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Introduction historique au droit

Acteurs de la vie du droit : le juge, l’avocat et le notaire

Cette leçon présente trois acteurs (juge, avocat, notaire) de la vie du droit du Moyen Âge à nos jours. Il s’agit d’envisager d’une part leur formation, leur statut et leur organisation. Cette leçon permet aussi d’appréhender leur apport dans la formation et l’évolution du droit à partir de la pratique judiciaire et notariale.



1. Le juge du Moyen Âge à nos jours


La place et le rôle du juge n'est pas semblable en tout lieu en en tout temps. Le juge est un acteur essentiel pour trancher les litiges en application de normes juridiques ou selon l'équité. Dans l'histoire des modes de réglemente des conflits, les personnes en charge de rendre la justice sont diverses et recouvrent deux catégories. Des personnes privées peuvent être investies de la prérogative de juger. Des juges dont cela est la fonction sont désignés par le pouvoir détenteur de rendre la justice. Ils agissent en son nom pour dire le droit. Avec le développement de l’État, cette seconde voie a renforcer le métier de juge.


Rendre la justice n'a pas été de tout temps l'affaire de magistrats professionnels formés au droit. Dans le cadre de tribunaux, des personnes non juristes peuvent être sollicitées pour participer au fonctionnement de la justice. Une spécialisation s'est affirmée pour faire du juge le représentant de l'autorité détentrice du pouvoir de rendre la justice.


Depuis l'Antiquité, le recours à des juges non-professionnels existe pour participer à l'exercice de la justice. Ainsi, par exemple, à Athènes, le tribunal de l'Héliée est institué par Solon (640-558). Il s'agit d'un tribunal où siègent les citoyens athéniens tirés au sort. Juger est un droit des citoyens tant au civil qu'au pénal. Ils votent sur la culpabilité et la peine. A Rome, les citoyens participent aussi à la justice. Inscrit sur une liste, un citoyen remplissant certaines conditions (homme libre, avoir au moins 25 ans, disposer d'une certaine fortune) peut être choisi comme juge par les parties.

Au début du Moyen Âge, une semblable pratique existe en lien avec la tradition germanique et l'exercice de la justice populaire. Sous les Mérovingiens, un tribunal, le malberg ou mallus, existe. Il s'agit du tribunal de tous les hommes libres au niveau local (centaine ou vicaria). Pour rendre la justice ordinaire, ils sont choisis par le comte. Ce sont les rachimbourgs. Ils rendent un jugement conformément à la loi applicable.

Rq.Avec Charlemagne, une évolution se fait jour. Les rachimbourgs sont remplacés par des échevins, de juges occasionnels ils deviennent des juges désignés à vie limitant la conception d'une justice populaire.

Aux temps féodaux, de manière schématique, les seigneurs peuvent rendre la justice d’une double manière. La justice seigneuriale est exercée par un seigneur banal (lié au pouvoir de ban). Il a hérité de cette prérogative du roi carolingien, elle s’applique aux hommes vivant sur le territoire où s’exerce son pouvoir (« les hommes de la poesté »). La justice féodale est différente en prenant sa source dans le contrat féodo-vassalique. Elle intéresse seulement les personnes (vassaux) qui ont de tels liens avec le seigneur. Le jugement par ses pairs prévaut ainsi.

Rq.Dans le cadre des villes médiévales à partir du XIIème siècle, cette pratique se rencontre aussi avec des cours où les bourgeois connaissent des affaires qui les intéressent et prononce un jugement entre eux.

Cette idée de jugement par ses pairs se retrouve avec l’institution du jury. Il est connu et se maintient en Angleterre à la différence du royaume de France. La Grande Charte (Magna Carta) de 1215 reconnaît ce principe.

Tx.Magna Carta, Article 52 :

« Si quiconque a été saisi ou dépossédé de ses terres ou château par Nous, ou qu'il a été privé de ses droits et libertés sans un jugement légal de ses pairs, Nous lui restituerons ceci immédiatement. Et s'il survenait une dispute à ce sujet, la dispute sera alors conciliée par le verdict des vingt-cinq Barons mentionnés ci-dessous en égard pour la paix. Il en sera ainsi pour les biens de quiconque, qui ont été saisis par le Roi Henry Notre père ou le Roi Richard Notre frère, sans le verdict de ses pairs et que Nous avons en Notre possession, ou que Nous tenons par mandat. Mais Nous aurons répit, jusqu'à la fin normale du terme de la croisade, excepté pour ceux pour lesquels un plaidoyer avait été invoqué ou pour lesquels une enquête avait été entreprise par Notre Précepte, avant que Nous ayons pris la Croix. Aussitôt que Nous serons revenus de Notre mission, ou, si par hasard, Nous n'irions pas en mission, Nous leur accorderons immédiatement toute justice dans ces causes. »
Sur la Magna Carta, voir Patrice Delpin, « La Grande Carte (1215) », Clio-Texte .

Ce modèle est réaffirmé par l’Habeas Corpus Act (1679) avec le « grand jury », qui apprécie si les charges sont suffisantes et décide que le procès puisse se poursuivre, et un second jury qui prononce le jugement.


Le jury anglais est connu dans la France d'Ancien Régime par l'intermédiaire de Montesquieu dans l'Esprit des lois (XI, 6). Cette idée est reprise par les philosophes des Lumières et elle trouve à s'appliquer avec la Révolution française en matière criminelle (lois des 16-29 septembre et 29 septembre-21 octobre 1791). Un jury d'accusation et un jury de jugement sont institués. Des citoyens (8 et 12) sont choisis par tirage au sort sur des listes électorales.

Rq.Le modèle adopté en France en 1791 se distingue de celui appliqué en Angleterre tant du point de vue procédural que des rapports établis entre jurés et juge, séparation de la connaissance des questions de fait et de droit. En raison de la méfiance à l'égard de la possible influence du juge sur les jurés, le cloisonnement ainsi opéré en France va se révéler inadapté. S'inspirant de l'échevinage introduit en Allemagne au cours de la seconde moitié du XIXème siècle, les liens entre jurés et juges vont être instaurés pour qu'ils connaissent et décident ensemble des questions de fait et de droit.

Ce système a été partiellement remis en cause par Napoléon. Seul le jury de jugement est conservé pour connaître des affaires criminelles ordinaires dans le cadre des cours d'assises (1808). Cette cour est formée trois magistrats (un présente et deux assesseurs) ainsi que de jurés tirés au sort. Les jurés décident de la culpabilité et du quantum de la peine (montant ou plus précisément la durée d'une peine privative de liberté en matière correctionnelle ou criminelle). La pratique des jurés, face à la sévérité du Code pénal de 1810, est plutôt clémente. Ils sont accusés d' « acquittements scandaleux ». Le jury est alors réformé par la loi du 28 avril 1832. Les jurés peuvent ainsi reconnaître des circonstances atténuantes.

Alors que le juge ne participait pas au délibéré dans la cour d'assises instituée par le régime napoléonien, depuis la loi du 25 novembre 1941, le juge et deux assesseurs y participent et votent avec les six jurés. Ainsi « les juges et jurés statuent ensemble, en un collège unique, sur le fait et sur le droit » (Jean Pradel, 2001). Ce n'est qu'en 1945, à la Libération, que des femmes peuvent être jurés. La démocratisation du jury se poursuit avec la loi du 28 juillet 1978 : système d'un tirage au sort parmi l'ensemble de la population française à partir des listes électorales (il faut alors être âgés d'au moins 23 ans).


La loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence a reconnu la possibilité d'un appel contre les décisions criminelles. Cette évolution tout en conservant le poids de l'histoire prévoit un appel de Cour d'assise à Cour d'assises. La loi n° 2002-307 du 4 mars 2002 autorise le parquet à faire appel en cas d'acquittement.

Enfin, si la cour d'assises juge les crimes punis de plus de 20 ans de réclusion, depuis la généralisation le 1er janvier 2023 de la cour criminelle départementale, les auteurs de crimes punis de 15 à 20 ans de réclusion ne sont plus jugés devant un jury populaire. Cette cour criminelle est composée uniquement de cinq juges professionnels.

La monarchie a développé au Moyen Age la justice royale par l’intermédiaire de juges. Ils sont très divers depuis les juges inférieurs jusqu’au grands juges des cours souveraines. Ils exercent de manière déléguée le pouvoir reconnu au roi. Son action est encadrée. Son statut va évoluer. Juges et magistrats ont été appréhendés de manière unique depuis la Révolution française au sein du « pouvoir » judiciaire puis de l’ordre judiciaire napoléonien et de l’autorité judiciaire.


A partir du Moyen Âge, le juge dans le cadre de la justice déléguée devient un officier royal. La désignation des juges, comme des autres autres officiers royaux, repose sur une nomination après recommandation, impétration ou même après élection en certaines périodes (par exemple avec l’ordonnance du 5 février 1389). Louis XI avec l’ordonnance de 1467 établit que « en nos officiers consiste sous notre autorité la direction des faits par lesquels est policée et entretenue la chose publique de notre royaume ». Le juriste Charles Loyseau (1564-1621) en 1610 précise que « l’office est une dignité ordinaire avec fonction publique » (Traité des Offices). Au service des droits de la couronne et de l’intérêt public, les magistrats bénéficient d’une protection. Ils bénéficient de deux privilèges en tant qu’officiers royaux : la sauvegarde royale si une violence est exercée sur la personne de l’officier et la revendication de l’aveu des gens du roi si sa responsabilité est mise en cause dans le cadre de l’exercice de ses fonctions.

Rq.L’officier est nommé par lettres de provision du roi. Elles sont enregistrées auprès des cours souveraines.

Progressivement la stabilité dans l’exercice d’une charge publique est reconnue tout d’abord de manière implicite avec l’inamovibilité (1467) puis de manière organisée avec la patrimonialisation des offices. Vénalité et hérédité des offices sont instaurées sous le règne de François Ier (1522) puis en 1604 (arrêt du Conseil du roi). L’une des conséquences de ce système est de réduire le droit royal de nomination de ses officiers devenus inamovibles et indépendants.
La question de l’office du juge a intéressé nombre d’auteurs depuis le Moyen Âge. Juge chrétien, le juge médiéval va aussi voir sa conduite être guidée par le droit. Il doit se prononcer en respectant la procédure et selon la norme (loi, coutume) en vigueur. Gratien (XIIème siècle) précise que « le bon juge ne fait rien arbitrairement ou selon sa volonté particulière, mais selon les lois et le droit ». Dans l’ordonnance de réformation du royaume de saint Louis en 1254 une semblable conduite est imposée aux baillis avec la prestation d’un serment.

Tx.Ordonnance de réformation (1254) in Joinville, J., Histoire de saint Louis, Paris, 1869, p. 249 et s. :

« Nous Louis, par la grâce de Dieu roi de France, établissons que tous nos baillis, vicomtes, prévôts, maires et tout autre officier, en quelque affaire que ce soit, et en quelque office qu’ils soient, fassent serment que tant qu’ils seront dans leur office ou dans leur baillie, ils feront droit à chacun sans exception, aux pauvres comme aux riches, à l’étranger comme à l’homme du pays, et qu’ils respecteront les us et coutumes qui sont bons et éprouvés. Et s’il advient que les baillis ou vicomtes ou autres, comme les sergents ou forestiers, agissent contre leur serment et qu’ils soient convaincus, nous voulons qu’ils en soient punis en leurs biens et en leurs personnes si le méfait le requiert : les baillis seront punis par nous et les autres par les baillis ».

Des vertus particulières sont requises. L'honnêteté, la rigueur, l’impartialité, le secret sont quelques-unes du modèle développé au cours des temps. Le chancelier d’Aguesseau dans sa première mercuriale en 1698 présentait « l’état de magistrat ». Cela servira de modèle pour les procureurs généraux, les avocats généraux et substituts amenés à prononcer les discours de rentrée aux audiences solennelles au XIXème siècle où ils présentent notamment les qualités du magistrat.
En savoir plus : Mercuriales et discours de rentrée

La pratique des mercuriales se développe à partir du milieu du XIVème s. Ayant pour objet initial tous les 15 jours la discipline des magistrats. Ces discours deviennent semestriels à partir du XVIème s. et leur nature se modifie pour devenir un exercice de rhétorique juridique. L’ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539, confirmée par les ordonnances d’Orléans et de Blois, en prescrit la tenue. Etienne Pasquier (1529-1615) dans ses Recherches de la France présente le premier discours de rentrée prononcé par Duménil en 1557. Les mercuriales de l’avocat-général Omer Talon (1595-1652) et plus encore celle de d’Aguesseau (1668-1751) prononcée en 1698 sur « l’état de magistrat » deviennent des références pour tout magistrat chargé de prononcer un tel discours.
Après la Révolution, cette cérémonie est rétablie par Napoléon Ier. Le règlement organique du 30 mars 1808 prévoit que « Tous les ans, à la rentrée [des] cours d’appel, chambres réunies, il sera fait, par [le] procureur général, un discours sur l’observation des lois et le maintien de la discipline » (art. 101). Cette disposition est reprise et complétée par la loi du 20 avril 1810 sur l’organisation judiciaire (article 8). Devant « toutes les chambres de la cour impériale [réunies] en la chambre du conseil, le premier mercredi d’après la rentrée. Le procureur général, ou un avocat général en son nom, [doit] prononcer un discours sur la manière dont la justice aura été rendue dans l’étendue du ressort pendant la précédente année ; il remarquera les abus… ; il fera les réquisitions qu’il jugera convenable… ». Enfin, les articles 33 à 35 du décret du 6 juillet 1810 précisent le déroulement des audiences solennelles pour la rentrée des cours impériales. Le décret du 10 juillet 1903 supprime cette cérémonie puis elle est rétablie en 1931.

Les magistrats au sein des cours souveraines, des juridictions supérieures et de dernier ressort, développent l’idée d’une indépendance et leur faculté de pouvoir juger aussi en équité. Les revendications et oppositions à l’encontre du pouvoir royal se manifestent (fronde parlementaire puis contestations sous le règne de Louis XV).
A partir du Moyen Âge, le juge dans le cadre de la justice déléguée devient un officier royal. Louis XI avec l’ordonnance de 1467 établit que « en nos officiers consiste sous notre autorité la direction des faits par lesquels est policée et entretenue la chose publique de notre royaume ». Le juriste Charles Loyseau (1564-1621) en 1610 précise que « l office est une dignité ordinaire avec fonction publique » (Traité des Offices).

