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Droit judiciaire privé : La compétence

Section 1. L'aménagement des principes de compétence

Un aménagement des règles de compétence apparaît nécessaire ne serait-ce qu'en raison de la complexité de certains procès, pour éviter leur morcellement. L'extension des pouvoirs du juge se manifeste par une autorisation des textes (§1) ou une prorogation volontaire de compétence (§2). La première possibilité est envisagée plus favorablement par le Code de procédure civile.

  • Prorogation légale ou judiciaire de compétence
    Une juridiction saisie d'une demande initiale relevant de sa compétence bénéficie en général d'une extension de compétence lui permettant d'examiner une demande incidente ou un moyen de défense relevant de la compétence d'une autre juridiction. On parle dans ce cas de prorogation légale de compétence.

    Il y a également extension de compétence lorsqu'un juge renvoie un litige à une juridiction normalement incompétente pour en connaître (renvoi après cassation, renvoi pour cause de suspicion légitime, litispendance et connexité) : il s'agit ici d'une prorogation judiciaire de compétence, mais dans un cas autorisé par la loi.

  • Prorogation conventionnelle ou volontaire de compétence :
    Ces qualifications mettent en cause la possibilité pour les plaideurs de soumettre un litige à un autre juge que celui prévu par les textes. La prorogation est qualifiée de conventionnelle lorsqu'elle résulte d'un accord exprès des parties. Elle est dite volontaire en cas d'acceptation tacite des parties, la compétence n'étant pas contestée.

La question est celle du lien plus ou moins étroit existant entre les différentes questions soumises à une juridiction. Le droit apparaît plus libéral en matière de défenses et d'incidents d'instance, qu'en matière de demandes incidentes.

Il existe en la matière un principe, assorti de limites.


Le principe est que « le juge de l'action est juge de l'exception » (art 49 CPC).
Le juge compétent pour examiner une demande l'est aussi pour connaître des « exceptions » au sens large opposées à celle-ci.
Ce pouvoir attractif de la demande permet d'éviter les lenteurs et les contrariétés de décisions. La règle s'applique à toutes les défenses procédurales et aux défenses au fond relevant du droit substantiel afin d'éviter un morcellement du procès. Elle vaut même en cas de nécessité d'interprétation préalable d'un contrat.
L'article 49 CPC
joue aussi bien pour la compétence d'attribution que la compétence territoriale, et qu'il s'agisse d'une juridiction de droit commun ou spécialisée.

Ex.Le tribunal d'instance peut ainsi être amené à connaître, à titre exceptionnel, d'une question de nature pétitoire ou possessoire (art R 321-22 al. 2 C.O.J.)

Tx.Jurisprudence
Cass. soc., 8 févr. 2012, Proc. 2012 Fasc. 4 n° 105 obs. R. Perrot : Le tribunal d'instance, juge de l'action, étant compétent en dernier ressort pour apprécier si le demandeur remplissait les conditions nécessaires pour être électeur, l'était également pour déterminer, par voie d'exception, l'existence à cette date du contrat de travail de l'intéressé - Civ. I, 20 mars 2013, JCP 2013 actu 366 obs. G. Deharo  et Fasc 47 n° 1225 obs. Y-M Serinet.

L'article 49 CPC ne s'applique pas lorsqu'est en cause la compétence exclusive d'une autre juridiction.

Cette hypothèse correspond à l'existence d'une question préjudicielle (art 49 CPC) : le juge saisi doit renvoyer cette question préjudicielle à l'examen de la juridiction compétente pour la trancher, surseoir à statuer en attendant la réponse, puis intégrer celle-ci, sans pouvoir d'appréciation, dans sa propre décision.

Il existe des questions préjudicielles générales, mettant en cause la compétence d'un autre ordre de juridiction et des questions préjudicielles spéciales, internes à un ordre donné, soit dans notre cas l'ordre judiciaire.

Cette qualification fait référence à la compétence d'un autre " ordre " de juridiction.
  • Question préjudicielle administrative : elle met en cause la séparation des pouvoirs.
    Jusqu'en 2015 elle se posait uniquement lorsqu'était nécessaire l'interprétation d'actes administratifs individuels ou l'appréciation générale de la légalité d'actes administratifs. La jurisprudence a imposé que l'exception présente un caractère sérieux et que la question soit indispensable à la solution du litige civil.

