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Droits des étrangers et de l'asile

Les mineurs étrangers

Cette leçon porte sur les mineurs étrangers.



Le statut juridique des mineurs étrangers présents sur le territoire français doit être présenté et apprécié au regard des exigences du droit international et tout particulièrement de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, du 20 novembre 1989, que la France a signée et ratifiée.
Tx.Cette convention stipule, à son article 3, que :
« 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.
2. Les Etats parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées.
3. Les Etats parties veillent à ce que le fonctionnement des institutions, services et établissements qui ont la charge des enfants et assurent leur protection soit conforme aux normes fixées par les autorités compétentes, particulièrement dans le domaine de la sécurité et de la santé et en ce qui concerne le nombre et la compétence de leur personnel ainsi que l'existence d'un contrôle approprié.
 »

L'intérêt supérieur de l'enfant, inscrit à l'article 3, doit être une « considération primordiale » et guider les choix des pouvoirs publics.

Tx.Jurisprudence : Par deux arrêts du 18 mai 2005, la première chambre civile de la Cour de cassation a reconnu que l'article 3 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant était d'applicabilité directe ; n° pourvoi : et .

Lorsqu'ils sont mineurs, les étrangers sont soumis à un régime juridique distinct de celui auquel sont soumis les majeurs. Le mineur a pu accéder de diverses manières au territoire français, soit sous couvert d'un visa régulier, soit via la zone d'attente, soit encore de toute autre façon comme l'illustrent les passages quotidiens à la frontière franco-italienne. Quel que soit le mode d'entrée en France d'un étranger mineur, ce dernier ne pourra pas être considéré comme étant en situation irrégulière jusqu'à sa majorité.

Deux catégories de mineurs doivent être distinguées, selon que le mineur est entouré et soutenu par ses parents (V. part. la leçon n° 7 sur le regroupement familial) ou qu'il est isolé. Lorsque le mineur est isolé, il relève de la protection de l'enfance (Section 1). En tout état de cause, un certain nombre de droits doivent lui être garantis (Section 2).

Section 1. La protection de l'enfance


Les mineurs étrangers seuls ont commencé à faire l'objet d'une attention spécifique du secteur associatif, puis des pouvoirs publics au tournant du 21ème siècle.

Df.D'abord appelés mineurs isolés étrangers (MIE), ils ont ensuite été désignés sous le terme de mineurs non accompagnés (MNA) pour être désormais qualifiés de mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille par le décret n° du 24 juin 2016. Il s'agit d'enfants à l'égard desquels une autorité parentale ne peut être exercée par son titulaire, que ce dernier, à supposer qu'il existe, se trouve sur le territoire français ou à l'étranger.

Il aurait été envisageable de retenir une dénomination bien connue en droit français rendant compte de manière plus exacte de la situation dans laquelle se retrouvent ces mineurs, qui est celle de « mineurs en danger ». Cela aurait permis de faciliter l'accès au dispositif de droit commun de l'aide sociale à l'enfance (§ 1). Depuis quelques années, un dispositif spécifique, dérogatoire au droit commun, a été mis en place à l'intention des mineurs étrangers (§ 2). Le démantèlement du camp de Calais, dans lequel se trouvaient de nombreux mineurs, a été l'occasion de créer un troisième dispositif, ultra-dérogatoire (§ 3).


Il existe en France un dispositif d'accueil des mineurs en danger.

Tx.Aux termes de l'article L. 112-3 du Code de l'action sociale et des familles (CASF), « la protection de l'enfance vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l'enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation, dans le respect de ses droits. »
L'alinéa 4 précise que « la protection de l'enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d'assurer leur prise en charge. »

La prise en charge des mineurs en danger par le département est, en cas de circonstances exceptionnelles, assurée par l'Etat, conformément aux articles L. 111-3 et L. 121-7 du CASF et L. 228-5 du CASF.
En savoir plus : Saisine et intervention des trois acteurs principaux

Pour comprendre la complexité du dispositif de droit commun, InfoMIE, le centre de ressources sur les mineurs isolés étrangers, a schématisé la saisine et l'intervention des trois acteurs principaux en la matière : le département, le juge des enfants et le parquet.
Ce dispositif de protection de l'enfance de droit commun est applicable à tous les enfants, quelle que soit leur nationalité. Cette solution est justifiée au regard des textes internationaux.
En effet, la Convention de La Haye du 19 octobre 1996, ratifiée par la France et entrée en vigueur le 1er février 2011 (V. Décret n° 2011-1572 du 18 novembre ; Civ. 1ère, 20 mars 2013, n° pourvoi 11-28025 ; n° 11-24388), est applicable aux mineurs qui résident habituellement dans l'un des Etats contractants.