Rq.L’officier est nommé par lettres de provision du roi. Elles sont enregistrées auprès des cours souveraines.

Progressivement la stabilité dans l’exercice d’une charge publique est reconnue tout d’abord de manière implicite avec l’inamovibilité (1467) puis de manière organisée avec la patrimonialisation des offices. Vénalité et hérédité des offices sont instaurées sous le règne de François Ier (1522) puis en 1604 (arrêt du Conseil du roi). L’une des conséquences de ce système est de réduire le droit royal de nomination de ses officiers devenus inamovibles et indépendants.

Rq.La justice sous l'Ancien Régime n'est pas gratuite. Le système des épices s'est développé à partir du Moyen Âge. En lien avec la vénalité des offices et le problème des gages versés aux officiers royaux, un rémunération complémentaire est apparue d'abord en nature sous la forme de cadeaux. A partir du XVIIème siècle, une taxe sur les actes de procédure a été instaurée. Ce système a perduré jusqu'à la Révolution française. La loi des 16-24 août 1790 affirme alors que « les juges rendront gratuitement la justice et seront salariés par l’État ».

La mission du juge au cours de l’Ancien Régime s’inscrit dans le cadre d’une fonction divine. Les magistrats au sein des cours souveraines, des juridictions supérieures et de dernier ressort, développent l’idée d’une indépendance et leur faculté de pouvoir juger aussi en équité. Les revendications et oppositions à l’encontre du pouvoir royal se manifestent (fronde parlementaire puis contestations sous le règne de Louis XV).

Tx.La séance de la Flagellation (3 mars 1766) in Antoine, M., Louis XV, Paris, 1989, p. 851-853 :

« Ce qui s’est passé dans mes parlements de Pau et de Rennes ne regarde pas mes autres parlements… Je n’aurais pas d’autre réponse à faire à tant de remontrances qui m’ont été faites à ce sujet, si leur réunion, l’indécence du style, la témérité des principes les plus erronés et l’affectation d’expressions nouvelles pour les caractériser, ne manifestaient les conséquences pernicieuses de ce système d’unité que j’ai déjà proscrit et qu’on voudrait établir en principe, en même temps qu’on ose le mettre en pratique.

Je ne souffrirai pas qu’il se forme dans mon royaume une association qui ferait dégénérer en une confédération de résistance le lien naturel des mêmes devoirs et des obligations communes, ni qu’il s’introduise dans la monarchie un corps imaginaire qui ne pourrait qu’en troubler l’harmonie ; la magistrature ne forme point un corps, ni un ordre séparé des trois ordres ; les magistrats sont mes officiers chargés de m’acquitter du devoir vraiment royal de rendre la justice à mes sujets, fonction qui les attache à ma personne et qui les rendra toujours recommandables à mes yeux. Je connais l’importance de leur service : c’est donc une illusion, qui ne tend qu’à ébranler la confiance par de fausses alarmes, que d’imaginer un projet formé d’anéantir la magistrature et de lui supposer des ennemis auprès du trône ; ses seuls, ses vrais ennemis sont ceux qui, dans son propre sein, lui font tenir un langage opposé à ses principes ; qui lui font dire que tous les parlements ne font qu’un seul et même corps, distribué en plusieurs classes…

Entreprendre d’ériger en principes des nouveautés si pernicieuses, c’est faire injure à la magistrature, démentir son institution, trahir ses intérêts et méconnaître les véritables lois fondamentales de l’État. Comme s’il était permis d’oublier que c’est en ma personne seule que réside la puissance souveraine, dont le caractère propre est l’esprit de conseil, de justice et de raison ; que c’est de moi seul que mes cours tiennent leur existence et leur autorité ; que la plénitude de cette autorité, qu’elles n’exercent qu’en mon nom, demeure toujours en moi, et que l’usage n’en peut jamais être retourné contre moi ; que c’est à moi seul qu’appartient le pouvoir législatif, sans dépendance et sans partage ; que c’est par ma seule autorité que les officiers de mes cours procèdent, non à la formation, mais à l’enregistrement, à la publication, à l’exécution de la loi, et qu’il leur est permis de me remontrer ce qui est du devoir de bons et utiles conseillers ; que l’ordre public tout entier émane de moi et que les droits et les intérêts de la nation dont on ose faire un corps séparé du monarque, sont nécessairement unis avec les miens et ne reposent qu’en mes mains

Je suis persuadé que les officiers de mes cours ne perdront jamais de vue ces maximes sacrées et immuables, qui sont gravées dans le cœur de tous les sujets fidèles…

Les remontrances seront toujours reçues favorablement quand elles ne respireront que cette modération qui fait le caractère du magistrat et de la vérité, quand le secret en conservera la décence et l’utilité, et quand cette voie si sagement établie ne se trouvera pas travestie en libelles où la soumission à ma volonté est présentée comme un crime et l’accomplissement des devoirs que j’ai prescrits comme un sujet d’opprobre, où l’on suppose que toute la nation gémit de voir ses droits, sa liberté, sa sûreté, prêts à périr sous la forme d’un pouvoir terrible, et où l’on annonce que les liens de l’obéissance sont prêts à se relâcher…
».



Avec la Révolution française, le système des offices disparaît faisant place à l’expérience de l’élection des juges entre 1790 et 1802. C’est une des manifestations de la destruction des anciens cadres et de la mise en place d’un nouveau modèle judiciaire. Les juges sont élus à temps soit six années (art. 5 Titre III de la Constitution de 1791) et renouvelables. Le décret du 2 septembre 1790 exige des conditions de capacité (avoir exercé pendant 5 ans la profession de juge ou d’homme de loi tout particulièrement les avocats). Un âge minimum est fixé (30 ans). Les premières élections sont organisées à l’automne 1790. La condition de capacité est supprimée à l’automne 1792.

Rq.L’idée de l’élection est reprise par la Commune (13 janvier 1871) puis affichée par la République (10 juin 1882 : « les juges de tous ordres sont élus par le suffrage universel »). Elle existe encore pour les juges du commerce ou encore par exemple en matière prud’homale.
Cf. L’élection des juges, J. Krynen (sous la direction de), coll. « Droit & Justice », Paris, Puf, 1999.

Élection, nomination, épuration jalonnent l’histoire de la magistrature au gré des régimes politiques au XIXème siècle. Chaque nouveau régime souhaite s’assurer du soutien et du contrôle de la magistrature. L’enjeu est de disposer d’une justice fidèle, « de recruter des amis » (Renée Martinage). Avec la IIIe République, un « processus de républicanisation » intervient tant pour le Conseil d’État (1879) et dans la justice civile et pénale (1883). Une des questions faisant débat est celle de l’inamovibilité des magistrats considérée à l’époque comme incompatible avec la République et d’essence monarchique. Elle est opposée à l’irresponsabilité des juges.

La loi du 11 avril 1946 ouvre le concours de la magistrature aux femmes avec un article unique : « Tout français, de l'un ou de l'autre sexe, répondant aux conditions légales, peut accéder aux fonctions de la magistrature ». Malgré la possibilité ouverte en 1946, les femmes magistrates sont encore peu nombreuses. Seulement 10 femmes accèdent à la magistrature avant 1958. En 1959, elles sont 271 sur 4525 magistrats. Le mouvement se développe au cours des années 1960-1980 à partir de l’instauration du concours comme voie de recrutement par l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.


