» Acquisition

Identifier les droits et obligations généraux et professionnels et des règles déontologiques et éthiques



Section 4. Droits et obligations des téléservices

Cette troisième et dernière partie du cours a pour objet le travail à distance par les métiers du droit ou plus particulièrement l’ensemble des droits et obligations d’ordre légal, professionnel et déontologique que doivent respecter les professions du droit, lorsqu’ils envisagent de réaliser leur prestation en ligne dans le nécessaire cadre de l’Internet de confiance. Seront donc développées les questions relatives au devoir de conseil, au secret professionnel, voire au secret de l’instruction, et enfin à la lutte contre le blanchiment d’argent auxquelles sont associés les professionnels du droit.

§1. L’internet de confiance

Les métiers du droit n’ont pu envisager de proposer des prestations en ligne que dans le cadre de l’internet de confiance. Il a fallu en effet transposer dans l’environnement numérique les conditions indispensables à la constitution d’une relation de confiance professionnelle.

Attention


Autrement dit, compte tenu des contraintes professionnelles propres aux métiers du droit, il était nécessaire d’apporter des garanties de sécurité technique dans l’utilisation des services numériques et de reconnaître une véritable valeur juridique aux documents et actes électroniques.


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A présent, la sécurité technique repose sur l’utilisation de la technologie de la technologie de la cryptographie à clé publique et le recours à une chaîne de confiance par le biais de tiers certificateurs (Ils sont aussi dénommées « prestataires de services de certification électronique » (PSCE) par le Décret du 30 mars 2001. Pour plus de détails sur le cadre technico-juridique des échanges numériques, se reporter au module de formation D 2.4 du C2i niveau 2 métiers du droit.) délivrant des certificats de signatures électroniques ou horodatant les échanges et de tiers archiveurs garantissant la pérennité des documents numériques. Et la valeur juridique des actes électroniques, est reconnue par la loi du 13 mars 2000 qui fixe les conditions de leur archivage et surtout établit une présomption de fiabilité des procédés de signature électronique permettant l’identification les parties et la garantie l’intégrité du contenu des actes (Pour plus de détails sur le cadre juridique des actes juridiques dématérialisés, se reporter au module de formation D 3.1 du C2i niveau 2 métiers du droit.).

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Ces deux conditions remplies, l’internet a pu être qualifié de confiance par les professionnels du droit et est devenu un cadre favorable à l’essor de prestations en ligne. Ceci dit, dans ce nouvel espace d’activités, les professionnels du droit, exerçant dans le secteur privé que public sont tenus de respecter les mêmes obligations d’ordre professionnels et déontologiques, avec quelquefois une nécessaire adaptation des règles.

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Pour répondre aux exigences de l’Internet de confiance et en amont de la relation avec le client ou l’administré, la mise en place des téléservices ou des offres de prestation en ligne, a eu pour effet collatéral la surveillance de l’utilisation des outils informatiques et de l’accès aux réseaux numériques. En effet, le souci des métiers du droit est de prévenir toute corruption de la chaine de confiance, en s’assurant en particulier de la loyauté et de l’intégrité des personnes intervenant dans la prestation en ligne. Se posent donc la question de la protection des libertés individuelles sur le lieu de travail et des droits et obligations qui en découlent.

Il s’agit pour les professionnels d’un nouveau champ de règles professionnelles à respecter.

Deux questions se posent :

  • Les conditions d'utilisation du poste informatique sur le lieu de travail
  • Les conditions de mise en œuvre de systèmes de contrôle informatiques, destinés à surveiller les salariés et/ou les collaborateurs

A. L’utilisation du poste informatique

Comme on a pu le constater pour le respect du secret de la correspondance en interne, la vie privée des personnes doit en principe être respectée pendant le travail. Mais, le respect n'est pas total et doit se concilier avec les nécessités professionnelles.

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Outre les articles 8 de la CEDH et 9 du code civil qui rappelle le nécessaire respect de la vie privée et de l’intimité des personnes en tous lieux (Sur ce point, un arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’homme rendu 4 mai 2000 confirme « qu’aucune raison de principe ne permet d'exclure les activités professionnelles ou commerciales de la notion de vie privée ».), l’article L1121-1 du Code du travail précise que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

Important


Se basant sur ce corpus de principes légaux, la jurisprudence refuse que les fichiers «personnels» soient ouverts hors la présence du salarié et/ou du collaborateur, admet que les fichiers «professionnels» et non identifiés comme «personnels» soient ouverts en l'absence du salarié et sanctionne le cryptage de document à l’insu de la hiérarchie.


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Dans un arrêt du 17 mai 2005, à propos des fichiers et dossiers identifiés par le salarié comme étant personnels, la chambre sociale décida qu'en principe l'employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme étant «personnels» en dehors de sa présence, sauf s'il a été dûment appelé et qu'il n'a pas répondu. Cette solution a été rendue, alors même que les fichiers dont il était question étaient pornographiques.

Jurisprudence

Extrait de l’arrêt Soc., 17 mai 2005 (Philippe K. / Cathnet-Science) :

La Cour de cassation, chambre sociale, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Philippe K., en cassation d'un arrêt rendu le 6 novembre 2002 par la cour d'appel de Paris (22ème chambre, section A), au profit de la société Cathnet-Science anciennement dénommée Nycomed Amersham Medical Systems, défenderesse à la cassation. Sur le moyen unique Vu les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du Code civil, 9 du nouveau Code de procédure civile et L. 1121-1 du Code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Philippe K., engagé comme dessinateur le 23 octobre 1995 par la société Nycomed Amersham Medical Systems dénommée désormais Cathnet-Science, a été licencié pour faute grave le 3 août 1999 au motif qu'à la suite de la découverte de photos érotiques dans un tiroir de son bureau, il avait été procédé à une recherche sur le disque dur de son ordinateur qui avait permis de trouver un ensemble de dossiers totalement étrangers à ses fonctions figurant notamment sous un fichier intitulé "perso" ;

