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Culture générale

La contestation sociale

Les contestations sociales se sont multipliées, surtout à partir du XIXe siècle dans le cadre des relations de travail, avec l’industrialisation. Les syndicats se sont ainsi développés utilisant négociations, manifestations et grèves pour se faire entendre. Cependant, ils apparaissent désormais inadaptés et la contestation sociale cherche de nouveaux moyens pour se faire entendre.


Df.La contestation sociale est le fait de refuser l'ordre social établi, de contester les rapports de force existant au sein de la société.

Ces rapports de force sont des rapports de pouvoir et des rapports économiques. Sans affirmer, comme Marx que toute l'histoire de l'humanité n'est que l'histoire de la lutte des classes, il n'en demeure pas moins que les frictions entre dominants et dominés sont un des moteurs de l'évolution sociale.

Section 1 : L’évolution de la contestation sociale


La contestation sociale connaît une longue histoire. Au XIIème siècle avant notre ère, en Égypte, sous le règne de Ramsès III, eut lieu ce qui est peut-être la première grève de l'histoire, lorsque les ouvriers de la nécropole royale cessent le travail jusqu'à ce que les arriérés de salaires leur soient versés. Les contestations sociales, dont le pivot se situe au XIXème siècle, jalonnent l'histoire.


Dès l'Antiquité, les conflits sociaux apparaissent. Il s’agit de révoltes des classes sociales inférieures contre des mesures, jugées injustes, imposées par les classes supérieures.
À Rome, dès les premiers jours de la République, des tensions sociales apparaissent puisque après l’exil de Tarquin Le Superbe, dernier roi de Rome, la Cité est gouvernée par un petit groupe de familles constituées en caste fermée : les patres, les pères de la cité. Ils écartent du pouvoir le reste de la population, les plébéiens. Les luttes sociales opposant patriciens et plébéiens sont l’un des grands ressorts de l’évolution institutionnelle de la République.
En savoir plus : Les tensions sociales à Rome sous la République

La première sécession de la Plèbe a lieu en 495 av. J.-C. Une nouvelle guerre contre les Volsques (peuple italique installé dans le sud du Latium) est imminente. Une grande partie des plébéiens est endettée, et les lois romaines sont particulièrement féroces contre les débiteurs : les créanciers, appartenant surtout à l'aristocratie sénatoriale et donc au patriciat, ont droit d'enchaîner, de vendre comme esclave ou encore de mettre à mort les débiteurs. Or l'armée romaine est composée de citoyens, majoritairement plébéiens. La plèbe refuse de se mobiliser et pour faire face à la menace des Volsques, les consuls doivent lui promettre de réformer la législation. Cependant, une fois les ennemis vaincus et l'armée démobilisée, les consuls n'honorent pas leur promesse. Les soldats, exaspérés, se retirent en armes sur le Mons Sacer (mont sacré). Devant cette sédition, les patriciens cèdent. La Plèbe obtient la création de la magistrature du Tribunat de la Plèbe, interdite aux patriciens, chargée de défendre son intérêt. Les tribuns de la plèbe sont inviolables. Ils peuvent s'opposer à n'importe quelle loi proposée par les autres magistrats : c'est l’intercessio. Les tribuns de la plèbe gagnent du pouvoir petit à petit. Par la Lex Publilia Voleronis, les plébéiens s’organisent par tribu, se rendant politiquement indépendants des patriciens.
Ensuite, ils réclament la mise par écrit des lois, par l'intermédiaire du projet de la Lex Terentilia, autour duquel Rome se déchire pendant une décennie, jusqu'à ce qu'une commission extraordinaire, les décemvirs, soit établie pour rédiger des lois écrites. La loi des Douze Tables est rédigée en deux fois. Elle constitue le premier corpus de lois romaines écrites. Leur rédaction est l'acte fondateur du droit romain, des institutions de la République romaine et du mos maiorum (le mode de vie et le système des valeurs ancestrales).
La contestation sociale connaît un nouvel épisode important avec les Gracques. Tiberius et Caius Gracchus vont tenter de mettre en place une réforme agraire. En effet, les grandes familles se sont constitué d'immenses domaines, les latifundia, où sont installés des paysans non propriétaires, les colons, et de nombreux esclaves. Elles forment la nobilitas, la noblesse qui accapare les magistratures et remplit le Sénat. À côté de cette noblesse foncière, apparaît une nouvelle classe d'hommes d'affaires qui s'enrichissent dans le commerce, la banque et le crédit. En ville, en revanche, le chômage s'accroît, la main-d’œuvre salariée est concurrencée par la masse des esclaves apportés par les conquêtes. Les réformes proposées par les Gracques visent à réduire l'étendue de terre pouvant être possédée par une même famille et à redistribuer aux pauvres les terres ainsi confisquées aux riches. Évidemment, les riches citoyens s'opposent à cette loi et les deux frères sont massacrés tour à tour et leurs réformes abandonnées.
Tiberius et Caius Gracchus, œuvre d'Eugène Guillaume, XIXe siècle. Source : domaine public.


