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Droits des étrangers et de l'asile

L'éloignement

Cette leçon porte sur l’issue (malheureuse) possible du parcours migratoire : l’éloignement. On assiste depuis une vingtaine d’années à une massification des mesures d’éloignement et à une diversification de celles-ci et complexification de leur régime juridique, sans que le dispositif soit, dans l’ensemble plus efficace.



Df.L’éloignement est une notion générique pour désigner l’ensemble des mesures administratives ou judiciaires qui visent à assurer le départ d’un étranger du territoire français, de manière forcée ou, éventuellement en y étant incité (retour « volontaire » ou aidé).

On utilise aussi dans d’autres systèmes juridiques les termes d’ « expulsion » ou de « déportation » (deportation order). Mais en France l’expulsion est liée à un motif d’ordre public et la déportation est connotée négativement, et associée à la Shoah et aux déportations de la Seconde guerre mondiale.

En droit français il existe une multiplicité de mesures d’éloignement.

Rq.On constate aussi une massification de ces mesures depuis 1990 (jusqu’à 152 181 mesures d’éloignement prononcées en 2019 pour 31 404 exécutées).

Source : Ministère de l'intérieur, Chiffres clefs de l'immigration 2020, p. 81

Source : Ministère de l'intérieur, Chiffres clefs de l'immigration 2020, p. 81

En savoir plus : Evaluation du nombre de sans-papiers
 
Il est difficile d’évaluer le nombre d’étrangers en séjour irrégulier (ESI) en France. Généralement les spécialistes estiment qu’ils et elles sont environ 400 000 à 500 000.

Il existe quelques indicateurs (nombre de bénéficiaires de l’AME, statistiques des interpellations).
Source : Les étrangers en France, 2020


Les mesures d’éloignement sont de nature soit administrative soit judiciaire (v. leçon n° 6 sur la pénalisation).

Ici, seules les mesures administratives d’éloignement seront envisagées (Section 1), ainsi que les modalités de leur mise à exécution (Section 2).

Section 1. Les mesures administratives d’éloignement


Sont des mesures administratives d'éloignement l'obligation de quitter le territoire français - OQTF (§1), l'arrêté d'expulsion (§2) ainsi que la remise aux autorités d'un Etat membre de l'UE (§3).

Rq.

NB :

Les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF), très utilisés en pratique à partir de 1990, ont été progressivement marginalisés par la loi n° du 16 juin 2011, par transposition de la directive n° « retour », pour être finalement supprimés par la .


Les refus d'entrée, qui ont pour conséquence le réacheminement de l'étranger, c'est-à-dire son éloignement, sont traités dans la leçon sur l'entrée (jusqu'à 80 000 en 2020).



Source : Les étrangers en France, p. 85

L'obligation de quitter le territoire français (OQTF) constitue désormais la principale mesure d'éloignement des étrangers (A). Elle peut être assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français – IRTF (B) et l'arrêté préfectoral fixe aussi le pays de destination (C).

On constate aussi la massification de la contestation de ces OQTF devant les TA et la complexification du régime contentieux (D).



L'obligation de quitter le territoire français est une mesure générale concernant les étrangers visant à leur éloignement en raison de leur irrégularité (1). Certaines catégories de personnes sont cependant encore protégées (2).


Df.L'obligation de quitter le territoire français est l'acte administratif par lequel les autorités préfectorales impose à une personne étrangère de quitter le territoire français la plupart du temps pour motif d'irrégularité du séjour.

Arrêté préfectoral d'OQTF

Plus connue des praticiens sous le nom d'OQTF, a été introduite en droit français par la loi du 24 juillet 2006. Sous l'influence du droit de l'Union européenne (directive n° 2008/115/CE dite « retour »), elle a progressivement supplanté les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF). Son régime a été profondément réformé par la loi « Besson » de juin 2011.

Tx.Directive n° du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

Le CESEDA consacre un chapitre du livre VI au OQTF (Chapitre I : décision portant DÉCISION PORTANT OBLIGATION DE QUITTER LE TERRITOIRE FRANÇAIS - articles L. 611-1 à L. 611-3). Il reprend l'économie de l'ancien article 22 bis de l'ordonnance de 1945 et du livre V de l'ancien CESEDA.

Les hypothèses dans lesquelles une OQTF peut être décidée sont énumérées à l'article L. 611-1 du CESEDA – correspondant aux principales situations de séjour irrégulier d'un ressortissant de pays tiers (RPT).
Schématiquement, les huit hypothèses visées par la loi sont les suivantes :
  • absence d'entrée régulière en France et défaut de titre de séjour ;
  • maintien irrégulier au-delà de la durée de validité du visa d'entrée ou de trois mois si en est dispensé et défaut de titre de séjour ;
  • défaut de renouvellement du titre de séjour et maintien sur le territoire au-delà de l'expiration de la validité du titre de séjour ;
  • refus de délivrance ou de renouvellement ou retrait d'un titre de séjour ;
  • retrait ou retrait récépissé, autorisation provisoire de séjour ;
  • rejet d'une demande d'asile ;
  • menace à l'ordre public par un étranger ne résidant pas régulièrement en France depuis plus de trois mois ;
  • étranger ne résidant pas régulièrement en France depuis plus de trois mois et ayant méconnu l'article L. 5221-5 du Code du travail.
En outre l'article L. 611-2 du CESEDA ajoute un cas en lien avec la .

Un certain nombre d’étrangers sont protégés contre les OQTF – principalement les catégories d’étrangers qui bénéficient d’un droit au séjour de « plein droit ».

En vertu de l’article L. 611-3 du CESEDA, sont protégés contre l’éloignement de manière absolue :
  • les étrangers mineurs (1°) ;
  • les étrangers justifiant par tous moyens qu’ils résident habituellement en France depuis qu’ils ont atteint au plus l’âge de 13 ans (2°) ;
  • les étrangers qui résident régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s’ils ont disposé pendant toute cette période d’une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » (3°) ;
  • les étrangers qui résident régulièrement en France depuis plus de 20 ans (4°) ;
  • les étrangers, père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu’ils contribuent effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins 2 ans (5°) ;
  • les étrangers mariés depuis au moins 3 ans, dont le conjoint est de nationalité française, à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé depuis le mariage (6°) ;
  • les étrangers résidant régulièrement en France depuis plus de 10 ans, mariés depuis au moins 3 ans avec un ressortissant étranger résidant habituellement en France depuis au plus l’âge de 13 ans, à condition que la vie commune n’ait pas cessé depuis le mariage (7°) ;
  • les étrangers titulaires d’une rente d’accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d’incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % (8°) ;
  • les étrangers résidant habituellement en France si leur état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour eux des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, ils ne pourraient pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (9°).

Rq.NB : Par dérogation au présent article, l'étranger mentionné aux 2° à 8° peut faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 611-1 s'il vit en France en état de polygamie (issu de la loi « séparatisme » n° du 24 août 2021 - art. 25).

Avant 2011, les étrangers faisant l’objet d’une OQTF ou d’un APRF bénéficiaient généralement d’un délai d’un mois pour exécuter la mesure d’éloignement – ce qui correspondait également au délai de saisine du TA (sauf en cas de placement en rétention).

Depuis 2011, par transposition de la directive n° 2008/115/CE, l’OQTF est, en principe, assortie d’un délai de départ volontaire (DDV).

DDV 30 jours : Le délai accordé est normalement de trente jours à compter de la notification de la décision.

Au regard de la situation personnelle de l’étranger, l’administration peut, à titre exceptionnel, exceptionnellement accorder un délai supérieur (article L. 612-1).

Ce délai de départ volontaire peut être mis à profit pour demander à bénéficier de l’aide au retour volontaire (ARV) proposée par l’OFII.
Source : Les étrangers en France 2020, p. 92


En savoir plus : Le délai de départ volontaire

Le DDV a été introduit, avec retard, dans le CESEDA en transposition de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008.
Tx.
Article 7 de la directive n° 2008/115/CE


Noël des sans-papiers 2010 sur CPDH !


Source : FTDA, L'OQTF. L'essentiel, 2019, p. 34-35




Néanmoins, les autorités préfectorales peuvent décider de n’accorder aucun DDV à l’étranger (article L. 612-2) si :
  • le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ;
  • l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse ;
  • il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation (risque de fuite).
    Tx.
    Articles 3 et 7 de la directive n° 2008/115/CE


Conformément à l’article 3 de la directive n° 2008/115, ce risque de fuite est défini sur la base de critères objectifs.

Tx.Article L. 612-3 :

« Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :

1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;

7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;

8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.
»

Df.L’interdiction de retour sur le territoire français constitue une décision, liée à l’OQTF, par laquelle les autorités préfectorales interdisent à un étranger, pendant une durée déterminée, de revenir sur le territoire français. Tant qu’elle n’est pas abrogée ou caduque, elle empêche le RPT de revenir dans l’UE (signalement au fichier des non-admissions)

L’obligation de quitter le territoire français peut, ou même depuis la , dans certains cas, doit être assortie d’une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF), en application de l’article 11 de la directive n° 2008/115/CE.
Tx.
Article 11 de la directive n° 2008/115/CE



Les autorités préfectorales doivent assortir l’OQTF d’une IRTF lorsque :
  • aucun DDV n'a été accordé au RPT (article L. 612-6) ;
  • le RPT s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du DDV (article L. 612-7).
Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour.

