Commentaire
L'expression « charte » (ou « charte constitutionnelle ») est équivalente au terme de « constitution », le premier rappelant l'Ancien Régime alors que le second est associé à la Révolution française. L'un et l'autre organisent les pouvoirs publics, déterminent leurs relations et définissent leurs limites notamment par une garantie des droits. Au contraire, une « déclaration des droits » est placée généralement en tête d'une constitution. Elle est devenue une exigence démocratique depuis la Révolution française. Elle définit les droits et libertés reconnus notamment aux citoyens et constitutionnellement garantis, et détermine leurs limites. « Charte » et « déclaration des droits » ne sont donc pas deux expressions équivalentes, la déclaration des droits pouvant constituer le début d'une charte, comme il en fut ainsi pour les chartes de 1814 et 1830.
La charte du 4 juin 1814 est le texte constitutionnel qui organise la Restauration monarchique (1814-1830). Toutefois, son application est suspendue de mars à juin 1815, période que l’on désigne sous l’expression des « Cent Jours », lors du retour de Napoléon Ier suite à son exil de l'Ile d'Elbe. Cette suspension est si vraie qu'un nouvel acte constitutionnel aux constitutions de l'Empire est édicté le 22 avril 1815, et cela afin de libéraliser l'Empire autoritaire de Napoléon Ier grâce à la rédaction d'un titre VI qui s'apparente beaucoup à une déclaration des droits (égalité devant la loi, libertés des cultes, etc.). Et c'est par la volonté même de l'Empereur que ce texte s'intitule « Acte constitutionnel aux constitutions de l'Empire », voulant ainsi marquer la continuité de son pouvoir.Durant les Cent Jours, Louis XVIII a quitté Paris, revenant toutefois aussitôt après la défaite militaire de Waterloo et l'abdication de l'Empereur. Le jour même de son retour, le roi remettait en vigueur la charte de 1814. Les Cents Jours ne s'insèrent donc pas dans le cadre de la Restauration monarchique, règne de Louis XVIII et successeur de Napoléon 1er.
Certes, Louis XVIII veut « renouer la chaîne des temps » d'où son choix pour une charte constitutionnelle au lieu d'une constitution (vocable évoquant trop la Révolution) ; la charte est octroyée par le monarque ; un rôle important est dévolu au monarque ; celui-ci se fait sacrer à Reims et sa personne est inviolable et sacrée ; le roi est roi de France, et la religion catholique est reconnue comme la religion de l'Etat ; le suffrage est fortement censitaire ; etc. Cependant, la monarchie de 1814 n'est pas absolue : le roi détient des pouvoirs importants mais partage une partie de ce pouvoir avec deux chambres, la Chambre des pairs et la Chambre des députés.
Comme en Angleterre, le régime parlementaire va naître dans la pratique, le texte de la charte de 1814 étant finalement assez peu précis sur les rapports entre les pouvoirs. Ainsi, les ministres vont considérer qu'ils ne peuvent se maintenir en fonctions lorsqu'ils n'ont plus la confiance des chambres, alors que juridiquement cette obligation n'est pas prévue. De même les ministres, vont prendre l'habitude d'être dirigés par l'un d'eux, qui joue alors le rôle de véritable chef du gouvernement. Enfin, la responsabilité gouvernementale apparaît dans la pratique. La Monarchie de Juillet, régime qui suivit, conforta l'apparition du régime parlementaire qui toutefois ne put pleinement s'installer pour cause de changement de régime, et de principes constitutionnels en 1848. Le régime parlementaire existe pleinement à partir de la IIIème République (sous réserve de certaines périodes).
Comme évoqué par les propositions précédentes, ces deux régimes constituent une même période constitutionnelle, la Monarchie de Juillet apparaissant comme un correctif ou un assouplissement ou un approfondissement de la Restauration. Ce sont en effet, deux monarchies constitutionnelles, fondées sur le suffrage censitaire, qui permettent l'apparition de la première expérience française de régime parlementaire. Toutefois, sur le plan politique, ces deux régimes se distinguent fortement, notamment par l'abaissement du cens en 1830 et qui permet aux représentants de la bourgeoisie d'accéder plus largement à la vie politique.