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Institutions et principes fondamentaux du procès civil

La mise en oeuvre du droit d'action et les classifications des actions en justice

La leçon comporte deux sections qui se rattachent également à la théorie de l'action. La première traite des conditions de mise en oeuvre du droit d'action ; elle présente les différentes catégories de demandes en justice et les moyens de défense susceptibles de leur être opposés. Leurs régimes respectifs sont envisagés.La deuxième section est consacrée aux classifications des actions en justice. Ces classifications ont été élaborées à partir de la classification des droits substantiels que les actions sont destinées à sanctionner : actions réelles, personnelles et mixtes, actions mobilières et immobilières...



Section 1. La mise en oeuvre du droit d'action

Nous allons traiter de la mise en oeuvre du droit d'action, vue sous l'angle procédural de la présentation des prétentions. Celles-ci sont qualifiées de demandes en justice ou de défenses, en fonction de la position procédurale du plaideur qui les émet.

La demande se définit comme l'acte par lequel une personne soumet au juge une prétention. Il existe plusieurs sortes de demandes en justice. Nous en examinerons la classification avant de présenter les effets spécifiques attachés à la demande initiale.

Compte tenu du moment de leur formulation, on oppose d'un point de vue chronologique la demande initiale, dite aussi demande introductive d'instance, et les demandes incidentes.


Df.Elle est définie par l'article 53 CPC comme l'acte par lequel un plaideur prend l'initiative du procès en soumettant ses prétentions au juge.

La demande est l'acte processuel ayant pour objet la prétention (sur la nécessité de prétentions, voir RTDCiv 96 981, obs. R. Perrot) : toute demande établissant un (nouveau) lien juridique d'instance est qualifiée de « demande principale ». Nous verrons ultérieurement que les formes procédurales que peut revêtir la demande initiale sont variables.
Le demandeur a la possibilité de former plusieurs demandes initiales juxtaposées : elles ne sont alors pas soumises à la condition de lien suffisant exigée en matière de demandes incidentes.
Il existe parfois une hiérarchisation des demandes, en ce sens que l'acte introductif d'instance peut contenir des demandes subsidiaires, formulées au cas où une demande principale ne serait pas accueillie (E. Putman, Remarques sur la demande subsidiaire, JCP 91 I 3493). Dans ce cas, le juge doit respecter la hiérarchie proposée par les parties (Civ. III, 11 mai 2011, D. 2011 1425 - Civ. III., 6 mai 2015, Proc. 2015 Fasc. 7 n° 215 obs. Y. Strickler : Le juge qui fait droit à la demande principale ne peut également recevoir la demande subsidiaire sans modifier l'objet du litige, en méconnaissance de l'art 4 CPC.).

Tx.Jurisprudence
Ass Plén 29/5/09, JCP 09, n° 29-30, 129 note O. Salati : ne peuvent constituer un aveu (Ndlr : de non-paiement) des conclusions par lesquelles, après avoir invoqué la prescription, une partie conteste, à titre subsidiaire, l'existence ou le montant d'une créance.
Est qualifiée d'incidente toute demande formée en cours d'instance, se greffant sur la demande initiale. Il existe aussi une classification des demandes incidentes. Leur régime juridique est marqué par le lien étroit qu'elles entretiennent avec la demande introductive d'instance.

Les demandes incidentes sont regroupées en trois catégories :
  • La demande reconventionnelle

Elle émane du défendeur, qui contre-attaque en sollicitant un avantage autre que le rejet de la prétention du demandeur initial.

Ex.Demande en annulation d'un contrat en réaction à une demande d'exécution des obligations contractuelles, demande reconventionnelle en divorce pour faute aux torts du demandeur.

Tx.Jurisprudence
Ass. plén., 22 avr. 2011, JCP 2011 Fasc. 25 n° 715 note Y-M. Serinet, D. 2011 p. 1870, note O. Deshayes et Y.-M. Laithier, RT 2011 p. 795 et 798 obs. Ph. Théry : forme une demande reconventionnelle (Ndlr : et non une défense au fond) le cessionnaire qui ne se borne pas à invoquer la nullité d’un protocole mais entend voir tirer les conséquences de cette nullité en sollicitant la remise des parties dans l'état antérieur à la signature de l'acte et la condamnation des demanderesses à lui payer une certaine somme en restitution du prix déjà payé.
Civ. II, 10 janvier 2013, JCP 2013 Fasc. 16 n° 436 obs. G. Guerlin, D. 213 n° 877 note P. Pailler : Les demandes reconventionnelles, en première instance comme en appel, peuvent être formées tant par le défendeur sur la demande initiale que par le demandeur initial en défense aux prétentions reconventionnelles de son adversaire. L'adage « reconvention sur reconvention ne vaut » ne fait donc pas échec à une demande reconventionnelle indemnitaire formée par une caution en réaction à une demande reconventionnelle en paiement.

Cette forme de demande est exclue entre co-défendeurs.

  • La demande additionnelle

Est ainsi qualifiée la demande émise par toute personne déjà partie à un litige (il s'agit souvent du demandeur ou du défendeur), ayant formulé une demande et souhaitant modifier ou faire des ajouts à ses prétentions originelles.