    Rq.Toutefois, le Tribunal des conflits a décidé récemment que lorsqu’est en cause une norme européenne, afin de respecter le délai raisonnable des procédures et le principe de primauté et d’effectivité du droit de l’Union, le juge judiciaire peut poser directement une question préjudicielle à la CJUE ou appliquer l'acte s'il s'estime en état de le faire alors même qu'un acte administratif serait incidemment en cause (T. Confl., 17 oct. 2011, n° 3828 et n° 3808: JCP A 2011 act 62, obs. J.-G. Sorbara ; JCP 2011 F. 51 n° 1423, note B. Plessix ; AJDA 2011, p. 2041, obs. R. Grand : compétence incidente par voie d’exception, D. 2011 3046 note F. Donnat).

    Le décret du 27 fév. 2015, pris pour l'application de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative au Tribunal des conflits, a institué par ailleurs une procédure de questions préjudicielles entre les deux ordres (S. Hutier, Vers un renouveau des questions préjudicielles, Proc. 2015 Fasc. 9 alerte 34). Est visée l'hypothèse où la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse relevant de la compétence de l'autre ordre (art 49 CPC et art. R 771-2 CJA). Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er avril 2015.

  • Question préjudicielle pénale : cette question préjudicielle intervient dans les cas où l'action publique n'a pas été engagée mais pourrait l'être sur le fondement des faits invoqués. En pratique, le sursis à statuer des juridictions civiles était moins lié à cette question préjudicielle qu'à la règle " le criminel tient le civil en l'état " qui imposait auparavant un sursis à statuer, afin d'éviter une contrariété de décisions quand l'action publique était engagée. Désormais il n'y a plus obligation, mais simple faculté de surseoir, laissée à l'appréciation du juge civil.

En savoir plus

L'ancien article 4 CPP obligeait le juge à surseoir à statuer en vertu de la règle « le criminel tient le civil en l'état ». La loi n°2007-291 du 5 mars 2007 a modifié cet article qui dispose désormais : « La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil ».

Toute la jurisprudence antérieure en la matière a été remise en question et les juridictions civiles disposent désormais du pouvoir d'apprécier s'il est opportun ou non de surseoir à statuer dans le cadre du litige civil qui leur est soumis (Com 24/6/08, Proc 08 n° 230). La cour de cassation a précisé que la règle ne s'applique pas devant le juge des référés (Cass. Civ. III, 7/1/09, D. 09 567, Proc 09 n° 76), RT 09 168 n° 5) et n'inclut pas une ordonnance de validation d'une composition pénale (Soc. 13/1/09, JCP O0 actu n° 65, D. 09 709).

Dans un autre registre, s'agissant de la règle de l'autorité au civil de la chose jugée au pénal, la Chambre mixte de la Cour de cassation a indiqué que cette autorité absolue et erga omnes se limite aux décisions statuant au fond sur l'action publique (Mixte, 10 oct. 2008, JCP 08 II 10199).

  • Questions préjudicielles communautaires: la Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer à titre préjudiciel sur l'interprétation du droit de l'Union européenne et sur la validité des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union. Suite à l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, cette compétence générale lui est conférée par les articles 19 § 3 du traité sur l'Union européenne (TUE) et 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Par ailleurs, aux termes de l'article 256 § 3 du TFUE, le Tribunal serait compétent pour connaître des questions préjudicielles soumises au titre de l'article 267 dans des matières spécifiques déterminées par le statut, mais celui-ci n'ayant pas été modifié en ce sens, la CJUE reste à ce jour seule compétente pour statuer à titre préjudiciel.