Aux termes de l'article 5 § 1 de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996, les autorités tant judiciaires qu'administratives de l'Etat contractant de la résidence habituelle de l'enfant sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens. Cette compétence est étendue aux enfants réfugiés et aux enfants qui, par suite de troubles prévalant dans leur pays, sont internationalement déplacés, les autorités de l'Etat contractant sur le territoire duquel ces enfants sont présents du fait de leur déplacement exercent leur compétence prévue au paragraphe premier de l'article 5, conformément à l'article 6 § 1. En application de l'article 15 § 1 de la Convention de La Haye de 1996, « les autorités des Etats contractants appliquent leur loi », ce qui doit permettre aux autorités et aux juridictions françaises de mettre en œuvre le dispositif de droit commun pour recueillir des mineurs étrangers.

Cette solution de principe, retenue dans la Convention de La Haye de 1996, ignore toute référence à la loi nationale du mineur. L'objectif poursuivi est d'assurer une protection du mineur et ce, dans les meilleurs délais. Dans la mesure où un juge connaît au mieux les textes nationaux, il est logique de désigner la loi de l'autorité saisie comme étant applicable, dans un souci d'efficacité.

Rq.Sauf exception, le dispositif de droit commun n'est pas mobilisé pour les mineurs étrangers en danger.



Le choix a été fait de déroger au droit commun (A) en mettant en place un dispositif d'accueil dit « bis » dont les critères d'accès sont autant de points de discussions (B). Des voies de recours sont ouvertes pour contester les refus, nombreux, de prise en charge (C).

Un dispositif dérogatoire au droit commun a été spécialement imaginé pour les mineurs étrangers en danger. Il a été initié par une circulaire du ministère de la Justice du 31 mai 2013 et un protocole relatif à la mise à l'abri, l'évaluation et l'orientation des mineurs isolés étrangers, signé par les ministres de la justice, des affaires sociales et de la santé et de l'intérieur et le président de l'assemblée des départements de France. L'ensemble était présenté comme destiné à assurer un accueil harmonisé des mineurs isolés étrangers sur l'ensemble du territoire, ainsi qu'une répartition territoriale des intéressés dans l'ensemble des services départementaux existants, afin d'éviter que certains départements soient plus sollicités que d'autres.

Très critiquée, tant par la CNCDH que par le Défenseur des droits, cette prise en charge spécifique des mineurs isolés donne lieu à une production normative, tant législative que réglementaire, importante, qui reste cependant silencieuse sur des points essentiels.
En savoir plus : Avis de la CNCDH, Assemblée Plénière, 26 juin 2014, Avis sur la situation des mineurs isolés étrangers présents sur le territoire national

Etat des lieux un an après la circulaire du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers (dispositif national de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation). Consultez l'avis en cliquant ici.
Tx.Jurisprudence : Le Conseil d'Etat a, dans une décision du 30 janvier 2015, Département des Hauts de Seine et autres, partiellement annulé la circulaire du 31 mai 2013 en estimant que le critère de répartition territoriale fondé sur la proportion de la population de moins de dix-neuf ans dans la population de chaque département, non prévu par la loi, ne pouvait être mis en place par une simple circulaire.

Ce ne sont donc ni le principe, ni le critère de répartition qui sont remis en cause par la décision du Conseil d'Etat, qui se contente de rappeler qu'une circulaire ne peut ajouter à la loi. La répartition des mineurs isolés obéit encore à cette idée de délestage des départements les plus sollicités vers ceux qui le sont moins.

Pour aller plus loin : L'article 4 de l'arrêté du 28 juin 2016 du ministère de la justice pris en application du décret n° 2016-840 du 24 juin 2016 relatif aux modalités de calcul de la clé de répartition des orientations des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille détermine les modalités de détermination de la clé de répartition dite « K3 » : « La clé de répartition K3 des mineurs à accueillir au cours de l'année N pour un département est calculée de la manière suivante : K3 = K1 + (0,2 * K2) avec K1 : clé de répartition démographique et K2 : taux de variation. ».