  • La demande en intervention

Ce type de demande fait référence à un tiers. L'intervention est qualifiée de volontaire lorsqu'elle émane d'un tiers qui manifeste ainsi spontanément sa volonté de se joindre au litige. Elle est dite forcée quand ce sont au contraire les parties qui décident d'attraire un tiers en justice contre le gré de celui-ci (article 66 CPC).
La recevabilité des demandes incidentes est subordonnée, d'une part, à la recevabilité de la demande principale et, d'autre part, à leur rattachement par un lien suffisant aux prétentions originaires (article 70 CPC).
La notion de « lien suffisant », proche de la connexité, est en principe appréciée souverainement par les juges. Ce lien de connexité n'est toutefois pas exigé en cas de demande de compensation judiciaire.

D'un point de vue procédural, les demandes incidentes présentent un intérêt en matière de compétence et de procédure en ce qu'elles font l'objet d'un formalisme allégé.
En effet, si la demande initiale doit souvent revêtir la forme d'une assignation, les demandes incidentes peuvent être formées par acte d'avocat à avocat devant le TGI, ou par des conclusions à la barre devant les juridictions spécialisées, sauf en cas d'intervention forcée ou de procédure par défaut.


Il convient d'examiner les effets de la demande initiale tant à l'égard du juge que des parties.

La saisine du juge n'est pas uniquement liée à la notification de la demande dans la mesure où l'assignation est un acte ne concernant que le défendeur et le demandeur. Elle tient souvent à la remise au greffe d'une copie de l'acte d'assignation, formalité qualifiée d'enrôlement (les praticiens parlent aussi de « placement »).

Tx.Jurisprudence
De nombreux arrêts ont retenu que l’instance n’est véritablement introduite qu’à la date de l’enrôlement (Civ. 2ème, 29 fév. 84, RTDC 84 559 Perrot; Civ. III, 23 mars 93, RTDC 93 895 obs. crit. R. Perrot). Dans un avis du 4 mai 2010 , la Cour de cassation a indiqué que lorsqu'une demande est présentée par assignation, la date d'introduction de l'instance doit s'entendre de la date de cette assignation, à condition qu'elle soit remise au greffe (Cass. avis, 4 mai 2010, RT 2010 614 obs. R. Perrot).
Devant le TGI et, depuis le 1er mars 2006, devant le tribunal d’instance, le juge de proximité et le tribunal de commerce, le non-respect de la formalité d’enrôlement dans le délai prescrit est sanctionné par la caducité de la demande.

La demande créée pour le juge une obligation fonctionnelle en ce qu'il doit statuer sur elle.
Cette obligation correspond à l'interdiction du déni de justice (article 4 C.Civ.). Le juge a le devoir de rendre une décision, même s'il s'agit d'un constat d'incompétence. Ce faisant, il ne doit pas non plus statuer infra, extra ou ultra petita : il doit statuer sur la demande, toute la demande mais rien que la demande. Les limites de sa saisine s'apprécient en principe lors de la formation de la demande, à l'exception des dommages-intérêts pour responsabilité, appréciés au jour de la décision.
  • Entre les parties, la demande entraîne création d'un lien juridique d'instance, dont il résulte pour elles des obligations (sur la date de création du lien d'instance, voir B.1, supra). Le défendeur a ainsi l'obligation de comparaître selon les modalités requises devant la juridiction concernée.

    Les controverses antérieures quant à la nature du lien d'instance (V. par ex., Vizioz, Etudes de procédure, p. 150 ; Glasson, Tissier, Morel, Traité théorique et pratique d'organisation judiciaire, de compétence et de procédure civile, Sirey 1925-1936, t. 2 n° 453s.) ont abouti à la conclusion qu'il présente un double caractère légal et processuel. En particulier, il n'affecte pas les rapports de droit substantiel liant les parties. Il n'y a pas novation et les parties restent par exemple bailleur et locataire, créancier et débiteur, responsable et victime, indépendamment de leurs nouvelles qualités respectives de demandeur et défendeur.

  • La demande conserve les droits du demandeur. Elle entraîne interruption des délais de prescription et des délais de forclusion.

L'effet interruptif se produit à la date de la citation, quelle qu'en soit la forme, et avant même qu'elle ait été portée à la connaissance du débiteur (Civ II, 29 nov. 95 et 13 déc. 95, RTDC 96 466). La règle vaut aussi en cas d'assignation en référé. L'effet est acquis même en cas de citation devant un juge incompétent ou si l'acte introductif d'instance se trouve être annulé en raison d'un vice de procédure (art 2241 C.Civ. ). Ce dernier cas de figure, issu de la loi du 17 juin 2008, constitue une rupture par rapport à la solution antérieure où la non-validité de l'assignation rendait non avenue l'interruption de prescription.
Tx.Jurisprudence
Cass. 1re civ., 25 nov. 2010, Rev. Proc. 2011 Fasc. 2, n° 50, obs. R. PERROT - Civ. II, 8/9/2011, Rev. Proc 2011 Fasc. 12 alerte 56 par C. Bléry et L. Raschel : assignation entachée d’une irrégularité de fond- Civ. II, 11 mars 2015, Proc 2015 Fasc. 5 n° 151 obs ; H. Croze : L'art. 2241 al. 2 CCiv. ne distingue pas entre le vice de forme et l'irrégularité de fond, de sorte que l'assignation même affectée d'un vice de fond a un effet interruptif - Civ. II, 16 oct. 2014, JCP 2014 Fasc. 50 n° 1271 note C. Auché, Proc. 2014 Fasc. 12 n° 312 obs. H. Croze: application à une déclaration d'appel de la règle selon laquelle l'annulation, par l'effet d'un vice de procédure, de l'acte de saisine de la juridiction interrompt les délais de prescription et de forclusion.