Attendu que pour dire que le licenciement reposait sur une faute grave, la cour d'appel énonce qu'il apparaît en l'espèce que l'employeur lorsqu'il a ouvert les fichiers de l'ordinateur du salarié, ne l'a pas fait dans le cadre d'un contrôle systématique qui aurait été effectué en son absence et alors qu'un tel contrôle n'était permis ni par le contrat de travail, ni par le règlement intérieur, mais bien à l'occasion de la découverte des photos érotiques n'ayant aucun lien avec l'activité de Philippe K., ce qui constituait des circonstances exceptionnelles l'autorisant à contrôler le contenu du disque dur de l'ordinateur, étant rappelé que l'accès à ce disque dur était libre, aucun code personnel n'ayant été attribué au salarié pour empêcher toute autre personne que son utilisateur d'ouvrir les fichiers ;

Attendu, cependant, que, sauf risque ou événement particulier, l'employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l'ordinateur mis à sa disposition qu'en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que l'ouverture des fichiers personnels, effectuée hors la présence de l'intéressé, n'était justifiée par aucun risque ou événement particulier, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Quant à l'identification des dossiers et fichiers «personnels» ou «professionnels», la Chambre sociale de la Cour de cassation précise, dans un arrêt rendu le 18 octobre 2006, que «les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence».

Important


De plus, la jurisprudence sanctionne le cryptage sur le poste informatique à l’insu de la hiérarchie. Dans un arrêt du 18 octobre 2006, la chambre sociale de la Cour de cassation a confirmé la faute grave justifiant le licenciement d’un salarié qui cryptait son poste informatique.


En l'espèce, un salarié avait crypté son ordinateur empêchant ainsi son employeur d'y avoir accès et de consulter les documents qui s'y trouvaient en son absence. Ce dernier a estimé qu'il s'agissait d'une faute grave justifiant son licenciement sans préavis.

La Cour de cassation lui a donné raison aux motifs que les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence et consulter les dossiers qui s'y trouvent.

Jurisprudence

Extrait de l’arrêt Soc. 18 oct. 2006 :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 21 octobre 2004) d'avoir dit son licenciement fondé sur une faute grave, en violation de l'article L 122-14-3 du code du travail ;

Mais attendu que les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence ; que la cour d'appel, qui a constaté que Jérémy L.F. avait procédé volontairement au cryptage de son poste informatique, sans autorisation de la société faisant ainsi obstacle à la consultation, a pu décider, sans encourir les griefs du moyen, que le comportement du salarié, qui avait déjà fait l'objet d'une mise en garde au sujet des manipulations sur son ordinateur, rendait impossible le maintien des relations contractuelles pendant la durée du préavis et constituait une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé.

B. Le cas particulier des officiers ministériels

Important


Le droit au respect de la vie privée, y compris sur le lieu de travail, peut faire également l'objet de restrictions, en raison de la nature des activités du salarié, à l’exemple des officiers publics et ministériels.


La discipline professionnelle de ces professions réglementées n'exclut pas la prise en considération d'éléments de vie privée, eu égard à la portée sociale et d'intérêt public des fonctions exercées.

Jurisprudence

C’est ainsi que dans son arrêt rendu le 9 mai 2001(Civ. 1er, 9 Mai 2001, n°0016319, Publié au Bulletin 2001 I N° 127 p. 83), la première chambre civile de la Cour de cassation confirma l’arrêt de la Cour d’appel de Caen qui sanctionna un Notaire d’une peine d’interdiction temporaire d’exercice de 3 ans suite à des difficultés personnelles importantes ayant entraîné une interdiction bancaire et la souscription de plusieurs prêts sur billets. Or, selon la cour, « l'article 13.9° du décret du 19 décembre 1945 édicte une prohibition générale du billet sous seing privé, que ce soit à usage professionnel ou à usage personnel, prohibition qui ne réalise pas une ingérence injustifiée de l'autorité publique dans la vie privée dès lors que le notaire, par son statut d'officier public chargé, notamment, d'authentifier des actes et de leur donner force exécutoire, participe à la vie économique en assurant la sécurité des rapports entre les personnes, de sorte que la mesure d'ingérence prévue par la loi s'inscrit bien dans les finalités visées par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, notamment celles de prévention des infractions pénales ou de protection des droits d'autrui ».

C. La mise en œuvre de systèmes de contrôle informatiques, destinés à surveiller les salariés et/ou les collaborateurs

Attention

En vertu de l’article de L. 1121-1 du Code du travail, la jurisprudence exige que non seulement la restriction à la liberté individuelle doit être justifiée et proportionnée. Mais encore elle doit être portée à la connaissance des salariés.



Dans le respect du cadre défini par l’article L1121-1 du Code du travail, l'employeur a donc le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses salariés pendant le temps de travail. Par contre, l'emploi de procédés clandestins de surveillance est illicite.


Exemple

C'est ainsi par exemple que constitue un mode de preuve valable des écoutes téléphoniques dont les salariés ont été dûment informés (Soc., 14 mars 2000 ; Soc., 31 janv. 2001). En revanche, a été sanctionné le recours, à l'insu du salarié, à un détective privé (Soc., 23 nov. 2005).



Les informations collectées ne doivent pas concerner la vie privée des personnes sous surveillance.


Exemple

Ainsi, l'employeur qui dissimule un dispositif permettant d'enregistrer les conversations ou les correspondances privées de ses employés est susceptible de se rendre coupable du délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée, prévu et réprimé par l'article 226-1 du nouveau Code pénal (Crim., 24 janv. 1995).



Selon cet article du nouveau Code pénal, « est puni d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui :

  1. En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;
  2. En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé.
    Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé
    ».