Rq.La loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfance, suivie du décret n° 2016-840 du 24 juin 2016, a validé le dispositif prévu par voie de circulaire et a été représenté, sous forme de schéma, de la manière suivante par InfoMIE. Dans la mesure où il s'agit de l'une des présentations les plus claires d'un dispositif éminemment complexe, nous nous permettons d'y renvoyer.

Bien que la légitimité d'un dispositif spécifique soit en soi contestable, il convient de le présenter en ce qu'il constitue un jalon désormais incontournable pour qu'un enfant étranger en danger puisse accéder au dispositif de droit commun de la protection de l'enfance en danger.

La première étape, qui consiste dans un premier entretien d'accueil par les services du conseil départemental, demeure assez mystérieuse en dépit de la multiplication des textes.

Tx.L'article L. 226-2-1 du CSAF dispose : «  Les personnes qui mettent en œuvre la politique de protection de l'enfance définie à l'article L. 112-3 ainsi que celles qui lui apportent leur concours transmettent sans délai au président du conseil départemental ou au responsable désigné par lui, conformément à l'article L. 226-3, toute information préoccupante sur un mineur en danger ou risquant de l'être, au sens de l'article 375 du code civil. Lorsque cette information est couverte par le secret professionnel, sa transmission est assurée dans le respect de l'article L. 226-2-2 du présent code. Cette transmission a pour but de permettre d'évaluer la situation du mineur et de déterminer les actions de protection et d'aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier. »

Dans un premier temps, la situation d'un mineur étranger en danger sera évaluée pour déterminer :
  • S'il est effectivement mineur (voir 2.);
  • S'il est effectivement isolé (voir 1.) ;
  • Si le département sollicité est effectivement compétent.
Cette évaluation sera effectuée dans le cadre d'un accueil provisoire d'urgence et est censée aboutir dans un délai de cinq jours. Si la minorité et l'isolement sont avérés, le président du conseil départemental saisit le parquet compétent afin que soit prise une ordonnance de placement provisoire, en application des articles 375-3 et 375-5 du Code civil. Le mineur étranger en danger va alors intégrer le dispositif de droit commun de la protection de l'enfance.
Si, en revanche, l'évaluation conduit à rejeter la minorité ou l'isolement du mineur, ce dernier n'aura pas accès au dispositif de protection de l'enfance.

Tx.L' pris en application du décret n° 2016-840 du 24 juin 2016 relatif aux modalités de l'évaluation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille définit les modalités de détermination de l'isolement et de la minorité de l'intéressé.


Un mineur étranger, pour être considéré comme éligible à une protection, doit être dans un « état d'isolement ». De l'état d'isolement devrait être déduite une situation de danger pour le mineur justifiant la prise en charge par l'aide sociale à l'enfance.

Ni la loi ni le décret ne proposaient de définition de l'isolement. L'absence de famille ou de représentant légal sur le territoire français semblait, au regard de la jurisprudence, caractériser un tel état d'isolement. Il était donc simplement exigé qu'il n'y ait pas, sur le territoire français, de personne représentant l'enfant concerné.

L'arrêté du 17 novembre 2016 est venu préciser que des prises en charges, même si elles ne sont pas encore matérialisées par une décision judiciaire, écartent une situation d'isolement.

Tx.L'article 1er al. 2 de l'arrêté du 17 novembre 2016 dispose : « La personne est considérée comme isolée lorsque aucune personne majeure n'en est responsable légalement sur le territoire national ou ne le prend effectivement en charge et ne montre sa volonté de se voir durablement confier l'enfant, notamment en saisissant le juge compétent. »

Le fait qu'un mineur ne soit pas considéré comme isolé ne devrait toutefois pas l'empêcher de bénéficier des dispositifs de protection de l'enfance, dès lors qu'il est en danger.

Aux termes de l'article R. 221-11 du CASF, qui reprend la circulaire du 31 mai 2013, la minorité est appréciée à l'issue d'un entretien mené selon une méthode pluri-disciplinaire et dans une langue comprise par l'intéressé, au besoin avec l'aide d'un interprète. La présentation éventuelle de documents d'identification sera un élément à prendre en compte. Il faut toutefois préciser, qu'en pratique, ces documents sont assez souvent inexistants. Et lorsqu'ils peuvent être produits par l'intéressé, leur authenticité est le plus souvent contestée, contrairement à la règle de l'article 47 du Code civil.