L'interruption de la prescription dure jusqu'à l'extinction de l'instance (art. 2242 C.Civ.) : en fait, l'enrôlement suspend la nouvelle prescription.

Tx.Jurisprudence
Les dispositions générales de l’ex article 2246 C.Civ. (devenu art. 2241 C.Civ) avaient été jugées applicables à tous les délais pour agir et à tous les cas d’incompétence (Mixte 24 nov. 2006, JCP 07 II 10058 note Pétel-Teyssié et JCP 07 I 139 n° 14, obs. Théry RT 07 169 n° 2, obs. Perrot RT 07 175 n°1, D. 07 1112 note Wintgen ; Civ. III, 21/2/07, Proc. 07 n° 103 ; Civ. I, 9/7/09, JCP 09 n° 31-35, 156 - Cass. 3e civ., 2 juin 2010, Proc 2010 n° 310), mais à condition que la citation ait été délivrée dans des conditions exclusives de toute mauvaise foi du demandeur (Civ. II, 16/12/04, JCP 05 II 10073).


L'interruption est toutefois non avenue si le demandeur se désiste de sa demande laisse périmer l'instance, ou si sa demande a été définitivement rejetée par une décision de rejet ayant acquis autorité de chose jugée (article 2243 C.Civ). La jurisprudence retenait aussi cette solution en cas de caducité de la citation. Cette cause d'extinction de l'instance n'est pas visée par l'article 2243 C.Civ. ce qui suscite des commentaires doctrinaux critiques (L. Miniato, La loi du 17 juin 2008 rend-elle caduque la jurisprudence de l'Assemblée Plénière de la Cour de cassation ? D. 08 2952).

Tx.Jurisprudence
En cas de désistement motivé par l'incompétence de la juridiction saisie, il semble possible d'échapper à une irrecevabilité de la demande pour tardiveté, du fait de la disparition de l'effet interruptif, en saisissant la juridiction effectivement compétente avant de se désister (Soc 9/7/08, RT 08 721 n° 2).


Il a été vu par ailleurs que devant le TGI, le TI, le juge de proximité et le tribunal de commerce l'assignation ne produit aucun effet en l'absence d'enrôlement (voir supra B.1).

En savoir plus : Autres hypothèses d'absence d'effet interruptif de l'assignation
Il a été jugé, avant la loi du 17 juin 2008, qu'il n'y avait pas non plus d'effet interruptif en cas :
  • de défaut de pouvoir du juge des référés, saisi sur le fondement de l'article 809 al 2 CPC, car cela constitue une fin de non-recevoir : D 96 som. 354, Rev. Proc. 01 n° 4
  • d'assignation devant une juridiction inexistante : Civ. II, 23/3/00, JCP 00 II 10348, Rev. Proc. 00 n° 141 ; Ass. Plén. 3/4/87, JCP 87 II 20792 concl. Cabannes, RTDC 87 401 obs. R. Perrot.
  • Elle vaut mise en demeure du débiteur (article 1139 C.Civ), ce qui engendre les conséquences suivantes :
    • Elle fait courir les intérêts moratoires (article 1153 C.Civ). En matière de référé-provision, ils courent même dès l'assignation (les autres assignations en référé ne produisent pas cet effet).
    • En matière personnelle, les risques qui pesaient sur le créancier d'un corps certain passent à la charge du débiteur de la délivrance (article 1138 C.Civ).
  • Enfin, la demande rend le droit litigieux ( article 1700 C.Civ).
Pour résister à une demande, le défendeur peut se contenter de se défendre ou décider de contre-attaquer, en formant une demande reconventionnelle. Si l'on peut qualifier de « défenses » tous les moyens lui permettant de réagir contre la demande, nous ne traiterons ici que des défenses en justice stricto sensu, la demande reconventionnelle ayant été présentée auparavant.

Les moyens de défense se divisent en trois catégories : les défenses au fond (A), les exceptions de procédure (B) et les fins de non-recevoir (C) (J. Héron intégrait ces deux dernières catégories dans la notion de "défense procédurale", Héron, par T. Le Bars, op. cit.).
Nous préciserons à chaque fois en quoi consistent ces notions, avant d'en présenter le régime.


Df.La défense au fond consiste en la contestation par le défendeur du droit (subjectif) substantiel revendiqué par le demandeur : il y a négation du droit invoqué au fond.

Ex.Le débiteur affirme par exemple qu'il ne doit plus rien, parce qu'il a déjà remboursé la dette ou car il y a eu compensation avec une autre dette dont le créancier était lui-même débiteur à son égard.


Tx.Jurisprudence
Ass. plén., 22 avr. 2011, JCP 2011 Fasc. 25 n° 715 note Y-M. Serinet : forme une demande reconventionnelle (et non une défense au fond) le cessionnaire qui ne se borne pas à invoquer la nullité d’un protocole mais entend voir tirer les conséquences de cette nullité en sollicitant la remise des parties dans l'état antérieur à la signature de l'acte et la condamnation des demanderesses à lui payer une certaine somme en restitution du prix déjà payé.

