Archives publiques et archives privées
Définition :
Le Code du Patrimoine (Article L 211-4) opère une distinction riche de conséquences entre archives publiques et archives privées. Le code définit ce que sont les archives publiques de manière assez simple : constituent des archives publiques l'ensemble des documents produits par les collectivités et établissements publics. Il pose comme principe que tout ce qui n'en relève pas relève des archives privées.Ces dernières sont, en substance, l'ensemble des documents des personnes physiques ou morales de droit privé.
Les archives publiques sont imprescriptibles, comme le précise l'article L. 212-1 du code du patrimoine et le législateur a admis les supports électroniques avec l'article 1er de la loi du 3 janvier 1979 :
« Les archives sont l'ensemble des documents, quels que soient leur date, leur forme et leur support matériel, (...) »
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1. Différences
L'intérêt de cette distinction entre public et privé n'est pas mineur et induit des différences sur l'organisation du service des archives.
Quand ils sont gérés par des collectivités publiques, les services des archives sont présumés neutres. A condition qu'ils respectent les principes généraux posés par les textes, ces services n'ont pas à démontrer le sérieux ni la validité de leur organisation. En revanche, quand ils sont gérés par des organismes privés, les services privés d'archives doivent démontrer leur neutralité. En d'autres termes, la nature publique ou privée des personnes qui conservent les documents fait peser sur lesdits documents soit un préjugé favorable de neutralité, soit un soupçon de partialité.
Exemple :
Par exemple en droit public, la passation de marchés publics par voie électronique implique de recourir à l'archivage électronique.
Dans ce cas, c'est la signature électronique de ce marché par la personne publique qui lui conférera le caractère de seul exemplaire de référence. Les autres pièces relatives aux marchés publics destinées à être archivées devront être attestées ou certifiées par la personne responsable du marché.
2. Spécificités de l'archivage public
Les archives publiques ne font pas l'objet de prescriptions juridiques particulières quant à leur forme, date et support. L'archivage électronique est donc compatible avec le cadre juridique applicable aux archives publiques. L'archivage public présente toutefois une finalité orientée vers l'information du public. L'objectif est dans ce cas la conservation historique (conservation de la mémoire des informations comprises dans le patrimoine national d'où le caractère imprescriptible), mais aussi la réalisation de statistiques. Ainsi dans le domaine public, il existe une obligation d'archiver certains documents à des fins informationnelles, historiques ou statistiques qui vient s'ajouter à l'archivage dont la finalité est juridique. Les conditions de réalisation de l'archivage n'ont pas vocation à être identiques dans les deux cas, même si dans tous les cas les documents doivent être conservés de nature à en garantir l'intégrité et organiser son accessibilité. |
Aux termes de l'article 2 du décret 79-1037 du 3 décembre 1979[1] modifié, précisé par la circulaire du 2 novembre 2001, il convient de distinguer :
les archives courantes qui correspondent aux documents utilisés pour le traitement quotidien des affaires dont la conservation est assurée dans le service d'origine ;
les archives intermédiaires qui correspondent aux documents qui, n'étant plus d'un usage courant, doivent néanmoins être conservés temporairement à proximité des services d'origine pour les besoins administratifs ou juridiques ;
les archives définitives qui correspondent aux documents qui sont conservés indéfiniment, pour les besoins de la gestion et de la justification des droits des personnes pour la documentation historique de la recherche. Ces archives définitives ou historiques sont constituées après tri et élimination, à partir des archives intermédiaires.
Les documents passent d'une des périodes précités à une autre, en fonction de leur Durée d'Utilité administrative (DUA). Cette durée correspond au délai minimal durant lequel les documents doivent être conservées dans les locaux des établissements ou services producteurs, en tant qu'archive courante ou intermédiaire. Elle est déterminée en fonction des besoins du service producteur ou des délais de recours légaux. La DUA d'un document est déterminée au moyen d'un acte réglementaire ou par le biais de tableau de gestion adopté conjointement par le service producteur et l'administration des archives.