Dans les autres cas, l’IRTF relève du pouvoir discrétionnaire du préfet. Elle dépend du non-respect du DDV ou d’une précédente OQTF.

La durée de l’IRTF est d’au maximum, à compter de l’exécution :
  • 3 ans, si aucun DDV n’a été accordé (article L. 612-6) ;
  • 2 ans dans les autres cas (article L. 612-8).
Cette durée est fixée en tenant compte de divers critères fixés par la loi : la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (article L. 612-10).

Source : Cimade, Fiche-réflexe IRTF – Interdiction de retour sur le territoire français, janvier 2022.



Toutefois, l’IRTF peut être prolongée pour une durée maximale de deux ans lorsque le RPT s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire malgré une OQTF sans délai ou au-delà du DDV qui lui avait été accordé ou s’il est revenu sur le territoire français après avoir déféré à l'OQTF, alors que l'interdiction de retour poursuivait ses effets.

Compte tenu des prolongations éventuellement décidées, la durée totale de l'IRTF ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'OQTF, sauf menace grave pour l'ordre public (article L. 612-11).

Rq.NB : Le fait de revenir en France avant l’expiration de l’IRTF expose aussi le RPT à des poursuites pénales (3 ans de prison).


Ex.
Un exemple d'OQTF assortie d'une IRTF (source : document CIMADE)



Rq.NB : L’IRTF entraîne le signalement automatique de l’étranger au système information Schengen (SIS). Cette base de données alimentée et consultée par l’ensemble des Etats Schengen contient notamment des données relatives aux étrangers qualifiés d’indésirables. Une personne inscrite au SIS se verra refuser la délivrance d’un visa par tout Etat Schengen ou l’entrée sur le territoire de tout Etat Schengen.

Abrogation : L'autorité administrative peut à tout moment abroger l’IRTF, soit de sa propre initiative, soit à celle de l’intéressé. Lorsque ce dernier sollicite l'abrogation de l'IRTF, sa demande n'est recevable que s'il justifie résider hors de France, à moins qu’il ne soit incarcéré ou assigné à résidence (article L. 613-7).

La décision préfectorale portant OQTF mentionne le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office (article L. 612-12).

Même si formellement l’arrêté figure dans le même arrêté préfectoral, il s’agit juridiquement d’une décision distincte (article L. 721-3).

Le préfet peut fixer comme pays de renvoi :
  1. Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'OFPRA ou la CNDA lui a accordé une PI ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ;
  2. Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ;
  3. Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible.

Rq.NB : Afin de respecter la CEDH (protection par ricochet), un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la CESDH (article L. 721-4).

D’un point de vue contentieux, même s’il s’agit d’une décision distincte, la décision fixant le pays de renvoi peut être contestée dans le même recours que la décision administrative d'éloignement qu'elle vise à exécuter. Lorsqu'elle a été notifiée postérieurement à la décision d'éloignement, la décision fixant le pays de renvoi peut être contestée alors même que la légalité de la décision d'éloignement a déjà été confirmée par le juge administratif ou ne peut plus être contestée (article L. 721-5).

Rq.NB : Pratique d’OQTF sans arrêté de destination (éloignement vers nulle part), notamment dans le Calaisis.

Figure 1 : Une OQTF vers l'Ukraine (source : Norbert Clément, « UKRAINIAN GO HOME ! », Blog droit des étrangers, 17 mars 2022)


Voir Serge Slama, « Arrêté de destination : éloignement vers nulle part », Plein droit 2015/4 (n° 107), pages I à VIII.

Rq.NB : Le taux d’éloignement effectif dépend très fortement de la délivrance d’un laissez-passer consulaire (LPC) par les pays d’origine.
Source : Les étrangers en France, 2020, p. 88-89



Source : Les étrangers en France, 2020, p. 88-89
Source : Les étrangers en France, 2020, p. 88-89


Depuis que la contestation des reconduites à la frontière (APRF) a été confiée au juge administratif au début des années 1990, le contentieux des étrangers n’a cessé de croître.

En 2018, pour environ 130 000 mesures d’éloignement prononcées par les préfectures, on dénombre
  • Pour les TA : 37,5 % des entrées (+ 13 %), soit 79 807 recours d’étrangers sur un total de 213 029 décisions rendues.
    => cela signifie que 61% des décisions préfectorales relatives aux étrangers sont contestées.
  • Pour les CAA, en appel des décisions OQTF, ce contentieux représente désormais près de la moitié (49,4 %, soit 16 693) des 33 773 requêtes introduites.
  • En cassation au C.E., 1 975 recours, soit 20,65 % - juge suprême préservé depuis qu’ont été transférés les appels des APRF (en 2005) et le contentieux des visas (TA de Nantes). Il ne connaît plus que des seuls appels des référés-liberté (qui peuvent concerner des étrangers) et quelques contentieux réglementaires en REP déposés par les associations.
Au bilan, pour 2018, un total de 98 500 requêtes d’étrangers a été porté devant les juridictions administratives générales. Il faut ajouter à ces décisions un nombre important de demandes d’admission à l’aide juridictionnelle, généralement accordée dans ce contentieux séjour / éloignement.

Depuis trente ans, la seule réponse qui a été donnée par les (nombreuses) réformes qui se sont succédées n’a jamais été d’apporter des garanties complémentaires, ni même de simplifier, le contentieux des étrangers (en développant les alternatives au contentieux) mais systématiquement, par empilement successif des réformes et stratification des droits applicables (notamment, depuis 2010, la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dite « retour » ou encore l’impact des directives européennes relatives aux procédures d’asile et, bien évidemment, du règlement « Dublin 3 » de 2013), de le complexifier et de le rendre illisible et impraticable, aussi bien pour les étrangers concernés par ces mesures, pour les associations qui les soutiennent, les avocats qui les défendent mais aussi pour les préfectures qui les édictent, les policiers qui les appliquent et les magistrats qui rendent les décisions dans des délais de plus en plus contraints et des conditions procédurales de moins en moins satisfaisantes.

Compétence du juge administratif :
Tx.Article L. 614-1 :

« L'étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions et délais prévus au présent chapitre, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision relative au délai de départ volontaire et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables au jugement de la décision fixant le pays de renvoi contestée en application de l'article L. 721-5 et de la décision d'assignation à résidence contestée en application de l'article L. 732-8.
»

Actuellement dans le CESEDA Chapitre IV : PROCÉDURE CONTENTIEUSE (articles L. 614-1 à L. 614-19) on dénombre 10 régimes contentieux distincts :
Source : Cimade, Fiche-réflexe : OQTF l’essentiel en 4 pages et le recours « minute », 2019



Malgré cette frénésie de réformes du contentieux des étrangers, le dispositif n’a pas gagné en efficacité….
Source : USMA (avec ancien CESEDA), Contribution à l'étude relative à l'organisation des procédures contentieuses en matière de droit des étrangers et d'asile
Source : Projet de loi de finances pour 2022 : Immigration, asile et intégration


Df.L’expulsion est la mesure administrative par laquelle les autorités ministérielles ou préfectorales imposent à un étranger, y compris en séjour régulier (CR 10), son éloignement du territoire français en raison de la menace grave pour l’ordre public que sa présence représente. La mesure d’expulsion l’empêche d’y revenir pour une durée illimitée (forme de bannissement).

=> Il s’agit de la plus ancienne mesure d’éloignement puisqu’elle est utilisée en France depuis la monarchie de Juillet (1830) et qu’elle a été encadrée par une loi de 1849.


Dans le jargon associatif on la dénonce, avec les ITF, comme une forme de « double peine ».

Rq.NB : La seule exigence porte sur la menace grave à l’ordre public que doit constituer la présence en France d'un étranger. L’exigence d’une condamnation à une peine d’emprisonnement ferme d’une durée au moins égale à un an a été supprimée par la loi « Sarkozy » du 26 novembre 2003 (suite à une longue campagne contre la « double peine »).


De manière générale, l'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public (article L. 631-1).

Certaines catégories d’étrangers sont protégées à l’égard d’un arrêté d’expulsion (A). La procédure préalable est assez complexe et protectrice – même s’il n’existe pas de recours suspensif contre les arrêtés d’expulsion au mépris du droit à un recours effectif (B). Il est nécessaire aussi d’étudier les effets d’un arrêté d’expulsion, qui s’apparente à une interdiction définitive du territoire français (C).


Héritage des différentes lois, sous l’influence de la jurisprudence de la CEDH (CEDH, 2 août 2001, Boultif c. Suisse, n° 54273/00 ; CEDH [GC], 18 oct. 2006, Üner c. Pays-Bas, n° 46410/99), le CESEDA définit plus les étrangers qui sont protégés contre une expulsion que les cas dans lesquels celle-ci est possible.

On est en présence d’une gradation : plus l’atteinte à l’OP ou aux intérêts de la société est importante ou grave, mois il existe d’étrangers protégés.

Plusieurs catégories de personnes sont protégées contre une mesure d’expulsion. Certains bénéficient d’une protection relative (1), d’autres d’une protection renforcée (2).

