A partir du Moyen Âge, le juge dans le cadre de la justice déléguée devient un officier royal. La désignation des juges, comme des autres autres officiers royaux, repose sur une nomination après recommandation, impétration ou même après élection en certaines périodes (par exemple avec l’ordonnance du 5 février 1389). Louis XI avec l’ordonnance de 1467 établit que « en nos officiers consiste sous notre autorité la direction des faits par lesquels est policée et entretenue la chose publique de notre royaume ». Le juriste Charles Loyseau (1564-1621) en 1610 précise que « l’office est une dignité ordinaire avec fonction publique » (Traité des Offices). Au service des droits de la couronne et de l’intérêt public, les magistrats bénéficient d’une protection. Ils bénéficient de deux privilèges en tant qu’officiers royaux : la sauvegarde royale si une violence est exercée sur la personne de l’officier et la revendication de l’aveu des gens du roi si sa responsabilité est mise en cause dans le cadre de l’exercice de ses fonctions.
Rq.L’officier est nommé par lettres de provision du roi. Elles sont enregistrées auprès des cours souveraines.
Progressivement la stabilité dans l’exercice d’une charge publique est reconnue tout d’abord de manière implicite avec l’inamovibilité (1467) puis de manière organisée avec la patrimonialisation des offices. Vénalité et hérédité des offices sont instaurées sous le règne de François Ier (1522) puis en 1604 (arrêt du Conseil du roi). L’une des conséquences de ce système est de réduire le droit royal de nomination de ses officiers devenus inamovibles et indépendants.
La question de l’office du juge a intéressé nombre d’auteurs depuis le Moyen Âge. Juge chrétien, le juge médiéval va aussi voir sa conduite être guidée par le droit. Il doit se prononcer en respectant la procédure et selon la norme (loi, coutume) en vigueur. Gratien (XIIème siècle) précise que « le bon juge ne fait rien arbitrairement ou selon sa volonté particulière, mais selon les lois et le droit ». Dans l’ordonnance de réformation du royaume de saint Louis en 1254 une semblable conduite est imposée aux baillis avec la prestation d’un serment.
Tx.Ordonnance de réformation (1254) in Joinville, J., Histoire de saint Louis, Paris, 1869, p. 249 et s. :
« Nous Louis, par la grâce de Dieu roi de France, établissons que tous nos baillis, vicomtes, prévôts, maires et tout autre officier, en quelque affaire que ce soit, et en quelque office qu’ils soient, fassent serment que tant qu’ils seront dans leur office ou dans leur baillie, ils feront droit à chacun sans exception, aux pauvres comme aux riches, à l’étranger comme à l’homme du pays, et qu’ils respecteront les us et coutumes qui sont bons et éprouvés. Et s’il advient que les baillis ou vicomtes ou autres, comme les sergents ou forestiers, agissent contre leur serment et qu’ils soient convaincus, nous voulons qu’ils en soient punis en leurs biens et en leurs personnes si le méfait le requiert : les baillis seront punis par nous et les autres par les baillis ».
Des vertus particulières sont requises. L'honnêteté, la rigueur, l’impartialité, le secret sont quelques-unes du modèle développé au cours des temps. Le chancelier d’Aguesseau dans sa première mercuriale en 1698 présentait « l’état de magistrat ». Cela servira de modèle pour les procureurs généraux, les avocats généraux et substituts amenés à prononcer les discours de rentrée aux audiences solennelles au XIXème siècle où ils présentent notamment les qualités du magistrat.
En savoir plus : Mercuriales et discours de rentrée
La pratique des mercuriales se développe à partir du milieu du XIVème s. Ayant pour objet initial tous les 15 jours la discipline des magistrats. Ces discours deviennent semestriels à partir du XVIème s. et leur nature se modifie pour devenir un exercice de rhétorique juridique. L’ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539, confirmée par les ordonnances d’Orléans et de Blois, en prescrit la tenue. Etienne Pasquier (1529-1615) dans ses Recherches de la France présente le premier discours de rentrée prononcé par Duménil en 1557. Les mercuriales de l’avocat-général Omer Talon (1595-1652) et plus encore celle de d’Aguesseau (1668-1751) prononcée en 1698 sur « l’état de magistrat » deviennent des références pour tout magistrat chargé de prononcer un tel discours.
Après la Révolution, cette cérémonie est rétablie par Napoléon Ier. Le règlement organique du 30 mars 1808 prévoit que « Tous les ans, à la rentrée [des] cours d’appel, chambres réunies, il sera fait, par [le] procureur général, un discours sur l’observation des lois et le maintien de la discipline » (art. 101). Cette disposition est reprise et complétée par la loi du 20 avril 1810 sur l’organisation judiciaire (article 8). Devant « toutes les chambres de la cour impériale [réunies] en la chambre du conseil, le premier mercredi d’après la rentrée. Le procureur général, ou un avocat général en son nom, [doit] prononcer un discours sur la manière dont la justice aura été rendue dans l’étendue du ressort pendant la précédente année ; il remarquera les abus… ; il fera les réquisitions qu’il jugera convenable… ». Enfin, les articles 33 à 35 du décret du 6 juillet 1810 précisent le déroulement des audiences solennelles pour la rentrée des cours impériales. Le décret du 10 juillet 1903 supprime cette cérémonie puis elle est rétablie en 1931.
Les magistrats au sein des cours souveraines, des juridictions supérieures et de dernier ressort, développent l’idée d’une indépendance et leur faculté de pouvoir juger aussi en équité. Les revendications et oppositions à l’encontre du pouvoir royal se manifestent (fronde parlementaire puis contestations sous le règne de Louis XV).