En matière de cautionnement :
  • sur la question des voies procédurales (demande reconventionnelle ou défense au fond) ouvertes à la caution qui veut se soustraire à l'action en paiement en invoquant la faute du créancier, , JCP 03 I 128 n° 19 et II 10103.
  • la demande en nullité d'un cautionnement constitue une défense au fond qui peut être soulevée pour la première fois en appel : Civ II, 16 déc. 04, Proc 05 n° 69.
  • Civ. II, 7 juin 07, D. 08 649 : l'arrêt analyse en une défense au fond le fait de « s'en rapporter à la Justice».
Les défenses au fond peuvent être opposées dans un ordre quelconque et en tout état de cause.
En pratique, elles peuvent être soulevées jusqu'à la clôture des débats. Elles peuvent aussi être invoquées devant la Cour de cassation si elles ne constituent pas un moyen nouveau.

Leur accueil ne permet pas de renouveler la demande car le fond du droit a déjà été examiné : il y a autorité de chose jugée (sur celle-ci et ses effets, voir leçon 6).


Df.Selon la définition donnée par l'article 73 CPC, l'exception de procédure vise à contester la procédure suivie, soit en remettant en cause sa régularité, soit en invoquant son extinction ou sa suspension.

Elle constitue en général un obstacle temporaire à l'action, n'affectant pas le droit, même si elle traduit un refus provisoire du débat au fond.

Rappel : depuis la loi du 17 juin 2008, l'interruption de prescription est maintenue en cas de nullité de l'assignation, lorsque la nullité est due à un vice de procédure.

Il existe cinq catégories d'exceptions de procédure :
  • l'exception d'incompétence,
  • l'exception de litispendance,
  • l'exception de connexité.
Ces trois exceptions ont été étudiées dans la leçon 5.
  • les exceptions dilatoires, qui entraînent une suspension légale de l'instance

Ex.Exception de garantie, exception de l'héritier, invocation du bénéfice de discussion ou de division en matière de cautionnement.

  • les exceptions de nullité des actes de procédure, pour vice de forme ou irrégularité de fond (les exceptions de nullité seront envisagées dans la leçon 11).


Rq.Attention, certains moyens de défense qualifiés « d'exceptions » sont en réalité des fins de non-recevoir (exception de chose jugée) ou des défenses au fond (exception de compensation, visant à faire constater une compensation légale).


Tx.Jurisprudence
Cass. civ. III, 16 mars 2010, RT 2010 p. 374 obs R. Perrot : constitue une défense au fond et non une exception de procédure un moyen de défense fondé sur un vice du consentement, c'est-à-dire un vice concernant le negotium.


Rq.La demande de compensation judiciaire constitue quant à elle une demande reconventionnelle.

Les exceptions de procédure font l'objet d'un régime rigoureux car elles conduisent à différer la solution du litige, et il faut donc éviter qu'elles ne soient utilisées à des fins abusives ou dilatoires. Aux termes de l'article 74 CPC elles doivent, à peine d'irrecevabilité (prononcée d'office : Civ 2ème, 29 oct. 86, D 87 som. 229 Julien), être invoquées :
  • simultanément
Tx.Jurisprudence
Cass. 1re civ., 14 mai 2014, Proc. 2014 fasc. 7 n° 198, obs. R. Perrot et n° 206 obs. L. Weiller : La demande de sursis à statuer formée en défense est une exception de procédure, qui doit, à peine d'irrecevabilité, être soulevée simultanément avec les autres exceptions.
  • et « in limine litis ».

Df.L'expression « invocation in limine litis » signifie qu'elles doivent être présentées au début du litige, ou plus précisément avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, même si elles sont d'ordre public.


Tx.Jurisprudence
  • Les exceptions peuvent être invoquées dans les mêmes conclusions que les défenses au fond et fins de non-recevoir mais à condition de respecter la chronologie (!) : Civ II, 8/7/04, D 04 2610 note Beignier, Proc. 04 n° 199, JCP 04 II 10176 note Croze, obs. Perrot RTDCiv 05 181.
  • Un défendeur n'engage pas un débat sur le fond s'il se borne à exposer des faits sans en tirer aucune conséquence (Civ. I, 8 juill. 2010, Proc. 2010, Fasc. 10, n° 337, obs. Roger Perrot ).
  • L'invocation de l'art 47 CPC ne permet pas, en application de l'art 74 CPC, de soulever ensuite une exception d'incompétence (Civ. II, 26 juin 2014, JCP 2014 fasc. 40 n° 985 note D. Cholet, Fasc. 48 n° 1232 obs. Y-M Serinet).


Les exceptions à ces deux règles sont en réalité nombreuses.
  • Exceptions au principe d'invocation « in limine litis » : l'invocation des nullités pour vice de forme peut se faire au fur et à mesure de leur naissance (article 112 CPC). Les exceptions de connexité et de nullité pour irrégularité de fond peuvent être soulevées en tout état de cause. Toutefois si elles ont été soulevées tardivement dans une intention dilatoire, les premières peuvent être écartées (article 103 CPC) et les secondes justifier une condamnation à dommages-intérêts (article 118 CPC).

Tx.Jurisprudence
  • Une exception de nullité présentée « in limine litis » en première instance peut être reprise en appel jusqu'aux dernières conclusions (Civ II, 8 fév. 01, Rev. Proc. 01 n° 119, JCP 01 II 10633).

  • En vertu de l'art. 74 CPC, la demande de sursis dans l'attente de la décision de la juridiction administrative doit, à peine d'irrecevabilité, être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public. En revanche, la demande de saisine de la Cour de Justice tendant au renvoi de l'affaire pour interprétation des textes communautaires en vertu de l'article 234 du Traité CE, peut être présentée en tout état de cause et même à titre subsidiaire (Civ. II, 18 déc. 2008, JCP 08 II 10048).
  • Exception au principe de simultanéité : l'héritier, qui bénéficie d'un délai de 4 mois pour faire inventaire avant d'exercer son option successorale, peut, dans un premier temps, se contenter d'invoquer l'exception dilatoire dont il bénéficie (article 111 CPC).