Après une première note informative en 2009, la CJUE vient de diffuser de nouvelles recommandations à l'intention des juridictions nationales en matière de renvois préjudiciels (JOUE n° C 338, 6 nov. 2012, p. 1, Proc 2013 Fasc. 3 n° 74 obs. C. Nourrissat). Le renvoi ne peut émaner que d'une juridiction. Il peut avoir lieu d'office mais n'est obligatoire que si la décision n'est pas susceptible de recours interne, pourvoi inclus. A des fins d'efficacité, l'interprétation donnée par la CJUE s'impose dans tous les Etats membres. De même, pour éviter les recours à répétition, son encombrement, et les procédures dilatoires, la CJUE a assortit sa saisine de plusieurs conditions : il est nécessaire que la disposition soumise à interprétation ne soit pas claire et précise, notamment au regard de l'interprétation acquise du droit communautaire, et qu'elle n'ait pas déjà été interprétée par la CJUE. Il n'y a pas non plus lieu à saisine lorsque la réponse n'aurait en toute hypothèse aucune influence sur la solution du litige. Enfin, pour être recevable la question préjudicielle doit apparaître pertinente, c'est-à-dire suffisamment précise d'un point de vue factuel et juridique, pour permettre une interprétation utile du droit communautaire (CJCE 26/1 et 19 mars 93, D 93 464 note crit Fourgoux, Bergerès D 93 chr 245 - CJCE, 21/1/03, Proc 03 n° 66).
 


Tx.Jurisprudence
  • En vertu de l'art. 74 CPC, la demande de sursis dans l'attente de la décision de la juridiction administrative doit, à peine d'irrecevabilité être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public. En revanche, la demande de saisine de la Cour de Justice tendant au renvoi de l'affaire pour interprétation des textes communautaires en vertu de l'article 234 du Traité CE, peut être présentée en tout état de cause et même à titre subsidiaire (Civ. II, 18 déc. 2008, JCP 09 II 10048, Proc 09 n° 75, D. 09 761).
  • Absence de contrôle par la Cour EDH du refus de renvoi préjudiciel devant la CJUE de la part des juridictions suprêmes nationales : Cour EDH, 20 sept. 2011, Ullens de Schooten et Rezabek c/ Belgique, JCP 2011 Fasc. 49 n° 1369, note L. Milano. En revanche, dans un arrêt du 8 avril 2014 la cour EDH a rappelé que l'article 6, paragraphe 1, met à la charge des juridictions internes une obligation de motiver au regard du droit applicable les décisions par lesquelles elles refusent de poser une question préjudicielle (Cour EDH, 2e sect., 8 avr. 2014, Proc 2014 Fasc. 6 n° 174  obs.  N. Fricero). Dans le cadre spécifique de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union (TFUE), cela signifie que les juridictions nationales doivent indiquer les raisons pour lesquelles elles considèrent que la question n'est pas pertinente, ou que la disposition de droit de l'Union européenne en cause a déjà fait l'objet d'une interprétation de la part de la CJUE, ou encore que l'application correcte du droit de l'Union européenne s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable.


Rq.La question préjudicielle diplomatique :
Cette question préjudicielle n'existe plus en droit judiciaire privé.
Auparavant l'interprétation des traités, problème de droit international public, était considérée comme relevant de la compétence du Ministre des affaires étrangères. Le Conseil d'Etat s'était néanmoins reconnu, à certaines conditions, le pouvoir d'interpréter les traités (CE 29 juin 90 Gisti, D 90 560 Sabourin Lebon p 171). La Cour de cassation l'avait suivi dans cette voie, s'estimant compétente sans réserve (Civ I, 19/1/95, RCDIP 96 469). Cette question préjudicielle avait par ailleurs été jugée attentatoire à l'art 6§1 de la Convention EDH, notamment en ce qu'elle obligeait le juge à suivre l'avis ministériel (Cour EDH, 13 fév. 03, Chevrol/France, D. 03 931, JCP 03 I 160 n°4 obs. Sudre ; Cour EDH, 24 nov. 94, Beaumartin/France, JCP 95 I 3823 n° 25, note Sudre).
La question préjudicielle spéciale met en cause la compétence exclusive, matérielle ou territoriale, d'une autre juridiction.

Ex.
  • Le TGI a par exemple compétence exclusive en matière d'état des personnes, de propriété immobilière (par dérogation, le TI peut connaître des moyens de défense impliquant l'examen d'une question de nature pétitoire), de nationalité, de brevets.
  • Le tribunal de commerce avait compétence exclusive pour les procédures collectives relevant de la loi du 25 janvier 85. Compétence est désormais dévolue à certains TGI s'agissant de la Loi Sauvegarde des Entreprises du 26 juillet 2005 (décret n° 2005-1756 du 30 déc. 2005).
  • Toutes les questions relevant du Conseil de prud'hommes constituent des compétences exclusives (art L 1411 C.Trav.).