Jurisprudence

Extrait de l’arrêt Crim., 24 janv. 1995 :

« Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que Philippe B. a dissimulé un magnétophone à déclenchement vocal dans le faux plafond du bureau occupé par deux de ses employés ;

Attendu que pour le condamner du chef d'atteinte à l'intimité de la vie privée, les juges du second degré se prononcent par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en cet état, la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance, caractérisé en tous ses éléments tant matériels qu'intentionnel le délit retenu à la charge du prévenu ;

Qu'il ne résulte ni de l'arrêt attaqué ni d'aucunes conclusions que Philippe B. ait contesté que l'enregistrement effectué ait porté atteinte à l'intimité de la vie privée des personnes écoutées ».

Cette solution, appliquée en l'espèce à l'enregistrement de paroles, s'étend aux images, donc à l'hypothèse de la vidéo-surveillance. Tout enregistrement d'images, de paroles ou de fichiers, à l'insu du salarié, constitue un mode de preuve illicite insusceptible d'administrer la preuve d'une faute du salarié, par exemple dans le cadre d'une procédure de licenciement.

Important

Cette solution est justifiée par l'obligation de loyauté dans la recherche de preuve.



D. Les systèmes de contrôle informatique

La mise en place de systèmes de contrôle souvent appelé «mouchard» informatique doit respecter un principe de nécessité, de proportionnalité et une obligation d'information pour être admis. Dans l'hypothèse inverse, l'employeur verra sa responsabilité engagée.

§2. Les obligations découlant du devoir d’authenticité

Comme le permet l’article 1317 du Code Civil, il est possible pour les notaires et les huissiers de justice d’établir des actes authentiques électroniques.

Les modalités de validité de ces actes sont précisés par les décrets d’application n°2005-972 (pour les huissiers de justice) et n° 2005-973 (pour les notaires) du 10 août 2005.

Il n‘est pas question ici d’exposer ces modalités qui sont présentées en détail dans le module de formation D 2.4 du C2i niveau Métiers du Droit.

Par contre, cette nouvelle prestation en ligne des officiers ministériels a engendré une adaptation de leurs obligations professionnelles.

A. L’acte authentique notarial

Important


L'acte authentique électronique peut être dressé en l'absence physique de l'une des parties.


Lorsqu'une partie ou toute autre personne concourant à l’acte n'est ni présente ni représentée devant le notaire instrumentaire, son consentement ou sa déclaration est recueilli par un autre notaire devant lequel elle comparaît et qui participe à l'établissement de l'acte. Cet acte porte la mention de ce qu'il a été ainsi établi.

L'échange des informations nécessaires à l'établissement de l'acte s'effectue au moyen d'un système de transmission de l'information. Chacun des notaires recueille le consentement et la signature de la partie ou de la personne concourant à l'acte puis y appose sa propre signature. L'acte est parfait lorsque le notaire instrumentaire y appose sa signature électronique sécurisée.

L'acte authentique électronique conserve la même valeur que l'acte authentique papier puisqu'il continue d'être réceptionné par un officier public suivant les exigences de l'article 1317 du Code civil. Pour leur signature, les parties et les témoins doivent utiliser un procédé permettant l'apposition sur l'acte notarié, visible à l'écran, de l'image de leur signature manuscrite. L'image du sceau figure sur les actes délivrés en brevet ainsi que sur les copies exécutoires et les copies authentiques. Toute surcharge, interligne, ou addition contenus dans le corps de l'acte sont nuls. Les renvois sont portés en fin d'acte et précèdent la signature.

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B. L’acte authentique délivré par les huissiers de justice

Afin de respecter le formalisme de la notification d’un jugement, il faut distinguer deux originaux :

  • D'une part, celui que l’huissier de justice fait signer physiquement au destinataire de la notification, et dont il lui donne copie sous forme papier, tout en lui remettant l'acte qu'il lui notifie ;
  • D'autre part, le second original destiné à la personne qui sollicite la notification, lequel peut être établi sur support électronique.

Ainsi, seulement l'un des deux originaux passe dans le circuit électronique et donc peut faire l'objet d'une télé-transmission.

Conseils, trucs et astuces


Avec les progrès de la dématérialisation des actes judiciaires, si l’huissier reçoit ces actes sous forme électronique, il est possible que le premier original soit aussi remis sous forme électronique, revêtus de la signature électronique de l’huissier de justice pour assurer la validité de la notification.


§3. Les droits et obligations découlant du devoir de conseil

Toutes les professions du droit assument un devoir de conseil dont les modalités d’application peuvent différer.

A. L’exemple du notariat

Attention


La mission du notaire ne lui impose pas seulement de donner une forme authentique aux conventions des parties, mais également et tout autant de conseiller ses clients.


Le notaire a été un précurseur en matière de devoir de conseil. La cour de cassation a prononcé pour la première fois le caractère constant et absolu du devoir de conseil dans un arrêt du 21 juillet 1921 dans une espèce concernant les notaires.

Jurisprudence

Extrait de l’arrêt Civ., 21 juil. 1921 :

« Les notaires, institués pour donner aux conventions des parties les formes légales et l'authenticité qui en est la conséquence, ont également pour mission de renseigner les clients sur les conséquences des engagements qu'ils contractent ; responsables en vertu de l'article 1382 du Code civil, ils ne peuvent stipuler l'immunité de leurs fautes et par suite décliner le principe de leur responsabilité en alléguant qu'ils se sont bornés à donner la forme authentique aux conventions des parties ».

Cette solution est logique puisque le notaire est un officier public dont la fonction est d'assurer la sécurité des actes qu'il rédige. Il ne pourrait le faire, sans conseiller ses clients, sans leur donner une information complète.

La jurisprudence est, sur ce point de plus en plus sévère, en ce qu’elle :

  • tend à minimiser les facteurs d'atténuation du devoir de conseil : la jurisprudence ne tient ainsi plus compte des compétences juridiques des clients, ni du rôle limité assumé par le notaire (Civ. 1er, 13 déc. 2005 ; RLDC mars 2006, p. 21, sur le caractère absolu de l’obligation de conseil du notaire.).
  • a parfois tendance à mettre en exergue les facteurs susceptibles d'aggraver le devoir de conseil : c'est ainsi qu'un devoir de conseil renforcé est consacré en présence de clients peu instruits, inexpérimentés ou dépourvus de compétences juridiques. La jurisprudence impose alors au notaire de les protéger malgré eux, en attirant leur attention sur la nécessité d'une exécution conforme de l'acte authentique. En outre, le devoir de conseil est accentué, lorsque le notaire sort du cadre strict de ses fonctions, notamment lorsqu'il participe à la négociation des actes.