Au moment de la Révolution, on affirme que « le pouvoir judiciaire, le pouvoir d’appliquer les lois est le plus voisin du pouvoir de les faire : il y touche de si près qu’il ne peut jamais être aliéné par le peuple » (Roederer). La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, la loi des 16 et 24 août 1790 et la Constitution de 1791 mentionnent l’existence d’un « pouvoir judiciaire » dont le contenu est débattu.

Rq.Le débat est de savoir s’il s’agit véritablement d’un « pouvoir ». J.-P. Royer, écrit que « les Constituants de 1791 avaient tout simplement voulu dire que la justice n’en avait aucun et que l’expression était sans contenu réel », Histoire de la justice en France, coll. « Droit fondamental », Paris, Puf, 3ème éd., 2001, p. 867 et voir aussi p. 274-276 et p. 317-318.

Le régime napoléonien organise en lien avec la Constitution de l’an VIII (Titre V – Des tribunaux) un ordre judiciaire et un ordre administratif (loi du 28 pluviôse an VIII et loi du 20 avril 1810). L’« ordre judiciaire » est repris par les textes constitutionnels de la Restauration et la Monarchie de Juillet. Le pouvoir judiciaire réapparait sans réelle portée avec la Seconde République (Chapitre VIII de la Constitution du 4 novembre 1848). La constitution de la Vème République prévoit en son titre VIII « De l’autorité judiciaire ».
En savoir plus : L’Autorité judiciaire
Son indépendance est affirmée à l’article 64 : « Le président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire » et l’article 66 énonce que « l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ».

Tx.Décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980 par laquelle le Conseil constitutionnel a considéré qu’« il résulte des dispositions de l’article 64 de la Constitution, en ce qui concerne l’autorité judiciaire et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en ce qui concerne la juridiction administrative, que l’indépendance des juridictions est garantie ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur, ni le gouvernement ; qu’ainsi, il n’appartient ni au législateur ni au Gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d’adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence » (6ème considérant).

Aujourd’hui l’office du juge correspond aux devoirs et pouvoirs attachés à l’exercice de sa fonction. Aujourd’hui prévaut sa neutralité affirmé par l’article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l’HommeToute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial… »).

2. L’avocat du Moyen Âge à nos jours


L’avocat est un professionnel du droit. Il participe au bon fonctionnement de la justice. Il fait partie des auxiliaires de justice. L’histoire des avocats depuis le Moyen Âge est celle de la formulation de règles relatives à son activité, de la formation d’une organisation et de l’affirmation d’une identité autour de l’indépendance et du désintéressement.


Les origines des avocats remontent à l’Antiquité. De premières règles sont établies et reprises au Moyen Âge. Sous l’influence du droit de l’Église et ensuite des ordonnances royales, des règles précisent l’activité des avocats.


L’Église a précisé quelques règles relatives aux avocats. Cette réglementation a ensuite été reprise et développée par la monarchie.

Rq.L’avocat est aussi désigné sous les termes de procolutor, d’amparlier ou avant-parlier parce qu’il parle et plaide avant le jugement (« ils mettent avant et proposent au jugement les raisons des parties », Les Etablissements selon l’usage de Paris et d’Orléans et de cours de Baronie, Livre 2, chapitre XIV, Ordonnances des rois de France de la troisième race, vol. 1, 1723, p. 261).

L’intervention de l’Église date de la fin du XIIème siècle et se poursuit notamment au XIIIème siècle. Elle s’explique par la crainte que les clercs, qui pouvaient plaider devant les juridictions laïques, soient trop sensibles à de telles sources de revenus. Le droit canonique a édicté des règles que devaient observer les avocats. Ils doivent s'occuper des "justes et vraies" causes.

Le principe posé par le 3ème concile de Latran de 1179 est celui de l'interdiction de plaider devant de les cours laïques s'ils vivent de revenus ecclésiastiques. Une exception existe lorsqu'il s'agit de défendre l’Église, leur intérêt personnel ou les miserabiles personae. Il s'agit de personnes en situation de fragilité économique et sociale. Tel est le cas des orphelins et des veuves qui ne sont pas remariées. Ces personnes bénéficient de règles spécifiques quant à l'administration de la preuve ou à l'exécution de la sentence.

Tx.Canon 12 : « Défense à tous les clercs sans exception de se charger d’affaires temporelles, comme d’intendance de terres, de juridiction séculière, ou de la fonction d’avocat devant les juges laïques ».

Le concile œcuménique de 1274 (Lyon) rappelle un certain nombre de dispositions : nécessité de prêter serment chaque année, s’occuper des causes « justes et vraies », fixation d’un montant maximum (20 livres tournois par affaires), assister les plus pauvres.

Ex.Dans les Établissements de saint Louis (chapitre 14, L. II) il est précisé que l’avocat ne doit pas plaider une cause déloyale ou passer un marché avec son client (pacte de quota litis). Il est tenu d’assister les plus pauvres.


La monarchie médiévale est aussi intervenue pour poser certaines règles relatives aux avocats. La première intervention date du règne de saint Louis avec l’ordonnance de 1257. Le pouvoir royal a repris par l’ordonnance du 23 octobre 1274 les dispositions posées par l’Église. L’avocat ne doit alors plaider qu’une « juste cause ». Ces mesures royales sont répétées au cours du XIVe siècle notamment dans des ordonnances de réformation (par exemple en 1314). L’ordonnance du 13 février 1327 reprend l’obligation du serment, de plaider de justes causes, d’un taux d’honoraires (maximum de 30 livres). Elle prévoit aussi l’inscription au rôle d’une juridiction.

Tx.Extrait de l’Ordonnance du 13 février 1327 :

Article 41 : « L’avocat ne sera reçu à plaider s’il n’est juré suffisamment, ou son nom écrit aux rôles aux avocats ».

Article 42 : « Défense est que nul ne s’efforce de plaider s’il n’est avocat, si ce n’est pour sa propre cause ».

Ordonnance du Louvre, t. 2 p. 9 et 10.

Ces dispositions sont complétées par un arrêt de règlement du Parlement de 1344. Ce texte reprend et établit des mesures encadrant le comportement et l’activité de l’avocat. Il affirme aussi le lien avec la juridiction dans laquelle il plaide et les magistrats. Des dispositions s’imposent à lui comme l’obligation de prêter serment, l’interdiction de plaider de mauvaises causes, la fixation des honoraires, le respect qu’il doit au juge et aux parties. Une nouveauté tient à la mise en place d’une période de stage (sans durée fixée).

Rq.Au sein des juridictions et notamment des parlements, les avocats doivent plaider derrière une barrière (d’où le terme de barreau). La place, l’action et le rôle des avocats sont également présentés dans des traités de procédure au Moyen Âge (ordines judiciarii). En outre, dans les coutumiers les usages observés devant les juridictions sont dénommés styles : Guillaume du Breuil (Stylus Curie Parlamenti), Pierre de Fontaines (Conseil à un ami), Philippe de Beaumanoir (Coutumes de Beauvaisis), Jacques d’Ableiges (Grand coutumier de France), Jean Boutillier (Somme rural, le grand coutumier général de practique civil et canon). Ils rappellent la réglementation canonique et royale. Ils insistent sur les devoirs des avocats et leur rôle dans la défense des parties.