Df.Les fins de non-recevoir entraînent un rejet de la demande par irrecevabilité, sans examen du fond du droit.


On dit souvent qu'elles possèdent une nature hybride : elles produisent comme les défenses au fond un effet définitif, et cela sans qu'il y ait débat au fond, comme pour les exceptions de procédure. En l'occurrence, leur accueil signifie la négation du droit d'action (Perdriau, Une action peut-elle être déclarée à la fois irrecevable et mal fondée ?, JCP 98 I 162). Une demande ultérieure pourrait néanmoins être intentée avec succès en cas de levée de l'obstacle.
Plusieurs fins de non-recevoir sont énoncées par l'article 122 CPC :
  • le défaut d'intérêt,
  • le défaut de qualité,
  • la prescription,
  • le délai préfix,
  • la chose jugée.
Cette liste n'a jamais été considérée comme exhaustive et d'autres exemples existent ou ont existé, notamment en droit de la famille : réconciliation en matière de divorce, fins de non-recevoir en matière de filiation.


La doctrine considère que les fins de non-recevoir peuvent constituer un instrument de politique législative : elles sanctionnent des règles dont le législateur entend faire des conditions du droit de présenter une demande (J. Héron) et traduisent parfois un refus d'accorder le droit d'agir (L. Cadiet).
 
Tx.Exemples de fins de non-recevoir consacrées par la jurisprudence :
  • Cass. 1re civ., 13 nov. 2014, JCP 2015, Fasc. 4 n° 49 note M. Douchy-Oudot : l'action tendant à la reconnaissance d'une ascendance génétique par voie d'expertise, lorsque celle-ci nécessite une exhumation, n'est recevable qu'en présence d'une mise en cause des ayants droit du défunt. En matière d'état des personnes, cette fin de non-recevoir est d'ordre public et doit être soulevée d'office par le juge.
  • Clause prévoyant un préalable de conciliation ou médiation (Clause de conciliation : Mixte 14 fév. 03, JCP 03 I 128 obs. Cadiet, RT 03 349 obs. Perrot, JCP 03 I 164 n° 3-9 obs. Seraglini, D 03 som.com. 2480 ; Civ I, 6/5/03, JCP 04 II 10021 note Colson ; Com 17/6/03, Rev. Proc. 03 n° 213, RT 04 136 - Clause de médiation : Civ. I, 8/4/09, JCP 09 F 26 n° 43, F 43 N° 369 § 9, F. 47 n° 462 §9 ; D 09 1284, Proc. 09 n° 203). Cette clause suspend jusqu'à son issue le cours de la prescription (Civ I, 27 janvier 04, Proc. 04 n° 47). Elle peut être invoquée pour la première fois en appel (Com 22/2/05, Proc 05 n° 120, RT 05 450). En cas d'échec de la tentative postérieure de conciliation, il y a privation d'autorité de chose jugée de l'arrêt retenant la fin de non-recevoir (Civ II, 21/4/05, JCP 05 II 10153, Proc 05 n° 267). La clause contractuelle prévoyant une tentative de règlement amiable non assortie de conditions particulières de mise en œuvre ne constitue toutefois pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s'imposant à celui-ci (Com 29/4/2014, JCP 2014 Fasc. 21 n° 607 note O. Sabard). Il a par ailleurs été jugé récemment que la fin de non-recevoir tirée de l'absence de mise en œuvre d'une clause de conciliation n'est pas régularisable en cours d'instance (Mixte 12 déc. 2014, JCP 2014 Fasc. 52 n° 1328 obs. G. Deharo, ibid. 2015 Fasc. 5 n° 115 note N. Dissaux, D. 2015. 298 note C. Boillot ; ibid. 287, obs. N. Fricero, RT 2015 187 obs. P. Théry : solution constituant un revirement de jurisprudence). T. Amico et V. Mramzine, Les conséquences pratiques de la jp visant les clauses de conciliation, JCP 2015 Fasc. 10 n° 309.
  • Clause prévoyant un recours préalable à expertise : fin de non-recevoir pouvant être proposée en tout état de cause, y compris en appel (Com., 22 oct. 2012, Proc 2013 Fasc. 1 n° 3 obs. R. Perrot).
  • Immunité de juridiction d'un Etat étranger (Civ I, 27/4/04, RT 04 769 n° 2). Soc 31/3/09, JCP 09 II 10097 : cette immunité n'existe qu'à condition que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces Etats et ne constitue pas un acte de gestion (cas d'un licenciement économique, suite à la fermeture d'un consulat). Dans le même sens, la Cour EDH estime que l'application du principe de l'immunité juridictionnelle de l'État viole le droit d'accès à un tribunal lorsque sont en cause des procédures relatives à des contrats de travail (Cour EDH, 18 janv. 2011, Guadagnino c/ Italie et France ; Cour EDH, 29 juin 2011, Sabeh El Leil c/ France , JCP 2011 actu 874 obs. K. Grabarczyk, JCP 2011 Fasc. 35, n° 940 obs. F. Sudre).
  • Invocation par les (seules) cautions de la suspension des actions à leur encontre, en cas d'ouverture d'un redressement judiciaire, et ce, jusqu'au jugement prononçant la liquidation judiciaire ou arrêtant un plan de redressement (Mixte, 16 nov. 07, Proc 08 n° 187 obs. Rolland, D. 07 3009 obs. Lienhard; JCP 08 II 10019 note Salati).
  • La seule circonstance qu'une partie se contredise au détriment d'autrui (estoppel ou principe de cohérence : attitude initiale d'une partie conduisant une autre personne à modifier en conséquence sa position, la première contredisant ensuite l'apparence ou la représentation trompeuse qu'elle avait initialement créée) n'emporte pas nécessairement fin de non-recevoir (Ass. Plén, 27 fév. 09, JCP 09 II 10073, note P. Callé, D. 09 723 obs. Delpech et 1245 note Houtcieff). A contrario, cela signifie qu'il peut y avoir fin de non-recevoir mais que la Cour entend se réserver le contrôle des conditions d'appréciation de l'estoppel. En l'occurrence, la chambre commerciale, dans un arrêt du 20 sept. 2011, a, pour la première fois, écarté une fin de non-recevoir en visant le principe général de droit selon lequel « nul ne peut se contredire au détriment d'autrui » (Com, 20 sept. 2011, D. 2011 2345, RT 2011 760 obs. B. Fages; V. aussi Com 3 juillet 2012, note S. Pierre-Maurice, D. 2012 2942). Pour l'instant la jurisprudence apparaît contradictoire sur la question de l'élément intentionnel (Civ. I 24 sept. 2014 Fasc. 45 n° 1141 note D. Houtcieff, JCP 2014 fasc. 48 n° 1232 obs. Y-M Serinet). G. Bolard, Le droit de se contredire au détriment d'autrui, JCP 2015 Fasc. 6 n° 146.
 