Les tensions sociales ne sont pas l'apanage de Rome, elles sont présentes, avec plus ou moins de violence et de réussite à toutes les époques.

Au Moyen Âge, dans les conditions difficiles de la guerre de Cent Ans, la contestation sociale se développe. C'est ainsi que la Jacquerie apparaît. Au-delà de la pression fiscale, due au versement de la rançon du roi, la mévente des productions agricoles place les paysans dans une situation intolérable qu'aggravent les exigences des seigneurs qui cherchent à compenser l'effondrement de leurs revenus. Les Jacques reprochent aux nobles de ne plus savoir défendre le royaume et de vivre à leurs crochets. Il ne s’agit pas d’une révolte de la misère mais d’une révolte de paysans « aisés » qui, payant pour tout, supportent mal le joug nobiliaire. Écrasé dans le sang, le mouvement s’éteint et d’autres contestations apparaissent. C’est ainsi que le Tuchinat désigne originellement un mouvement de révolte de paysans pauvres et armés originaires de la haute Auvergne. Les Tuchins désignent également des bandes armées composées de paysans et d'artisans, soutenues par certains grands seigneurs et par l'élite urbaine du Languedoc. Ils s’opposent aux prélèvements fiscaux, à la présence de mercenaires et à l'attitude royale qui veut museler la bourgeoisie. Les chefs du Tuchinat sont expulsés en 1383 et les derniers Tuchins sont chassés.
La révolte des Tuchins, Grandes Chroniques de France, XIV-XVème siècles, BnF. Source : BNF - domaine public.