La réglementation royale des XIVème et XVème siècles s’inscrit dans la continuité de ces dispositions tout en précisant que écritures et plaidoiries d’avocat doivent être brèves. L’ordonnance de Montils-lès-Tours du 28 octobre 1446 en fait ainsi état.

Une diversité d’avocats existe mais tend à s’organise à partir du Moyen Âge. Il existe les stagiaires (manteau bleu), les plaidants (manteau violet) et les consultants (manteau écarlate). Ils se regroupent par « bancs » et chacun désigne des députés avec à leur tête le plus ancien d’entre eux : le doyen. Les avocats s’organisent sous la protection en 1341 de saint Nicolas. Il n’existe pas d’ordre des avocats à cette époque.


La discipline des avocats, malgré l’existence d’un conseil présidé par le doyen, relève du parlement auxquels ils sont rattachés. Le Parlement de Paris intervient ainsi jusqu’en 1662. Au cours de la seconde moitié du XVIIème siècle, la naissance du barreau intervient. C’est à cette date, 1662, qu’un conseil de discipline se réunit pour la première fois. Le parlement enregistre simplement la décision. Un arrêt du parlement de Paris du 17 juillet 1693 confirme le bâtonnier comme chef de l’ordre. Une autonomie de l’ordre s’affirme et se développe des années 1650 à 1750. C’est la période de « l’invention du barreau » (Hervé Leuwers). Une diversité de situations existe entre les différents barreaux mais un souci commun tient à la formation des avocats avec la création d’une bibliothèque par l’ordre et l’organisation de conférences.

A partir du début du XVIIIème, des bibliothèques d’avocats sont généralement créées en lien avec les ordres des villes où se trouve un parlement. La première est constituée en 1708 à Paris avec près de 24 000 volumes.


Pour la formation des jeunes avocats, des conférences réunissent à partir du XVIIIème siècle divers avocats pour discuter des questions de Droit ou de Coutume et prendre l’avis des participants. En certains lieux, comme à Riom (Auvergne), des recueils de droit ont été rédigés à partir des conférences. « Lieu de formation, lieu de transmission des valeurs de l’ordre, la conférence est également un lieu d’intégration au groupe… (traduit) la volonté des ordres de transmettre un savoir juridique, une pratique de l’éloquence ou les valeurs du barreau » (H. Leuwers).

Tx.J. Vendrand-Voyer, « Conférences sur la coutume d’Auvergne tenues par MM. Les avocats de la sénéchaussée de Riom. L’opinion de la pratique sur la question sy la puissance paternelle a lieu en Auvergne et sy l’usufruit accordé au père n’est pas un effet de cette puissance », Droit romain, Jus civile et droit français, J. Krynen (sous la direction de), coll. « Études d’histoire du droit et des idées politiques », n° 3/1999, Toulouse, p. 375-392.

Quelques rares textes de l’Ancien Régime contiennent des dispositions relatives au tableau des avocats (ordonnance de 1667) et au stage (arrêt de règlement de 1693). Après des études de droit, titulaire de la licence, l’avocat est autorisé à prêter serment. Il doit être immatriculé auprès de la juridiction devant laquelle il plaide. Il apprend la procédure chez un procureur ou chez un avocat pendant quelques années pour son stage. Il est alors un « avocat écoutant ».

Avec la Révolution française, l’organisation des avocats d’Ancien Régime est remise en cause. La méfiance générale à l’égard des hommes de loi, malgré la présence d’avocats parmi les députés du tiers, emporte les institutions ordinales. L’Ordre des avocats est supprimé par le décret des 2-11 septembre 1790. Le décret du 15 décembre 1790 précise que « les parties auront toujours le droit de se défendre elles-mêmes verbalement et par écrit, d’emprunter le ministère d’un défenseur officieux pour la défense soit verbale, soit par écrit » (art. 4). « L’Ordre est supprimé, la fonction demeure » (J.-L. Gazzaniga).

Tx.Décret des 2-11 septembre 1790 (extrait) :

Article 10 : « Les hommes de loi, ci-devant appelés avocats, ne devant former ni ordre ni corporation, n’auront aucun costume particulier dans leur fonctions ».

Loi du 13 mars 1804 (extraits)

Article 24 : « … nul ne pourra exercer les fonctions d’avocat près les tribunaux, et d’avoué près le tribunal de cassation, sans avoir représenté au commissaire du gouvernement, et fait enregistrer, sur ses conclusions, son diplôme de licencié, ou des lettres de licence obtenues dans les universités … ».
(…)

Article 29 : « Il sera formé un tableau des avocats exerçant près les tribunaux ».

Article 30 : « … les avocats selon l’ordre du tableau, et, après eux, les avoués selon la date de leur réception, seront appelés, en l’absence des suppléants, à suppléer les juges, les commissaires du gouvernement et leurs substituts ».

Article 31 : « Les avocats et avoués seront tenus, à la publication de la présente loi, et, à l’avenir, avant d’entrer en fonction, de prêter serment de ne rien dire ou publier, comme défenseurs ou conseils, de contraire aux lois, aux règlements, aux bonnes mœurs, à la sûreté de l’État et à la paix publique, et de ne jamais s’écarter du respect dû aux tribunaux et aux autorités publiques ».

L’ordonnance contenant règlement sur l’exercice de la profession d’avocat et la discipline du barreau du 23 novembre 1822 reprend et détaille nombre des éléments relatifs au tableau, à la discipline avec le rôle du bâtonnier (qui est le chef de l'ordre et préside le conseil de discipline) et le stage (3 ans).



L’Ordre est restauré par la loi du 13 mars 1804 relative aux écoles de droit complété par le décret du 14 décembre 1810. Les conditions d’accès, la distinction avocat et avoué, l’inscription au tableau et la prestation de serment sont reprises. C’est un rétablissement sous contrôle. Le texte de 1804 dispose qu’il est formé un tableau des avocats exerçant près les tribunaux dont le chef, le bâtonnier est élu par ses pairs (article 29). Ainsi, l’avocat se définit comme celui qui répondant aux conditions de diplôme définies par la loi et ayant prêté serment devant une cour d’appel, est régulièrement inscrit à un barreau auquel il est soumis en matière disciplinaire. L’article 31 de la loi de 1804 intéresse le serment : « Les avocats et avoués seront tenus, à la publication de la présente loi, et, à l’avenir, avant d’entrer en fonction, de prêter serment de ne rien dire ou publier, comme défenseurs ou conseils, de contraire aux lois, aux règlements, aux bonnes mœurs, à la sûreté de l’État et à la paix publique, et de ne jamais s’écarter du respect dû aux tribunaux et aux autorités publiques ». D’un point de vue disciplinaire et de l’organisation de l’ordre, la liberté des avocats est limitée. Par le décret de 1810, l’intervention du pouvoir impérial par l’intermédiaire du procureur général près la cour d’appel est importante. Le magistrat du parquet nomme les membres du conseil de discipline et choisit le bâtonnier par les membres de ce conseil. La tenue d’assemblée générale du barreau est interdite en dehors de l’élection des membres du conseil.

L’ordonnance contenant règlement sur l’exercice de la profession d’avocat et la discipline du barreau du 23 novembre 1822 reprend et détaille nombre des éléments relatifs au tableau, à la discipline avec le rôle du bâtonnier et le stage (3 ans). Plus libérale, cette ordonnance favorise la formation de barreaux en province à partir de six avocats. La liberté d’élire le bâtonnier est posée ensuite par l’ordonnance du 27 août 1830.

