Maîtriser les droits des personnes

La protection constitutionnelle des données personnelles

Les fichiers de police font l'objet d'un contrôle afin de respecter l'équilibre entre d'une part la sauvegarde de l'ordre public et d'autre part la protection de la vie privée.

Les services du Conseil constitutionnel commentant la décision n°2012-652 du 22 mars 2012 sur la loi relative à la protection de l'identité relèvent :

« Ces fichiers de police judiciaire font l'objet d'un contrôle qui prend en compte la finalité de recherche des auteurs d'infraction. Le Conseil constitutionnel contrôle la conciliation, qui ne doit pas être manifestement déséquilibrée, entre, d'une part, la sauvegarde de l'ordre public et la recherche des auteurs d'infraction et, d'autre part, le respect de la vie privée. En outre le Conseil vérifie qu'est respecté le principe de « rigueur nécessaire » en matière de procédure pénale. Il en va ainsi pour les fichiers d'antécédents judiciaires (« STIC » et « JUDEX ») pour les fichiers d'analyse sérielle (« SALVAC », « ANACRIM ») et pour les logiciels de rapprochement judiciaire. Ce contrôle a par exemple conduit le Conseil à exclure que les logiciels de rapprochement judiciaire permettent à tous les services de police judiciaire de mettre en commun leurs informations exploitées par ces logiciels. Ceci aurait conduit à des traitements de données à caractère personnel au champ manifestement excessif. En outre le Conseil a alors limité à trois ans la conservation des données. »

« De même, dans sa décision n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010, le Conseil constitutionnel a eu à connaître du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). En l'espèce, le Conseil a jugé que le législateur a assuré « une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée » entre le respect de la vie privée et la sauvegarde de l'ordre public. Il a, à cette fin, énuméré les garanties résultant du code de procédure pénale lui-même (fichier placé sous le contrôle d'un magistrat, simple but d'identification et de recherche de certaines infractions, procédure d'effacement pour les personnes simplement soupçonnées), mais aussi de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. »

« L'utilisation à des fins administratives de ces fichiers de police judiciaire n'est pas exclue mais est strictement encadrée. La décision n° 2010-25 QPC traduit une exigence de proportionnalité forte. En matière pénale, on doit en effet déduire de la décision, a contrario, que l'enregistrement des empreintes génétiques est constitutionnellement prohibé dans l'hypothèse où l'infraction considérée ne serait pas de celles dont une empreinte génétique pourrait permettre de rapporter la preuve. »

« De même, le Conseil constitutionnel avait contrôlé l'encadrement de l'utilisation à des fins administratives du fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles (FIJAIS). »

« Deux autres décisions du Conseil soulignent la vigilance de celui-ci dans son contrôle : »

  • « Dans sa décision n°2003-484 du 20 novembre 2003, le Conseil constitutionnel s'est assuré de l'existence de garanties suffisantes pour valider une disposition permettant un traitement automatisé des demandes de validation des attestations d'accueil de personnes étrangères ; »

  • «  Dans sa décision n°2007-556 DC du 16 août 2007, il s'est assuré que la collecte des données relatives aux déclarations individuelles de participation à un mouvement de grève ne saurait faire l'objet d'un usage détourné. »

« Dans sa décision du 22 mars 2012, le Conseil constitutionnel a précisé, dans un considérant de principe, la nature du contrôle exercé en matière de traitement de données à caractère personnel. Il a jugé que le droit au respect de la vie privée, qui résulte de l'article 2 de la Déclaration de 1789, impliquait que " la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel (soient) justifiés par un motif d'intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif" (cons. 8) ».

La loi n° 2012-410 du 27 mars 2012 relative à la protection de l'identité a été censurée par le Conseil constitutionnel en ce qu'elle portait atteinte au droit au respect de la vie privée car eu égard à la nature des données enregistrées, à l'ampleur du traitement envisagé, à ses caractéristiques techniques et aux conditions de sa consultation, le traitement des données personnels était non proportionné au but poursuivi.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a examiné l'article 3 de la loi qui conférait une fonctionnalité nouvelle à la carte nationale d'identité. Cet article ouvrait la possibilité que cette carte contienne des « données » permettant à son titulaire de mettre en œuvre sa signature électronique, ce qui la transformait en outil de transaction commerciale. Le Conseil a relevé que la loi déférée ne précisait ni la nature des « données » au moyen desquelles ces fonctions pouvaient être mises en œuvre ni les garanties assurant l'intégrité et la confidentialité de ces données. La loi ne définissait pas davantage les conditions d'authentification des personnes mettant en œuvre ces fonctions, notamment pour les mineurs. Le Conseil a en conséquence jugé que la loi, faute de ces précisions, avait méconnu l'étendue de sa compétence.

En savoir plus : Complément : Références doctrinales
  • Les ambiguïtés de la lutte contre la fraude identitaire, JCP[1] (Ed. Générale), 9 avril 2012, n° 15, p. 717-719 ; Tchen Vincent ;

  • L'informatisation des documents d'identité numérisés, Droit administratif, mai 2012, n° 5, p. 24-26 ; Tchen Vincent ;

  • La loi sur la protection de l'identité est-elle conforme à la constitution ?, Les petites affiches, 24 avril 2012, n° 82, p. 6-8 ; Matthios, Fabien ;

  • Protection des données personnelles : censure de I'hyper fìchier biométrique, Lettre Actualité Droits-Libertés du Credof, 20 avnl2012 ; Lesaffre Hubert ;

  • Cadre légal de la carte d'identité biométrique mais inconstitutionnalité du fichier central commun et de la puce "signature électronique", Revue Lamy Droit de l'Immatériel, juin 2012, n° 83, p. 47-49 ; Trézéguet Marlène.

  1. JCP : Juris-Classeur Périodique

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