De fait, les DUA peuvent correspondre à des délais parfois très courts (un an pour un acte d'extrait d'acte civil) ou aller jusqu'à l'infini en cas d'archive définitive. Le délai de communication publique de droit commun des archives publiques est de 30 ans. Par ailleurs et de surcroît, il doit être précisé que le délai au-delà duquel les documents d'archives peuvent être librement consultés est de :
150 ans à compter de la date de naissance des documents comportant les renseignements individuels à caractère médical ;
120 ans à compter de la date de naissance pour les dossiers personnels ;
100 ans à compter de la date de l'acte ou de la clôture du dossier pour les éléments relatifs aux affaires portées devant les juridictions pour les minutes et répertoires des notaires ainsi que pour les registres de l'état civil et de l'enregistrement ;
100 ans à compter de la date de recensement ou de l'enquête pour les documents contenant des renseignements personnels ayant trait à la vie personnelle et familiale et d'une manière générale aux faits et comportement d'ordre privé collectés dans le cadre des enquêtes statistiques des services publics ;
60 ans à compter de la date de l'acte pour les documents qui contiennent des informations mettant en cause la vie privée ou intéressant la sûreté de l'état ou la Défense Nationale et dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État.
3. Contraintes du droit privé
Attention :
L'archivage privé concerne les documents des personnes physiques ou morales.
Il s'agit soit d'un acte juridique ou d'un fait juridique. Selon la nature de l'opération, la qualification aura une incidence sur le système de preuve applicable.
Afin de rapporter la preuve d'un acte juridique, il est en principe nécessaire de produire un écrit passé devant notaire ou signé des parties. Une exception existe cependant pour les actes portant sur un montant inférieur à 1500 €. Comme vu précédemment, L'article 1316-1 du Code civil pose certaines exigences à finalité probatoire pour l'établissement et la conservation d'un acte juridique. L'écrit sous forme électronique sera ainsi admis à titre de preuve s'il vérifie ces exigences.
Leur preuve étant libre, tous les moyens de preuve sont donc recevables par le juge (présomptions, témoignages, aveux, serments, commencement de preuve écrite, etc.).
Conseils, trucs et astuces :
Néanmoins, afin de convaincre le juge, il faudra établir la fiabilité du procédé utilisé pour archiver les moyens de preuve des faits juridiques.
Dans un souci de sécurité juridique, il est alors recommandé de s'appuyer sur les modalités d'archivage s'appliquant aux actes juridiques. Les personnes archivant des documents auraient alors la possibilité, au préalable, de s'assurer de la valeur juridique de ceux-ci. Comme en matière de fait juridique, le principe de la liberté de la preuve s'applique entre commerçants. En effet, le Code de commerce prévoit que « les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi».
N'étant pas d'ordre public, les règles déterminant les moyens de preuve ou encore la charge de la preuve peuvent faire l'objet de conventions. Celles-ci sont un gage de sécurité juridique puisqu'elles vont permettre aux parties de régler à l'avance la question de la force probante des contrats qu'elles concluent en ligne.
Exemple :
Dans les contrats de consommation, il est possible d'insérer des clauses aménageant le système de preuve sous réserve, pour le professionnel, de respecter la législation en matière de clauses abusives.
L'article L. 134-2 du Code de la consommation impose au professionnel de conserver pendant 10 ans, l'écrit constatant un contrat en ligne portant sur un montant supérieur à 120 € et de le tenir à disposition du consommateur lorsque celui-ci en fait la demande.
Remarque :
On peut néanmoins s'interroger sur les éléments que le professionnel est tenu d'archiver en pratique (conditions générales de vente, commande, signature électronique, etc.) ou encore sur les modalités permettant au consommateur d'exercer son droit d'accès.
Exemple : Cas des factures électroniques
La loi pose le principe du recours aux factures électroniques signées dès le moment où le destinataire accepte ces factures. Celles-ci doivent être émises et transmises par voie électronique « dès lors que l'authenticité de leur origine et l'intégrité de leur contenu sont garanties au moyen d'une signature électronique ». La durée de conservation des factures électronique dépendra de la matière et des délais de prescription qui s'y rattachent.
Le C.G.I. prévoit en outre que les factures, la signature électronique à laquelle elles sont liées ainsi que le certificat électronique attaché aux données de vérification de la signature électronique doivent être conservés dans leur contenu originel par l'émetteur et le destinataire. En matière commerciale, la durée de conservation des factures électronique sera de 10 ans, c'est-à-dire la durée à partir de laquelle se prescrivent.
Exemple : Cas des documents comptables
Le Code de commerce prévoit que les documents comptables et les pièces justificatives doivent être conservés pendant 10 ans et ce sur tout support. Ils doivent obligatoirement être tenus par le commerçant et être « identifiés, numérotés et datés dès leur établissement par des moyens offrant toute garantie en matière de preuve ».
En application de l'article L. 143-3 du Code du travail, l'employeur est tenu de conserver un double des bulletins de paie qu'il remet aux salariés lors du paiement de leur rémunération pendant une durée de 5 ans. Cette conservation peut s'effectuer sur papier ou sur support informatique dès lors que des garanties de contrôle équivalentes sont maintenues.