Un avocat plaidant d'Honoré Daumier. Source : Patrie neuchâteloise, 3ème série, 1949.


Les avocats affirment leur identité en défendant leur indépendance et l'idée du désintéressement. Leur activité a évolué avec leur professionnalisation développée à partir des années 1970.


L’indépendance s’affirme pendant la période de formation du barreau classique (milieu XVIIème – milieu XVIIIème siècle). La manifestation de cette liberté est pour les avocats le droit de plaider couvert. Cette indépendance de l’avocat est présentée par l’avocat général au parlement de Paris Henri-François d’Aguesseau (1668-1751) dans son Premier Discours de 1693. Il s’intéresse à leurs fonctions et leurs devoirs en étant parfois plus critique au sujet des « déclamateurs frivoles ». Parmi les caractéristiques des avocats, l’indépendance et la liberté notamment de parole sont le trait commun. C’est pour lui un « Ordre aussi ancien que la magistrature, aussi noble que la vertu, aussi nécessaire que la justice, (qui) se distingue par un caractère qui lui est propre ; et seul entre tous les états, il se maintient toujours dans l’heureuse et paisible possession de son indépendance ».


Le juriste Claude-Joseph Ferrière reprend l’idée dans son Dictionnaire de Droit et de pratique (1771) : « L’entière indépendance, qui est inséparable de la profession d’Avocat, la rend entièrement libre ». Pour Ferrière, s’il « est honnête de […] recevoir [l’honoraire…] il est honteux de le demander ». Le couple indépendance et liberté est un topos de la profession.

C’est au cours du XIXème siècle, que l’âge d’or de l’avocat s’affirme. Lucien Karpik a présenté l’idée que « c’est parce que la profession d’avocat s’était construite sur l’indépendance et le culte de sa propre liberté à l’égard de tous les pouvoirs ».

Des débats récents, depuis la fin des années 2010, envisage la création d’un statut d’avocat salarié en entreprise. C’est alors poser la question du maintien de l’indépendance par rapport à l’employeur.

Dans la conception classique, l’avocat n’exerce pas son activité pour la recherche du profit. Il doit faire preuve de désintéressement et développer une « passion vertueuse pour le bien public ». C’est là le temps de « l’intellectualisation du rejet du commerce » (Louis Assier-Andrieu). Il doit être désintéressé par opposition à l’avarice et à l’avidité. « Comme le courage, la prudence ou l’amour de la vérité, le désintéressement est devenu l’un des poncifs de l’idéal professionnel de l’avocat » (Hervé Leuwers). L’exercice de la profession doit alors mener à l’honneur et non à la fortune.

La sociologie des avocats au XIXème siècle favorise cette idée. L’avocat est alors le plus souvent un notable. Grâce à des rentes, il maintien des traditions d’indépendance et de désintéressement. On peut être avocat sans exercer, le seul titre suffit alors jusqu’en 1920. A partir du décret du 20 juin 1920, il faut exercer réellement pour être avocat.

Au cours du XXème siècle, la profession évolue avec l’avènement du barreau d’affaires avec une logique économique dans le cadre d’un marché du droit.


Les textes du XIXème reviennent suivant les régimes politiques (1852, 1870) sur les modalités de désignation du bâtonnier. Le législateur accroît davantage la place et le rôle de l’avocat. Les évolutions principales au XXème siècle sont les suivantes avec une évolution vers la professionnalisation :
  • loi du 1er décembre 1900 autorisant les femmes licenciées en droit de prêter le serment d'avocat et à s’inscrire au barreau (Jeanne Chauvin) ;
  • décret du 20 juin 1920 réorganisant la profession (l’exercice de la profession confère le titre d’avocat) ;
  • loi du 26 janvier 1941 instaurant le CAPA (certificat d'aptitude à la profession d'avocat) ;
  • loi du 31 décembre 1971 et décrets de juin 1972 avec la « nouvelle profession d’avocat » (nouvelle déontologie, fusion des professions d’avocat et d’avoués devant les Tribunaux de Grande Instance) ;
  • loi du 31 décembre 1990 avec fusion des avocats et des conseils juridiques ;
  • loi « professions » du 11 février 2004 pour la formation des futurs avocats et l'obligation d'une formation continue (en vigueur à partir de 2006).
  • loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées (mise en place d'une interprofessionnalité entre professions du droit, création de l'acte contresigné selon les préconisations du rapport Darrois).

Rq.L’avocat est toujours un homme depuis plusieurs siècles et jusqu’à la loi promulguée le 1er décembre 1900. Jeanne Chauvin avait vu sa demande rejetée par la cour d’appel de Paris en 1897. L’argumentation du procureur reposait sur la loi du 22 ventôse an XII créant les écoles de droit et réglementant la profession d’avocat. Le débat politique fut tendu mais en décembre 1900 la première femme avocate prête serment – Olga Petit – suivie quelques jours après par Jeanne Chauvin. Entre 1900 et 1917, 18 femmes exercent la profession. La première femme bâtonnier est à La Roche-sur-Yon en 1937. Il faut attendre 1950 pour qu’une femme entre au Conseil de l’ordre à Paris et 1998 pour que l’une d’entre elles devienne bâtonnier (Dominique de la Garanderie), 30 ans après être entrée au barreau.

Une étape importante dans l’évolution vers la professionnalisation est constituée par la loi du 12 mars 1920 qui autorise la création des syndicats dans les professions libérales. Le décret du 20 juin 1920 réorganisant la profession devient la charte de la profession. Il dispose expressément que désormais tout avocat devra exercer réellement la profession (article 3). L’autorité de l’Ordre est confirmée en matière de discipline, de déontologie et d’administration du barreau.

A partir de la seconde moitié du XXème siècle, les évolutions accentuent la professionnalisation avec la formation de « la nouvelle profession d’avocat ». Le temps des réformes intervient au début des années 1970 pour moderniser la profession. Une fusion des avocats et des avoués de première instance intervient puis, 20 ans plus tard, des avocats et conseils juridiques.

La profession est diversifiée et répond à de nouveaux défis avec le développement des Law firms (cabinets d’avocats) et de la legaltech (services juridiques dématérialisés).

3. Le notaire du Moyen Âge à nos jours


Les origines des notaires sont anciennes. Leur activité s’est développée à partir du Moyen Âge notamment avec leur pouvoir d’authentification des actes. Leur organisation s’est progressivement précisée avant que la loi du 16 mars 1803 (25 ventôse an XI) pose les bases de la définition contemporaine du notariat.


La question de l’authentification des actes a connu une double approche dans la France médiévale entre les notaires du Midi et les tabellions au Nord du royaume.


Les notaires reçoivent et rédigent les actes pour leur donner un caractère d’authenticité, force probatoire et leur permettre de faire foi en justice. Les notaires veillent aussi à la conservation des actes en forme définitive. Ils assurent enfin des fonctions de conseil des parties, cette pratique notariale a eu une influence sur la formation du droit.