S'agissant des juridictions spécialisées, les compétences d'ordre public insusceptibles de faire l'objet d'une prorogation conventionnelle (voir infra, n° 2. s.), ne sont pas pour autant des compétences exclusives interdisant une extension de compétence aux questions accessoires. La compétence exclusive est nécessairement d'ordre public, mais toute compétence d'ordre public n'est pas forcément exclusive : l'exclusivité correspond en quelque sorte à un ordre public renforcé.

Tableau Récapitulatif : typologie des questions préjudicielles


Questions préjudicielles générales

Questions préjudicielles spéciales

Compétence d'un autre "ordre" de juridiction :
  • Question préjudicielle administrative

  • Question préjudicielle pénale

  • Questions préjudicielles communautaires
Compétence, d'attribution ou territoriale, exclusive d'une autre juridiction civile.


Les incidents d'instance sont des contestations annexes survenant au cours du procès : mise en cause de la responsabilité d'un auxiliaire de justice, contestation de la validité d'un écrit....
Toutes les juridictions sont en principe habilitées à les trancher (art 50 CPC).
Ces demandes présentent des liens plus ténus avec la demande initiale et conduisent souvent à un élargissement du débat. Des liens de connexité ou d'indivisibilité peuvent ainsi justifier une extension de compétence, même au-delà du taux de compétence.

Il existe cependant des limites infranchissables et des cas où l'extension n'est pas permise :
  • la compétence administrative.
  • devant le TGI, l'extension de compétence n'est admise que sous réserve de l'absence de compétence exclusive d'une autre juridiction (selon L. Cadiet et E. Jeuland, la règle vise aussi bien la compétence exclusive matérielle que territoriale : L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, Litec).
  • sauf dispositions particulières, la compétence des juridictions spécialisées se limite en principe à la connaissance des demandes incidentes entrant dans leur compétence d'attribution (art. 51 alinéa 2 CPC).

Rq.Dispositions spécifiques :
  • Tribunal d'instance : l'art R 321-22 C.O.J., permet au TI de statuer sur toutes les demandes incidentes, exceptions ou moyens de défense, qui ne soulèvent pas une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction, alors même qu'ils exigeraient l'interprétation d'un contrat. Il se prononce à charge d'appel si l'exception ou le moyen de défense implique l'examen d'une question de nature immobilière pétitoire ou possessoire.
  • Juge de proximité : les juridictions de proximité connaissent de toutes les demandes incidentes, exceptions ou moyens de défense qui ne soulèvent pas une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction (art R 331-2 C.O.J.).
  • Il convient par ailleurs de rappeler qu'en application de l'article 38 CPC, le juge d'instance et le juge de proximité peuvent statuer sur une demande reconventionnelle en DI fondée sur la demande principale, quelle qu'en soit la valeur. Si une demande reconventionnelle soulève un problème de taux de compétence et qu'une exception d'incompétence est soulevée, le juge a le choix entre statuer sur la demande initiale et renvoyer pour le reste, ou renvoyer pour le tout (en ce qui concerne les recours ouverts, voir l'article 39 CPC).

Le principe d'extension de compétence connaît une exception controversée en cas d'indivisibilité.
L'extension ne soulève en revanche aucune difficulté si la dérogation est seulement d'ordre territorial.


Tableau récapitulatif : La prorogation légale de compétence


Moyens de défenseIncidents d'instanceDemandes incidentes
Définition

Défenses au fond, fins de non-recevoir, exceptions de procédure.Contestations annexes.Demandes reconventionnelles, additionnelles ou en intervention.
Régime

" Le juge de l'action est juge de l'exception "Juridiction saisie du principal en principe habilitée à les trancher.Possibilité d'extension de compétence de la juridiction saisie.
Limites

Compétence exclusive d'une autre juridiction -> question préjudicielle. 
  • compétence administrative,
  • devant TGI, TI, juge de proximité : compétence exclusive d'une autre juridiction,
  • devant les autres juridictions spécialisées : pas d'extension de compétence d'attribution.