Sous l'Ancien Régime, les dernières années du règne de Louis XIII sont marquées par des révoltes antifiscales, dont la plus célèbre est celle des Croquants (surnom méprisant donné aux paysans), en 1637 (d'autres révoltes de Croquants, moins importantes, avaient déjà secoué la France dès le règne d'Henri IV, père de Louis XIII). La France est en guerre contre l'Espagne depuis 1635 et elle intervient dans la guerre de Trente Ans. Exaspérée par la création de nouvelles taxes et par la présence de troupes dans les campagnes, auxquelles une ordonnance contraint de fournir des rations de blé, une partie de la population du Périgord se soulève en 1637. Dirigés par un gentilhomme, La Mothe-La-Forest, les insurgés s'attaquent aux collecteurs d'impôts et forment une armée de 8 000 hommes. La rébellion s'étend, atteint le Haut-Quercy, entre Lot et Dordogne. Pas moins de 3 000 hommes de l'armée royale sont obligés d'abandonner la surveillance de la frontière espagnole pour venir mater le soulèvement, au prix d'un millier de victimes.
Les chefs des Croquants sont condamnés à mort, au bannissement ou aux galères mais la masse des paysans et villageois est traitée avec plus de mansuétude. Le cardinal de Richelieu, accorde une large amnistie, ayant besoin de toutes ses forces pour combattre l'Espagne. Pour rétablir le calme, quelques impôts sont supprimés et quelques gabeleurs, chargés de la perception de la gabelle et de la surveillance de la contrebande du sel, trop zélés, sont condamnés.
Quelques années plus tard, en 1639, un autre mouvement prend vie, celui des va-nu-pieds, en Normandie. C'est encore une fois la pression fiscale, forte en Normandie, puisqu'il s'agit d'une des plus riches provinces du royaume, qui va mettre le feu aux poudres. La décision d'introduire la gabelle en Normandie, alors que de nombreux paysans vivent de la production de sel autour du Mont Saint-Michel, déclenche l'insurrection. Le 16 juillet 1639, Charles Le Poupinel, chargé de collecter les impôts, est assassiné par la population d’Avranches. Les troubles se répandent rapidement dans l’ensemble de la région, jusqu’à Caen, Rouen et Bayeux. Le général des insurgés, Jean Quetil, prend le nom de Jean Nu-Pied. Cette révolte regroupe presque toutes les catégories sociales : les paysans (manouvriers, sauniers…), des laboureurs, des clercs, des gentilshommes, (souvent appauvris), qui se chargent de l’exercice militaire, mais aussi des petits robins qui sont jaloux des officiers de gabelle qui ont réussi. Sur ordre de Richelieu qui veut faire un exemple, cette sédition est férocement réprimée. Les responsables sont jugés et les villes normandes perdent leurs privilèges.
Gravure du XIXe siècle représentant les Nu-pieds de Normandie. Source : Alphonse De Neuville in François Guizot, L’histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu’en 1789 racontée à mes petits-enfants, tome IV, Paris, Hachette, 1875, p. 81.



Toutes ces révoltes, certes graves et sanglantes, n'ont pas fait trembler l'autorité centrale. Il en va différemment de la fronde qui va faire vaciller la monarchie.
La Fronde est un mouvement bourgeois qui réussit à récupérer la colère populaire, elle conteste l’absolutisme royal sur fond, encore une fois, de contestation fiscale et de guerre contre l'Espagne. Le Parlement de Paris entreprend de réformer ce qu'il estime être les abus de l'État. À l'initiative du conseiller Pierre Broussel, il constitue une Chambre qui aura à décider de la réforme de l'État. En juillet 1648, cette Chambre impose à Anne d'Autriche une charte de 27 articles contenant des réformes (suppression des intendants, enregistrement des édits fiscaux par les Cours, etc.) et donne au Parlement le droit de valider tout impôt nouveau. La régente, forte d'une victoire sur l’Espagne, fait arrêter plusieurs parlementaires, y compris Pierre Broussel, auquel son intégrité vaut une immense popularité. À cette annonce, Paris se soulève au cours d'une «journée des Barricades». La régente libère ses prisonniers mais s'enfuit à Saint-Germain-en-Laye avec Mazarin, le jeune roi Louis XIV et son frère Philippe. Pendant ce temps, l'armée royale, commandée par Condé, organise le siège de Paris. Craignant l'agitation populaire, le parlement négocie la paix de Rueil (11 mars) avec la régente, dont il obtient le pardon moyennant l'abandon de ses prétentions politiques. À cette fronde des Parlements succède une fronde des Princes, plus politique et moins sociale. Elle sera elle aussi vaincue par la royauté.

Prise de la Bastille le 14 juillet 1789. Source : domaine public.

La Révolution de 1789 est aussi une contestation sociale, elle renverse l’ordre établi à partir, encore une fois, d'une question fiscale, l'exemption des couches favorisées mais aussi la pression fiscale exercée par un État à la limite de la banqueroute. Ainsi, à côté de la révolution politique a lieu, en juillet 1789, une révolte sociale symbolisée par la prise de la Bastille et surtout par la Grande Peur, révolte des paysans dans un contexte de rumeurs et de crainte d’un complot aristocratique. Ceci aboutit à l’abolition des privilèges dans la nuit du 4 août 1789. De même, en octobre 1789, la Marche des femmes (plusieurs milliers de femmes, guidées par des marchandes parisiennes, marchent sur Versailles et demandent au roi des réformes) provoque le retour du roi à Paris et le prive de l’indépendance qui lui restait.
La Révolution met fin à la monarchie absolue. Cependant, après l'épisode de la Terreur, le Directoire et le régime Napoléonien musellent les revendications sociales au profit de l'ordre et de la stabilité.