Tx.Jurisprudence : Civ. 1ère, 11 mai 2016, n° pourvoi :  ; Lire K. Parrot, J.-F. Martini, « Jeunes étrangers isolés : l'impossible preuve de la minorité », D. 2016.1545.

Si, au terme de cette évaluation, la minorité n'apparaît pas vraisemblable, il est alors possible de procéder à un examen médico-légal. C'est donc seulement en cas de doute persistant qu'il peut être procédé à des examens médicaux. Très contestés par les O.N.G. et par le milieu médical dans son ensemble, les examens médicaux destinés à évaluer l'âge d'une personne n'étaient pas encadrés par la loi avant la réforme opérée par la loi du 14 mars 2016 qui est venue compléter l'article 388 du Code civil.

Tx.L'article 388 du Code civil dispose :
« Le mineur est l'individu de l'un ou l'autre sexe qui n'a point encore l'âge de dix-huit ans accomplis.
Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé.
Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé.
En cas de doute sur la minorité de l'intéressé, il ne peut être procédé à une évaluation de son âge à partir d'un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires. 
»

Sont désormais prohibés les examens des caractères sexuels primaires et secondaires, qui constituaient une atteinte injustifiée à l'intimité des personnes.

Les examens osseux, en revanche, sont considérés comme licites. La main et le poignet seront radiographiés pour permettre de comparer l'état des cartilages de croissance par comparaison à des tables établies entre 1930 et 1960 (Atlas de Greulich et Pyle ou Méthode de Tanner et Whitehouse).

Indépendamment du caractère intrusif que peut présenter un acte médical imposé à une jeune personne, l'absence de fiabilité de ce test a été dénoncée à de multiples reprises pour deux raisons principales :
  • Les différences de lecture des radiographies, particulièrement en imagerie pédiatrique ;
  • Les différences des états des cartilages de croissance selon l'origine géographique de la personne concernée et son patrimoine génétique.
Dans un avis du 23 janvier 2014, le Haut Conseil de la Santé Publique a ainsi notamment indiqué que « des variations ont été mises en évidence en fonction de l'origine ethnique, laissant toujours une imprécision de 18 mois en moyenne » et que, d'après une étude citée en référence dans l'avis, la lecture indépendante des clichées radiographiques en pédiatrie par deux praticiens donnait lieu à des évaluations d'âge variant dans 33 % des cas, avec des écarts allant jusqu'à 39 mois, et étant en moyenne de 18 mois.

Rq.D'autres méthodes sont en voie d'exploration en France, notamment la radiographie de la clavicule, technique déjà utilisée dans d'autres Etats membres de l'Union européenne.

A l'issue de l'évaluation de la situation de l'intéressé, le Conseil départemental peut soit saisir soit refuser de saisir l'autorité judiciaire aux fins de placement. Ces décisions du Conseil départemental doivent pouvoir être contestées en justice.

En principe, le juge naturel pour apprécier la légalité des décisions prises par le Conseil départemental est le juge administratif. Pourtant, la jurisprudence du Conseil d'Etat tendait à l'irrecevabilité des recours portés devant les juridictions administratives.

Tx.Jurisprudence : Le refus du Conseil départemental d'accueillir l'intéressé à l'aide sociale à l'enfance ne peut pas faire l'objet d'un recours devant les juridictions administratives. Il appartient au mineur en danger de saisir l'autorité judiciaire compétente, à savoir le juge des enfants (CE, 1er juillet 2015, n° ; 22 septembre 2015, n° , AJDA 2015.2066).

Cette position en retrait était difficilement admissible au regard de l'objectif de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant. Le Conseil d'Etat a finalement opéré un revirement de jurisprudence par plusieurs arrêts des 27 et 28 juillet 2016, en reconnaissant la compétence des juridictions administratives, laquelle ne porte toutefois pas sur l'appréciation de la minorité du jeune, simplement sur le droit à l'hébergement.

