Identifier les droits et obligations généraux et professionnels et des règles déontologiques et éthiques

Le devoir de réserve

Outre le secret des correspondances, pour les professionnels du droit, exerçant dans le secteur public, le contenu de leurs échanges est également strictement encadré par le devoir de réserve, à ne pas confondre avec ni le secret professionnel, ni la discrétion professionnelle.

Important

Le principe de neutralité du service public interdit en effet au fonctionnaire de faire de sa fonction l'instrument d'une propagande quelconque.

C'est pourquoi, dans le cadre des échanges avec son compte de messagerie électronique, le fonctionnaire devra veiller à toujours adopter une certaine tenue, voire une retenue tant sur le fond (l'expression de ses opinions) que dans la forme afin de ne pas porter atteinte à la considération du service public par les usagers.

Ceci dit, l'obligation ou le devoir de réserve est une construction jurisprudentielle complexe qui fait dépendre la nature et l'étendue de l'obligation de réserve de divers critères dont le plus important est la place du fonctionnaire dans la hiérarchie. D'autres critères de moindre importance interviennent tels que les circonstances dans lesquelles le fonctionnaire s'exprime, les modalités et les formes de cette expression. En tout état de cause, c'est à l'autorité hiérarchique dont dépend l'agent qu'il revient d'apprécier si un manquement à l'obligation de réserve a été commis et, le cas échéant, d'engager une procédure disciplinaire. Et en dernier lieu, en cas de recours de l'agent, il revient au juge administratif d'apprécier au cas par cas.

En effet, dans la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations de fonctionnaires (Loi dite loi Le Pors,), il n'est nulle part fait mention d'un "devoir de réserve", ni d'une "obligation de réserve". Création purement jurisprudentielle volontairement non reprise par la loi, elle est par contre reprise dans certains statuts particuliers, tels les statuts des magistrats, des militaires, des policiers, des membres du Conseil d'État...". Il ne s'agit donc pas d'une obligation statutaire s'appliquant à tous les agents du fait qu'ils sont agents du service public (titulaires ou non), mais d'une contrainte organisée au cas par cas seulement pour certains fonctionnaires, du fait de leur fonction spécifique (magistrats, militaires, policiers...) ou de leur position dans la hiérarchie (ambassadeurs, préfets...).

A l'inverse, les juges administratifs admettent pour les fonctionnaires investis d'un mandat politique ou de responsabilités syndicales une plus grande liberté d'expression, leur appliquant de fait un devoir de réserve moins strict que la normale.

Remarque

Ce devoir de réserve imposé à certains fonctionnaires ne doit en aucun cas être confondu avec le "secret professionnel" et la "discrétion professionnelle" évoqués dans l'article 26 de la loi dite Le Pors.

Attention

Selon cet article qui s'impose à tous les fonctionnaires, « les fonctionnaires sont tenus au secret professionnel dans le cadre des règles instituées dans le code pénal ».

Un second aliéna du même article précise que « les fonctionnaires doivent faire preuve de discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. En dehors des cas expressément prévus par la réglementation en vigueur, notamment en matière de liberté d'accès aux documents administratifs, les fonctionnaires ne peuvent être déliés de cette obligation de discrétion professionnelle que par décision expresse de l'autorité dont ils dépendent ».

Attention

Cette obligation de discrétion impose une réelle vigilance des fonctionnaires sur la diffusion d'informations et/ou de documents dont ils ont connaissance dans le cadre de leurs activités professionnelles.

Selon la qualité des destinataires (agents d'un même service, supérieur hiérarchique, personnes privées totalement étrangères au service) avec qui ils échangent par le biais de leurs de leurs messageries professionnelles, ils devront plus ou moins « filtrer » le contenu de leurs messages.

Exemple

La conception militaire du devoir de réserve est particulièrement contraignante, en France, malgré l'assouplissement introduit par le nouveau statut général des militaires en 2005. En combinaison avec l'interdiction de toute forme d'expression collective, il contribue à faire de l'armée française « La Grande Muette ». Lutter contre cet état de fait est difficile pour les militaires comme le prouve la récente affaire de tribune très critique des projets du gouvernement, signée par un groupe d'officiers (parmi lesquels semble-t-il de hauts gradés) anonymement regroupés sous le pseudonyme de Surcouf et publiée dans le Figaro en date du 19 juin 2008. D'après une dépêche de l'agence Reuters du 11 juillet 2008, le ministre de la Défense, Hervé Morin, interrogé sur d'éventuelles sanctions envers les auteurs de cette tribune, a fourni une réponse plutôt ambivalente : "Il y a un principe simple. Les militaires ont le droit d'expression depuis la dernière réforme. Mais il y a un cadre, l'obligation de loyauté et le droit de réserve. On verra les choses en fonction de ce cadre-là".

Conseils, trucs et astuces

Ceci dit, cette obligation au secret professionnel et à la discrétion doit être nuancée, car il existe aujourd'hui un droit pour les citoyens d'obtenir une réponse de l'administration, en particulier, grâce au courrier électronique mis en place dans l'ensemble des services administratifs en lien avec le public.

Ainsi pour favoriser la transparence financière, l'article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000[1] relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations prévoit que « les budgets et les comptes des autorités administratives dotées de la personnalité morale sont communicables à toute personne qui en fait la demande ». Comme le précise l'article 1er de la même loi, sont concernés « les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif ».

De plus pour favoriser la transparence administrative, l'article 4 de la loi du 12 avril 2000[1] édicte que « dans ses relations avec l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er, toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l'anonymat de l'agent est respecté » et que « toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci » .

Attention

Cette obligation d'information de l'administré s'impose naturellement dans le cadre des échanges par le biais des messageries électroniques.

Enfin, l'article 19 de la loi du 12 avril 2000[1] oblige aux fonctionnaires d'accuser réception de tout courrier électronique envoyé par un administré.

En pratique, la réponse apportée dépend cependant largement des prescriptions des chefs de services et de la qualité professionnelle de leurs agents. Dans cette mesure, la transparence de l'action administrative implique que le "secret administratif " n'existe plus, mais cela n'empêche pas un fonctionnaire d'être "déontologiquement hors jeu" s'il fait preuve d'indiscrétion ; la discrétion professionnelle oblige à mesurer ses propos face en particulier aux journalistes ou aux tiers à l'administration.

Important

Le fonctionnaire indiscret sera pénalement répréhensible s'il viole le secret professionnel que lui impose la loi et son statut.

  1. Descriptif simple

    Loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations

    Type de texteLoi
    Date12/04/2000
    Référence2000-321
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