Attention


Le devoir de conseil est un élément constitutif de la profession de notaire.


Il accompagne non seulement la rédaction de tous les actes authentiques, mais également sous seing privé. Rien ne saurait décharger le notaire de son devoir de conseil, même si aucun conseil ne lui a été demandé. Développé initialement dans les rapports entre présents, le conseil demeure une obligation de même importance dans les nouvelles formes de rapports en ligne ou entre absents qui se généralisent avec l’utilisation des TIC et les progrès de l’acte authentique dématérialisé.

Conseils, trucs et astuces


Classiquement, le devoir de conseil du notaire se matérialisait par un effort d'information lors des rendez-vous préparatoires à la signature définitive de l’acte avec la clientèle. A présent, avec la possibilité de l’acte dématérialise, le notaire est amené à développer des formes de conseil à distance (correspondances postales et numériques, espace notarial, réseau IntraNotaires, …).


Conseils, trucs et astuces


L’espace notarial est l’illustration parfaite de l’utilisation des TIC permettant des échanges plus interactifs entre les notaires et leurs clients, mais toujours soumis à un nécessaire devoir de conseil du professionnel du droit. L'Espace notarial donne au client du notaire les moyens de suivre à tout moment le traitement de son dossier et d'y participer plus activement, sans avoir besoin de systématiquement téléphoner à son notaire ou de prendre rendez-vous avec lui. L'Espace notarial est un service développé par la Chambre interdépartementale des notaires de Paris. Il s’agit d’un site Extranet, hébergé au sein du réseau professionnel IntraNotaires.
Les notaires disposent donc au sein de leur étude des outils qui leur permettent de diffuser leur documentation en garantissant une confidentialité totale. Grâce à l’espace notarial, ils maîtrisent la consultation des documents, en attribuant des droits d'accès à leurs clients, à leurs collaborateurs et autres parties prenantes à l'opération, ainsi qu'aux tiers appelés à travailler sur le dossier (banques, avocats, experts comptables …).


Le système permet :

  • d'accéder à tout moment aux éléments du dossier (procurations, déclarations, certificats techniques, documents administratifs, plans …) ;
  • de suivre en temps réel l'évolution des projets d'actes successifs ;
  • de solliciter des modifications de leur texte ;
  • de communiquer des observations sur les propositions des autres intervenants ;
  • d'échanger toutes informations et fichiers ;
  • de fixer des niveaux d'accès aux informations en fonction de la qualité des intervenants.

Conseils, trucs et astuces


Finalement, il s'agit de permettre à un office notarial d'offrir à chacun de ses clients un espace confidentiel de travail en ligne au sein duquel des informations pourront être partagées et des projets échangés en toute sécurité.


Quelle que soit la forme qu’elle prend, l'information sur les conséquences fiscales revêt une importance particulière. La jurisprudence adopte souvent une conception très large du devoir de conseil, le liant souvent à d'autres notions voisines telles que le devoir de prudence et l'obligation de loyauté.

Le devoir de conseil se décline aujourd'hui en :

  1. une obligation d'information ;
  2. une obligation d'efficacité : l'efficacité des actes ;
  3. une obligation de vérification : la validité des actes.

L’obligation de vérification se traduit par le contrôle des droits des parties :

  • Vérification de l'identité et de la capacité des parties contractantes ;
  • Contrôle des procurations ;
  • Vérification des droits patrimoniaux, objets de l'acte juridique.

Assurer l'efficacité d'un acte, c'est faire en sorte que celui-ci, une fois rédigé, produise toutes les conséquences attendues par les signataires. Il faut donc que le notaire obtienne une exacte concordance entre les résultats souhaités par ses clients et les effets produits par l'acte notarié.

Jurisprudence

Civ. 3ème, 18 oct. 2005 ; RLDC janv. 2006, p. 21 : « le notaire ne peut décliner le principe de sa responsabilité en alléguant qu'il n'a fait qu'authentifier l'acte établi par les parties : il ne saurait être un simple scribe ».

Cassation sous le visa de l'article 1382 C. civ." Les notaires sont tenus de renseigner les parties sur les engagements qu'elles contractent et d'assurer la pleine efficacité des actes qu'ils reçoivent" : le devoir de conseil du notaire est donc absolu (contrairement aux autres professionnels : tendance à plus de sévérité à l'égard des professionnels du droit) et ne peut se trouver limité par le fait qu'une partie des sommes correspondant à l'indemnité de dépréciation avait déjà été versée avant l'établissement de l'acte notarié ».

Le devoir d'efficacité est lié au devoir d'information et suppose de vérifier :

  • L’opportunité de l'opération juridique : utilité de l'opération, coût de l'opération ;
  • la prévention des risques : prévention des risques administratifs et juridiques.

Le notaire est donc tenu d'attirer l'attention des parties sur l'efficacité de l'acte, peu importe que cette efficacité ait déjà été affectée ou non.

Ainsi, le notaire ne se contente pas d'authentifier l'acte, il apprécie son efficacité et en informe les parties. Le notaire doit même informer des risques de changement de jurisprudence (Le notaire doit avertir son client des incertitudes de la jurisprudence, comme le rappelle régulièrement la Cour de cassation (Civ. 1er, 7 mars 2006 ; RLDC mai 2006, p. 23).). Il est à présent, largement aidé par de nouveaux services mis en place par les chambres professionnelles et accessibles en ligne tels que les CRIDON (Centres de Recherche, d'Information et de Documentation Notariales).

