1) Le courrier
1. Le droit positif français du secret des correspondances
a. Principe
En France, la violation du secret des correspondances est un délit pénal puni de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende (432-9 code pénal pour les personnes dépositaires de l'autorité publique et 226-15 Code pénal pour les personnes privées).
b. Des exceptions en ce qui concernent les courriers des détenus.
La loi pénitentiaire n°2009-1436 du 24 novembre 2009[1] prévoit un contrôle possible des correspondances des personnes détenues lorsque cela pourrait compromettre gravement leur réinsertion ou le maintien du bon ordre et de la sécurité. L'article 40 de la loi pénitentiaire dispose :
:
«
Les personnes condamnées et, sous réserve que l'autorité judiciaire ne s'y oppose pas, les personnes prévenues peuvent correspondre par écrit avec toute personne de leur choix.
Le courrier adressé ou reçu par les personnes détenues peut être contrôlé et retenu par l'administration pénitentiaire lorsque cette correspondance paraît compromettre gravement leur réinsertion ou le maintien du bon ordre et la sécurité. En outre, le courrier adressé ou reçu par les prévenus est communiqué à l'autorité judiciaire selon les modalités qu'elle détermine.
Ne peuvent être ni contrôlées ni retenues les correspondances échangées entre les personnes détenues et leur défenseur, les autorités administratives et judiciaires françaises et internationales, dont la liste est fixée par décret, et les aumôniers agréés auprès de l'établissement.
Lorsque l'administration pénitentiaire décide de retenir le courrier d'une personne détenue, elle lui notifie sa décision »
.
Le Décret n°2010-1634 du 23 décembre 2010 modifiant le Code de procédure pénale[2] a réglementé les communications des personnes détenues avec leur défenseur en prévoyant un régime d'autorisation. L'article R. 57-6-5 du code de procédure pénale dispose que :
:
« Le permis de communiquer est délivré aux avocats, pour les condamnés, par le juge de l'application des peines ou son greffier pour l'application des articles 712-6,712-7 et 712-8 et, pour les prévenus, par le magistrat saisi du dossier de la procédure. Dans les autres cas, il est délivré par le chef de l'établissement pénitentiaire. »
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Une fois le permis de communiquer délivré, la communication peut se faire verbalement ou par écrit, et ne peut être ni supprimée ni restreinte ni contrôlée sauf en cas de détournement de la communication entre le détenu et son défenseur. Ces correspondances sont ainsi couvertes par le secret.
Les correspondances des détenus destinées aux autorités administratives et judiciaires françaises et internationales et aux aumôniers sont également protégées par le secret. Elles sont adressées sous pli fermé comportant sur les enveloppes toutes les mentions utiles pour indiquer la qualité et l'adresse professionnelle de son destinataire ou de son expéditeur (article R. 57-8-20 du Code de procédure pénale).
2. Le droit de la Convention européenne des droits de l'homme
Le courrier est protégé sur le fondement de l'article 8 de la CEDH. En pratique, des atteintes plus ou moins graves sont portées à ce droit au respect de la correspondance ; en particulier concernant la correspondance des détenus.
De nombreuses requêtes sont en effet déposées, en raison principalement des retards occasionnés par les contrôles des autorités pénitentiaires ou judiciaires. Les juges européens estiment qu'un certain contrôle de la correspondance est possible au regard de la Convention, mais l'ingérence qui en résulte ne doit pas aller au-delà des exigences du but légitime poursuivi : les limitations à la liberté de la correspondance s'apprécient en fonction des conditions générales de l'ingérence de l'État.
Il y a quelques années une censure très sévère était exercée, aujourd'hui on ne parle plus que de simples mesures de contrôle. La plupart du temps le contrôle, opéré par sondage, est surtout dissuasif et consiste essentiellement à vérifier si à l'intérieur des enveloppes il n'y a pas d'objets prohibés, ou si leur contenu ne présente pas de danger pour la sécurité des personnes ou des établissements.
Les autorités pénitentiaires avaient intercepté plusieurs lettres de détenus et retardé l'envoi de plusieurs d'entre elles ; lettres qui traitaient de nombreux sujets tels que les conditions de détention, les procédures judiciaires, des transactions commerciales, des questions familiales et personnelles. A l'époque des faits, l'administration recevait des instructions non publiées sur la correspondance des détenus.
Le problème qui se posait était de savoir si l'interception ou le retard dans la distribution ou l'envoi des lettres qui constituaient une ingérence d'une autorité publique dans le droit des requérants au respect de leurs correspondances, se trouvaient justifiés par les conditions visées dans le §2 de l'article 8.
L'ingérence doit avoir une base en droit interne et que la loi applicable doit être suffisamment accessible aux citoyens. La loi doit également être suffisamment précise pour permettre aux citoyens de prévoir à un degré raisonnable les conséquences de sa conduite.
Or, dans le cas d'espèce, la Cour a estimé que l'exécutif jouissait d'amples pouvoirs discrétionnaires de sorte que cette ingérence était peu prévisible pour les détenus, et par conséquent n'était pas prévue par la loi. La 1ère condition n'était pas remplie et par conséquent il y avait violation de l'article 8, violation injustifiée.
La Cour maintient sa jurisprudence en considérant que le texte italien servant de base aux interceptions de correspondances, « qui ne réglemente ni la durée des mesures de contrôle de la correspondance des détenus, ni les motifs pouvant les justifier, n'indique pas avec assez de clarté l'étendue et les modalités d'exercice du pouvoir d'appréciation des autorités compétentes dans le domaine considéré. En conclusion, l'ingérence dans le droit du requérant au respect de sa correspondance n'était pas prévue par la loi au sens de l'article 8 de la Convention. Cette conclusion rend superflu de vérifier en l'espèce le respect des autres exigences du §2 de l'art. 8 »
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La correspondance médicale échangée entre un détenu condamné et un neurologue est couverte par le secret. La CEDH a consacré la confidentialité médicale en prison en considérant que le R.U. avait violé l'article 8 en autorisant le contrôle de cette correspondance par le médecin de la prison.