Rq.Les mineurs sont protégés de manière absolue contre les arrêtés d’expulsion - comme ils le sont à l’égard de toutes mesures administratives et judiciaires d’éloignement (article L. 631-4).


Sont protégées de manière relative, tant que cette mesure ne constitue pas une nécessité impérieuse pour la sûreté de l’Etat ou la sécurité publique :
  1. L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du Code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ;
  2. L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ;
  3. L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été pendant toute cette période titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention « étudiant » ;
  4. L'étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %.

Deux exceptions :
  • l'étranger mentionné aux 1° à 4° peut faire l'objet d'une décision d'expulsion s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans ;
  • l'étranger mentionné aux 1° à 4° peut faire l'objet d'une décision d'expulsion s'il vit en France en état de polygamie (article L. 631-2 du CESEA modifié par la loi n° du 24 août 2021 - art. 25).

Une mesure d’expulsion ne peut être prononcée à leur encontre qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes (article L. 631-3 - modifié par loi « séparatisme » n° 2021-1109 du 24 août 2021 - art. 25).

Tx.

« 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ;

2° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ;

3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui est marié depuis au moins quatre ans soit avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, soit avec un ressortissant étranger relevant du 1°, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessée depuis le mariage ;

4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ;

5° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
»

Toutefois, l'étranger mentionné aux 1° à 5° peut faire l'objet d'une décision d'expulsion s'il vit en France en état de polygamie (loi séparatisme).L'étranger mentionné aux 3° et 4° (conjoint de Français et parent d'enfant français) peut faire l'objet d'une décision d'expulsion lorsque les faits à l'origine de la décision d'expulsion ont été commis à l'encontre de son conjoint ou de ses enfants ou de tout enfant sur lequel il exerce l'autorité parentale (violences intrafamiliales)


Rq.Le conjoint ou le parent de Français ne bénéficie pas de cette protection lorsque les faits à l'origine de la mesure d'expulsion ont été commis à l'encontre de son conjoint ou de ses enfants ou de tout enfant sur lequel il exerce l'autorité parentale. La logique du législateur de lutter plus particulièrement contre les violences intra-familiales va nécessairement se heurter au libellé de la loi. On peut difficilement retenir que de telles violences (viol, agressions sexuelles, violences volontaires, abandon de famille etc…) puissent être qualifiées de « comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ». C’est pourtant bien la condition posée par la loi pour que la protection renforcée soit écartée.

Curieusement, pas de statistiques sur le nombre de procédures d’expulsion dans Les étrangers en France (les orientations de la politique d’immigration).

En savoir plus : Radicalisation au sein de l'immigration irrégulière

Voir : « Plus de 600 étrangers radicalisés expulsés de France depuis 2018 », Le Monde avec APF, 5 septembre 2021.

« Un peu plus de 600 étrangers en situation irrégulière et soupçonnés de radicalisation ont été expulsés depuis 2018, a fait savoir, dimanche 5 septembre, le ministère de l’intérieur.

« Six cents personnes étrangères connues pour radicalisation ont été expulsées », a déclaré dimanche 5 septembre Marlène Schiappa, ministre déléguée à la citoyenneté, invitée de l’émission « Le Grand Rendez-vous » sur Europe 1, CNews et avec Les Echos.

Interrogé, le ministère de l’intérieur a précisé que depuis 2018, 636 personnes en situation irrégulière qui figuraient au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) n’étaient plus sur le territoire national, la grande majorité ayant été expulsée. […]
»


Voir : « Gérald Darmanin communique des chiffres sur la radicalisation au sein de l’immigration irrégulière », Le Monde avec AFP, 13 octobre 2020.

« Le ministre de l’intérieur a rendu publiques, mardi, des statistiques rarement divulguées par un gouvernement et a affirmé son intention de procéder à des expulsions.

A l’occasion de la première présentation mensuelle des chiffres de l’activité des forces de l’ordre, mardi 13 octobre, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a rendu publiques des statistiques sur le nombre d’étrangers en situation irrégulière fichés pour radicalisation.

Une communication rare de la part d’un gouvernement : corréler publiquement immigration irrégulière et radicalisation est « une nouveauté », a ainsi commenté auprès de l’Agence France-Presse (AFP) François Héran, démographe et responsable de la chaire Migrations du Collège de France.

Selon le ministre de l’intérieur, ce sont ainsi 4 111 étrangers qui sont inscrits au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), dont 851 immigrés clandestins. Sur ce contingent, 661 font déjà l’objet de mesures d’éloignement, mais seules 428 « expulsions du territoire national ont été effectuées », a énuméré Gérald Darmanin lors d’un point presse amené à se répéter tous les mois, et mené conjointement avec la ministre déléguée à la citoyenneté, Marlène Schiappa.

Reste 231 personnes « en situation irrégulière et suivies pour soupçons de radicalisation », selon le ministre, « qu’il nous faut expulser aujourd’hui ». Pour 180 d’entre eux, actuellement incarcérés, « consigne a été donnée de pouvoir expulser » à la sortie de prison, a dit M. Darmanin. Les autres « présentent un motif légitime », lequel justifie qu’ils restent à ce stade en France. Il s’agit par exemple de personnes originaires de pays en guerre, vers lesquels l’Etat français ne peut pas expulser en vertu des conventions internationales. « Chacun comprend qu’il est difficile d’expulser vers la Libye », a ainsi déclaré M. Darmanin. [...]
»

La décision d'expulsion peut être prise soit par le préfet du lieu de résidence de l'étranger (arrêté préfectoral d'expulsion - APE), soit, dans certains cas (urgence absolue/ étranger protégé) par le ministre de l'intérieur (arrêté ministériel d'expulsion - AMEX).

Art. R632-1 du CESEDA

Art. R. 632-2 du CESEDA

Tx.« Sauf en cas d'urgence absolue, l'autorité administrative compétente pour prononcer l'expulsion d'un étranger en application de l'article L. 631-1 est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. »
Tx.« L'autorité administrative compétente pour prononcer l'expulsion d'un étranger en application des articles L. 631-2 ou L. 631-3 ainsi qu'en cas d'urgence absolue est le ministre de l'Intérieur. »
Préfets compétents pour les expulsions « simples ».Ministre de l'Intérieur pour les expulsions à l'encontre d'étrangers protégées ou en cas d'urgence absolue.


Il faut distinguer la procédure de droit commun (1) de la procédure applicable en cas d’urgence absolue (2).

L’encadrement procédural de droit commun est assez précis.

> L'intéressé doit être avisé que l'autorité compétente envisage de prendre un arrêté d'expulsion à son encontre (bulletin de notification, article R. 632-3). Ce bulletin, qui doit être adressé au moins 15 jours avant (article L. 632-2), vaut convocation devant la commission d'expulsion.


> La Commission d'expulsion (COMEX) est composée (article L. 632-1) :
  • De deux magistrats judiciaires du chef-lieu du département ;
  • D'un conseiller de tribunal administratif.


> Procédure : L'étranger a le droit d'être assisté d'un conseil ou de toute personne de son choix et d'être entendu avec un interprète. Il peut bénéficier de l'aide juridictionnelle et accéder au dossier.
Devant la COMEX, l'étranger peut faire valoir toutes les raisons qui militent contre son expulsion. Les débats sont publics.

Le préfet ou son représentant (chef du service des étrangers) assure les fonctions de rapporteur (article R. 632-7).

Un PV est dressé et est transmis, avec l'avis motivé de la commission, au préfet et à l'intéressé.

En principe, la commission rend son avis dans le délai d'un mois à compter de la remise à l'étranger de la convocation mentionnée au premier alinéa. A l'issue de ce délai, les formalités de consultation de la commission sont réputées remplies, ce qui montre bien le caractère essentiellement formel de la procédure (article L. 632-2).

=> Le préfet n'est pas obligé de suivre l'avis de la COMEX.


> Recours : L'arrêté d'expulsion peut ensuite être contesté devant le TA de Paris (article R. 312-8). Mais le recours n'est pas suspensif. Il est possible de faire un référé-suspension mais il n'est lui-même pas suspensif.

En cas d'urgence absolue, le ministre de l'intérieur peut prendre un arrêté d'expulsion sans à avoir à consulter la COMEX (article L. 632-1).

L'appréciation de la condition d'urgence absolue peut apparaître problématique. Lorsque l'intéressé est en détention, la condition de l'urgence absolue n'est pas satisfaite. En effet, le temps de l'incarcération permet à l'administration de suivre la procédure de droit commun.

Voir OIP, La fabrique des expulsables : « En prison, les personnes étrangères s'exposent au risque d'être expulsées du territoire à leur levée d'écrou. L'incarcération donne en effet l'occasion aux préfets d'examiner leur situation et de décider de leur sort, en actionnant le levier de la « menace pour l'ordre public ». Une situation qui tend à s'aggraver d'années en années, et fait de la prison un rouage central de la lutte contre l'immigration irrégulière. »


> Recours : L'expulsé peut être éloigné immédiatement et il n'existe aucun recours effectif contre une expulsion en urgence absolue, en violation de l'article 13 de la CEDH combiné à son article 3 (protection par ricochet).