Attention


Le CRIDON permet au notaire d'enrichir son analyse du dossier et de donner à son client le conseil le plus pertinent dans les meilleurs délais.



Exemple

A titre d’exemple, Le CRIDON de Paris met à la disposition des notaires de la région parisienne :

  • un fonds documentaire de plus de 600.000 références (ouvrages, articles, décisions, textes), interrogeable en ligne grâce à un moteur de recherche très précis ;
  • des dossiers thématiques sur des sujets d'actualité ou des questions récurrentes posant des difficultés particulières,
  • une équipe de trente consultants hautement qualifiés dans tous les domaines juridiques et fiscaux (docteurs en droit, professeurs agrégés, praticiens spécialisés).




Le notaire peut accéder à l'ensemble de ces outils, et aux informations mises en ligne par les autres CRIDON de France, à partir de l'intranet notarial.

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B. L’exemple de l’avocature

Aux termes de l'article 412 du NCPC "La mission d'assistance en justice emporte pouvoir et devoir de conseiller la partie et de présenter sa défense sans l'obliger."
Mais en réalité, l'avocat est tenu d'une mission d'information, en dehors de toute mission d'assistance en justice, lorsqu'il intervient comme rédacteur d'actes ou en tant que consultant.

Cependant, la Cour de cassation n'a pas encore affirmé le caractère absolu du devoir de conseil de l’avocat, comme elle l'a fait pour les notaires. Elle l'a seulement affirmé, lorsque l'avocat intervient comme rédacteur d'actes. Dans ce cas, les compétences du client ne le dispense pas de son obligation de conseil.

L'avocat doit remplir son devoir de conseil, dans sa mission de rédacteur d'actes, à l'égard de toutes les parties au contrat. Il faut donc distinguer le devoir de conseil de l'avocat :

  1. dans sa mission d'assistance et de représentation ;
  2. dans sa mission de rédacteur d'actes.

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1. Etendue du devoir de conseil dans sa mission d'assistance et de représentation

Les règles déontologiques concernant sa mission d’assistance et de représentation sont définies par l’article 6 du Règlement Intérieur National (RIN) de la profession d’avocat. Il appartient à l'avocat d'avertir son client sur les voies de droit envisageables et d'attirer son attention sur les démarches auxquelles est subordonnée la recevabilité d'une éventuelle action et les délais dans lesquels elle doit intervenir.


Exemple

Sa responsabilité est engagée, si suite à ses conseils, il n’agit pas dans les temps, faisant perdre une chance sérieuse de son client d’obtenir réparation de son préjudice, objet d’une procédure contentieuse.



Jurisprudence

CE, 5 juill. 2006, n° 275637, Hudelot : Juris-Data n° 2006-070416 ; JCP G 2006, act. 350 : Faute professionnelle d'un avocat qui a causé la perte d'une chance sérieuse de son client d'obtenir satisfaction pour un préjudice suffisamment certain d'après le Conseil d'Etat.

Les erreurs fautives de l'avocat ont été d’omettre de produire des avis d'imposition et des bulletins de salaires, annoncés dans le mémoire introductif d'instance et de solliciter la capitalisation des intérêts en application de l'article L. 761-1 CJA, comme son client le lui avait demandé.

Selon le Conseil d’Etat, l'intéressée est donc fondée à demander réparation du préjudice subi du fait de cette faute et estimé à hauteur de 40 831,80 €, dans la mesure où celle-ci a entraîné pour l'intéressé, dont elle est l'ayant droit unique, la perte d'une chance sérieuse d'obtenir une décision plus favorable devant le Conseil d'État.

Conseils, trucs et astuces


L'avocat doit mettre en garde son client, en lui indiquant les risques de telle ou telle initiative, ou encore les avantages de telle ou telle procédure. Le devoir de conseil incombe à l'avocat tout au long de la procédure dont il est chargé et ne se limite pas à l'information relative aux actes de procédure en tant que tels. Lorsqu'une décision est rendue, l'avocat doit avertir son client sur la portée de la décision et sur son éventuel caractère exécutoire.


2. Etendue du devoir de conseil dans sa mission de rédacteur d'actes

Les règles déontologiques concernant sa mission de rédaction d’actes sont définis par l’article 7 du Règlement Intérieur National (RIN) de la profession d’avocat. Dans ce rôle, l'avocat est soumis à un devoir de conseil beaucoup plus étendu, comparable au même devoir de conseil que la jurisprudence met à la charge du notaire. L'aléa étant fort réduit dans sa mission de rédaction de l'acte, en comparaison de sa mission de représentation et d'assistance, justifie des exigences plus importantes à la charge de l’avocat.

Dès lors, l'avocat doit ainsi non seulement informer les parties mais aussi assurer l'efficacité des actes rédigés. L'avocat doit donc prendre toutes les mesures pour que l'acte rédigé puisse produire les conséquences recherchées ou attendues par les parties en veillant à ce qu'ils comportent l'ensemble des mentions indispensables à leur pleine efficacité. A contrario, il doit s'abstenir de rédiger des actes dont il sait qu'ils seront dépourvus d'efficacité.

Conseils, trucs et astuces


Comme pour la profession notariale, les règles professionnelles émanant du devoir de conseil doivent être respectées de manière identique par l’avocat que ce soit dans un contexte en présentiel ou en ligne, à ceci près que des règles déontologiques spécifiques s’imposent dans le cadre de prestation juridique en ligne.


  • L’alinéa 6 de l’article 6 du Règlement Intérieur National (RIN) de la profession d’avocat définit la prestation juridique en ligne comme « la fourniture par transmission électronique de prestations juridiques par un avocat » et est considéré comme « un service personnalisé à un client habituel ou nouveau ».
  • L’article 6.6 du RIN impose à l’avocat de toujours communiquer son nom avant la conclusion de tout contrat de fourniture de prestations juridiques. De plus, « lorsque l’avocat est interrogé ou sollicité en ligne par une personne demandant des prestations juridiques, il doit s'assurer de l'identité et des caractéristiques de la personne à laquelle il répond, afin de respecter le secret professionnel, d'éviter le conflit d'intérêts et de fournir des informations adaptées à la situation de l'interrogateur ».