A partir du Moyen Âge, le juge dans le cadre de la justice déléguée devient un officier royal. Louis XI avec l’ordonnance de 1467 établit que « en nos officiers consiste sous notre autorité la direction des faits par lesquels est policée et entretenue la chose publique de notre royaume ». Le juriste Charles Loyseau (1564-1621) en 1610 précise que « l’ office est une dignité ordinaire avec fonction publique » (Traité des Offices).
Rq.L’officier est nommé par lettres de provision du roi. Elles sont enregistrées auprès des cours souveraines.
Progressivement la stabilité dans l’exercice d’une charge publique est reconnue tout d’abord de manière implicite avec l’inamovibilité (1467) puis de manière organisée avec la patrimonialisation des offices. Vénalité et hérédité des offices sont instaurées sous le règne de François Ier (1522) puis en 1604 (arrêt du Conseil du roi). L’une des conséquences de ce système est de réduire le droit royal de nomination de ses officiers devenus inamovibles et indépendants.
Rq.La justice sous l'Ancien Régime n'est pas gratuite. Le système des épices s'est développé à partir du Moyen Âge. En lien avec la vénalité des offices et le problème des gages versés aux officiers royaux, un rémunération complémentaire est apparue d'abord en nature sous la forme de cadeaux. A partir du XVIIème siècle, une taxe sur les actes de procédure a été instaurée. Ce système a perduré jusqu'à la Révolution française. La loi des 16-24 août 1790 affirme alors que « les juges rendront gratuitement la justice et seront salariés par l’État ».
La mission du juge au cours de l’Ancien Régime s’inscrit dans le cadre d’une fonction divine. Les magistrats au sein des cours souveraines, des juridictions supérieures et de dernier ressort, développent l’idée d’une indépendance et leur faculté de pouvoir juger aussi en équité. Les revendications et oppositions à l’encontre du pouvoir royal se manifestent (fronde parlementaire puis contestations sous le règne de Louis XV).
Tx.La séance de la Flagellation (3 mars 1766) in Antoine, M., Louis XV, Paris, 1989, p. 851-853 :
« Ce qui s’est passé dans mes parlements de Pau et de Rennes ne regarde pas mes autres parlements… Je n’aurais pas d’autre réponse à faire à tant de remontrances qui m’ont été faites à ce sujet, si leur réunion, l’indécence du style, la témérité des principes les plus erronés et l’affectation d’expressions nouvelles pour les caractériser, ne manifestaient les conséquences pernicieuses de ce système d’unité que j’ai déjà proscrit et qu’on voudrait établir en principe, en même temps qu’on ose le mettre en pratique.
Je ne souffrirai pas qu’il se forme dans mon royaume une association qui ferait dégénérer en une confédération de résistance le lien naturel des mêmes devoirs et des obligations communes, ni qu’il s’introduise dans la monarchie un corps imaginaire qui ne pourrait qu’en troubler l’harmonie ; la magistrature ne forme point un corps, ni un ordre séparé des trois ordres ; les magistrats sont mes officiers chargés de m’acquitter du devoir vraiment royal de rendre la justice à mes sujets, fonction qui les attache à ma personne et qui les rendra toujours recommandables à mes yeux. Je connais l’importance de leur service : c’est donc une illusion, qui ne tend qu’à ébranler la confiance par de fausses alarmes, que d’imaginer un projet formé d’anéantir la magistrature et de lui supposer des ennemis auprès du trône ; ses seuls, ses vrais ennemis sont ceux qui, dans son propre sein, lui font tenir un langage opposé à ses principes ; qui lui font dire que tous les parlements ne font qu’un seul et même corps, distribué en plusieurs classes…
Entreprendre d’ériger en principes des nouveautés si pernicieuses, c’est faire injure à la magistrature, démentir son institution, trahir ses intérêts et méconnaître les véritables lois fondamentales de l’État. Comme s’il était permis d’oublier que c’est en ma personne seule que réside la puissance souveraine, dont le caractère propre est l’esprit de conseil, de justice et de raison ; que c’est de moi seul que mes cours tiennent leur existence et leur autorité ; que la plénitude de cette autorité, qu’elles n’exercent qu’en mon nom, demeure toujours en moi, et que l’usage n’en peut jamais être retourné contre moi ; que c’est à moi seul qu’appartient le pouvoir législatif, sans dépendance et sans partage ; que c’est par ma seule autorité que les officiers de mes cours procèdent, non à la formation, mais à l’enregistrement, à la publication, à l’exécution de la loi, et qu’il leur est permis de me remontrer ce qui est du devoir de bons et utiles conseillers ; que l’ordre public tout entier émane de moi et que les droits et les intérêts de la nation dont on ose faire un corps séparé du monarque, sont nécessairement unis avec les miens et ne reposent qu’en mes mains
Je suis persuadé que les officiers de mes cours ne perdront jamais de vue ces maximes sacrées et immuables, qui sont gravées dans le cœur de tous les sujets fidèles…
Les remontrances seront toujours reçues favorablement quand elles ne respireront que cette modération qui fait le caractère du magistrat et de la vérité, quand le secret en conservera la décence et l’utilité, et quand cette voie si sagement établie ne se trouvera pas travestie en libelles où la soumission à ma volonté est présentée comme un crime et l’accomplissement des devoirs que j’ai prescrits comme un sujet d’opprobre, où l’on suppose que toute la nation gémit de voir ses droits, sa liberté, sa sûreté, prêts à périr sous la forme d’un pouvoir terrible, et où l’on annonce que les liens de l’obéissance sont prêts à se relâcher… ».
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