Ex.La France a déjà été condamnée pour ne pas avoir respecté une mesure provisoire prononcée par la CEDH dans le cadre d'une procédure d'expulsion en urgence absolue (CEDH, 01 février 2018, M.A. c. France, n° 9373/15).

Elle n'en multiplie pas moins les expulsions hâtives avant que le TA, saisi en référé, n'ait pu se prononcer.

Voir « La CEDH condamne la France pour l'expulsion d'un Algérien », Le Monde, 2 février 2018 par Jean-Baptiste Jacquin :

« L'homme qui risquait la torture en Algérie n'avait pas pu bénéficier de son droit de recours.

La France a fait l'objet jeudi 1er février d'une double condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) qui vient assombrir un tableau pourtant honorable. En 2017 en effet, la cour de Strasbourg a condamné son pays hôte à six reprises, quand l'Allemagne était condamnée sept fois, l'Italie vingt-huit fois mais le Royaume-Uni seulement deux fois. Sans comparaison avec la Russie et ses 293 condamnations.

L'affaire jugée ici est cependant embarrassante. Il s'agit d'un ressortissant algérien, condamné en France pour association de malfaiteurs terroristes, qui a été expulsé vers l'Algérie dans des conditions contestables. Selon la CEDH, la France a violé l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme sur l'interdiction de la torture, en expulsant le 20 février 2015 cet homme alors âgé de 39 ans vers un pays où sont signalés des « cas de torture et d'autres mauvais traitements dans des lieux de détention, en particulier dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ». Les juges de Strasbourg notent que le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture n'a obtenu d'Alger « aucune suite favorable à ses demandes de visite dont la première a été formulée en 1997 ».

De plus, la CEDH accuse les services français d'avoir organisé l'expulsion de façon à empêcher cet homme de faire valoir ses droits au regard de l'article bannissant la torture. La France est donc également condamnée pour avoir entravé ce droit au recours protégé par l'article 34 de la Convention. [...]

L'intéressé, lui, ne se voit notifier la décision que le 20 février à 9 h 20. Il saisit alors en urgence la CEDH qui demande immédiatement à la France de suspendre l'expulsion. Paris a argué avoir reçu la décision à 16 h 18 alors que l'avion avait décollé à 16 h 14... Cet homme qui avait été condamné en France à sept ans de prison ferme pour avoir projeté avec la « filière tchétchène » des attentats en France en 2001 et 2002 est aujourd'hui toujours en Algérie.
»

Un arrêté d'expulsion s'oppose au retour en France de l'intéressé, tant que celui-ci n'a pas obtenu soit son abrogation, soit son annulation ou sa suspension par le juge administratif.

Ex.Cas célèbre de Daniel Cohn-Bendit expulsé de 1968 à 1978.
Daniel Cohn-Bendit, interdit de séjour en France, essaie de rejoindre la frontière française de la Brême d'Or de Spicheren (Forbach), le 24 mai 1968. Source : https://www.republicain-lorrain.fr


D'une part, il est possible de saisir la juridiction administrative compétente d'un recours pour excès de pouvoir, assorti, le cas échéant, d'un référé-suspension.

Alors que l'ineffectivité des recours ne fait pas l'ombre d'un doute eu égard à la jurisprudence de la CEDH (CEDH, 26 avr. 2007, n° 25389/05, Gebremedhin c/ France), le Conseil constitutionnel n'exige pas de recours suspensif de plein droit pour respecter le droit au recours effectif découlant de l'article 16 de la DDHC (Cons. const., déc. n° 2016-580 QPC du 5 octobre 2016, M. Nabil F. [Expulsion en urgence absolue], paragr. 10 et 11 ; C.E., 30 décembre 2016, n° 398371).

Ces expulsions posent aussi le cas des étrangers condamnés pour terrorisme qui ne peuvent être éloignés vers leur pays d'origine (protection par ricochet). Ils peuvent faire l'objet de rétention administrative de longue durée (jusqu'à 6 mois) et d'assignation à résidence sans fin.

Ex.Cas de Daoudi assigné depuis 2008 (CEDH, 3 décembre 2009, Daoudi c. France, n° 19576/08.

Cons. const., déc. n° 2017-674 QPC du 1er décembre 2017, M. Kamel D. [Assignation à résidence de l'étranger faisant l'objet d'une interdiction du territoire ou d'un arrêté d'expulsion]). Suite à une nouvelle condamnation à une peine de prison pour un retard à un pointage, Kamel Daoudi qui est assigné depuis plus de dix ans, a saisi la CEDH (« Kamel Daoudi, suspect à perpétuité », Le Monde, 7 janvier 2021).
Articles publiés sur le site Le Monde


Voir :


D'autre part, une demande d'abrogation peut être adressée à tout moment à l'autorité ayant pris l'arrêté d'expulsion (article L. 632-3).

Toutefois qu'il ne peut être fait droit à la demande d'abrogation que si l'intéressé ne réside plus sur le territoire français (article L. 632-5).

La demande d'abrogation est déposée dans un délai de cinq ans à compter de l'exécution effective de l'arrêté d'expulsion, elle ne peut être rejetée qu'après avis de la commission d'expulsion (COMEX) (article L. 632-4) - devant laquelle l'intéressé peut se faire représenter.

Réexamen : décision d'expulsion donne lieu à un réexamen tous les cinq ans. L'autorité compétente tient compte de l'évolution de la menace pour l'ordre public que constitue la présence de l'intéressé en France, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente, en vue de prononcer éventuellement l'abrogation de cette décision. L'étranger peut présenter des observations écrites (article L. 632-6).

Le refus d'abrogation est susceptible de recours.

Les étrangers qui résident hors de France et qui ont obtenu l'abrogation de la décision d'expulsion dont ils faisaient l'objet bénéficient d'un visa pour rentrer en France, sauf si opposition de ... l'ordre public (article L. 632-7).

Rq.NB : Lorsqu'ils ont été condamnés en France pour violences ou menaces à l'encontre d'un ascendant, d'un conjoint ou d'un enfant, le droit au visa est subordonné à l'accord des ascendants, du conjoint et des enfants vivant en France.

Il existe deux mécanismes d'éloignement à l'intérieur de l'espace de l'Union européenne : la remise (A) et l'éloignement décidé par un Etat membre de l'Union européenne (B) mais aussi des interdictions de circulation (C).


Df.La remise est une procédure d'éloignement issue du droit de l'UE ou d'accords avec d'autres pays européens qui est régie par un régime sensiblement différent aux autres mesures. Elle vise à renvoyer le ressortissant de pays tiers (RPT) vers cet autre Etat membre et non vers son pays d'origine.

En application des accords de réadmission conclus par la France avec certains Etats membres de l'Union européenne, de la Convention de Schengen et de la réglementation Dublin, les autorités préfectorales françaises peuvent remettre un ressortissant d'Etat tiers à un autre Etat membre de l'Union européenne. Les personnes concernées (1) sont soumises à une procédure simplifiée (2).


Sont susceptibles d'être remises aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'UE et, le cas échéant, de la République d'Islande, de la Principauté du Liechtenstein, du Royaume de Norvège ou de la Confédération suisse, en dérogation aux refus d'entrée ou aux OQTF (article L. 621-1) :
  • Un RPT admis à entrer ou à séjourner régulièrement sur le territoire de cet autre Etat, il est entré en France sans se conformer aux exigences du Code frontière Schengen et du CESEDA pour entrer en France (article L. 621-2) ;
  • Le RPT en provenance directe du territoire de l'autre État partie à la CAAS et qui ne remplit pas les conditions d'entrée relatives aux conditions de circulation des étrangers sur les territoires des parties contractantes, ou n'a pas souscrit, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire alors qu'il était astreint à cette formalité (article L. 621-3) ;
  • Le RPT détenteur d'un titre de résident « longue durée – UE » en cours de validité accordé par cet Etat, en séjour irrégulier sur le territoire français (article L. 621-4) ;
  • Le RPT détenteur d'une carte de séjour portant la mention « carte bleue européenne » en cours de validité accordée par cet Etat, lorsque lui est refusée la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 421-11 ou bien lorsque la carte de séjour portant la mention « carte bleue européenne » dont il bénéficie expire ou lui est retirée durant l'examen de sa demande.
C'est aussi le cas des membres de sa famille (article L. 621-5). ;
  • Les RPT ou les membres de leur famille admis à séjourner sur le territoire d'un autre Etat membre et effectuant un détachement temporaire intragroupe conformément à la directive n° du 15 mai 2014 lorsque certaines formalités n'ont pas respectées (article L. 621-6) ;
  • Le RPT étudiant ou le chercheur ainsi que les membres de sa famille, admis au séjour sur le territoire de cet Etat et bénéficiant d'une mobilité en France conformément à la directive (UE) n° du 11 mai 2016 lorsque cet étranger n'a pas respecté certaines formalités ou obligations (article L. 621-7).



La procédure est simplifiée.

L'étranger est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par la préfecture. Il est mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix.

La remise peut être exécutée d'office par l'administration, sans que le destinataire puisse bénéficier d'un jour franc avant l'exécution de la mesure ou d'un recours suspensif.

En cas de placement en rétention ou d'assignation à résidence, il bénéfice du même régime de contestation que celui de l'OQTF sans DDV (article L. 623-1).