On a pu parfois constater en jurisprudence un problème de distinction avec les nullités pour vice de fond ou de forme, justifié par la plus ou moins grande rigueur de leurs régimes respectifs (voir la leçon 11).

Les fins de non-recevoir peuvent être invoquées en tout état de cause, sans avoir à justifier d'un texte, ni d'un grief.
Tx.Jurisprudence
Par suite, il n'est pas possible d'opposer l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui en cas d'invocation, pour la première fois en appel, d'un défaut de qualité pour agir (Civ. II, 14 nov. 2013, D. 2014 571 §9).
Leur invocation tardive à des fins dilatoires peut cependant justifier une condamnation à des dommages-intérêts (article 123 CPC)(Civ. II, 14 nov. 2013, Proc 2014 n° 1 obs. R. Perrot).

Le juge a l'obligation de relever d'office les fins de non-recevoir d'ordre public, à condition de respecter le contradictoire (l'obligation implique néanmoins que le plaideur ait invoqué les faits propres à caractériser la fin de non-recevoir d'ordre public : Civ. I, 18/9/08, Proc. 08 n° 324 - N. Monachon Duchêne, L'ordre public au risque de l'impartialité, JCP 2015 Fasc. 28 n° 819).

Tx.Jurisprudence
Com., 31 mars 2015, Proc. 2015 Fasc. 6 n° 184 obs. Y. Strickler : il appartient au juge de relever la fin de non-recevoir tirée de l'inobservation de la règle d'ordre public investissant la cour d'appel de Paris du pouvoir juridictionnel exclusif de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'art L 442-6 CCom.

Dans ce cadre, le juge doit soulever d'office la fin de non recevoir tirée du non-respect du délai des voies de recours ou de l'absence de voie de recours.

Il peut aussi, mais cette fois il s'agit d'une simple faculté, relever la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir (risque de dilatoire) et, depuis le décret du 20/8/04, du défaut de qualité ou de la chose jugée (Civ II, 15/9/05, Proc 05 n° 248, RT 05 824 - Auparavant, le juge ne pouvait soulever d'office le défaut de qualité, sauf si l'ordre public était concerné).

Les fins de non-recevoir peuvent donner lieu à régularisation si celle-ci intervient avant que le juge ne statue (sur la controverse pour savoir s'il s'agit de la clôture des débats ou de l'instruction, voir RTDC 98 740 obs. R. Perrot ou, en cas de défaut de qualité, d'acquisition de celle-ci avant qu'il n'y ait forclusion). Il est logique qu'aucune régularisation ne soit envisageable quand un délai est en cause. En outre, selon l'art. 126 CPC, la régularisation est encore possible en appel (Civ. II, 9/6/06, RT 05 632 : régularisation du défaut de qualité et incidences sur la prescription ; Civ. II, 12 juin 08, Proc 08 n° 260).

Tx.Jurisprudence
Com 6 déc. 05, RT 06 604 n°3 : selon l'arrêt, l'existence du droit d'agir, par exemple la recevabilité d'une demande, au regard notamment de la qualité et de l'intérêt pour agir, s'apprécie à la date de la demande introductive d'instance et ne peut être remise en cause par l'effet de circonstances postérieures. En sens contraire relevant une disparition de la qualité et de l'intérêt d'un coloti suite à la cession de son lot en cours de procédure : Civ. III, 4 déc. 07, RT 08 545 n° 3.


Le juge doit logiquement examiner les fins de non-recevoir en premier, avant les exceptions de procédure et les défenses au fond. Cela expliquait selon J. Héron, l'existence de fins de non-recevoir par détermination de la loi pour des interdits relevant plus du droit substantiel (parallèle avec la défense au fond) que de la procédure.