Nous allons rechercher si la volonté des parties, se manifestant avant ou après la naissance du litige, peut infléchir les règles de compétence. La question est donc celle du caractère plus ou moins contraignant des règles de compétence d'attribution ou de compétence territoriale, pour déterminer si leur non-respect donne lieu à une incompétence absolue, ou seulement relative.
Les parties ne peuvent déroger à une compétence d'ordre public, ce qui n'empêche pas qu'une telle question soit examinée à titre accessoire par une autre juridiction. Une compétence d'ordre public n'est pas nécessairement exclusive, alors qu'une compétence exclusive est toujours d'ordre public. Le juge peut relever d'office le non-respect des règles d'ordre public.

Il est nécessaire de respecter l'ordre des juridictions : la violation de cette règle d'ordre public donnerait lieu à une incompétence absolue et pourrait justifier une cassation d'office, sauf dérogation légale expresse.

Pour le reste, le code contient peu de dispositions traitant de la question. La doctrine considère qu'une prorogation est a priori exclue (J. Héron, Droit judiciaire privé, Montchrestien, 1991, n° 845 s.). Nous allons essayer de vérifier ce postulat en distinguant selon que la juridiction saisie présente une différence de nature ou de degré avec les prévisions légales.

Certes, l'art 41 al 1 CPC prévoit qu'une fois le litige né les parties peuvent toujours convenir que le différend sera jugé par une juridiction, bien que celle-ci soit incompétente à raison du montant de la demande. Mais ce texte ne vise que la répartition des affaires civiles, personnelles ou mobilières, entre le TGI, le TI, et le juge de proximité.

  • S'il y a saisine du TGI au lieu d'une juridiction spécialisée, l'incompétence apparaît seulement relative. Elle est toutefois absolue lorsqu'est en cause la compétence exclusive d'une autre juridiction, ce qui est souvent le cas en pratique.
  • L'incompétence du TI et du juge de proximité sont absolues s'ils ont été saisis d'une question relevant de la compétence exclusive du TGI, du tribunal de commerce, du TPBR, ou du Conseil de Prud'hommes. L'incompétence n'apparaît relative que pour les demandes personnelles ou mobilières excédant leur taux de compétence, qui devraient normalement relever, selon les cas, du TI ou du TGI (art. 41 al 1 CPC, précité).
  • Entre juridictions spécialisées, toute saisine erronée donne lieu à une incompétence absolue. La règle joue même au sein du Conseil de Prud'hommes entre ses différentes sections.

Par ailleurs, une clause attributive de compétence au tribunal de commerce, contenue dans un acte mixte, est inopposable au défendeur non-commerçant (, JCP 97 I 4064 n° 9; D 98 2, Proc 97 n° 270). Le relevé de l'incompétence par le juge demeure toutefois facultatif, du fait de l'art 92 CPC, l'exception ayant un caractère d'ordre privé.


Le principe de hiérarchie étant d'ordre public, son non-respect donne en général lieu à une incompétence absolue.
Illustrations en matière d'appel :
  • Il est obligatoire d'aller au premier degré avant de saisir la Cour d'appel.
  • L'appel sera irrecevable lorsque la voie en est fermée, si la loi refuse d'accorder deux degrés.
  • Enfin, il n'existe pas trois degrés de juridiction.

Le principe du double degré de juridiction connaît toutefois des limites :
  • pour les droits dont elles ont la libre disposition, les parties peuvent renoncer à l'appel, la renonciation ne pouvant néanmoins intervenir avant la naissance du litige.
  • Par ailleurs, en cas d'appel, l'incompétence de la Cour d'appel à l'égard des demandes nouvelles est relative puisque certaines d'entre elles sont autorisées par les articles 563 s. CPC. Mais en dehors des hypothèses prévues, de telles demandes encourent l'irrecevabilité d'office, depuis le 1er janvier 2011.
Les règles de compétence territoriale ont un caractère impératif puisque l'article 48 al 1 CPC pose le principe que toute dérogation directe ou indirecte est réputée non écrite. La référence à la dérogation indirecte vise l'élection de domicile (art. 111 C.Civ). Le fait que la clause soit réputée non écrite signifie que la nullité se limite à la clause et ne rejaillit pas sur l'ensemble du contrat. Ces règles de compétence territoriale ne sont cependant pas d'ordre public : le juge ne peut relever d'office son incompétence que dans les trois cas visés par l'art 93 CPC. Seul l'adversaire pourra donc se prévaloir de la violation, sauf si l'on se trouve dans l'un des cas où les clauses dérogatoires sont autorisées, soit en droit interne, soit en droit international.