Les contestations ouvrières se développent au XIXème siècle, qui est un siècle très agité socialement et politiquement. Elles sont liées à la révolution industrielle qui a permis l’émergence des ouvriers ainsi que le développement des idées socialistes dans un contexte de libéralisation de l'économie. Le luddisme fait son apparition (il s'agit de la destruction des machines par les ouvriers qui considèrent qu’elles menacent leur emploi). Désormais, les conflits sociaux se déroulent principalement dans le cadre des relations de travail.
Les premières associations se créent pour répondre à la précarité dans laquelle beaucoup d’ouvriers sont plongés, ce sont des sociétés de secours mutuel. Cependant, si l’ouvrier était secouru en cas de maladie, son travail n’était pas protégé et son salaire se réduisait. Ces sociétés se transforment donc en société de résistance, dont le but est de s’opposer collectivement aux employeurs et de soutenir les grèves et mobilisations, en particulier sur le plan financier.

Dans les années 1830, Lyon fait figure de ville pionnière pour les révoltes ouvrières. En 1831, les canuts (ouvriers tisserands de la soie sur les machines à tisser) s’opposent à une baisse constante des salaires et au refus de certains patrons de leur garantir un salaire minimal. Ils obtiennent un accord fixant un tarif minimum grâce à l'intervention du Préfet. Cette intervention est mal vue d'une partie des fabricants qui considèrent cet accord comme une marque de faiblesse, et qui refusent de l'appliquer. Les canuts se soulèvent en novembre 1831. Au terme d'une bataille rangée, ils sont maîtres de la ville, mais les chefs de l'insurrection, ne s'étant soulevés que pour obtenir l'application de l'accord, ne savent que faire de leur victoire. Ils reprennent rapidement le travail, pensant avoir obtenu l'application de l'accord. Cependant, à Paris, la nouvelle de l’émeute et de la prise de contrôle de la deuxième ville de France par les insurgés provoquent stupeur et consternation. Pour Casimir Perier, Président du Conseil, « Il faut que les ouvriers sachent bien qu’il n’y a de remède pour eux que la patience et la résignation ». Une armée de 20 000 hommes, conduite par le Duc d'Orléans, fils aîné de Louis-Philippe, entre dans la ville sans effusion de sang. Le préfet est révoqué et 90 ouvriers sont arrêtés, dont 11 qui seront poursuivis en justice et qui seront acquittés en juin 1832. En 1833, les tensions ressurgissent. Le patronat juge que la bonne conjoncture économique a fait augmenter de manière excessive les salaires des ouvriers et prétend leur imposer une baisse. En résultent un conflit, des grèves, dont les meneurs sont arrêtés et traduits en justice. Les Républicains profitent de ce conflit salarial pour déclencher un soulèvement qui est réprimé dans le sang par Adolphe Thiers. Quelques années plus tard a lieu l'insurrection des Voraces (société de canuts lyonnais) en 1848 et 1849.
Bataille dans les rues de Lyon devant l'église de Saint-Nizier dans le cadre de la Révolte des Canuts d'octobre 1831. Source : domaine public.


La situation ouvrière change lors de la période libérale du Second Empire. En effet, si en 1791, la loi Le Chapelier interdit les coalitions de métier et les grèves, en 1864, Napoléon III fait voter une loi qui abroge le délit de coalition ouvrière mais qui interdit l’atteinte au libre exercice de l’industrie ou du travail. Cette loi reconnaît le droit de grève. Toujours en 1864 apparaît le Manifeste des 60. Il s'agit du premier véritable programme d’un mouvement ouvrier français. Les ouvriers affirment qu’ils constituent une classe sociale de citoyens. Ils revendiquent des instances représentatives et veulent se poser comme les interlocuteurs du régime. La Première Internationale est fondée en 1864 et se déroule à Londres, avec la participation des ouvriers français.
En 1884, une loi autorise la formation des syndicats professionnels, ce qui légalise les associations précédemment constituées. De puissantes associations professionnelles se créent alors. La Bourse du travail, centre de renseignement sur l’emploi et l’embauche se crée à Paris en 1887. Une loi de 1892 est relative à la conciliation et à l’arbitrage facultatif en matière de différends collectifs entre patrons et ouvriers ou employés. C'est une tentative de mettre sur pied des procédures de règlement pacifique des conflits collectifs du travail.