L’authentification d’un acte a emprunté deux voies qui manifestent son formalisme. Dans un premier temps, elle a été assurée par l’apposition d’un sceau d’une autorité ou d’une juridiction. C’est le cas spécialement avec les juridictions ecclésiastiques (fin XIIème siècle et XIIIème siècle). C’est le cas aussi avec des sceaux de pouvoirs laïcs en relation avec l’exercice de la juridiction gracieuse. Le pouvoir royal a étendu le recours à la juridiction gracieuse (1280) avec les « lettres de baillie ». La preuve de cette authenticité est ainsi assurée par ce sceau. Dans la continuité de cette pratique, des tabellions rédigent un acte qui est ensuite présenté au greffe d’un tribunal pour qu’il le scelle de son sceau. Ces tabellions sont rattachés à une juridiction laïque ou ecclésiastique. Ils rédigent alors les actes au nom du juge de cette cour.

Df.Tabellion : « fermier qui prend sa charge à bail pour une période déterminée dans un ressort donné » afin de recevoir des actes privés pour leur conférer authenticité.

A. Rigaudière, « Conclusions », Tabellions et tabellionages de la France médiévale et moderne. Études réunis par M. Arnoux et O. Guyotjeannin, Mémoires et documents de l’École des chartes, 90, 2011, p. 509-539.

Puis une seconde forme d’authentification des actes est apparue sous l’influence du notariat italien en particulier à Bologne. La pratique du seing manuel (signature) du notaire est adoptée. Les premiers documents conservés datent de la seconde moitié du XIIème siècle. Le plus ancien registre notarial conservé est celui d’un notaire de Gênes Giovanni Scriba pour la période 1154-1164.

Cette influence notariale venant d’Italie s’est développée à partir de 1140 dans le Languedoc méditerranéen en lien avec les échanges commerciaux. Le notariat s’est diffusé dans le Sud de la France en lien avec les échanges commerciaux avec l’Italie du Nord. Le plus ancien registre conservé en France est celui d’un notaire marseillais (Guiraud Amalric) datant de 1248. De simples rédacteurs d’actes, le « notarius » devient notaire public lorsqu’il détient la « fides publica » c’est-à-dire qu’il a reçu une délégation d’autorité par laquelle ses actes ont un caractère authentique. Le recours au seing manuel des notaires dans le Midi est reconnu par le pouvoir royal en 1304 mais il maintient la juridiction gracieuse comme à Montpellier, Nîmes ou Béziers. Il fixe le statut du notariat méridional.

Source : Conseil général du Tarn - CC BY NC ND.


Nommé par le roi (notaire royal), par un seigneur (notaire seigneurial) ou par l’autorité ecclésiastique (notaires apostolique), il doit déposer son seing manuel au greffe du tribunal. Il appose ensuite sur les actes cette même signature.

Ces deux voies d’authentification ont permis de distinguer à partir du Moyen Âge deux espaces, le notaire et son seing manuel correspondant au pays du Midi et le tabellion et le sceau de juridiction pour les régions du Nord ou de droit coutumier.

Au Moyen Âge, le notaire peut exercer d’autres activités à côté de ses fonctions juridiques. Leur nombre augmente au cours des XIIIe-XVe siècles. Une réglementation est adoptée pour préciser les conditions de l’entrée en charge (conditions de religion, naissance légitime, au moins 24 ans à Marseille), de contrôler leur formation (les statuts de Marseille fixe à 2 ans la durée de leur apprentissage sur le tas auprès d’un notaire) ou encore de leur nombre.

Une tradition de formation des notaires existe. Un art du notaire apparaît au cours du XIIIème siècle. Des manuels de notariat sont rédigés (Artes notariae). Ils contiennent des formulaires proposés à la lumière de la pratique notariale. Les premiers apparaissent avec Rénier de Pérouse (vers 1220) puis à Bologne avec Salatiele (1242) et Rolandino Passaggeri (1255).
Df.Formulaire : recueil de formules pour faciliter la rédaction de l'étendue.
Il existe des formulaires « savants » du Moyen Âge qui généralement présentent des formules mais aussi des réflexions théoriques. Il existe aussi des formulaires « pratiques » correspondant à des modèles manuscrits d’actes d’un notaire pour son usage.

Différents éléments participent au rapprochement entre les situations du Sud et du Nord du royaume.

Seing manuel et sceau ne permettent pour un temps qu’une authentification relative. Il est admis de rapporter par témoin la preuve contraire du contenu de l’acte. L’authentification est pleinement assurée à partir du XVIème siècle lorsqu’on restreint la contestation des actes dressés par les notaires (pour faux). Le seing manuel s’impose aussi progressivement. Le juge délègue de manière permanente au tabellion la signature pour les actes qu’il rédige. Le tabellion se rapproche alors du notaire.

A partir du XVème siècle, le contrôle de la monarchie est plus affirmé tant sur les notaires que sur les tabellions. Dans la continuité de l’ordonnance touchant les tabellions et les notaires de juillet 1304, les mesures royales rapprochent les deux fonctions. L’ordonnance de 1304 de Philippe le Bel fixe les modalités d’exercice de la profession et de rédaction des actes. Ainsi, par exemple, elle a interdit la délivrance de plus d’une expédition par partie. Cette interdiction est reprise par l’ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539. Ces expéditions se trouvent dans les archives privées (familiales et seigneuriales).

A partir du XVIème siècle, les minutes reprennent des éléments de la brève et de l’étendue. Elles sont rédigées en présence des parties de manière chronologique et développent les éléments de l’acte. L’ordonnance de Villers-Cotterêts précise l’obligation de tenue de registres de minutes (art. 173-177). A partir du début du XVIIème siècle, la forme définitive des minutes est acquise : l’acte est reçu chronologiquement par le notaire, sans abréviation, et il est signé par lui et les parties.

Des ordonnances royales précisent leurs obligations comme la tenue des registres des testaments et contrats (ordonnance de Villers-Cotterêts d’août 1539) mais aussi l’utilisation du français comme langue de rédaction des actes de juridiction, tant contentieuse que gracieuse (article 111 de l’ordonnance d’août 1539 confirmée par l’ordonnance de Roussillon de janvier 1563) ou encore la présence de deux notaires pour la signature des actes.

Rq.Cette obligation de la présence de deux notaires a été atténuée par la présence de deux témoins à la place du second notaire par diverses ordonnances en novembre 1507, décembre 1543 et l’article 166 de l’ordonnance de Blois.

S’il existe une diversité de notaires sous l’Ancien Régime, le pouvoir royal a la volonté d’en contrôler l’accès. Au XVIème s., le statut se précise avec la vénalité des offices des notaires. Le pouvoir royal décide en 1597 d’unir en un seul office les anciennes fonctions de notaire royal, tabellion et de garde-notes. Il institue ainsi l’office de « notaire, garde-notes, tabellion héréditaire ».
Le juriste Claude-Joseph de Ferrières (1639-1715) distingue différentes sortes de notaires : royaux, seigneuriaux et apostoliques (personnes nommées par les évêques et archevêques pour passer les actes concernant les bénéfices). Dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, Jean-Baptiste Denisart (1713-1765) procureur au Châtelet, est l’auteur d’un Collection de décisions (1754-1771). Il définit les notaires comme « des officiers publics pour donner aux actes qui se passent devant eux, le caractère de la forme publique et de l’autorité de la Justice, qui fait que ces actes portent la preuve de leur vérité ». Les notaires instrumentent dans des limites territoriales déterminées. Hors de ce ressort, « les notaires ne sont plus des officiers publics, ils ne sont que de simples personnes privées » (Denisart). Il existe une exception notable en faveur spécialement des notaires de Paris. Ils ont, depuis des lettres-patentes de Louis XII d’avril 1510, « le privilège singulier de se transporter et d’instrumenter par tout le Royaume, et pour toutes sortes de personnes » (Denisart).