Les règles déontologiques impose également à l’avocat d’élaborer son service de prestations en ligne de telle façon qu’il sera « toujours en mesure d'entrer personnellement et directement en relation avec l'internaute, notamment si la demande qui lui est transmise lui paraît mal formulée, pour lui poser les questions nécessaires ou lui faire les suggestions conduisant à la fourniture d'un service adapté à ses besoins ».

Important


Les prestations en ligne anonymes ne sont donc pas envisageables.


Quant au paiement des prestations en ligne, « l’avocat qui crée, exploite ou participe majoritairement, seul ou avec des confrères, à la création et à l'exploitation d'un site internet de prestations juridiques peut librement percevoir toute rémunération des clients de ce site » (processus de paiement sécurisé en ligne par l'intermédiaire d’un établissement financiers autorisé à condition que l'identification du client soit garantie).

Conseils, trucs et astuces

Pour l’avocat référencé par un site internet de prestations juridiques en ligne, il peut être amené à participer de façon forfaitaire aux frais de fonctionnement de ce site, à l'exclusion de toute rémunération établie en fonction des honoraires perçus par l'avocat des clients avec lesquels le site l'a mis en relation.

Quant à l’avocat prestataire de service d'un site internet, il doit s'assurer que ce service relève du seul domaine de l'information juridique et il peut « donner mandat à l'entreprise télématique de percevoir pour son compte les honoraires qui lui reviennent ». Les frais forfaitaires dont le paiement a été convenu avec l'entreprise précitée peuvent être, à cette occasion, déduits de ses honoraires.




Exemple

En tout état de cause l'avocat qui participe au site internet d'un tiers ou qui est référencé ou visé par un lien hypertexte, doit vérifier que son contenu est conforme aux principes qui régissent la profession, et en informer son ordre (Bâtonnier du barreau de son ressort).



C. L’exemple du juriste d’entreprise


Remarque

L’obligation de conseil n’est pas propre aux professions réglementées et s’imposent également à toutes les professions juridiques qui offrent des prestations en ligne ou non à des clients dits « profanes ». Sur le fondement du régime de la responsabilité civile précontractuelle (article 1382 du Code civil), la jurisprudence a élaboré un corpus de règles sanctionnant civilement le manquement à l’obligation d’information.



Conseils, trucs et astuces


Cette obligation de conseil du juriste n’est pas totale et repose sur le rapport de confiance avec le client profane. C’est ainsi que dans le cadre de l’assurance, l’agent d’assurance n’a ni à vérifier les déclarations du souscripteur d'une police de la valeur de la chose assurée, ni mettre en garde le client menteur contre les conséquences d'une déclaration inexacte.


Jurisprudence

Civ. 1ère, 1er févr. 2000, N° de pourvoi : 97-15206 : En l’espèce, la Cour de cassation a débouté un assuré demandant réparation d’un manquement à l’obligation d’information. La Cour a donc confirmé l’arrêt de la Cour d’appel (Rouen, 12 mars 1997) qui, « après avoir constaté, par une appréciation souveraine des éléments de preuve soumis à son examen, que M. X... ne justifiait pas que l'inexactitude de la valeur déclarée du bateau résultât d'une erreur de l'agent général, a justement énoncé qu'il n'appartenait pas à ce dernier, mandataire de l'assureur, de vérifier l'exactitude des déclarations de l'assuré quant à cette valeur, ni de le mettre en garde contre les conséquences d'une déclaration inexacte qu'il n'avait aucune raison de suspecter ».

Important


Cette règle vaut pour la souscription en ligne de produits d’assurance.


D. L’exemple de la fonction publique

Il n’existe pas à proprement parler de devoir de conseil dans les rapports qu’entretiennent les citoyens avec l’administration. Par contre, la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations garantit « le droit de toute personne à l’information en ce qui concerne la liberté d’accès aux règles de droit applicables aux citoyens ».

Important

  • Autrement dit, les autorités administratives sont tenues d’organiser un accès simple aux règles de droit qu’elles édictent.



De même, dans ses échanges avec l’administration, en particulier grâce aux téléservices, « toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l’adresse administratives de l’agent chargé d’instruire sa demande ou de traiter l’affaire qui la concerne ».

  • Par contre, Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l’anonymat de l’agent est respecté.

De même, toute décision prise par une autorité administrative comporte, « outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ».

  • Enfin, dans le cadre des dispositions relatives à l’amélioration des procédures administratives, le citoyen se voit garantir un accusé réception à tous ces envois électroniques de documents et bénéficient d’un délai de réponse de l’administration désormais codifié.


Remarque

Dans la plupart des cas, si la requête n’est pas complexe, le délai de réponse est de deux mois maximum, le silence gardé par l’administration valant selon les services acceptation (cas des services de sécurité sociale) ou rejet de la demande.



§4. Les obligations découlant du secret professionnel

Important


Le secret professionnel est une règle d’ordre professionnel enjoignant à certains corps de métier, en particulier juridiques, de ne divulguer aucun renseignement confidentiel concernant leur activité ou leurs clients.


Après sa réforme de 1992, le nouveau code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994, ne liste plus de professionnels soumis au secret professionnel et prévoit des sanctions générales pour violation du secret professionnel.

L’article 226-13 du Code pénal sanctionne donc l’atteinte au secret professionnel en ces termes : «la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende».

Parallèlement à ces dispositions légales, les métiers du droit, en particulier les professions réglementées, ont élaboré des règles déontologiques renforçant ce secret professionnel.


Exemple

C’est ainsi que les avocats se voient contraints de respecter le secret professionnel en vertu de l’article 2 du Règlement Intérieur National (RIN) de la profession d’avocat. Cette règle d’ordre professionnel a légalement été reconnue par l’article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 déc. 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.