Rq.Malgré ces avancées, les grèves se succèdent. Entre 1871 et 1890 se déroulent un peu plus de 11 000 grèves ou revendications. Il s'agit de grèves très localisées (à une usine, une mine…) qui sont souvent illimitées et durement réprimées. Peu à peu cependant, le mouvement syndical se structure et les grèves et les manifestations s'organisent. Des règles pour manifester sont fixées vers 1909 : les élus ouvriers se placent en avant du cortège (prenant la place qui était celle des femmes et des enfants pendant les premières manifestations), les trajets sont définis à l’avance en accord avec la police et les premiers services d’ordres ouvriers apparaissent. Ces manifestations sont importantes pour légitimer la lutte des ouvriers et pour mesurer la force du mouvement. Des revendications générales apparaissent comme la durée de la journée de travail. La Première Guerre Mondiale suspend l'agitation sociale qui reprend dans les années 1920.

Section 2 : Les conflits sociaux à partir du XXème siècle


Au XXème siècle, les conflits sociaux sont principalement entre les mains des syndicats qui se développent en France. Il s'agit de groupements de personnes assurant la représentation et la défense des intérêts matériels et moraux d'une profession ou d'une catégorie de personnes. Cependant, depuis la fin du XXème siècle, les syndicats perdent peu à peu leur emprise et leur monopole sur les conflits sociaux.


Il existe de nombreux syndicats. Très schématiquement, deux grands courants se détachent. Le premier est le syndicalisme révolutionnaire dont l'objectif est de remplacer le capitalisme libéral par un système plus juste. Ce syndicalisme accepte et revendique la théorie marxiste de la lutte des classes débouchant sur la propriété collective des moyens de production. Ces principes sont adoptés par la Confédération générale du travail (CGT) dans sa charte d'Amiens de 1906. Le deuxième type de syndicat est le syndicalisme réformiste qui ne remet pas en cause le système capitaliste mais tente d'obtenir un partage plus équitable des fruits de la croissance économique. En France, ce syndicalisme est de tendance chrétienne, il prend naissance avec l'encyclique Rerum novarum du pape Léon XIII en 1891, dans laquelle le pape admet la légitimité de défendre les intérêts des ouvriers, grâce à des réformes sociales et à la création d'associations ouvrières chrétiennes. En 1919, la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) est fondée, puis en 1964, une grande partie des adhérents fonde la Confédération démocratique du travail (CFDT).
À côté de ces deux grands courants existent de nombreuses organisations catégorielles autonomes, qui se posent en concurrence directe avec les syndicats généralistes. Ces syndicats défendent des intérêts catégoriels.
Ex.Par exemple la Confédération générale des cadres (CGC) s'occupe des intérêts des encadrants, la Fédération syndicale unitaire (FSU) défend les intérêts des enseignants de la fonction publique....

Les syndicats interviennent dans le domaine économique, à plusieurs niveaux. Tout d'abord, au niveau de la formation et des rémunérations, puis au niveau de la qualification des salariés. Les syndicats cherchent à faire reconnaître les qualifications professionnelles dans la fixation des rémunérations et dans l'attribution des postes de travail. Surtout, les syndicats interviennent dans le domaine social. Ils défendent les intérêts individuels et collectifs des salariés, ils soutiennent les travailleurs en conflit social (aide financière et judiciaire), ils gèrent les comités d'entreprise, ils cogèrent des organismes sociaux (caisses d'assurance-maladie, caisse d'allocations familiales, caisses de retraite, assurance chômage), ils cojugent les affaires prud’homales (les litiges individuels entre salariés et patrons), ils conseillent l'administration pour tous les problèmes économiques et sociaux.
Pour parvenir à leur fin, les syndicats disposent de plusieurs types d'actions : la négociation (auparavant, la négociation permettait de conclure les conflits en enregistrant le rapport de force entre patrons et salariés ; aujourd'hui, les négociations ont souvent lieu en dehors de tout conflit, dans un cadre collectif), la manifestation, forme démonstrative d'expression des revendications et du mécontentement social et enfin la grève (action collective qui consiste en une cessation concertée du travail par les salariés), à la fois moyen de pression et épreuve de force.