Rq.NB : Il existe une catégorie spécifique de remises, les « remises frontalières », qui interviennent dans les zones frontalières en application d'accords bilatéraux comme les accords de Chambéry pour la frontière franco-italienne sous la forme d'un simple échange de mails entre les autorités françaises et italiennes.
Source : Chiffres clés 2020, p. 79


La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) a fait trois visites dans les locaux de la PAF de Menton. Elle a rendu des rapports particulièrement critiques.

Locaux de la PAF de Menton, dans les Alpes Maritimes, à la frontière avec l'Italie. Source : https://www.cglpl.fr

Voir CGLPL,
  • Rapport de la deuxième visite des services de la police aux frontières de Menton (Alpes-Maritimes).
    « Quatre contrôleurs ont effectué une visite inopinée sur la prise en charge des personnes étrangères interpellées par le service de la police aux frontières terrestre (SPAFT) de Menton (Alpes-Maritimes) du 4 au 8 septembre 2017. Un rapport de constat a été envoyé au chef du SPAFT, au procureur de la République et au président du tribunal de grande instance de Nice par courriers en date du 26 janvier 2018. Ce dernier a formulé ses observations dans un courrier du 3 mars 2018. Le directeur départemental de la police aux frontières des Alpes-Maritimes a fait part de ses observations dans un courrier du 9 mars.
    Le SPAFT a déjà fait l'objet d'une précédente visite du contrôle général des lieux de privation de liberté (CGLPL) en juillet 2015, lorsque la frontière franco-italienne était régie par le principe de libre circulation des personnes au sein de l'espace Schengen
    ».
  • Rapport de la troisième visite des locaux de la police aux frontières de Menton (Alpes-Maritimes).
    « Deux contrôleurs ont effectué une visite inopinée sur la prise en charge des personnes étrangères interpellées par le service de la police aux frontières terrestre (SPAFT) de Menton (Alpes-Maritimes) du 3 au 6 septembre 2018. Un rapport de constat a été adressé au chef du SPAFT, au procureur de la République et au président du tribunal de grande instance de Nice par courriers du 4 juin 2019. La direction départementale de la police aux frontières des Alpes-Maritimes a fait part de ses observations dans un courrier du 5 juillet 2019. Aucune autre observation n'est parvenue en retour au CGLPL.
    Le SPAFT de Menton a fait l'objet d'une précédente visite du CGLPL sur la même thématique, en septembre 2017
    ».

La transposition de la directive n° du Conseil du 28 mai 2001 relative à la reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement des ressortissants de pays tiers, permet aux autorités françaises d'exécuter d'office une mesure d'éloignement prise à l'encontre d'un ressortissant de pays tiers dès lors qu'il a fait l'objet d'un refus d'entrée ou d'un éloignement exécutoire en raison d'un signalement aux fins de non-admission « Schengen » ou qu'il a fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des autres Etats membres de l'UE (articles L. 615-1 à L. 615-2 du CESEDA).

Tx.Article L. 615-1 :

« L'autorité administrative peut décider de mettre en œuvre une décision obligeant un étranger à quitter le territoire d'un autre État dans les cas suivants :

1° L'étranger a fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission en vertu d'une décision de refus d'entrée ou d'éloignement exécutoire prise par l'un des autres États parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et se trouve irrégulièrement sur le territoire métropolitain ;

2° L'étranger a fait l'objet, alors qu'il se trouvait en France, d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des autres États membres de l'Union européenne, la République d'Islande, la Principauté du Liechtenstein, le Royaume de Norvège ou la Confédération suisse.

Les conditions d'application du 2° sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
»

En cas d'assignation à résidence ou de placement en rétention, le même régime contentieux est appliqué qu'en cas d'OQTF sans DDV (articles L. 614-7 à L. 614-13 applicables à la contestation de la décision (article L. 615-2).

Reprenant le modèle des ICTF à l'encontre des citoyens de l'UE qui existent depuis la loi du 7 mars 2016, la loi du 10 septembre 2018 a prévu la possibilité d'assortir les décisions de remise d'interdiction de circulation.
  • L'idée était de pouvoir accélérer les procédures contre les RPT ayant déjà fait l'objet d'une décision de remises aux autorités d'un autre Etat membre de l'UE (particulièrement à la frontière franco-italienne où les RPT remis aux autorités italiennes sont immédiatement libérés et repassent rapidement la frontière).
  • Il existe aussi des sanctions pénales.
Ainsi le préfet peut, par décision motivée, assortir la décision de remise prise en application de l'article L. 621-1 à l'encontre d'un étranger titulaire d'un titre de séjour dans l'Etat aux autorités duquel il doit être remis, d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans (article L. 622-1).

La durée de l'ICTF est décidée en tenant compte de la durée de présence sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (article L. 622-3).

Rq.Sauf dans les rapports des associations intervenantes en CRA, aucune stat officielle du nombre d'ICTF – qui semble une pratique quasi-systématique.
Source : Centres et locaux de rétention administrative, rapport associatif 2020.


Par décalque des motifs d'ICTF à l'encontre les citoyens de l'UE, l'ICTF assortissant les remises prises dans les cas prévus aux articles L. 621-4 (titre de résident « longue durée UE), L. 621-5 (carte bleue européenne), L. 621-6 (détachement temporaire intergroupe) et L. 621-7 (étudiants et chercheurs) que lorsque le séjour en France constitue un abus de droit ou si son comportement personnel représente, au regard de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société (article L. 622-2).

Il est prévu des possibilités d'abrogation de ces ICTF (article L. 622-4).

Section 2. La mise en œuvre des décisions d’éloignement


La mise en œuvre des décisions d'éloignement peut être envisagée de manière spontanée par les intéressés, ou contrainte par les autorités dans le cadre de son exécution d'office (§3). Ces dernières peuvent recourir à deux formes distinctes de contraintes : la rétention administrative (§1), censée être de dernier recours, et l'assignation à résidence (§2).

La privation de liberté est, au regard de l'article 5 de la (CEDH, 25 juin 1996, Amuur c. France, n° 19776/92) et de l'article 15 de la directive n° dite directive retour, considérée comme de dernier recours (CJUE, 28 avril 2011, El Dridi, C-61/11 PPU ; CJUE, 6 décembre 2011, Achughbabian, C-329/11).
Tx.
Article 15 de la directive n° 2008/115/CE



Depuis la
, par transposition de la directive n° 2008/115, la rétention administrative apparaît, dans les textes, comme l'exception ; l'assignation à résidence devenant le principe.

Il n'est pas certain que, en pratique, cette inversion soit suivie d'une forte diminution du nombre de placements en rétention administrative. D'autant plus que la loi du 7 mars 2016 permet l'alternance des périodes de rétention et des périodes d'assignation à résidence, sans fixer de durée maximale.

Rq.Les assignations à résidence « alternatives à la rétention » (article L. 561-2 du CESEDA) sont passées de 14 287 en 2019 à 12 913 en 2020, soit une diminution de - 9,6 % ( Les étrangers en France en 2020, Rapport au Parlement, p. 87).
Source : Les étrangers en France 2020, p. 86



Df.La rétention administrative constitue une privation de liberté d'un étranger en instance d'éloignement décidée par l'autorité administrative, et prolongée par le juge judiciaire (JLD) dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire le temps nécessaire à son éloignement.

Tx.Elle est régie par une livre spécifique du CESEDA (Livre VII : EXÉCUTION DES DÉCISIONS D'ÉLOIGNEMENT - articles L. 700-1 à L. 767-1).

Article L. 740-1 : « L'autorité administrative peut, dans les conditions prévues au présent titre, placer en rétention un étranger pour l'exécution de la décision d'éloignement dont il fait l'objet. »

Source : Centres et locaux de rétention administrative, rapport associatif 2020, p. 10
Rapport Cimade 2020 sur les centres et locaux de rétention administrative


Source : Centres et locaux de rétention administrative, rapport associatif 2020, p. 4
Source : Centres et locaux de rétention administrative, rapport associatif 2020, p. 5


Source : Centres et locaux de rétention administrative, rapport associatif 2020, p. 11



Pour accéder au rapport 2020 de la CIMADE sur les centres et locaux de rétention administrative, cliquez ici .



Sont concernées tant les majeurs (1) mais aussi que les mineurs accompagnés (2).



De manière générale, il est prévu que l'autorité préfectorale peut placer en rétention un étranger pour l'exécution de la décision d'éloignement dont il fait l'objet (article L. 740-1).

Plus précisément, peuvent être placés en rétention (article L. 741-1) les étrangers
  • qui ne présentent pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement (risque de fuite) ;
  • et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision lorsqu’il se trouve dans les cas suivants (article L. 731-1) :
    Tx.« 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant OQTF , prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le DDV est expiré ou n'a pas été accordé ;

    NB : les OQTF de + d’un an sont caduques.

    2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une IRTF ;

    3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en œuvre d'une décision prise par un autre État membre (article L. 615-1) ;

    4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat (article L. 621-1) ;

    5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une ICTF (article L. 622-1) ;

    6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;

    7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire (article 131-30 du Code pénal) ;

    8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.
    »

Rq.NB : La peine d'ITF prononcée à titre de peine principale et assortie de l'exécution provisoire entraîne de plein droit le placement en rétention de l'étranger, pour une durée de quarante-huit heures.

