Commentaire
S’il s’agit d’une constitution dite « rigide », elle comprendra alors une procédure de révision explicite, distincte et plus contraignante que la procédure d’adoption des lois. Distincte car des organes différents, spécifiques, peuvent intervenir (ex. Vème République : peuple par référendum, Congrès du Parlement). Et plus contraignante car des délais spécifiques ou des majorités renforcées peuvent être exigés (ex. Vème République : majorité des 3/5 au Congrès du Parlement, le « veto » du Sénat car l’Assemblée nationale ne peut adopter seule le texte à soumettre ensuite au référendum ou au Congrès). Au contraire, si la constitution est « souple », elle pourra être modifiée par le législateur ordinaire, selon la procédure législative. Cela renvoie à la notion de « constitution coutumière » que connaît notamment le Royaume-Uni. Il est intéressant de constater que les constitutions rigides peuvent elles aussi connaître des évolutions coutumières, parfois même en contradiction au texte constitutionnel.
Le pouvoir constituant originaire (celui qui établit la constitution) et le pouvoir constituant dérivé (celui qui révise la constitution) sont considérés comme de même nature. Le pouvoir constituant dérivé est donc tout à fait autorisé à apporter des modifications à la constitution, et même de changer la procédure de révision, quitte à celui-ci de respecter la procédure de révision en vigueur. La France a connu plusieurs fois cette situation. Il en est en effet ainsi de la loi constitutionnelle du 10 juin 1940 et de celle du 3 juin 1958, destinées à rendre possible la révision de la constitution dans d’autres conditions que celles prévues initialement dans le texte. Il en est de même, d’une certaine façon, du référendum d’octobre 1945 qui demandait aux Français s’ils souhaitaient garder la IIIème République ou s’engager dans un nouveau régime.
L’alinéa 5 de l’article 89 de la Constitution de la Vème République affirme que le pouvoir constituant ne peut pas « modifier la forme républicaine du gouvernement ». Cette disposition s’inspire de dispositions constitutionnelles antérieures (Constitution de la IIIème République modifiée le 14 août 1884). Toutefois, et au-delà de cette référence à l’histoire constitutionnelle française, l’expression retenue par la constitution de 1958 est peu explicite : fait-elle une référence exclusive au refus du retour à la dévolution héréditaire du pouvoir (interprétation stricte) ou bien fait-elle référence à l’ensemble des valeurs républicaines (interprétation extensive : laïcité, principe de l’élection, etc.). De plus, en France, on ne considère pas que la procédure de révision soit exclue de la révision. Aussi, cette interdiction n’est pas une limite au pouvoir de révision.
Pour ce qui est du Constituant français, le Conseil constitutionnel a indiqué, dans sa décision n° 92-321 DC du 2 septembre 1992 dite « Maastricht II », que « (sous réserve....), le pouvoir constituant est souverain, il lui est loisible d’abroger, de modifier ou de compléter des dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu’il estime appropriée » (cons. 34). Ainsi le pouvoir constituant peut procéder par abrogation ou par adjonction, explicite ou implicite.