Les clauses dérogatoires aux règles de compétence territoriale sont régies par l'article 48 CPC, qui traite à la fois à leur licéité et de leur opposabilité :
  • Conditions de licéité des clauses dérogatoires aux règles de compétence territoriale
    La clause doit avoir été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant.
    De telles clauses ne sont pas valables en matière d'actes mixtes (l'exception d'illicéité résultant de l'art 48 CPC ne s'étend cependant pas à la compétence d'attribution), ni à l'occasion d'un acte de commerce isolé passé par un non-commerçant (ex : caution donnée par un dirigeant de société). Elles ne le seront pas non plus si le commerçant n'y a pas souscrit dans le cadre de son activité commerciale.

Tx.Jurisprudence
L'homologation par arrêté ministériel des statuts d'un organisme social ne permet pas de valider une clause contraire à l'art 48 CPC (, Proc 03 n° 214; Civ I, 6/2/07, Proc 07 n° 77).

  • Conditions d'opposabilité des clauses dérogatoires aux règles de compétence territoriale
Les clauses doivent être spécifiées de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elles sont opposées.
Si un bon de commande est assimilé à un engagement, tel n'est pas le cas d'un bon de livraison. Se pose aussi parfois la question des conditions générales de vente non acceptées expressément. Les critères de connaissance et d'acceptation sont appréciés selon les circonstances par la jurisprudence. Celle-ci s'est parfois montrée plus indulgente lorsque des parties entretenaient des relations d'affaires suivies (Aix, 22/1/92, D 93 26 Beignier). En revanche, une clause écrite en caractères minuscules et noyée au milieu d'autres dispositions au verso d'un document risque fort d'être déclarée inopposable en cas de contestation.

Tx.Jurisprudence
Cass. civ. II, 19 nov. 08, Proc 09 n° 77 : clause inopposable au demandeur en matière de référés.


CA Pau, 23 mars 2012, D. 2012 p. 1061 obs. C. Manara : la clause par laquelle la société Facebook attribue compétence à une juridiction des Etats-Unis doit être réputée non écrite.
Civ. II, 7 juin 2012, Proc 2012 Fasc. 8-9 n° 241 : cas de typographie peu lisible.




Si la clause dérogatoire produit des effets à l'égard des ayants droit des cocontractants, elle ne peut être invoquée en cas de pluralité de défendeurs, même s'il y a indivisibilité du litige, ni par un tiers appelé en intervention (art 333 CPC). La partie au bénéfice de laquelle la clause a été conclue peut toujours y renoncer.
  • Les clauses dérogeant aux règles de compétence territoriale sont admises en droit international, sous réserve de ne pas attenter à l'ordre public international.

Rq.L'ordre public international est une notion « nationale », qui correspond dans un Etat donné aux règles considérées comme fondamentales.

Par ailleurs, les clauses dérogatoires ne doivent pas faire échec à une compétence territoriale impérative du juge français (Cass. Civ. I, 17 déc. 1985). Un arrêt de la Cour de cassation du 22 octobre 2008 a toutefois considéré une clause attributive de juridiction licite, alors même qu'une loi de police aurait été applicable au fond si le juge français avait été saisi (Cass. Civ. I, 22 oct. 08 JCP 08 actu n° 645 et II 10187 note d'Avout, D. 09 200 obs. F. Jault-Seseke ; A. Huet, Clause attributive de juridiction à un tribunal étranger et loi française de police et de sûreté, D. 09 chr. 684).
La clause attributive de compétence a par ailleurs vu son autonomie reconnue par rapport à la convention principale dans laquelle elle s'insère, avec pour conséquence de ne pas être affectée par l'inefficacité de celle-ci (Civ. I, 8 juill. 2010, Proc. 2010 Fasc. 10 n° 336, obs. R. Perrot, D. 2010 1869 obs. X. Delpech et p. 2333 obs. L. d’Avout).