Sur le fond, les décisions des 27 et 28 juillet 2016 opèrent une distinction selon la situation. Lorsque le président du Conseil départemental a pris une décision de refus de prise en charge de la jeune personne en raison de sa majorité, cette dernière ne peut pas valablement prétendre à un droit à l'hébergement (CE, 28 juillet 2016, n° 401626). En revanche, si une mesure de protection a été prononcée par le juge des enfants, le droit à l'hébergement est un droit absolu qui doit être garanti par le Conseil départemental (CE, 27 juillet 2016, n° 400055, n° 400056, n° 400057 et n° 400058).

Tx.Jurisprudence : Extrait de la décision du CE, 27 juillet 2016, n° 400055 :
« 4. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe aux autorités du département, le cas échéant dans les conditions prévues par la décision du juge des enfants, de prendre en charge l'hébergement et de pourvoir aux besoins des mineurs confiés au service de l'aide sociale à l'enfance. A cet égard, une obligation particulière pèse sur ces autorités lorsqu'un mineur privé de la protection de sa famille est sans abri et que sa santé, sa sécurité ou sa moralité est en danger. Lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour le mineur intéressé, une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
9. Eu égard à ces conditions de vie, l'abstention du département du Nord à prendre en compte les besoins élémentaires de M. B...en ce qui concerne l'hébergement, l'alimentation, l'accès à l'eau potable et à l'hygiène, malgré son placement à l'aide sociale à l'enfance et l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille, fait apparaître une carence caractérisée, qui est de nature à exposer ce mineur à des traitements inhumains ou dégradants et porte ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Si le département du Nord a consenti des efforts importants pour la prise en charge des mineurs isolés étrangers, en nombre croissant, il ne résulte toutefois pas de l'instruction qu'aucune solution ne pourrait être trouvée pour mettre à l'abri M. B...et assurer ses besoins quotidiens dans l'attente d'une prise en charge plus durable conformément aux prévisions du code de l'action sociale et des familles. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que M. B...aurait, par son attitude, fait obstacle à sa mise à l'abri ou à son hébergement par le département du Nord. Au demeurant, il appartient au juge de l'exécution, saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-7 du code de justice administrative aux fins de liquidation de l'astreinte précédemment prononcée, de la modérer ou de la supprimer, compte tenu notamment des diligences accomplies par le département et de la réponse apportée par le mineur isolé étranger à la solution d'hébergement proposée. 
»

Suite au démantèlement du camp de Calais à l'automne 2016, un dispositif ter destiné aux mineurs isolés a été imaginé par le gouvernement. Au lieu de prévoir une prise en charge des 1500 mineurs concernés au sein du dispositif de droit commun ou de faire application du Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit Règlement Dublin III, afin que certains mineurs soient accueillis au Royaume-Uni au titre du rapprochement familial, c'est une voie informelle qui a été préférée (V. leçon n° 5 sur l'asile). Ce caractère informel – et précaire – résulte du cadre « normatif » mis en place par voie de circulaire et par l'absence d'ordonnance de placement provisoire.

Elaboré par voie circulaire, ce dispositif consiste à mettre en place des centres d'accueil et d'orientation pour mineurs isolés étrangers (CAOMIE). La circulaire du Garde des Sceaux du 1er novembre 2016 (NOR : ) prévoit ainsi que les mineurs, présents à Calais, soient accueillis pendant une période de trois mois. Aucune ordonnance de placement provisoire n'étant prononcée, il s'agit d'un accueil, provisoire, de mineurs.

La circulaire précise que la « sortie du dispositif dérogatoire » intervient soit après le départ du mineur au Royaume-Uni, soit après réalisation de l'évaluation de la minorité et de l'isolement. Cette dernière n'interviendra toutefois que si l'option du rapprochement familial doit être définitivement écartée.

Selon les CAOMIE, la nature de la prise en charge est très variable, en dépit d'un cahier des charges prévoyant une prise en charge médicale, psychologique, éducative, sportive... Certains incidents ont d'ores et déjà émaillé le quotidien des CAOMIE et certains centres sont en voie de fermeture, sans que la prise en charge effective des mineurs concernés soit clairement envisagée.

Section 2. Les droits des mineurs


La reconnaissance de la minorité des jeunes étrangers constitue une clé importante pour accéder au dispositif de protection de l'enfance. Elle permet également de garantir un droit au séjour (§ 1), une protection contre l'éloignement (§ 3) et l'accès à l'école (§ 4). De plus, la circulation des mineurs est encadrée de manière particulière (§ 2).

