Les fournisseurs de moteur de recherche et de lien hypertexte
La Directive sur le commerce électronique ignore totalement les fournisseurs d'outils de recherche et d'hyperliens, en ne les définissant pas, tout comme la loi française qui n'en donne, elle non plus, aucune définition. Il faut alors se référer à des définitions données par la doctrine ou la jurisprudence.
Concernant le lien hypertexte, le Forum des droits de l'internet le définit comme « une connexion reliant des ressources accessibles par des réseaux de communication composée notamment des éléments suivants, visibles ou non pour l'utilisateur : élément actif ou activable, adresse de destination, conditions de présentation de la ressource liée »
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Important :
Quant au moteur de recherche, la jurisprudence a précisé qu'il « ne crée pas de contenu et ne fait que donner aux internautes les réponses à la question posée par le biais du mot clé choisi par l'internaute lui-même et les adresses utiles pour arriver jusqu'à l'information désirée »
(Affaire Lafesse précitée).
Attention :
La question de la responsabilité pénale des outils de recherche (lien hypertexte et moteur de recherche) du fait du contenu illicite ou préjudiciable des sites référencés commence à se poser. Or, ni la Directive sur le commerce électronique, ni la loi pour la confiance dans l'économie numérique n'ont envisagé la question de la responsabilité pénale de ces fournisseurs de contenu. La jurisprudence a eu cependant à déterminer si le moteur de recherche pouvait se voir reprocher d'avoir indexé des sites illégaux et s'il devait vérifier le contenu de ces sites avant de les proposer en lien hypertexte ?
Le tribunal de grande instance de Paris, dans l'affaire Yahoo, a ordonné à Yahoo France « de prévenir tout internaute consultant Yahoo.fr, et ce, dès avant même qu'il fasse usage du lien lui permettant de poursuivre ses recherches sur Yahoo.com, que si le résultat de sa recherche, soit à partir d'une arborescence, soit à partir de mots clés l'amène à pointer sur des sites, des pages ou des forums dont le titre et/ou les contenus constituent une infraction à la loi française, - sites faisant l'apologie du nazisme en l'espèce - il doit interrompre la consultation du site concerné sauf à encourir les sanctions prévues par la législation française ou à répondre à des actions en justice initiées à son encontre »
(TGI Paris, 22 mai 2000[1])
Quelques affaires permettent déjà de prendre la mesure de l'ampleur du contentieux potentiel. En fait, la jurisprudence transpose aux fournisseurs d'outils de recherche la solution applicable aux hébergeurs quant à la connaissance effective du caractère illicite ou préjudiciable des sites hébergés. Si l'illicéité du site ne peut pas être déterminée par le seul responsable du moteur de recherche, il ne peut, au nom de la liberté d'expression, supprimer le site ou le suspendre ; il doit le faire uniquement lorsqu'il est requis de le faire par les autorités judiciaires compétentes.
Le tribunal de grande instance de Nanterre a relevé que « les sites présumés illicites sont aisément détectables par le moyen d'un moteur de recherche basé sur des mots clés d'un nombre réduit évoquant l'univers de la nudité, la beauté, la célébrité, la féminité »
(TGI Nanterre, 8 décembre 1999[2]).
