Commentaire
L’armistice est entré en vigueur le 24 juin 1940 et depuis le décret du 8 juillet 1940, les pouvoirs publics siègent à Vichy. La France connaît alors une situation politique et institutionnelle difficile. Le Maréchal Pétain a été nommé président du Conseil, par Albert Lebrun le Président de la République, suite à la démission de Paul Reynaud qui était hostile à l’armistice. Les chambres sont convoquées par décret du 6 juillet, pour se prononcer sur une proposition de révision constitutionnelle. Celle-ci a pour objet de confier tout pouvoir au gouvernement, sous l’autorité du Maréchal Pétain, pour « promulguer par un ou plusieurs actes une nouvelle constitution de l’Etat français ». Les chambres l’adoptent à la majorité de leurs membres (559 voix contre 80). Le Maréchal Pétain a été régulièrement nommé en juin 1940 Président du Conseil. Cette procédure est donc conforme à l’article 8 de la Loi constitutionnelle du 25 février 1875, qui prévoit le vote des chambres sur le principe d’une révision constitutionnelle. Sur le fond, cette loi du 10 juillet 1940 n’est pas non plus inconstitutionnelle. En effet, la loi du 10 juillet 1940 opère, non une délégation – interdite – du pouvoir constitution dérivé, mais une modification du mode de révision : la loi du 10 juillet 1940 procède en effet à une révision de la procédure de révision prévue à l’article 8 de la Loi constitutionnelle du 25 février 1875.
La loi du 10 juillet 1940 proclame que « l’Assemblée nationale donne tout pouvoir au gouvernement de la République « pour établir une nouvelle constitution. Et si « l’Etat Français » remplace la « République française » dans ce même texte, les actes constitutionnels pris ensuite par le Maréchal Pétain ne suppriment pas la République. De même, l’acte constitutionnel n°1 du 11 juillet 1940 dispose que le Maréchal Pétain assume les fonctions de chef de l’Etat : toutefois, la suppression de l’institution « président de la République » ne suffit pas à abolir la République, celle-ci pouvant exister sans président ! La loi du 10 juillet 1940 rend donc possible l'abolition de la République.
Si la forme républicaine signifie aussi « principes républicains », alors les actes constitutionnels du Maréchal Pétain sont en contradiction avec les principes républicains, à la fois en matière de droits fondamentaux (égalité des citoyens, statut des juifs) et en matière d’organisation institutionnelle (séparation des pouvoirs et régime parlementaire). Au sens de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, il n’y a pas de constitution. Notons par ailleurs que la loi du 10 juillet 1940 prévoyait la ratification de la future constitution par le peuple. Cette ratification n’eut jamais lieu. Cela tient sans doute aux circonstances : la France était occupée. Le non-respect de cette condition substantielle souligne que c’est alors l’Ĺ“uvre d’un pouvoir de fait.
Pour le Général de Gaulle et le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF), cette fiction de la non-existence des gouvernements qui se sont succédé à Vichy répondait à plusieurs impératifs : faire en sorte que le GPRF s’inscrive sur le plan constitutionnel dans une transition avec les Lois constitutionnelles de 1875, et non dans la continuité d’une transition légale avec le Gouvernement de Vichy ; faire en sorte que la France compte parmi les Etats vainqueurs au sortir de la guerre ; permettre aux forces françaises libres d’entrer dans la guerre et ainsi de bénéficier de la protection des lois de la guerre. La fiction de la non existence de l’État français aboutissait également, par voie de conséquence, à ce que la France, considérée dans sa dimension abstraite et permanente, n’ait pas à répondre des crimes commis sous l’égide du gouvernement de Vichy. Finalement la continuité de l’Etat a été reconnue et la fiction de la non existence de Vichy a pris fin avec la reconnaissance par le Président Jacques Chirac de l’implication de la France dans les crimes commis sous Vichy, et par un arrêt du Conseil d’État, l'arrêt Papon, 12 avril 2002).
Il s’agit pour le Général de Gaulle et le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) de déclarer nuls les actes constitutionnels, législatifs ou réglementaires promulgués par le gouvernement de Vichy depuis juin 1940.Toutefois, depuis le 16 juin 1940 et le rétablissement de la légalité, les Français ont vécu sous l’empire des lois de Vichy. Aussi, l’ordonnance du 9 août 1944 pose le principe de la nullité de droit des actes non individuels et précise toutefois que cette nullité doit être expressément constatée. Ainsi, et en simplifiant un peu la présentation, cela revient à considérer que les actes du gouvernement de Vichy sont applicables sauf déclaration expresse, et les actes pris par les autorités soumises au Général de Gaulle sont non applicables, sauf disposition expresse.