Important


Le secret professionnel est l'un des éléments essentiels de l'exercice de la profession d'avocat. Le RIN en fait l'un des tout premiers principes de la profession.


Le secret professionnel est à la fois :

  • une obligation qui pèse sur l'avocat ;
  • un droit du client et de l'avocat de communiquer librement et de s'opposer à la révélation du secret. Le secret professionnel est donc un droit et un devoir pour l'avocat.

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Conseils, trucs et astuces


Pour la bonne administration de la justice, l’avocat est en effet le confident nécessaire de son client, ce qui justifie que le secret professionnel les liant soit d'ordre public, général, absolu et illimité dans le temps.


Selon l’article 2 du RIN, le secret professionnel couvre en toute matière, dans le domaine du conseil ou celui de la défense, et quels qu'en soient les supports, matériels ou immatériels (papier, télécopie, voie électronique...) :

  • les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci ;
  • les correspondances électroniques ou non échangées entre le client et son avocat,
  • les correspondances électroniques ou non entre l'avocat et ses confrères, à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention officielle ;
  • les notes d'entretien et plus généralement toutes les pièces du dossier,
  • toutes les informations et confidences reçues par l'avocat dans l'exercice de la profession ;
  • le nom des clients et l'agenda de l'avocat ;
  • les règlements pécuniaires et tous maniements de fonds effectués en application de l'article 27, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1971 ;
  • les informations demandées par les commissaires aux comptes ou tous tiers (informations qui ne peuvent être communiquées par l'avocat qu'à son client).

Justifiant l’inviolabilité de son cabinet, l'avocat a le devoir de faire respecter le secret par les membres du personnel de son cabinet et par toute personne qui coopère avec lui dans son activité professionnelle.

Quant aux notaires, comme les huissiers de justice, en raison de leur état d'officier public, ils sont des confidents imposés et nécessaires, qui, à peine de sanctions civiles et pénales, sont tenus au secret professionnel. Outre le code pénal (art. 226-13), les textes réglementaires du notariat (articles 7 et 32 du règlement national, approuvé par arrêté du 24 dé. 1979) rappellent l'obligation de respecter le secret professionnel.

Conseils, trucs et astuces


Il est donc interdit aux notaires, sauf permission accordée par ordonnance du président du tribunal de grande instance, de délivrer des copies ou de donner connaissance des actes à d'autres personnes qu'aux personnes intéressées, héritiers ou ayants droit.


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Pour la jurisprudence, la notion de secret est de nature absolue et doit être entendue lato sensu. Le secret recouvre non seulement les faits qui ont été expressément confiés au notaire mais également toutes les informations dont celui-ci a pu avoir connaissance dans l'exercice de sa fonction.

  • Peu importe que la confidence ait été faite expressément ou incidemment, à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.
  • Peu importe également que le notaire soit intervenu dans le cadre de sa mission d'authentificateur ou pour exercer les activités accessoires et multiples qui sont les siennes :
    • activité de conseil,
    • rédaction d'actes sous seing privé,
    • négociation,
    • gestion de patrimoine, etc.


Remarque

Par ailleurs, la révélation des faits au public ne délivre pas le notaire de son devoir de discrétion.



L'obligation au secret concerne également l'ensemble de ses collaborateurs. Les échanges électroniques entre un client et son notaire sont protégés par le secret professionnel.

Ceci dit, le secret professionnel connaît deux exceptions :

Dans l'intérêt du fiscDans l'intérêt de l'exécution des décisions de justice (saisie-exécution et saisie conservatoire)
Les notaires sont tenus de fournir des informations à l'administration fiscale. Ainsi, l'article L. 23 du Livre des procédures fiscales permet à l'administration de se faire communiquer le répertoire journalier où sont notés, jour après jour et à la suite, dans l'ordre de leur réception, les actes reçus par les notaires. Cependant, l'obligation d'information fiscale des notaires est simplement passive. L'information est donnée à la demande de l'administration qui vient la rechercher au sein de l'office notarial.Les notaires peuvent détenir des sommes et des valeurs pour le compte d'un débiteur saisi. Pris en qualité de tiers saisi, les notaires doivent répondre à l'interpellation des huissiers.


Le secret professionnel concerne également l’ensemble des professionnels du droit exerçant dans le secteur privé, à l’exemple du secteur bancaire qui oblige en vertu de l’article L. 511-33 du Code monétaire et financier à ne divulguer aucune informations à des tiers à l’exception des autorités de tutelle et des administrations fiscales.

Enfin dans le secteur public, en vertu de l’article 26 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983, les fonctionnaires sont tenus au secret professionnel dans le cadre des règles instituées dans le code pénal. Les fonctionnaires sont donc tenus au secret professionnel visé par le code pénal en tant que dépositaires de renseignements concernant ou intéressant des particuliers à moins que les nécessités du service ou des obligations légales ne leur imposent la communication des informations dont ils ont eu connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leur fonction. Cette disposition a pour objet de protéger les intérêts matériels et moraux des particuliers. L’obligation n’est pas absolue. Le fonctionnaire peut ou doit révéler des secrets :

  • pour prouver son innocence,
  • lorsque la personne intéressée a donné son autorisation.
  • pour dénoncer un crime ou un délit dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions (Art 40 du Code de procédure pénale),
  • pour communiquer des renseignements, pièces et documents aux autorités de justice agissant en matière criminelle ou correctionnelle,
  • pour témoigner en justice en matière criminelle ou correctionnelle (Art 109 du Code de procédure pénale),
  • pour communiquer au juge administratif saisi d’un recours contre un acte administratif ou au juge judiciaire saisi d’un litige des pièces et documents nécessaires au jugement de l’affaire.