Mais, pour ne pas traiter les fournisseurs de moteur de recherche plus sévèrement que les fournisseurs d'hébergement, le tribunal de grande instance de Paris, statuant en référé, a donné raison à la société Wanadoo l'opposant à la chanteuse Lorie (TGI Paris, ordonnance de référé, 12 mai 2003). Celle-ci, après avoir constaté l'existence de photomontages la concernant sur le site « lorienue.free.fr »
, avait assigné non seulement l'exploitant du site pour atteinte aux droits attachés à sa personne, mais aussi la société Wanadoo en sa qualité de propriétaire de moteur de recherche pour avoir omis de contrôler le contenu de ce site. Le président du tribunal rejette cette dernière prétention en considérant que « les obligations invoquées à la charge de la société Wanadoo Portails se trouvent sérieusement contestables... »
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TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS - Ordonnance de référé, 12 mai 2003 - Lorie c/ Monsieur G.S. et SA Wanadoo Portails
Que la demanderesse, qui ne soutient pas que le législateur aurait entendu que ces dispositions s'appliquent aux personnes physiques ou morales mettant à disposition un moteur de recherche, met en cause la responsabilité de la société Wanadoo Portails à ce titre dans le cadre du droit commun ;
Qu'elle n'assure pas le stockage direct et permanent des données, et en particulier des images, que le site litigieux contenait ;
Que la société Wanadoo Portails rappelle qu'il s'agit, pour le logiciel qu'elle utilise, de visiter de manière continue les pages de la toile, et de les indexer automatiquement dans une base de données en fonction des mots-clé que ces pages contiennent ;
Qu'il convient à cet égard de rappeler que ces expressions ou mots clés sont choisis par les auteurs des sites, et non par la société en question ;
Qu'elle entend souligner la différence existant entre ce type d'outil, et celui couramment dénommé annuaire, qui suppose une indexation manuelle, et oppose le fait que la mise en place d'un contrôle conduirait à opérer une sélection à caractère discriminatoire ;
Qu'elle émet enfin des réserves sur la possibilité effective, au plan technique, de procéder à la suppression de la référence à laquelle elle serait tenue, aux yeux de la demanderesse,
Attendu ceci exposé qu'il n'est pas démontré voire même clairement allégué l'existence d'une erreur de conception du logiciel exploité par la société Wanadoo Portails, à savoir par exemple que le renvoi au site tiendrait aux critères d'indexation par elle retenus, ou d'un dysfonctionnement, susceptible d'être à l'origine de la mise en relation des internautes avec le site litigieux, et donc en relation avec le dommage ;
Qu'il est fait état en réalité d'une obligation de surveillance à la charge de ce professionnel, et de suppression de la référence au site des lors qu'elle n'a pu qu'avoir eu connaissance du caractère manifestement illicite de son contenu, compte tenu de l'identité de la personne concernée, notoirement connue ;
Qu'il s'agirait donc d'instaurer à la charge de l'exploitant de moteur de recherche l'obligation de surveiller les conditions, en réalité mises en œuvre par le créateur du contenu du site lui-même, et qui sont de nature à lui permette de porter à la connaissance des internautes son existence, par l'indication du cheminement à suivre ;
Que la liberté d'établir un lien sauf à répondre des abus résultant de son utilisation, apparaît inhérent au principe de fonctionnement de l'internet ;
Qu'il n'apparait pas évident de conclure en l'espèce à l'existence d'une intervention positive de la part de l'exploitant du moteur de recherche au plan de l'élaboration du cheminement, qui soit assimilable à une intégration du contenu litigieux ou à sa reproduction sur son propre site, voilà.fr, et alors que celui-ci n'assure pas l'hébergement du site contesté ;
Attendu au total que les obligations invoquées à la charge de la société Wanadoo Portails se trouvent par conséquent sérieusement contestables, et l'appréciation de ces prétentions ressortit à un débat devant le Juge du fond ;
Qu'il n'y a donc lieu à Référé sur ce point ; (...)
Quant au tribunal de grande instance de Nanterre, il a considéré que les moteurs de recherche ne sont pas de « simples intermédiaires passifs, d'autant plus qu'ils se targuent de vérifier que le référencement est pertinent et correspond à leur ligne éditoriale »
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Quant au tribunal de grande instance de Nanterre, il a considéré que les moteurs de recherche ne sont pas de « simples intermédiaires passifs, d'autant plus qu'ils se targuent de vérifier que le référencement est pertinent et correspond à leur ligne éditoriale »
(TGI Nanterre, 8 décembre 1999)
Le fournisseur de liens hypertextes pourrait également être poursuivi sur le terrain de la complicité, dès lorsque les éléments constitutifs sont réunis. Il semble cependant difficile d'établir l'élément intentionnel de la complicité. La jurisprudence, encore rare sur cette question, a donné quelques précisions et notamment que « l'envoi à un tiers majeur d'un message ne contenant que l'adresse d'un site et le lien permettant d'y accéder ne suffit pas à caractériser le délit prévu par l'article 227-24 du Code pénal »
(Crim. 3 février 2004[3]). On peut aussi considérer que le lien facilite l'accès à un site illicite mais qu'il ne contribue pas nécessairement à la réalisation de l'infraction.