Prononcée à titre de peine complémentaire, l'ITF peut donner lieu au placement en rétention de l'étranger, le cas échéant à l'expiration de sa peine d'emprisonnement (article L. 741-2).

En théorie, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet (article L. 741-3).

Rq.NB : L’impossibilité d’exécuter immédiatement ces mesures d’éloignement peut être liée à plusieurs raisons. Ainsi, l’étranger peut être démuni des documents de circulation nécessaires, soit parce qu’il n’a pas de passeport, soit parce que les autorités consulaires du pays dont il est ressortissant n’ont pas encore établi de laissez-passer.

De même, si aucun vol n’est prévu ou si aucune place n’est disponible sur un vol à destination du pays de renvoi, il existe une impossibilité matérielle de procéder à l’éloignement de l’étranger.

Pourtant on constate dans les statistiques, notamment celles des laissez-passer consulaires, particulièrement durant l’épidémie de Covid 19 que de nombreux étrangers sont placés et maintenus en rétention alors qu’il n’existe aucune perspective d’éloignement.
Source : Centres et locaux de rétention administrative, rapport associatif 2020, p. 13
Source : Centres et locaux de rétention administrative, rapport associatif 2020, p. 15
Source : Centres et locaux de rétention administrative, rapport associatif 2020, p. 25



Rétention et vulnérabilité : La décision de placement en rétention doit normalement prendre en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger. Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention (article L. 741-4).

En principe, dans la mesure où ils ne peuvent faire l’objet d’une mesure d’éloignement, les mineurs ne devraient pas être en rétention administrative.

Rq.Rappel : en revanche, dès 1992 le maintien des mineurs, y compris non accompagnés en zone d’attente a été prévu.



Toutefois avec l’adoption d’objectifs chiffrés d’éloignement en 2003 par Nicolas Sarkozy, la pratique s’est développée à partir de 2003/2004 et malgré 7 condamnations de la France par la CEDH, elle n’a jamais cessé

Une guinéenne, accompagnée de son enfant de onze mois, retenue au CRA de Rennes. Source : https://www.unicef.fr

> Jurisprudence de la CEDH et rétention des enfants étrangers.

La jurisprudence de la Cour de Strasbourg sur la rétention des enfants n’est pas dénuée d’ambiguïtés.
  • S’agissant des mineurs non accompagnés, elle se montre en règle générale assez sévère. La plupart du temps, la seule présence d’un MNA dans un centre de rétention pour adultes suffit à elle-seule à tirer le constat de traitement dégradant contraire à l'article 3 sans qu’il soit nécessaire de prendre en considération la durée de la détention (CEDH, 12 octobre 2006, Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique, n° 13178/03 ; CEDH, 5 avril 2011, Rahimi c. Grèce, n° 8687/08, §86 ; CEDH, 25 juin 2020, Moustahi c. France, n° 9347/14).
  • S’agissant de la détention de mineurs accompagnés de leurs parents, la violation de l’article 3 est acquise, selon l’âge et la durée de détention, lorsque les conditions de rétention sont inadaptées à présence d’enfants (CEDH, 19 janvier 2010, Muskhadzhiyeva et a. c. Belgique, n° 41442/07 ; CEDH, 13 déc. 2011, Kanagaratnam et a. c. Belgique, n° 15297/09).
Par suite, en raison de jurisprudence peu protectrices des juges suprêmes (Cass. civ. 1ère, 10 décembre 2009, n° 08-14.141 ; C.E., 12 juin 2006, CIMADE et GISTI, n° 282275), la Cour européenne a constaté dès 2012 la violation de l'article 3 de la CESDH en raison des conditions de détention d’enfants « accompagnants » leurs parents dans un centre de rétention pourtant censé être spécialement aménagé pour « accueillir » des familles et habilité à ce titre (CEDH, 19 janvier 2012, Popov c. France, n° 39472/07, § 105).
La France est aussi condamnée pour violation de l’article 5-1 (absence de base légale à la rétention des enfants), 5-4 (défaut de contrôle juridictionnel) et 8 de la (absence d’alternative à la rétention des familles).
=> Il ne s’agissait toutefois pas d’une remise en cause du principe même du recours à la rétention administrative en présence de mineurs, mais des modalités selon lesquelles ce recours a été effectué.
Après cette condamnation qui aurait dû aboutir à mettre fin à la rétention des enfants en France, comme s’y était d’ailleurs engagé François Hollande pendant la campagne présidentielle de 2012, la pratique de la rétention des mineurs accompagnants n’a jamais cessé en France malgré la contestation systématique des décisions par les associations assistant les étrangers en rétention et l’intervention quasi-systématique du Défenseur des droits dans ces dossiers. Elle s’est même développée en prenant des dimensions industrielles à Mayotte où 3 500 à 5 000 mineurs, souvent non accompagnés, passent par le centre de rétention sans qu’aucun contrôle juridictionnel effectif ne puisse intervenir.
Une nouvelle condamnation de la France était donc inévitable. N’ayant pas réussi avec l’arrêt Popov à faire boire un âne qui n’a pas soif, la Cour a regroupé 4 affaires, signalées notamment par des tierces interventions du Défenseur des droits et des ONG spécialisées (GISTI, CIMADE, etc.), pour infliger au pays de la Déclaration des droits de l’homme treize nouveaux constats de violation dont cinq au titre de l’article 3.
Dans ces arrêts du 12 juillet 2016, si la Cour ne remet toujours pas en cause, dans son principe, la possibilité pour les États de priver de liberté des enfants en vue de l'exécution de mesures d'éloignement concernant leurs parents, elle renforce néanmoins son niveau d’exigence au regard de l’article 3 de la CESDH.
Systématisant les critères dégagés dans les précédentes affaires de rétention d’enfants, elle mentionne que l’appréciation du seuil de gravité dépend de la conjonction de trois facteurs : le bas âge des enfants, la durée de leur rétention et le caractère inadapté des locaux concernés.
Comme dans l’arrêt Popov, elle se focalise surtout sur ce dernier aspect, apprécié sur la base de trois critères (séparation des familles et des autres retenus, fourniture d’équipements spéciaux au sein des chambres et mise à disposition d’un matériel de puériculture adapté), pour aboutir au constat de violation de l’article 3 dans les cinq affaires. Elle retient en particulier, s’agissant du CRA de Toulouse-Cornebarrieu, sa construction « en bordure immédiate des pistes de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, […] exposé à des nuisances sonores particulièrement importantes » ou s’agissant du CRA de Metz les fréquents appels de la police par les haut-parleurs du centre. Même si les rétentions ont été brèves, pour la Cour, « la répétition et l’accumulation de ces agressions psychiques et émotionnelles ont nécessairement des conséquences néfastes sur un enfant en bas âge, dépassant le seuil de gravité » constitutif d’un mauvais traitement (CEDH, 12 juillet 2016, R.M. et a. c. France, n° 33201/11 ; A.B. et a. c. France, n° 11593/12 ; A.M. et a. c. France, n° 24587/12 ; R.K. c. France, n° 68264/14 ; R.C. et V.C. c. France, n° 76491/14).
Même si la Cour n’interdit pas frontalement la rétention des enfants, elle exige un niveau de conditions matérielles d’accueil assez élevé la rendant dans la pratique difficile à mettre en œuvre pour les Etats membres. Ces nouvelles condamnations n’ont pourtant toujours pas substantiellement changé les pratiques du ministère de l’Intérieur en France, alors même que l’Hexagone fait partie des rares pays européens à avoir systématiquement recours à la rétention des enfants (A.B. c. France, § 83).
Rq.NB : suite aux affaires de 2016, la France a été condamnée, une 6ème, 7ème, 8ème et 9ème fois pour la rétention d’enfants.
Source : Tweet extrait du compte twitter de Nicolas Hervieu, juriste en droit public et droit européen des droits de l'homme


En savoir plus : Références bibliographiques

Malgré (ou à cause de) ces condamnations par la CEDH, la rétention des enfants est désormais encadrée par la loi :
  • Prévue à l’article 17 de la directive « retour » n° 2008/115 ;
    Tx.
    Source : Article 17 de la directive n° 2008/115/CE

  • En 2016, les exigences de la CEDH ont été reprises par le législateur dans le CESEDA. Il a précisé que « la durée du placement en rétention est la plus brève possible, eu égard au temps strictement nécessaire à l'organisation du départ. Dans tous les cas, le placement en rétention d'un étranger accompagné d'un mineur n'est possible que dans un lieu de rétention administrative bénéficiant de chambres isolées et adaptées, spécifiquement destinées à l'accueil des familles. » (ancien art. L. 551-1 du CESEDA).

La du 10 septembre 2018 est venue encadrer encore davantage :
Tx.Article L. 741-5 :

« L'étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l'objet d'une décision de placement en rétention. Il ne peut être retenu que s'il accompagne un étranger placé en rétention dans les conditions prévues au présent article.