Au cours du XXème siècle, deux grands mouvements de grèves et de manifestations vont bouleverser le paysage social français.
En 1936, un mouvement de grève impressionnant avec occupations d’usines ébranle la société française. Le mouvement ouvrier, affaibli par la guerre, meurtri par une répression sévère, notamment celle des cheminots de 1920, et les menaces d’interdiction, renaît. Plus de 2,5 millions de travailleurs bloquent la production ; ce qui débouche sur des conquêtes sociales inter-métiers (congés payés, semaine des 40h, reconnaissance du droit syndical dans l’entreprise, mise en place de conventions collectives) grâce au Front Populaire. Cette grève générale marque un tournant dans l'histoire des luttes sociales françaises et dans les rapports entre patrons et ouvriers. Auparavant, les usines étaient sous l'autorité quasi absolue du patron et les ouvriers étaient strictement surveillés. La grève de 1936 a vu des ouvriers occuper les usines et les patrons devoir demander la permission d'y entrer, se rendre auprès des ouvriers pour connaître leur revendications.
L'autre grand conflit du XXème siècle, c'est celui de mai 1968 : il s’agit d’un mouvement qui part de la base et qui dépasse, comme en 1936, les revendications catégorielles. Mouvement étudiant à l’origine, il dégénère rapidement en combats de rue. Ce mouvement bénéficie du soutien de la population et les syndicats décident d'organiser une manifestation de solidarité. Le 13 mai 1968, une foule de 800 000 personnes (170 000 selon la police) envahit les rues de Paris aux cris de "10 ans, ça suffit !", en allusion au dixième anniversaire du retour au pouvoir de De Gaulle. Les manifestants dénoncent aussi la société de consommation et le chômage inhérent au régime capitaliste. Le lendemain, 14 mai, à la surprise du gouvernement et des syndicats, des vagues de grèves se déclenchent spontanément, sans prévis ni concertations. Cette mobilisation va donner naissance à de nouveaux droits sanctionnés par les accords de Grenelle (salaire minimum interprofessionnel, évolution de la sécurité sociale, liberté de création des syndicats, protection des délégués.) Mais ces concessions ne satisfont pas la base ouvrière et la grève continue. C'est l'impasse, la crise sociale de mai 68 débouche alors sur une crise politique. Le 30 mai, De Gaulle annonce la dissolution de l'Assemblée et reprend le pays en main.
Au début des années 1970, la grève est encore perçue comme un affrontement de classes et une mise en cause de la société. Dans l’Europe communautaire d’aujourd’hui, ce sont les militants syndicaux français, peut-être en raison de cette tradition sociale ancienne, qui montrent la propension contestataire la plus élevée. Cette radicalité semble être un héritage du syndicalisme révolutionnaire et de la conception de la grève comme outil de rupture sociale, pour changer l'ordre établi et mettre en place un ordre nouveau.

Le 6 mai 1968, des étudiants et des protestataires font face à la police, à Paris, devant la librairie Joseph Gibert près de la Sorbonne. Source : AFP ; Jacques Marie.


