinq années de présence effective en France ?

Néanmoins, vous pourrez prendre en compte une ancienneté de séjour de trois ans en France dès lors que l'intéressé pourra attester d'une activité professionnelle de vingt-quatre mois dont huit, consécutifs ou non, dans les douze derniers mois. ?

Pour l'application de ces dispositions, il revient à l'étranger de démontrer la réalité et la durée de son activité professionnelle antérieure.

Vous considérerez que les bulletins de salaire représentent une preuve certaine d'activité salariée, dès lors qu'ils attestent d'une activité au moins égale à un mi-temps mensuel. Pour mémoire, un employeur peut établir à tout moment, y compris rétroactivement, des bulletins de salaire. ?Si un nombre significatif de bulletins de salaire, y compris au titre des chèques emploi service universels, est produit, vous pourrez accepter en complément d'autres modes de preuve de l'activité salariée (virements bancaires, le cas échéant corroborés par une attestation de l'employeur, par exemple).
 ». Consultez la circulaire .

En pratique, la voie de l’admission exceptionnelle au séjour demeure très étroite. Elle est en outre exclue pour les ressortissants algériens et tunisiens, soumis à un régime spécifique.

Sans revenir sur le renouvellement des titres de séjour incluant l’autorisation de travailler (V. leçon n° 3 sur les titres de séjour), il convient d’apporter quelques précisions relatives au renouvellement des titres de séjour permettant, de manière spécifique, l’accès au marché du travail.


La carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » peut être renouvelée. A partir du deuxième renouvellement, les restrictions portant sur les limites géographiques et sectorielles devront être supprimées, comme le prévoit l’article R. 5221-3 du code du travail.

De plus, il existe des passerelles de la carte de séjour portant la mention « salarié » vers d’autres types de cartes, d’abord vers une carte pluriannuelle, puis, au bout de cinq années de résidence régulière en France, vers une carte de résident de longue durée-UE. Il faut, pour chaque transition, que les conditions de délivrance du titre de séjour soient réunies (V. Leçon n° 3 sur les titres de séjour). Ces passages d’un titre à un autre ne sont donc pas automatiques.


La carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire » est d’une durée de validité correspondante à la durée du contrat de travail à durée déterminée (CDD) et limitée, en tout cas, à une année. La nature précaire du CDD est prise en compte.

Le renouvellement de la carte de séjour peut se faire dans deux hypothèses.

D’une part, lorsque le CDD initial est reconduit, le titulaire de la carte de séjour temporaire peut prétendre à la délivrance d’un nouveau titre, d’une durée limitée à celle du nouveau contrat de travail.

D’autre part, lorsque la durée du CDD initial est supérieure à une année, le renouvellement du titre de séjour est prévu par l’article L. 313-10, 2° du CESEDA. Ce dernier cas de figure se présente peu souvent en pratique, la durée légale du CDD étant limitée à dix-huit mois.


Section 2. L’absence d’autorisation de travail


Il n’est pas rare que, en pratique, des personnes démunies d’autorisation de travail exercent une activité professionnelle sur le territoire français. Les employeurs sont soumis à certaines obligations, dont le non-respect est sanctionné administrativement et pénalement (§ 1). Les travailleurs étrangers demeurent, au moins partiellement, protégés par le droit commun du travail (§ 2).
En savoir plus : Référence bibliographique

Gisti, Sans-papiers mais pas sans droits, note pratique, 6ème éd., 2013.


Il est formellement interdit à un employeur d’embaucher ou d’employer une personne démunie d’une autorisation de travailler sur le territoire français.

Tx.L’article L. 8251-1 du code du travail dispose que : « Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France.
Il est également interdit à toute personne d'engager ou de conserver à son service un étranger dans une catégorie professionnelle, une profession ou une zone géographique autres que celles qui sont mentionnées, le cas échéant, sur le titre prévu au premier alinéa.
 »

Cette interdiction a pour corollaire l’obligation, pour un employeur, de s’assurer que les personnes sont autorisées à travailler et ce, pendant toute la période d’activité concernée.

Le non-respect de cette interdiction est sanctionné de double façon, soit pénalement, soit administrativement.