L'étranger accompagné d'un mineur ne peut être placé en rétention que dans les cas suivants :

1° L'étranger n'a pas respecté l'une des prescriptions d'une précédente mesure d'assignation à résidence ;

2° A l'occasion de la mise en œuvre de la décision d'éloignement, l'étranger a pris la fuite ou opposé un refus ;

3° En considération de l'intérêt du mineur, le placement en rétention de l'étranger dans les quarante-huit heures précédant le départ programmé préserve l'intéressé et le mineur qui l'accompagne des contraintes liées aux nécessités de transfert.

La durée de rétention d'un étranger accompagné d'un mineur est la plus brève possible, eu égard au temps strictement nécessaire à l'organisation du départ. Dans tous les cas, le placement en rétention d'un étranger accompagné d'un mineur n'est possible que dans un lieu de rétention administrative bénéficiant de chambres isolées et adaptées, spécifiquement destinées à l'accueil des familles.
L'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale pour l'application de la présente section.
»

Source : Centres et locaux de rétention administrative, rapport associatif 2020, p. 18
Source : Centres et locaux de rétention administrative, rapport associatif 2020, p. 18

Source : Centres et locaux de rétention administrative, rapport associatif 2020, p. 17-18
Source : Centres et locaux de rétention administrative, rapport associatif 2020, p. 19



Voir Camille ESCUILLE, « Un encadrement cosmétique du renvoi des mineurs étrangers arbitrairement rattachés à des adultes accompagnants », La Revue des droits de l’homme, ADL du 27 février 2015.

Ex.CEDH, 25 juin 2020, Moustahi c. France, n° 9347/14 : condamnation de la France, après 7 ans de procédure, dans l'affaire Moustahi c/ France pour la rétention de deux enfants isolés.


Après le placement initial (1), la rétention administrative peut faire l’objet de prolongations par un JLD (2).


Le placement en rétention administrative est décidé, de manière écrite et motivée, par les autorités préfectorales pour une durée de 48 heures maximum (article L. 741-1) après :
  • l’interpellation de l’étranger, ou ;
  • lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, ou ;
  • à l'expiration de sa garde à vue, ou ;
  • à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention.

Centres et locaux de rétention administrative, rapport associatif 2020, p. 16


Tx.Article L. 741-1 du CESEDA :

« L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3.
»

Chapitre I : PLACEMENT EN RÉTENTION PAR L'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE (articles L. 741-1 à L. 741-10).
Le placement en rétention administrative entraînant une privation de la liberté, il doit faire l’objet d’un contrôle par le juge judiciaire.

Le Conseil constitutionnel a estimé que :
Tx.« la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ; que, s'il en est ainsi dans le cas prévu à l'article 3 de la loi qui subordonne à la décision du juge le maintien, au-delà de quarante-huit heures, de l'intéressé dans les locaux où il est retenu, il n'en va pas de même dans le cas prévu à l'article 6 de la loi dès lors que, dans cette dernière éventualité, l'intervention du juge n'est déclarée nécessaire que pour prolonger, au-delà de sept jours, le régime de détention auquel l'étranger est soumis ; qu'ainsi, du fait qu'il prévoit que la personne expulsée […] peut être maintenue en détention pendant sept jours sans qu'un juge ait à intervenir, de plein droit ou à la demande de l'intéressé, le sixième alinéa de l'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, tel qu'il résulte de l'article 6 de la loi soumise au Conseil constitutionnel, n'est pas conforme à la constitution. » (Déc. n° 79-109 DC du 9 janvier 1980).

En 2011, le juge constitutionnel a néanmoins admis que pour inverser l’ordre d’intervention du juge administratif et du juge judiciaire que ce plus court délai possible soit porté à… 5 jours, au nom de l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre l’immigration irrégulière.
Tx.« 72. Considérant que le législateur a entendu, dans le respect des règles de répartition des compétences entre les ordres de juridiction, que le juge administratif statue rapidement sur la légalité des mesures administratives relatives à l'éloignement des étrangers avant que n'intervienne le juge judiciaire ; qu'en organisant ainsi le contentieux, le législateur a eu pour but de garantir l'examen prioritaire de la légalité de ces mesures et, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de permettre un traitement plus efficace des procédures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière ; qu'en prévoyant que le juge judiciaire ne sera saisi, aux fins de prolongation de la rétention, qu'après l'écoulement d'un délai de cinq jours à compter de la décision de placement en rétention, il a assuré entre la protection de la liberté individuelle et les objectifs à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice et de protection de l'ordre public, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée. » (Cons. const., déc. n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, Loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité).

Depuis le 1er novembre 2016, en application de la , le placement initial a été de nouveau fixé à quarante-huit heures, durée au terme de laquelle le JLD doit être saisi. Il pouvait être décider d’une première prolongation d’une durée de vingt-huit jours (art. L. 552-7 du CESEDA). Une deuxième prolongation pouvait être décidée pour une durée de quinze jours.

Lire et comparer :
 
Avant le 1er novembre 2016

Loi du 7 mars 2016

Loi du 10 septembre 2018

Durée initiale
5 jours

48 h

48 h

1ère prolongation
20 jours

28 jours

28 jours

2ème prolongation
20 jours

15 jours

30 jours

3ème prolongation  
15 jours

4ème prolongation  
15 jours

Durée totale
45 jours

45 jours
(6 mois/ 210 jours pour « terrorisme »)

90 jours
(6 mois/ 210 jours pour « terrorisme »)



Depuis la , la durée de rétention maximal est de 90 jours (hors procédure « terroriste »).

Comme en 2016, le premier passage au JLD doit intervenir dans les 48 heures après le placement en rétention, celle-ci peut être prolongée une 1ère fois de 28 jours francs.

La 2ème prolongation par le JLD est de 30 jours francs.

Il peut y avoir ensuite deux prolongations supplémentaires par le JLD de 15 jours francs.
Source : Centres et locaux de rétention administrative, rapport associatif 2020, p. 16



=> La rétention peut donc durer 90 jours au total (ou jusqu'à 210 jours en cas d'activités terroristes).

Selon le rapport associatif, la durée moyenne de rétention est de 16,7 jours.

Extrait du rapport associatif : Centres et locaux de rétention administrative, 2020, p. 16 :

« Si la durée de rétention moyenne est similaire en 2019 et 2020, des disparités géographiques et par nationalité existent. Ainsi, les personnes retenues d’origine algérienne, tunisienne et marocaine ont subi de longues privations de liberté car l’administration les a maintenues en rétention, malgré des expulsions rarement réalisables du fait de frontières fermées. À l’inverse, celles d’origine albanaise ou roumaine ont souvent été expulsées rapidement, après quelques jours en rétention.

Par ailleurs les disparités au niveau local sont également criantes. Au CRA d’Hendaye la durée moyenne de rétention était en 2020 de 25,6 jours alors qu’elle était de 9,1 jours au CRA de Bordeaux du fait notamment de la position des juges face à cet enfermement aux limites de la légalité.

La différence entre les durées moyennes de rétention en métropole et en outre-mer peut s’expliquer par les éloignements très rapides mis en oeuvre par la France vers plusieurs pays de la zone géographique. Par exemple, près de 93 % des personnes de nationalité brésilienne enfermées au CRA de Guyane et expulsées ont été enfermées moins de 48 h.

L’allongement de la durée maximale de rétention de 45 à 90 jours à compter de 2019, n’a eu que peu de conséquence sur le taux d’expulsion puisque seule 6 % des personnes expulsées l’ont été après le 45ème jour.
».

Contrôle entier du JLD :
Jusqu’à la loi du 7 mars 2016, le juge administratif était compétent pour apprécier la légalité de cette décision de placement en rétention, tandis que le juge des libertés et de la détention (JLD) n’était compétent, en tant que gardien de la liberté individuelle, que pour apprécier son éventuelle prolongation. C’est désormais le JLD qui apprécie la légalité de la décision de placement en rétention, au même titre qu’il en décide l’éventuelle prolongation, sous l’effet de la jurisprudence de la CJUE.

Ex.CJUE, 5 juin 2014, Mahdi, C-146/14 PPU, par. n° 62 : « Une autorité judiciaire statuant sur une demande de prolongation de rétention doit être en mesure de statuer sur tout élément de fait et de droit pertinent pour déterminer si une prolongation de la rétention est justifiée […]. Lorsque la rétention initialement ordonnée ne se justifie plus au regard de ces exigences, l’autorité judiciaire compétente doit être en mesure de substituer sa propre décision à celle de l’autorité administrative […] de statuer sur la possibilité d’ordonner une mesure de substitution ou la remise en liberté du ressortissant concerné d’un pays tiers. »


Un certain nombre de droits ont été reconnus aux personnes placées en rétention administrative (articles L. 744-4 à L. 744-11).
  • Information dans les meilleurs délais de l’étranger, dans une langue qu’il comprend, qu’il bénéficie du droit de demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil et d'un médecin, et qu'il peut communiquer avec son consulat et toute personne de son choix (article L. 744-4) ;
  • Droit à l’entretien confidentiel avec son avocat dans un local prévu à cette fin (article L. 744-5) ;
  • Notification des droits en matière de demande d'asile (article L. 744-6) ;
  • Information sur les prévisions de déplacement le concernant, liées aux audiences, à la présentation au consulat et aux conditions du départ (article L. 744-7) ;
  • Actions d'accueil, d'information et de soutien, pour permettre l'exercice effectif de ses droits (associations) et préparer son départ (OFII) (article L. 744-9) ;
  • Exercice des droits en lien avec une procédure pénale (article L. 744-10) ;

Accès aux lieux de rétention :

Sont autorisés à visiter à tout moment les lieux de rétention administrative :
  • députés, sénateurs ainsi que les représentants au Parlement européen élus en France (article L. 744-12) ;
    • => peuvent être accompagnés par un ou plusieurs journalistes.
  • délégué du UNHCR et ses représentants (article L. 744-13) ;
  • représentants des associations humanitaires (article L. 744-14) ;
  • possibilité de visite par des journalistes depuis la loi du 7 mars 2016 (article L. 744-15).

