Le nom
Grâce à une interprétation extensive de l'article 8, les juges européens protègent également le nom de famille alors que celui ci n'est pas visé directement par les textes. Le nom, étant un moyen d'identification de la personne et de son rattachement à une famille est entré dans le champ d'application de l'article 8.
Le premier arrêt de la Cour sur ce sujet porte sur l'intégration du nom dans le champ d'application de l'article 8 ; l'arrêt Burghartz c/ Suisse du 22 février 1994[1] indique que :
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« Contrairement à certains autres instruments internationaux, (...), l'article 8 de la Convention ne contient pas de disposition explicite en matière de nom. En tant que moyen d'identification personnelle et de rattachement à une famille, le nom d'une personne n'en concerne pas moins la vie privée et familiale de celle-ci. Que l'Etat et la société aient intérêt à en réglementer l'usage n'y met pas obstacle, car ces aspects de droit public se concilient avec la vie privée conçue comme englobant, dans une certaine mesure, le droit pour l'individu de nouer et développer des relations avec ses semblables, y compris dans le domaine professionnel ou commercial (...). En l'occurrence, la conservation, par le requérant, du nom de famille sous lequel, d'après ses dires, il s'est fait connaître des milieux académiques peut influencer sa carrière de manière non négligeable. L'article 8 trouve donc à s'appliquer. »
(§ 24).
Par conséquent le refus des autorités nationales d'autoriser un changement de nom tombe sous le contrôle européen. Toutefois la Cour Européenne des Droits de l'Homme considère que les États ont une importante marge d'appréciation, comme en témoigne l'arrêt Stjerna c. Finlande du 25 novembre 1994[2] :
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« Le refus des autorités finlandaises d'autoriser le requérant à adopter un nouveau patronyme spécifique ne saurait, pour la Cour, nécessairement passer pour une ingérence dans l'exercice du droit de l'intéressé au respect de sa vie privée (...) Tout en reconnaissant donc qu'il peut exister de véritables raisons amenant un individu à désirer changer de nom, la Cour admet que des restrictions légales à pareille possibilité puissent se justifier dans l'intérêt public; par exemple, afin d'assurer un enregistrement exact de la population ou de sauvegarder les moyens d'une identification personnelle et de relier à une famille les porteurs d'un nom donné (...) »
« Il n'existe guère de points de convergence entre les systèmes internes des Etats parties à la Convention quant aux conditions auxquelles un changement de nom peut s'effectuer légalement. La Cour en déduit que dans le secteur particulier à considérer, les Etats contractants jouissent d'une large marge d'appréciation (...). »
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La loi française n°2002-304 du 24 mars 2012, avait posé dans l'article 311-21 du code civil des règles d'attribution du nom, en apparence égalitaire, mais laissait une discrimination sexiste ; dans l'hypothèse d'un conflit parental, c'était le nom du père qui prévalait.
La loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe a modifié l'article 311-21 du code civil concernant le nom de famille et décide qu'en cas « de désaccord entre les parents, signalé par l'un d'eux à l'officier de l'état civil, au plus tard au jour de la déclaration de naissance ou après la naissance, lors de l'établissement simultané de la filiation, l'enfant prend leurs deux noms, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d'eux, accolés selon l'ordre alphabétique »
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