Le code du travail prévoit toute une série d’infractions pénales, relatives à l’emploi d’un étranger n’étant pas titulaire du titre lui permettant de travailler. Sont encourues une peine d’emprisonnement de cinq ans et une amende de 15 000 euros. Cette dernière peut être prononcée autant de fois qu’il y a de travailleurs concernés. La circonstance aggravante de la bande organisée permet de porter les peines à dix ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende.

Tx.L’article L. 8256-2 du code du travail incrimine spécifiquement l’emploi d’un étranger sans titre : « Le fait pour toute personne, directement ou par personne interposée, d'embaucher, de conserver à son service ou d'employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France, en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1, est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 15 000 euros.
Le fait de recourir sciemment, directement ou indirectement, aux services d'un employeur d'un étranger non autorisé à travailler est puni des mêmes peines.
Ces peines sont portées à un emprisonnement de dix ans et une amende de 100 000 euros lorsque l'infraction est commise en bande organisée.
Le premier alinéa n'est pas applicable à l'employeur qui, sur la base d'un titre frauduleux ou présenté frauduleusement par un étranger salarié, a procédé sans intention de participer à la fraude et sans connaissance de celle-ci à la déclaration auprès des organismes de sécurité sociale prévue à l’article L. 1221-10, à la déclaration unique d'embauche et à la vérification auprès des administrations territorialement compétentes du titre autorisant cet étranger à exercer une activité salariée en France.
L'amende est appliquée autant de fois qu'il y a d'étrangers concernés.
 »

Des peines complémentaires sont également fulminées par les articles L. 8256-3, L. 8256-4 et L. 8256-5 du code du travail à l’encontre des employeurs, personnes physiques:
  • l'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer directement ou par personne interposée l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;
  • l'exclusion des marchés publics pour une durée de cinq ans au plus ;
  • la peine de confiscation dans les conditions et selon les modalités prévues à l'article 131-21 du code pénal ;
  • l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée ;
  • l'interdiction des droits civiques, civils et de la famille ;
  • l'interdiction de séjour pour une durée de cinq ans au plus :
  • la peine de fermeture des locaux ou établissements tenus ou exploités par elles et ayant servi à commettre les faits incriminés ;
  • la confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature ;
  • l’interdiction du territoire français.

Des peines complémentaires sont également prévues par les articles L. 8256-7 et suivants du code du travail à l’encontre des employeurs, personnes morales.



Deux sanctions administratives sont prévues, l’une par le CESEDA, l’autre par le code du travail.


Une sanction administrative, dite contribution forfaitaire, est prévue par l’article L. 626-1 du CESEDA.

Tx.L’article L. 626-1 du CESEDA prévoit que :
« Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l’article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine.
Le montant total des sanctions pécuniaires prévues, pour l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler, au premier alinéa du présent article et à l'article L. 8253-1 du code du travail ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256-8 du code du travail ou, si l'employeur entre dans le champ d'application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par le chapitre II du présent titre. »

Cette sanction est destinée à contribuer aux frais d’éloignement de l’étranger employé de manière irrégulière.

Une sanction administrative, que l’on qualifie de contribution spéciale, est prévue, par l’article L. 8253-1 du code du travail, à l’encontre d’un employeur ayant embauché ou employé une personne n’étant pas munie des documents requis.

Tx.L’article L. 8253-1 du code du travail dispose :
« Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l’article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l’article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. »

Cette contribution spéciale, qui a été introduite en droit français par la loi n° 76-621 du 10 juillet 1976 relative au renforcement de la répression en matière de trafics est destinée à supprimer l’intérêt financier que pourrait constituer le recours à des travailleurs étrangers en situation irrégulière, par rapport à des employeurs vertueux.

La conformité du premier alinéa de l’article L. 8253-1 du code du travail à la Constitution a été appréciée par le Conseil constitutionnel, qui avait été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité. Il était reproché à cette disposition, qui n’exclut pas une application cumulée avec les dispositions de l’article L. 8256-2 du code du travail, de permettre qu’un employeur unique soit poursuivi et sanctionné à deux reprises pour les mêmes faits. Cela apparaîtrait contraire aux principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines.