Tx.Jurisprudence
Les clauses attributives de juridiction en matière internationale sont opposables aux tiers à deux conditions : que le tiers ait eu connaissance de la conclusion de la clause et qu'il ait accepté de la voir s'appliquer à lui (Com 4 mars 2014, JCP 2014 Fasc. 19 n° 559, obs. M. Attal).

  • L'article 23 du règlement communautaire RCE n° 44/2001 du 22 décembre 2000, relatif à la compétence et à l'exécution des décisions de justice au sein de l'Union Européenne, autorise les clauses dérogatoires et apparaît plus libéral que le droit interne, à la fois quant à son domaine d'application et quant au formalisme exigé.

Ex.Les clauses dérogatoires sont par exemple autorisées en droit du travail ou entre particuliers (Civ. I, 23/1/08, JCP 08 II 10092). En revanche une clause attributive de compétence incluse dans un contrat de travail international ne peut faire échec aux dispositions impératives de l'article R. 1412-1 CTrav., s’agissant d’une activité exercée à Paris dans une ambassade étrangère (Soc. 29 sept. 2010, Proc 2010 n° 397).


Tx.Jurisprudence
CJUE, 3e ch., 21 mai 2015, Proc. 2015 Fasc. 7 n° 224 obs. C. Nourrissat : dans un contrat « B to B », l'acceptation par « clic » des CGV en ligne vaut pour la clause attributive de juridiction qu'elles contiennent.

Section 2. Le règlement des incidents de compétence

Les incidents de compétence peuvent prendre la forme d'une contestation de compétence de la juridiction saisie ou de conflits de compétence mettant en cause plusieurs juridictions. La réglementation traduit la volonté du législateur d'éviter de retarder la solution du procès avec des incidents qui pourraient présenter un caractère dilatoire. Cela étant, il a pris en considération le fait que la compétence et le fond étaient souvent liés.

Nous envisagerons les conditions d'invocation ou de relevé de l'incompétence, la décision de la juridiction de première instance et les voies de recours existant en la matière.

L'invocation de l'incompétence peut résulter d'un déclinatoire soulevé par un plaideur ou d'une incompétence relevée d'office par le juge.

L'invocation de l'incompétence prend dans ce cas la forme d'une exception de procédure qui, conformément au régime de celles-ci, doit être invoquée avant toute défense au fond et fin de non-recevoir, et simultanément avec les autres exceptions, même pour l'incompétence d'ordre public (ou une clause compromissoire : Civ. II, 22 nov. 01, Proc 01 n° 1).
Par exception, elle pourra être soulevée plus tardivement à l'occasion d'un appel ou d'une opposition (pas d'un pourvoi), formés alors qu'il y avait eu non-comparution en première instance.
La demande doit être motivée et contenir désignation de la juridiction estimée compétente (art. 75 CPC).

Tx.Jurisprudence
  • Sanction de la règle par l'irrecevabilité d'ordre public (d'office) de l'exception : Civ II, 23 nov. 94, JCP 95 I 3846 n°14.
  • Rappel de l'exigence de motivation en fait et en droit du contredit : Civ II, 22/3/06, Proc 06 n° 126 obs. R. Perrot, JCP 06 I 183 n° 10).

On parle de prorogation volontaire en cas d'incompétence non relevée, donc " acceptée " a priori par les parties, le juge ne pouvant que rarement intervenir d'office comme nous allons le voir à présent.
Les hypothèses dans lesquelles le juge peut agir d'office sont peu nombreuses et présentent presque toujours un caractère facultatif, même pour une incompétence d'ordre public, et y compris en matière de séparation des pouvoirs (Civ. I, 13 mars 79, Bull n° 89). Un juge peut ainsi statuer alors qu'il est incompétent et sans qu'on puisse le lui reprocher.
Par exception, l'incompétence doit être soulevée d'office en matière d'injonction de payer (art. 1406 CPC), de nationalité ( art 1038 CPC) et lorsqu'est en cause la compétence du JEX (tout autre juge doit soulever d'office son incompétence : art. 8 D. 31 juillet 1992). Le juge de proximité doit quant à lui relever son incompétence au profit du T.G.I en présence d'une exception ou d'un moyen de défense impliquant l'examen d'une question de nature immobilière pétitoire (art. R 331-2 alinéa 2 C.O.J.).