Tx.Article R. 744-20 du CESEDA :

« Pour permettre l'exercice effectif de leurs droits par les étrangers maintenus dans un centre de rétention administrative, le ministre chargé de l'immigration conclut une convention avec une ou plusieurs personnes morales ayant pour mission d'informer les étrangers et de les aider à exercer leurs droits. A cette fin, la personne morale assure, dans chaque centre dans lequel elle est chargée d'intervenir, des prestations d'information, par l'organisation de permanences et la mise à disposition de documentation.

Ces prestations sont assurées par une seule personne morale par centre.

Les étrangers retenus en bénéficient sans formalité dans les conditions prévues par le règlement intérieur.
»

En savoir plus : Associations habilitées à intervenir en rétention

L'étranger maintenu en rétention bénéficie d'actions d'accueil, d'information et de soutien, pour permettre l'exercice effectif de ses droits et préparer son départ, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat (article L. 744-9).

Existe depuis 1984 avec la CIMADE/ Joxe (cf. supra).

Allotissement du marché en 2010/2011.

Les associations habilitées à intervenir en rétention sont la CIMADE, Forum réfugiés, France terre d’asile, SOS Solidarité Mayotte.

L’assignation à résidence est une mesure restrictive de liberté, alternative à la rétention administrative, et de surveillance d’une personne étrangère afin de la tenir à disposition des autorités préfectorales en vue de son éloignement.

L’assignation à résidence peut être décidée soit par l’autorité préfectorale, soit, de manière exceptionnelle, par le juge des libertés et de la détention (en alternative à la rétention).

Seule l’assignation à résidence préfectorale, cas de figure majoritaire, sera envisagée, en distinguant les différentes formes d’assignation (A), les obligations pesant sur l’étranger (B) ainsi que la fin de l’assignation à résidence (C).


Deux cas de figure doivent être distingués, soit les AAR alternatives à la rétention (1), soit lorsqu’elle remplace durablement un placement en rétention (2).



L'autorité préfectorale peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants (article L. 731-1) :
Tx.« 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant OQTF, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le DDV est expiré ou n'a pas été accordé ;

2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une IRTF ;

3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en œuvre d'une décision prise par un autre État (remises) ;

4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat membre de l’UE ;

5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une ICTF ;

6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;

7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'ITF ;

8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.
»

L’étranger doit alors présenter des garanties de représentation propres à prévenir le risque qu’il se soustraie à cette mesure d’éloignement.

L’AAR a nécessairement comme support une autre mesure qui vaut ordre de quitter la France. L’AAR est prononcée soit de manière concomitante à cet ordre, soit postérieurement à celui-ci.

La durée de l’AAR est, comme celle de la rétention administrative à laquelle elle se substitue, limitée à 90 jours (45 jours x 2) (article L. 732-3).

Rq.Les assignations à résidence « alternatives à la rétention » (article L. 561-2 du CESEDA) sont passées de 14 287 en 2019 à 12 913 en 2020, soit une diminution de - 9,6 % ( Les étrangers en France en 2020, Rapport au Parlement, p. 87).

Par exception, la durée maximale totale de l’AAR « Dublin » est de 180 jours (45 jours x 4).

L'autorité préfectorale peut autoriser l'étranger qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, à se maintenir provisoirement sur le territoire en l'assignant à résidence jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation (article L. 731-3), dans les cas suivants :
  1. OQTF pour laquelle le DDV est expiré ou n'a pas été accordé ;
  2. exécution d'une IRTF;
  3. mise en œuvre d'une décision prise par un autre État membre ;
  4. remise aux autorités d'un autre Etat membre ;
  5. exécution d'une ICTF ;
  6. d'une décision d'expulsion ;
  7. exécution d'une peine d'ITF ;
  8. exécution d'une interdiction administrative du territoire français.
Idem pour les expulsions non exécutées lorsque l’état de santé de l’étranger nécessité une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (article L. 731-4).

AAR « à titre probatoire et exceptionnel » pour expulsion (article L. 731-5).

La durée de l’assignation à résidence est limitée à six mois. Elle est renouvelable une fois. Par exception, elle peut être renouvelée tant que l'interdiction de retour ou l'interdiction de circulation sur le territoire français demeure exécutoire.

Dans certains cas (expulsion/ terro), pas de limitation de durée (article L. 732-5).

Dans ce cas, le maintien sous AAR au-delà de cinq ans fait l'objet d'une décision spécialement motivée faisant état des circonstances particulières justifiant cette prolongation au regard, notamment, de l'absence de garanties suffisantes de représentation de l'étranger ou si sa présence constitue une menace grave pour l'ordre public (amendement « Daoudi »).

Droits des assignés à résidence :
  • Information sur les modalités d'exercice de leurs droits, leurs obligations et, le cas échéant, la possibilité de bénéficier d'une aide au retour (article L. 732-7) ;
  • Recours contre l’AAR devant le TA dans le délai de 48 heures suivant sa notification dans le même recours que la décision d'éloignement qu'elle accompagne (article L. 732-8) ;
  • Certaines AAR longue durée sont assorties d’une autorisation de travail (article L. 732-9).

Obligations de l’étranger assigné :
  • Présentation périodique aux services de police ou de gendarmerie et, le cas échéant, aux autorités consulaires, en vue de la délivrance d'un document de voyage (article L. 733-1) ;
  • Désignation d’une plage horaire par l’autorité préfectorale, aux fins de préparation du départ de l'étranger, pendant laquelle il demeure dans les locaux où il réside, dans la limite de trois heures consécutives par période de vingt-quatre heures ou de dix heures consécutives si expulsion, ITF ou IATF (article L. 733-2) ;
  • Obligation de remise du passeport ou de tout document justificatif de son identité (article L. 733-4) ;
Le choix du lieu de l’assignation à résidence n’est pas fixé par les textes. Il est toutefois précisé que l’étranger soumis à un arrêté d’expulsion, une interdiction judiciaire du territoire ou une interdiction administrative du territoire peut être astreint à résider dans n’importe quel endroit, choisi par les autorités administratives, et situé sur le territoire de la République (article L. 732-2).


Le non-respect des prescriptions liées à l'assignation à résidence est sanctionné pénalement (article L. 733-17).

Assignation à résidence sous surveillance électronique pour l'étranger dont le comportement est lié à des activités à caractère terroriste (articles L. 733-14 à L. 733-15).

Tx.Article L. 733-14 :

« L'étranger condamné à une peine d'interdiction du territoire français pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal, ou faisant l'objet d'une décision d'expulsion prononcée pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste, et qui est assigné à résidence en application des 6° ou 7° de l'article L. 731-3 ou de l'article L. 731-4 peut être placé sous surveillance électronique mobile.

Ce placement est prononcé par l'autorité administrative, après accord de l'étranger, pour une durée de trois mois. Cette durée initiale peut être prolongée pour une même durée sans que la durée totale du placement dépasse deux ans. A défaut de prolongation, il est mis fin au placement sous surveillance électronique mobile.

Pendant toute la durée du placement, l'étranger est astreint au port d'un dispositif intégrant un émetteur permettant à tout moment de déterminer à distance sa localisation sur l'ensemble du territoire national.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance peut être confiée à une personne de droit privé habilitée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Pendant la durée du placement, l'autorité administrative peut, d'office ou à la demande de l'étranger, modifier ou compléter les obligations résultant dudit placement.
»

=> Jamais utilisé.

Le nouveau CESEDA contient désormais des dispositions sur l’exécution des décisions d’éloignement (articles L. 261-1 à L. 264-1).

Exécution d’office des OQTF.

Il est d’abord prévu que la décision portant OQTF est exécutable d’office vers le pays de destination (article L. 261-1).

En vue de cette exécution d’office, il est prévu les possibilités d’assignation à résidence (article L. 262-1 ; v. supra) ou de rétention administrative (article L. 263-1).

Rôle du CGLPL dans le monitoring de l’exécution des mesures d’éloignement depuis 2014 (en application de la directive n° 2008/115).

Tx.Article 1 de la loi n° du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Modifié par la loi n° du 20 janvier 2017 - art. 43.

« Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité administrative indépendante, est chargé, sans préjudice des prérogatives que la loi attribue aux autorités judiciaires ou juridictionnelles, de contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s'assurer du respect de leurs droits fondamentaux. Il exerce, aux mêmes fins, le contrôle de l'exécution par l'administration des mesures d'éloignement prononcées à l'encontre d'étrangers jusqu'à leur remise aux autorités de l'Etat de destination. » 
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