Cependant, aujourd'hui, la contestation sociale a perdu de son éclat, les protestations, les grèves sont désormais spécialisées et catégorielles ; les syndicats sont vus comme défendant des acquis sociaux particuliers à leurs professions, parfois au détriment des autres, voire comme dépassés, s'opposant à toute réforme. Leur légitimité est contestée à la fois au niveau national mais aussi au sein même des entreprises et des administrations, puisque le taux de participations aux élections syndicales et le taux de syndicalisation ne cessent de chuter. Moins de 8 % des travailleurs sont aujourd’hui syndiqués.
Tx.En Europe, le droit de grève est reconnu par la Charte Sociale Européenne de 1961 puis par la Charte des Droits Fondamentaux de 2000. En France le droit de grève est un droit à valeur constitutionnelle (il figure à l'alinéa 7 du Préambule de la Constitution de la Quatrième République) depuis la décision Liberté d'association rendue le 16 juillet 1971 par le Conseil Constitutionnel.
Df.Dans un arrêt en date du 2 février 2006, la Chambre sociale de la Cour de cassation l'a défini comme la cessation collective, concertée et totale du travail en vue de présenter à l'employeur des revendications professionnelles.
En France la grève demeure malgré tout l’incarnation de conflits embrasant le pays tout entier (1906 ; 1919-1920, 1936, hiver 1947-1948, été 1953, mai 1968, décembre 1995). Elle est un moyen de pression économique et d’expression.

Malgré cette reconnaissance, la grève est en déclin et le droit de grève est en débat, il y a une volonté de l’encadrer, d’instaurer un service minimum, de la concilier avec l’exigence de service public.
En savoir plus : Le service minimum

Le service minimum est une revendication ancienne de partis politiques ou d'« organisations de défense des usagers ». Les « utilisateurs » payent en effet l'utilisation des transports en commun et sont donc, selon eux, en droit d'attendre un service en retour. La proposition d'instaurer un service minimum resurgit principalement à chaque mouvement de grève concernant les transports en commun. Ainsi, en 2024, cette question resurgit pour la période des Jeux Olympiques à Paris. 
Le service minimum doit être en accord avec le droit de grève. En effet, le Préambule de 1946 dispose que le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. Les principes invoqués pour justifier le service minimum sont la continuité du service public, le devoir de travailler, la liberté d'aller et venir, le respect des contrats de travail, la responsabilité civile qui oblige tout auteur d'un dommage à autrui de réparer ce dommage. L'intérêt des usagers, tiers aux conflits sociaux, les dommages qui leur sont causés, sont également invoqués.
La critique du service minimum est faite, essentiellement, par les syndicats de salariés et les partis de gauche. Selon eux, le service minimum remet en cause le droit de grève, qui a valeur constitutionnelle. Ils craignent que la grève soit vidée de sa substance. Le but d'une grève est de satisfaire des revendications professionnelles, or la grève avec service minimum aurait bien moins d'impact. Le service minimum permettrait à l'entreprise, par exemple dans les transports, d'engranger un chiffre d'affaires quasi équivalent à une période normale : le service minimum s'établit aux heures de pointes, donc aux heures où le plus d'utilisateurs paient leurs tickets.
La loi du 21 août 2007 « sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs » institue des règles pour favoriser le dialogue social et permettre une meilleure organisation des services de transports publics terrestres en cas de grève sans mettre en place une véritable obligation de service minimum. La loi instaure l'obligation pour les salariés d'indiquer quarante-huit heures à l'avance qu'ils ont l'intention de faire grève pour permettre aux collectivités locales de réorganiser le service sur les dessertes les plus importantes, en substituant des non-grévistes aux grévistes. La mise en œuvre de l'obligation de service minimum aux heures de pointe est laissée aux accords entre syndicats et autorités organisatrices des transports. Le fret, la poste et les transports publics non terrestres ne sont pas concernés. Le service minimum d'accueil à l'école a été mis en place par Xavier Darcos en 2008. Il s'applique si plus de 25 % des enseignants d'une école maternelle ou élémentaire ont annoncé faire grève. Les communes doivent alors assurer un service minimum d'accueil et bénéficient en contrepartie d'une compensation financière de l’État.
En Europe, la moitié des pays a mis en place une législation instaurant une obligation de service minimum et tous reconnaissent le droit de grève. Ainsi, en Allemagne et en Autriche, les fonctionnaires statutaires ne disposent pas du droit de grève ; en Espagne et en Italie, il existe un service minimum pour les périodes de pointe. Les pays qui ne disposent pas d'une législation spécifique ne sont pas confrontés au besoin car la culture du dialogue social, qui diffère de la culture conflictuelle de la France, prévient les conflits.