Le Conseil constitutionnel conclut à la constitutionnalité de la disposition contestée, en rappelant que : « Le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l’objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature différente en application de corps de règles distincts. Si l’éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues ».

Tx.Jurisprudence : C. Const, déc. n° QPC, 30 mars 2017, Société Clos Teddi et autre.

Les personnes exerçant une activité professionnelle sur le territoire français sans être titulaire des documents autorisant un tel exercice ne sont pas susceptibles d’être poursuivies pénalement.

Elles doivent, en outre, bénéficier des mêmes droits que tout autre salarié régulièrement employé, comme le prévoient les articles L. 8252-1 et suivants du code du travail, s’agissant :
  • des périodes d'interdiction d'emploi prénatal et postnatal et à l'allaitement;
  • des dispositions relatives à la durée du travail, au repos et aux congés payés ;
  • des dispositions relatives à la santé et la sécurité au travail prévues à la quatrième partie ;
  • de la prise en compte de l'ancienneté dans l'entreprise ;
  • du paiement du salaire et des accessoires de celui-ci, conformément aux dispositions légales, conventionnelles et aux stipulations contractuelles applicables à son emploi.

Tx.Jurisprudence : Cour de cassation, ch. soc., 15 mars 2017, n°  : « les dispositions d’ordre public de l’article L. 8251-1 du code du travail s’imposant à l’employeur qui ne peut, directement ou indirectement, conserver à son service ou employeur pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France, une salariée dans une telle situation ne saurait bénéficier des dispositions légales protectrices de la femme enceinte interdisant ou limitant les cas de licenciement » ; La femme enceinte ne bénéficie d’aucune protection contre le licenciement, lorsqu’elle n’est pas ou plus titulaire d’une autorisation de travailler. En d’autres termes, la protection due à la femme enceinte cède le pas face à l’interdiction d’employer un étranger démuni d’une autorisation de travailler. Lire la note explicative de la Cour de cassation.

En cas de rupture de la relation de travail, l’article L. 8252-2, 2° du code du travail prévoit que le salarié étranger a droit, au titre de la période d’emploi illicite, à une « indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire, à moins que l'application des règles figurant aux articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1243-4 et L. 1243-8 ou des stipulations contractuelles correspondantes ne conduise à une solution plus favorable ».
En pratique, ces droits ne seront que difficilement respectés. D’une part, le salarié étranger dont la situation irrégulière est constatée risque d’être soumis à une procédure d’éloignement. Dans ce cas, bien que l’article L. 8252-4 du code du travail mette en place une procédure particulière consistant dans la consignation des sommes dues par l’employeur auprès de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, elle reste le plus souvent lettre morte. D’autre part, bien que l’étranger puisse, comme tout autre salarié, saisir le conseil de prud’hommes pour qu’il soit statué sur ses demandes, la crainte que la saisine de la juridiction soit suivie d’un signalement à la préfecture pourra freiner toute velléité d’agir en justice.

Ex.Les luttes de sans-papiers pour obtenir la reconnaissance de leurs droits ont été assez nombreuses en France. La constitution de collectifs, l’accompagnement par des syndicats, le soutien associatif, la médiatisation par des artistes sont autant d’éléments permettant de construire des revendications et d’obtenir, de manière plus efficace, la reconnaissance des droits des salariés. Un certain nombre de grèves de la faim ont également été menées, afin de peser sur d’éventuelles négociations avec les autorités préfectorales. Le succès demeure assez aléatoire.

Aux termes de l’article L. 8255-1 du code du travail, les syndicats représentatifs peuvent exercer en justice une action en faveur d’un salarié étranger, celui-ci pouvant intervenir à l’instance engagée.
En savoir plus : Références bibliographiques

V. Baudet-Caille, « Les sans-papiers licenciés ont-ils des droits ? », Plein Droit, n° 80, mars 2009 ; M. Poulain, « Mafia et traite boulevard de Strasbourg », Plein Droit, n° 113, juin 2017.
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