Tx.Il résulte de l'article L. 311-1 du CESEDA que « tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France doit, après l'expiration d'un délai de trois mois depuis son entrée en France, être muni d'une carte de séjour ».

Par conséquent, les mineurs ne sont pas soumis à l'obligation de détenir un titre de séjour et ont un droit au séjour automatique jusqu'à leur majorité.

S'agissant des mineurs souhaitant exercer une activité professionnelle, dans le cadre d'un apprentissage ou d'un contrat de professionnalisation, la possession d'une autorisation de travailler est exigée. Soit l'autorisation de travailler est incluse dans le titre de séjour, soit il faut faire la demande expresse d'un titre de séjour portant la mention « salarié » auprès de la préfecture, qui saisira la DIRECCTE (V. leçon n° 10 sur le travail).

Si l'obligation de détenir un titre de séjour ne s'impose pas aux mineurs, la possession d'un titre de séjour peut, dans certains cas, faciliter la vie quotidienne des intéressés, tout particulièrement des jeunes de 16 à 18 ans.

Il est alors possible, pour les jeunes de 16 à 18 ans, d'anticiper un droit au séjour en demandant la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », lorsque, en application de l'article L. 313-11 du CESEDA, ils peuvent prétendre à l'obtention de ce titre de plein droit à leur majorité. Dans ce cas, la carte de séjour temporaire comportera automatiquement le droit d'exercer toute activité salariée en France.

De même, pour les mineurs pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, l'article L. 313-11, 2° bis du CESEDA prévoit un cas de délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ». Aucune condition d'âge n'est exigée.

Toutefois, il est précisé que la carte est délivrée « sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française ».

La , dite circulaire « Valls », est venue préciser que ne doit pas être systématiquement opposé, pour refuser la délivrance du titre de séjour, le critère tiré de la nature des liens avec le pays d'origine.

Sauf exception, la sortie du territoire français ne constitue pas un obstacle à la libre circulation des mineurs. En revanche, en l'absence de visa, le retour sur le territoire français pourra poser problème. Deux documents peuvent être délivrés par les autorités préfectorales qui permettront de revenir en France. Il s'agit du document de circulation (A) et du titre républicain (B).

Tx.L'article L. 321-4 du CESEDA énonce que « sous réserve des conventions internationales, les étrangers mineurs de dix-huit ans dont au moins l'un des parents appartient aux catégories mentionnées à l'article. L. 313-11, au 1° de l'article L. 314-9, aux 8° et 9° de l'article L. 314-11, à l'article L. 313-20 ou qui relèvent, en dehors de la condition de majorité, des prévisions des 2° et 2° bis de l'article L. 313-11, ainsi que les mineurs entrés en France pour y suivre des études sous couvert d'un visa de séjour d'une durée supérieure à trois mois reçoivent, sur leur demande, un document de circulation qui est délivré dans des conditions fixées par voie réglementaire. »

Peuvent obtenir la délivrance, auprès des autorités préfectorales, d'un document de circulation, les mineurs :
  • dont l'un des parents est titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ;
  • dont l'un des parents est titulaire d'une carte de résident obtenue au titre du regroupement familial ;
  • dont l'un des parents est titulaire d'une carte de résident obtenue en tant que réfugié ou apatride ;
  • dont l'un des parents est titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » ;
  • qui, à leur majorité, pourront prétendre à une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », soit en raison d'une résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint l'âge de treize ans, soit qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance depuis qu'il a atteint l'âge de seize ans ;
  • qui sont entrés en France pour y suivre des études sous couvert d'un visa de séjour d'une durée supérieure à trois mois.
En savoir plus : Document de circulation

Lles mineurs soumis aux accords franco-algérien ou franco-tunisien peuvent également obtenir la délivrance d'un document de circulation. Il faudra toutefois se référer aux spécificités contenues dans chaque accord.

En principe, seuls les mineurs visés par les textes peuvent se voir délivrer un document de circulation. Toutefois, le refus d'un tel document ne doit pas porter atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant.
Tx.Jurisprudence : Un document de circulation peut être délivré à un mineur étranger exclu de l'article L. 321-4 CESEDA, dès lors que le refus porterait atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant stipulé à l'article 3 § 1 de la Convention relative aux droits de l'enfant (CE, 3 oct. 2012, n° ).