D’autres facteurs (organisationnelle, formation juridique, ouvrages spécialisés) favorisent le rapprochement entre notaires et tabellions

La vénalité des offices a été abolie par la Révolution tout comme l’hérédité. Les notaires royaux, seigneuriaux et apostoliques sont supprimés. Ils sont remplacés par des notaires devenus fonctionnaire sous la Révolution puis officiers publics à partir de 1803.


La loi des 29 septembre-6 octobre 1791 transforme l’organisation du notariat. Les offices de notaires ou tabellions authentiques, et tous autres offices du même genre, sous quelque dénomination qu’ils existent, sont supprimés. Le législateur révolutionnaire sépare les notaires d’avec la juridiction contentieuse.

On les désigne comme « notaires publics » (art. 3) et qu’ils sont des « fonctionnaires publics » (sect. 2, art. 1). A la différence des autres fonctionnaires, ils ne sont pas élus mais nommés à vie. C’est là une exception majeure.

Le recrutement repose sur un « concours public » dans chaque département. Les candidats doivent avoir plus de 25 ans et une expérience de la pratique juridique : avoir travaillé sans interruption pendant quatre ans chez un procureur ou un avoué, chez un notaire et ensuite quatre autres années comme clercs de notaire dans le département. Le concours est également ouvert aux juges ou aux hommes de loi qui ont exercé leur activité depuis 5 ans dont 3 au moins dans le département où ils candidatent. Aucune exigence de grade ou de diplôme. En 1792, l’obtention d’un certificat de civisme est requis. Cette obligation s’impose tout d’abord aux notaires avant tout autre fonctionnaire public (loi du 5 février 1793). Après la chute de Robespierre, le refus de délivrer un certificat de civisme doit être motivé par l’autorité administrative. La loi du 10 octobre 1794 prévoit la réintégration des notaires suspendus ou destitués.


Le notariat a été réorganisé par la loi du 25 ventôse an XI (16 mars 1803). Elle a été qualifiée de « grande charte » de la profession.

Elle définit les notaires comme « les officiers publics établis pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d’authenticité attaché aux actes de l’autorité publique, et pour en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses et expéditions » (art. 1).

Les notaires ont un caractère « hybride » public et privé. Ils sont nommés à vie par le premier consul. Ils doivent prêter serment de fidélité comme les autres fonctionnaires. Les notaires retrouvent cependant leur situation passée en étant titulaire d’une charge cessible et transmissible.

La loi prévoit de mieux organiser la profession avec l’institution des Chambres de discipline pour la police intérieure du notariat, l’instauration d’une déontologie professionnelle, la formation des notaires (durée de stage de six ans).

Rq.La loi s’inspirant de la réglementation antérieure précise que les actes seront reçus par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins (art.9). Les notaires sont tenus de garder la minute de tous les actes qu'ils recevront exceptés les certificats de vie, procurations, actes de notoriétés, quittances de fermages de loyers, de salaires, arrérages de pensions et de rentes et autres actes simples "qui d'après les lois peuvent être délivrés en brevet" (art. 20). Le droit de délivrer les grosses et les expéditions n'appartient qu'au notaire possesseur de la minute (art. 21).

Des écoles de notariat ont été créées à l’initiative de notaires. Leur reconnaissance est officielle ainsi que leurs diplômes à partir de la loi du 12 août 1902.

Les structures corporatives assurent la discipline de la profession avec les chambres de discipline dans chaque arrondissement. Ce sont les tribunaux qui sont compétents pour suspendre ou destituer un notaire (art. 53 de la loi de 1803).

Dans un contexte de « crise du notariat » avec une très forte diminution du nombre d’études en une centaine d’années (de 14000 à 8000 études), un Congrès des notaires, annuel, à partir de 1891 permet de considérer les intérêts professionnels et l’avenir de la profession. La préoccupation de la formation des notaires est importante. Une Association nationale des notaires de France (1921-1922) est établie puis un syndicat national des notaires en 1949. L’ordonnance du 2 novembre 1945 réorganise le notariat et les structures de la profession (Compagnie des notaires, Conseil régional des notaires et Conseil supérieur du notariat). Le législateur dote le notaire d’un statut spécifique comme « officier public » qui a la mission de recevoir « tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d’authenticité attaché aux actes de l’autorité publique, en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses et des expéditions » (ord. n° 45-2590, 2 nov. 1945, art. 1).

La réforme de 1973 a renforcé les conditions d’accès au notariat avec une formation théorique spécifique et un apprentissage en étude par le stage dans un office notarial. En 1966, 64 % des notaires ne possédaient pas de licence en droit. Le décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d’accès aux fonctions de notaire est « le révélateur d’un esprit, celui d’une formation qui a toujours recherché un juste équilibre entre l’Université et la profession, entre la théorie et la pratique » (Mustapha Mekki). Un Code de déontologie en 1979 est mis en place. Il précise que le notaire « assume ce service dans le cadre d’une activité libérale ».

En 2015, la loi Macron a modifié les conditions d'accès au notariat afin d'augmenter le nombre de notaires (qui bénéficiait d’un numerus clausus), de renouveler et de libéraliser la profession. La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 réforme ainsi la profession. Cela a conduit à une augmentation du nombre d’études, à un rajeunissement et à une féminisation de la profession.

Rq.Plus récemment, il y a eu la création d’une grande école unique du notariat (décret n° 2018-659 du 25 juillet 2018) qui a instauré l’Institut national des formations notariales (INFN). La formation des notaires évolue avec le décret n° 2022-1298 du 7 octobre 2022 et l’arrêté du 5 juillet 2023 : fusion des deux voies diplômantes d’accès aux fonctions de notaire (voie professionnelle de 31 mois et voie universitaire de 24 mois).


Sy.Du Moyen Âge à nos jours, différents acteurs de la vie du droit ont participé à la formation et à l’application du droit. Le juge, qu’il soit professionnel ou non, participe à la vie judiciaire. En lien avec le développement de la justice royale et son affirmation à l’encontre de justices concurrentes au Moyen Âge, différents traits caractéristiques apparaissent. Ils permettent de comprendre l’organisation et le fonctionnement de la justice contemporaine. La place et le rôle du jury, l’office du juge, la motivation des jugements, l’interprétation par le juge de la loi, l’instauration d’une Cour de cassation sont quelques-unes des questions posées par le passé et qui permettent de comprendre les évolutions contemporaines.

Les avocats sont aussi des acteurs de la vie judiciaire. Depuis le Moyen Âge, une réglementation précise progressivement les conditions d’accès, leur exercice de la profession, les règles de procédure mais aussi leur organisation au sein d’un ordre et leur rôle accru pour assurer les droits de la défense.

Enfin, à travers une importante documentation conservée depuis plusieurs siècles, les notaires participent à la vie du droit en lien avec l’authentification des actes. Ils reçoivent et rédigent les actes pour leur donner un caractère d’authenticité, force probatoire et leur permettre de faire foi en justice. Ils veillent aussi à la conservation des actes en forme définitive. Ils assurent enfin des fonctions de conseil des parties, cette pratique notariale a eu une influence sur la formation du droit.
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