Maîtriser les droits des personnes

La protection conventionnelle du droit au respect de la vie privée

Pour la Cour Européenne des Droits de l'Homme, le droit au respect de la vie privée protège les individus contre les ingérences arbitraires de l'autorité publique dans la sphère privée. Ce droit au respect de la vie privée est un droit conditionnel c'est-à-dire qu'il ne bénéficie que d'une protection relative, l'État peut y porter atteinte sous certaines conditions. L'ingérence de l'État s'explique par le souci d'assurer la protection de l'ordre public et des intérêts supérieurs de la Nation.

Un État peut ainsi restreindre l'exercice des droits et libertés garantis par la Convention européenne, mais trois conditions doivent être réunies : d'abord, l'ingérence doit être prévue par la loi ; ensuite, elle doit poursuivre un but légitime ; enfin, elle doit être nécessaire dans une société démocratique.

1. L'ingérence doit être prévue par la loi

La marge de manœuvre laissée aux États est importante : cela est légitime dans la mesure où les autorités nationales doivent pouvoir apprécier les circonstances justifiant des restrictions aux droits garantis.

La notion de « loi » est interprétée de façon extensive par les juges européens : la loi s'entend de l'ensemble du droit en vigueur, qu'il soit législatif, réglementaire ou jurisprudentiel, y compris les conventions internationales applicables dans l'ordre interne. Cette interprétation extensive s'imposait car il importe de ne pas forcer la distinction entre pays de common law et les pays continentaux : la « loi » doit donc être prise dans son sens matériel et non formel.

La loi doit être également accessible aux citoyens et prévisible dans ses effets. Cette « qualité » de la loi est appréciée par les juges européens lesquels sont attentifs au fait que la loi doit définir précisément les conditions et les modalités de toute limitation des garanties fondamentales afin d'éviter l'arbitraire.

Le texte de loi doit donc pouvoir être connu facilement tout en étant clair et précis.

2. L'ingérence doit viser un but légitime

Le 2ème § de l'article 8 vise les buts légitimes qui peuvent légitimer l'ingérence de l'État : «  la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ».

Cette liste limitative est très large et permet ainsi aux États d'avoir une marge de manœuvre très importante.

3. L'ingérence doit être nécessaire dans une société démocratique

La société démocratique invoquée par la Convention vise tout d'abord les États membres du Conseil de l'Europe.

Cette société démocratique est caractérisée par plusieurs éléments : le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture, de sorte que la liberté d'expression en est l'un des fondements essentiels.

de sorte que la liberté d'expression en est l'un des fondements essentiels.

Cette ingérence nécessaire dans une société démocratique signifie qu'elle doit répondre à un besoin social impérieux, tout en restant proportionnée au but légitime poursuivi : elle doit par conséquent reposer sur de justes motifs qui doivent être à la fois pertinents et suffisants.

La Cour reconnaît donc aux États une " marge d'appréciation " de la nécessité de restreindre les droits garantis, tout en exerçant un contrôle de pertinence et de proportionnalité sur les motifs et les modalités de l'ingérence pratiquée par les autorités nationales.

Elle juge ainsi de l'équilibre assuré entre l'intérêt général et l'intérêt privé.

Des critères se dégagent de la jurisprudence pour mesurer la marge d'appréciation des États : celle-ci sera d'autant plus réduite - et le contrôle de la Cour plus strict- que l'ingérence concerne l'intimité de l'individu. La Cour laisse une grande marge d'appréciation aux États lorsqu'il existe une diversité de traditions ou de conceptions du droit ou cause dans les ordres juridiques nationaux.

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