Le mineur titulaire de ce document de circulation, valable cinq ans, est admis sur le territoire au seul vu de ce document, conformément à l'article L. 212-1 du CESEDA, et d'un passeport valide. En pratique, cela permettra au mineur de participer à des voyages scolaires à l'étranger.

Rq.Il est également possible pour le directeur de l'école, afin de faciliter l'organisation et le déroulement d'un voyage scolaire, de demander un document de voyage collectif. Tel est le cas lorsque plusieurs mineurs étrangers font partie de la même classe (V. et note du 16 octobre 1996 prises en application de la décision 94/795/JAI du Conseil de l'Union européenne du 30 novembre 1994, ainsi que la circulaire n° 2013-106 du 16 juillet 2013 relative au transport et à l'encadrement des élèves dans le cadre des sorties et voyages scolaires dans les premier et second degré, NOR-MENE1316483C au B.O. n° 29 du 18 juillet 2013). La durée de validité de ce document est limitée à la durée du voyage scolaire concerné.

Il existe un autre document qui permettra à l'étranger mineur, quelle que soit sa nationalité, de revenir en France sans visa. Le titre républicain, également valable cinq années, peut être délivré, par les autorités préfectorales, à un mineur étranger, dès lors qu'il est né en France et que ses deux parents y habitent en situation régulière. Si l'un des parents est en situation irrégulière, le mineur étranger ne pourra pas y prétendre.

Rq.La demande d'un document de circulation pour étranger mineur ou de titre républicain doit être effectuée par la personne exerçant l'autorité parentale ; pour les mineurs non accompagnés, il est impératif que l'autorité parentale ait été déléguée ou qu'une mesure de tutelle ait été mise en place avant la demande en préfecture.


Les mineurs étrangers bénéficient d'une protection absolue contre toute mesure d'éloignement, de quelque nature que ce soit.

Ils ne peuvent ainsi faire l'objet :
  • D'une obligation de quitter le territoire ou d'une mesure de reconduite à la frontière (art. L. 511-4 du CESEDA) ;
  • D'un arrêté d'expulsion (art. L. 521-3 du CESEDA) ;
  • D'une interdiction judiciaire du territoire français (art. 20-4 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante).
Cela étant précisé, les mineurs étrangers, notamment lorsqu'ils sont membres d'une famille dont les parents sont soumis à une mesure d'éloignement et placés en rétention administrative aux fins d'exécution de cette mesure, peuvent également être placés en rétention et subir ainsi le même sort que leurs parents. En pratique, cette situation se présente régulièrement, bien que la France ait déjà été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme (V. leçon n° 4 sur l'éloignement et le placement en rétention administrative).


De nombreux textes, supra-nationaux et nationaux, prévoient le droit à l'instruction, à l'instar de l'article 2 du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, de la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative aux normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile ou encore du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946...

Comparez :
Article 28 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant

Article L. 111-5 du Code de l'éducation

« Les Etats parties reconnaissent le droit de l'enfant à l'éducation, et en particulier, en vue d'assurer l'exercice de ce droit progressivement et sur la base de l'égalité des chances :
a) ils rendent l'enseignement obligatoire et gratuit pour tous
».
« Le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté ».

Quels que soient les textes, l'accès à la scolarisation doit être considéré comme inconditionnel, sans aucune exigence de nationalité, d'autant plus que la scolarisation est obligatoire pour les enfants entre 6 et 16 ans.

Toutefois, une prise en charge adaptée aux enfants allophones nouvellement arrivés peut apparaître, dans certains cas et selon des modalités précises, justifiée afin d'assurer un meilleur accueil des enfants (Circulaire n° 2012-141 du 2 octobre 2012 – NOR : REDE1236612C).

En pratique, lorsque les enfants étrangers ne sont pas pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, les refus de scolarisation ne sont pas rares. Il est possible de contester une telle décision du maire par la voie d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif. Un référé-suspension peut également être envisagé, dans la mesure où le refus de scolarisation est susceptible d'entraîner un retard dans le développement des enfants, ce qui est de nature à établir l'urgence (TA Paris, Juge des référés, 5 octobre 2001 ; V. dossier consacré au refus de scolarisation sur le site du GISTI).

Tx.Jurisprudence : TA Poitiers, Juge des référés, 12 juillet 2016, n° 1601535, n° 1601536 et n° . Pour les mineurs pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, la scolarisation doit être effective.
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