Section 2. Classifications des actions en justice

Bien qu'elles soient très diverses, les actions sont qualifiées d'actions réelles, personnelles ou mixtes, d'actions mobilières ou immobilières. Ces classifications constituent une transposition des classifications des droits subjectifs que les actions sont destinées à sanctionner, même si nous avons vu qu'il y a indépendance entre le droit substantiel et l'action (voir leçon 7).
La classification des actions encourt donc les mêmes reproches que la classification traditionnelle des droits : elle n'englobe pas les actions relatives à l'état des personnes et les actions extra-patrimoniales (sauf à les assimiler aux actions personnelles), ni les actions relatives aux droits intellectuels.

La distinction, qui n'intéresse que les droits patrimoniaux, est fondée sur la nature réelle, personnelle ou mixte du droit à sanctionner. Son principal intérêt touche à la détermination de la compétence territoriale.

Elles sanctionnent un droit réel, principal ou accessoire, et sont de ce fait en nombre limité, comme les droits réels.

Ex.Action en revendication de propriété, action confessoire ou négatoire d'une servitude, action en matière d'usufruit, d'hypothèque, de gage, action en matière de bail à construction, de concession immobilière, en bornage. A noter : le contrat de promotion immobilière et le bail rural ne confèrent pas de droit réel. Il existe par ailleurs des controverses doctrinales quant au droit de rétention et à la multipropriété.

Ces actions peuvent être intentées contre tout détenteur de la chose par ceux qui se prétendent titulaires d'un droit sur celle-ci. En matière mobilière, le jeu de l'art. 2276 C.Civ. peut faire obstacle à cette règle.
Ces actions sanctionnent un droit personnel (droit de créance) d'origine contractuelle ou extra-contractuelle, d'où leur multiplicité, comme celle des droits personnels.

Ex.Action en paiement, action du preneur à bail, actions en nullité, rescision, résolution et révocation.

Elles relèvent de la compétence de la juridiction du lieu où demeure le défendeur et ne peuvent être intentées que contre les sujets passifs de l'obligation : elles sont en principe exercées par le créancier et ses ayants-cause contre le seul débiteur ou ses ayants-cause (il y a transposition de la règle de l'effet relatif des contrats).

Df.On parle d'action mixte quand, pour une même opération juridique, sont discutés à la fois un droit réel et un droit personnel, soit simultanément, soit successivement.

Constituent des actions mixtes toutes les actions visant à obtenir l'exécution, l'annulation, la résolution, la rescision... d'un acte créant ou transférant un droit réel immobilier.

Ex.Action en délivrance d'un bien dont la propriété a été transférée par contrat, demande en résolution pour non-paiement, action en partage (il existe une controverse quant à la qualification de cette action).


En matière de compétence territoriale, cette mixité a pour effet de laisser le choix au demandeur : il peut privilégier le caractère réel ou le caractère personnel de l'action.
Cette distinction s'appuie sur l'objet du droit sanctionné par l'action, et sa nature mobilière ou immobilière.

Rq.Attention : Une obligation de faire relative à un immeuble est sanctionnée par une action mobilière car les actions immobilières assurent la protection d'un droit portant directement sur un immeuble (action en revendication d'un immeuble). En effet, le code contient une liste limitative des biens immobiliers et les obligations de faire ou de ne pas faire sont mobilières même si elles sont relatives à des immeubles, à la différence des obligations de donner.

Cette classification, qui ne présentait guère d'intérêt qu'en matière de compétence, d'attribution ou territoriale, des juridictions a vu sa portée restreinte davantage encore par: auparavant, il y avait compétence exclusive du TGI en matière pétitoire, et du TI en matière possessoire, les actions possessoires constituant une sous-catégorie des actions immobilières. La loi de 2005 avait donné compétence au seul TGI dans les deux cas.
Depuis, la loi du 16 février 2015 a supprimé les actions possessoires (voir infra).

Cette classification a toutefois une incidence en matière de capacité et de pouvoir lorsqu'est en cause la distinction entre actes d'administration et de disposition : la personne investie seulement d'un mandat d'administration doit justifier d'un pouvoir spécial pour pouvoir exercer une action immobilière.


Par ailleurs, les deux classifications fondées sur la nature et l'objet du droit à sanctionner se combinent entre elles :
  • Les actions réelles mobilières : Elles visent à revendiquer un droit réel portant sur un bien meuble et relèvent de la compétence de la juridiction du lieu où demeure le défendeur. De telles actions sont rares du fait du jeu de l'article 2276 C. civ.

  • Les actions réelles immobilières : En font notamment partie les actions en revendication d'immeubles, pour lesquelles la juridiction compétente est la juridiction du lieu de situation de l'immeuble.

  • Les actions personnelles mobilières : Fréquentes, elles tendent à sanctionner un droit de créance ayant pour objet un bien meuble.

  • Les actions personnelles immobilières : Mettant en cause l'obligation de transférer la propriété d'un immeuble, ces actions sont rares car l'échange des consentements suffit en général à réaliser ce transfert (article 1138 C. civ). Cette situation pourrait toutefois se rencontrer pour des immeubles en construction, si les lots n'étaient pas individualisés à l'origine, ou encore en cas de terme suspensif lié à l'obligation de réitérer un compromis de vente par acte authentique.
Cette classification constituait une subdivision des actions réelles immobilières.