§5. Les obligations découlant du secret de l’instruction

Dans le milieu judiciaire, les magistrats et les greffiers, lorsqu’ils utilisent le Réseau Privé Virtuel de la Justice (RPVJ) doivent s’assurer que lors de la transmission, la sauvegarde et l’archivage des documents et des actes judiciaires dématérialisés, ils respectent bien le secret de l’instruction. En effet, l'article 434-7-2 du Code pénal sanctionne le délit de divulgation d'informations issues d'une enquête ou d'une instruction.

En tant qu’auxiliaire de justice, l’avocat est également tenu de respecter le secret de l’instruction. C’est ainsi que l’article 2 bis du Règlement Intérieur National (RIN) de la profession d’avocat contraint déontologiquement la profession d’avocat à respecter le secret de l'enquête et de l'instruction en matière pénale, « en s'abstenant de communiquer, sauf pour l'exercice des droits de la défense, des renseignements extraits du dossier, ou de publier des documents, pièces ou lettres intéressant une enquête ou une information en cours ».

Par contre, le RIN autorise l’avocat à « transmettre de copies de pièces ou actes du dossier de la procédure à son client ou à des tiers que dans les conditions prévues à l'article 114 du code de procédure pénale ».

Conseils, trucs et astuces


Ce secret de l’instruction et de l’enquête est donc une contrainte tant légale que déontologique que l’avocat doit veiller à respecter strictement dans l’utilisation du Réseau Privé Virtuel des Avocats (RPVA) interconnecté au RPVJ (Pour plus de détails sur ces intranets des tribunaux et des barreaux, voir le module de formation D2.4 et D3.1 du C2i niveau 2 Métiers du droit.). La sécurisation des échanges et les procédés d’identification par certificat numériques sont les moyens techniques mis en place pour garantir, entre autres, le secret de l’instruction.


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§6. Les obligations découlant de la lutte contre le blanchiment d’argent

Les textes nationaux et européens ont sans cesse, depuis 1990, élargi le champ des professions assujetties à la lutte contre le blanchiment, ainsi que leurs obligations proprement dites. En France, le texte fondateur de la lutte contre le blanchiment est la loi n° 96-392 du 13 mai 1996 relative à la lutte contre le blanchiment. Parmi les professions concernées figurent notamment les établissements de crédits, les changeurs manuels, les casinos, les intermédiaires en biens immobiliers, les professions juridiques (notaires, administrateurs judiciaires, huissiers et avocats), les experts comptables et les commissaires aux comptes.

Important


La lutte contre le blanchiment d’argent impose donc des obligations professionnelles aux métiers du droit, en particulier dans le cadre de leurs prestations en ligne.


Le décret n° 2009-1087 du 2 septembre 2009 relatif aux obligations de vigilance et de déclaration pour la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme prévoit ponctuellement une obligation de déclaration en cas de soupçon du professionnel du droit et de façon permanente une obligation de vigilance.

L’obligation de déclaration consiste, pour les professions assujetties à ces obligations, à déclarer à la cellule TRACFIN (traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins), les opérations ou les sommes qui pourraient provenir de certains délits. Réservées à l’origine au seul blanchiment du produit du trafic de stupéfiants, les déclarations de soupçon concernent dorénavant le blanchiment du produit des délits suivants : trafic de stupéfiants, fraude aux intérêts de la communauté européenne, financement du terrorisme, corruption, et activité criminelle organisée. Avec la prochaine transposition de la troisième directive européenne, les déclarations de soupçon devraient couvrir le blanchiment du produit des crimes et des délits punis d’une peine supérieure à un an (soit la quasi-totalité du code pénal dont les délits fiscaux).

Attention


L’obligation de dénonciation qui s'impose aux professionnels du droit tels que les notaires ou les avocats, prime sur leur obligation de secret professionnel, sous peine de sanction (art. 22-38 du C. pén.).


Des déclarations de soupçon doivent aussi être effectuées lorsque les établissements financiers ne sont pas en mesure de connaître avec certitude l’identité du véritable donneur d’ordre d’une opération.


Exemple

Dans le cas d’un trust ou d’une fiducie.



L'obligation de déclaration de soupçon s’accompagne d’un certain nombre de mesures de vigilances générales (lors de l’entrée en relation et dans le cadre du fonctionnement du compte) et de mesure de vigilances particulières.


Exemple

Mesures d’identifications spécifiques pour les ouvertures de comptes à distance ou relation avec une « personne politiquement exposée ».



Désormais, les dispositions relatives à la déclaration des sommes et opérations et celles relatives aux autres obligations de vigilance sont regroupées dans un seul et même chapitre (C. monét. et fin., art. L. 561-1 à L. 561-38).

C’est ainsi que pèse sur les notaires une obligation de vérification de l’identité du client et du bénéficiaire effectif de l’opération, comme celle du client occasionnel (C. monét. et fin., art. R. 561-5 à 561-10). Au titre des obligations déclaratives, les notaires sont également chargés, à titre individuel, quelles que soient les modalités de leur exercice professionnel, de répondre à toute demande émanant du service à compétence nationale TRACFIN (traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins), et de recevoir les accusés de réception des déclarations faites par l’organisme en application des dispositions de l’article L. 561-15 du Code monétaire et financier.


Exemple

Des obligations identiques pèsent sur les autres métiers du droit ou les professionnels exerçant dans le domaine bancaire ou de l’assurance.



Par contre, en l’absence de soupçons quant à un risque de blanchiment de capitaux (V. C. monét. et fin., art. L. 561-9, II), il n’y a pas lieu de se soumettre aux obligations de vigilance prévues aux articles L. 561-5 et L. 561-6, lorsqu’est concerné un bénéficiaire effectif de sommes déposées sur des comptes détenus pour le compte de tiers par les notaires, les huissiers de justice ou les membres d’une autre profession juridique indépendante établis en France, dans un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans un pays tiers imposant des obligations équivalentes en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, pour autant que les informations relatives à l’identité du bénéficiaire effectif soient mises à la disposition des établissements agissant en qualité de dépositaires pour ces comptes, lorsqu’ils en font la demande (C. monét. et fin., art. R. 561-15).