Aujourd’hui, en France, la contestation sociale cherche de nouveaux moyens d’expression, les syndicats sont en perte de vitesse, dans toutes les branches, il y a une rupture entre les têtes et la base. Depuis les années 1980, le taux de syndicalisation est en chute libre tout comme la participation aux élections professionnelles. Cette crise du syndicalisme est due à plusieurs facteurs. En effet, les syndicats doivent se réformer : leur institutionnalisation, leur professionnalisation, leur structure archaïque les coupent de plus en plus de leur base. La plupart des grands mouvements sociaux échappent ainsi au « contrôle » des syndicats qui n'ont plus ou peu d'influence sur les salariés (ainsi, en juillet 2015, la FNSEA, puissant syndicat agricole, a été dépassée par sa base). Dans un pays touché par les restructurations économiques, le chômage et la mondialisation, les syndicats sont de moins en moins des acteurs décisifs dans la régulation économique et sociale.
En 2018, le mouvement des « Gilets jaunes » se développe en France dans un contexte d’augmentation de prix des carburants. Ce mouvement, durement réprimé (Amnesty international, Human Rights Watch, le Parlement européen et l’ONU ont dénoncé un usage excessif de la force), a marqué un renouvellement des formes de contestation sociale et collective. Ses revendications sont très variées, centrées sur une demande de justice sociale et fiscale, une répartition des richesses plus équitables, une amélioration des services publics et du fonctionnement de la démocratie. L’originalité de ce mouvement est tout d’abord son hétérogénéité. Plusieurs enquêtes dévoilent cependant des points communs entre ses participants. Les Gilets jaunes sont majoritairement des personnes aux revenus modestes, membres des classes populaires et moyennes, vivant principalement en milieu rural et dans les villes moyennes, estimant se trouver à l’écart de la mondialisation. Se tenant jusque-là pour la plupart à l’écart des mobilisations sociales traditionnelles conduites par les organisations syndicales, les Gilets jaunes sont également unis par leur rejet des partis politiques et leur défiance à l’égard des gouvernants. Jugeant que la démocratie ne fonctionne pas bien, ils s’estiment globalement incompris et même méprisés par la classe politique. La majorité des Gilets jaunes exprime ainsi sa colère contre des gouvernements successifs accusés de n’avoir rien fait pour lutter contre l’injustice, qu’elle soit fiscale, sociale ou territoriale. Ce mouvement est original également parce qu’il est déstructuré, ce qui a d’ailleurs engendré des difficultés pour s’organiser, pour désigner des porte-paroles...
En revanche, dans les contestations liées à la réforme des retraire de 2023 et celles des agriculteurs de 2024, les syndicats ont plutôt joué leur rôle traditionnel.
Le mouvement des Gilets jaunes né en novembre 2018. Source : AFP.


Sy.Désormais, les positions des patrons et des salariés se sont durcies. Les mouvements d’action ne se limitent plus à la grève et aux manifestations ; ils se radicalisent (occupation de locaux, séquestration de dirigeants, blocage des routes, déversement de déchets, agression des dirigeants comme le prouvent les événements survenus à Air-France en 2015). Parallèlement, les dirigeants réagissent plus fermement aux débordements et n'hésitent plus à porter plainte pour les violences et les détériorations subies. La dernière affaire Air-France, largement médiatisée au niveau mondial, a montré un niveau de violence exacerbée avec des dirigeants et des vigiles physiquement agressés et des employés arrêtés à leur domicile, à 6h du matin, par la police. Avec la crise des gilets jaunes, la contestation sociale a échappé aux organisations traditionnelles et a donné lieu à des manifestations parfois violentes et à une répression parfois violente elle-aussi. La contestation de la réforme des retraites et les récentes manifestations des agriculteurs montrent que les tensions sociales ne sont pas près de s’apaiser.
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