  • Les actions pétitoires sanctionnent un droit réel immobilier, soit le droit de propriété et ses démembrements (action confessoire ou négatoire du droit). Elles relèvent en principe de la compétence exclusive du TGI du lieu de situation de l'immeuble. Le TI est cependant compétent en matière d'actions en bornage et il peut aussi connaître, à l'occasion de l'examen d'exceptions ou de moyens de défense, et à charge d'appel, de questions de nature pétitoire ou possessoire (article. R 321-22 C.O.J.)(Civ III, 18 déc. 02, Proc. 03 n° 92).
 
  • Les actions possessoires garantissaient les situations de possession ou de détention immobilière contre tout trouble les affectant ou les menaçant, sans avoir égard au fond du droit (article 2278 C.Civ).
Comme le fait correspond souvent au droit, la protection possessoire réalise une protection indirecte de la propriété... et de la paix publique (Ihering considérait la possession comme le bastion avancé de la propriété). Protéger le possesseur aboutit à présumer protéger un droit légitime. Les actions possessoires faisaient l'objet d'un régime particulier et il existait en particulier un principe de non cumul du pétitoire et du possessoire (voir infra : en savoir plus).

La loi n°2005-177 du 16 février 2015 a abrogé l'article 2279 du Code civil qui constituait le fondement législatif des actions possessoires et renvoyait au Code de procédure civile quant à leurs conditions de mise en oeuvre. Ces actions, au régime complexe, étaient en pratique très peu utilisées.

En revanche la protection possessoire, prévue par l'article 2278 C.Civ., est quant à elle maintenue. Elle pourra être mise en oeuvre notamment par le biais d'actions en référé, qui en pratique concurrençaient déjà certaines actions possessoires. Comme auparavant, en bénéficieront tant le possesseur que le détenteur (ex : locataire, fermier) (articles 2278 C.Civ ), ce dernier ne pouvant toutefois agir contre celui de qui il tient ses droits (le locataire contre le bailleur) : dans ce cas son action est de nature contractuelle.
La protection possessoire ne joue que pour les biens immobiliers. Il peut s'agir d'immeubles par nature, par destination ou de meubles par anticipation. En sont exclus les biens du domaine public et les servitudes discontinues ou non apparentes, qui ne peuvent s'acquérir par prescription.

H. Perinet-Marquet, La fin des actions possessoires, chronique d'une mort annoncée, JCP 2015 Fasc. 9 n° 244


En savoir plus : Les actions possessoires

a) Typologie 
Trois actions existaient :

La complainteLa dénonciation de nouvel oeuvreLa réintégrande (ou réintégration)
Invocation d'un trouble actuel, de fait ou de droit, s'analysant comme la manifestation d'une prétention sur le fond contredisant la possession.
Exemple : venir chercher de la terre sur un terrain ou invoquer une servitude.
Invocation d'un trouble éventuel
Exemple : projet de travaux d'un voisin dont il résultera un trouble possessoire, atteinte à une servitude de vue.
Elle est en général considérée comme une action préventive mais Loïc Cadiet estime qu'elle a plutôt une nature conservatoire.
Invocation d'un trouble réalisé, constituant une dépossession brutale et violente, constitutive d'une voie de fait attentatoire à l'ordre public.


b) Régime des actions possessoires
Les actions possessoires permettaient de défendre la propriété, ses démembrements, la copropriété.
Elles pouvaient être intentées aussi bien pour des troubles de fait que de droit, mais il fallait que la possession ou la détention soient paisibles et existent depuis au moins un an. Ce délai n'était pas exigé pour la réintégrande (article 1264 CPC).
Elles devaient être exercées dans l'année du trouble ou de la dépossession, à peine d'irrecevabilité soulevée d'office par le juge.
Il suffisait pour les exercer d'être capable et de pouvoir accomplir des actes conservatoires ou d'administration car la discussion ne s'engageait pas sur le fond du droit.
L'appel était toujours possible s'agissant d'une demande indéterminée (voir leçon 4).

Enfin, un principe de non-cumul du pétitoire et du possessoire s'imposait au juge et aux parties (article 1265 CPC).
Les conséquences de la règle de non-cumul étaient les suivantes :
  • possessoire et pétitoire ne pouvaient être jugés au cours d'une même instance :
  • le juge du possessoire ne devait en aucun cas aborder le pétitoire, dans l'administration de la preuve, le dispositif du jugement, directement ou indirectement (article 1265 CPC). Il pouvait toutefois examiner les titres afin de vérifier si les conditions de la protection possessoire étaient réunies (Civ III, 30/9/98, Rev. Proc. 99 n° 9)
  • la chose jugée au possessoire n'avait pas autorité au pétitoire :
  • il n'était plus possible d'agir au possessoire si l'action avait été engagée à tort au pétitoire, même en cas d'incompétence du juge saisi ou de nullité de l'assignation (article 1266 CPC) ;
  • le défendeur au possessoire ne pouvait agir au fond qu'après avoir mis fin au trouble.

Depuis la loi du 26 janvier 2005, les actions possessoires, qui relevaient auparavant de la compétence exclusive du tribunal d’instance, avait été transférées au TGI. Par suite, la règle du non-cumul avait déjà pedu de l'intérêt, puisque le TGI étant désormais compétent à la fois au possessoire et au pétitoire. La jurisprudenceavait renforcé ces interrogations (admission du réréfé, affirmation que l'action pétitoire engagée postérieurement à l'action possessoire rendait celle-ci sans objet lorsqu'elle tendait aux mêmes fins (Civ. III, 6 janv. 2010, Proc. 2010, n° 186, obs. J. Junillon). 

La suppression des actions possessoires, suggérée par le rapport Guinchard et annoncée depuis un moment, vient mettre un terme au débat.


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