Le juge peut soulever son incompétence dans le cadre des art 92 et 93 CPC, sous réserve de respecter alors l'art 16 CPC et le contradictoire :
  • Invocation d'office de l'incompétence d'attribution (art 92 NCPC).
    L'incompétence peut être soulevée d'office par le juge quand est concernée une règle de compétence d'ordre public (cela inclut par suite les compétences exclusives) ou en cas de non-comparution du défendeur. L'incompétence ne peut être relevée que par le juge du premier degré : la Cour de cassation et les cours d'appel ne peuvent agir que si l'affaire relève de la compétence d'une juridiction administrative, répressive ou étrangère (Civ. II, 18 oct. 07, RT 08 150 n° 2).
  • Invocation d'office de l'incompétence territoriale (art 93 CPC).
    L'incompétence territoriale peut être soulevée d'office en matière gracieuse (cela se justifie par le fait qu'il n'y a souvent pas de défendeur), en matière d'état des personnes, en cas de non-comparution du défendeur ou s'il y a compétence exclusive d'une autre juridiction.
    Le texte ne fait ici aucune référence particulière aux cours d'appel et à la Cour de cassation. Ceci conduit les auteurs à considérer que l'incompétence territoriale peut être relevée à toute hauteur de procédure, même si cela semble un peu paradoxal que la solution soit plus libérale qu'en matière de compétence d'attribution.

En savoir plus


Le juge de proximité peut toujours relever d'office son incompétence, de même que le tribunal d'instance peut le faire à son profit (art. 847-5 CPC).
Le juge de proximité doit par ailleurs renvoyer toutes les exceptions d'incompétence au juge d'instance. Sa décision peut revêtir la forme d'une simple mention au dossier.

Récapitulatif : Les conditions d'invocation de l'incompétence d'une juridiction :
Exception d'incompétence soulevée par un plaideurIncompétence soulevée d'office par le juge
  • invocation avant les défenses au fond et fins de non-recevoir
  • invocation simultanée avec les autres exceptions
  • motivation de la demande
  • désignation de la juridiction estimée compétente
  • caractère en principe facultatif
  • incompétence d'attribution :
    • Juge du premier degré :
      • compétence d'ordre public
      • non-comparution du défendeur
    • Cour de cassation et cours d'appel : compétence d'une juridiction administrative, répressive ou étrangère.

  • incompétence territoriale :
    • matière gracieuse
    • état des personnes
    • non-comparution du défendeur
    • compétence exclusive d'une autre juridiction


Le tribunal saisi d'un déclinatoire doit statuer dessus à bref délai. Il examine la recevabilité puis le bien-fondé de l'exception. La loi impose parfois la communication au Ministère public.

Dans ce cas, il ne statue évidemment pas sur le fond, sauf à ordonner une mesure conservatoire ou à examiner la question de fond déterminant la compétence, telle que la qualification d'un contrat. La décision du juge aura sur ce point autorité de chose jugée, à condition que la question de fond figure dans le dispositif (Civ III, 22/3/06, Proc 06 n° 93 ; Civ. II, 24/5/07, Bull. civ. II n° 130 ; Soc 23/9/08, Proc. 08 n° 321).

Le juge doit désigner la juridiction compétente, sauf s'il s'agit d'une juridiction administrative, répressive ou arbitrale, auquel cas les parties sont renvoyées à mieux se pourvoir.
L'instance est alors suspendue. Le choix s'impose aux parties et au juge de renvoi. Pour le contester, les parties peuvent former un contredit. S'il n'y a pas de recours, le dossier est transmis par le greffe au juge désigné, devant lequel l'instance se poursuivra (la même instance). La reprise se fait à l'initiative du juge : le greffe adresse aux parties une lettre recommandée avec accusé de réception contenant, si la juridiction compétente est un TGI, demande de constitution d'avocat dans le délai d'un mois à peine de radiation. Cette radiation ne sera pas une simple mesure d'administration judiciaire, mais une décision entraînant extinction de l'instance et rendant le jugement irrévocable.
  • Le juge peut statuer dans un même jugement sur la compétence et le fond : il doit toutefois se prononcer sur le fond par des dispositions distinctes (afin de permettre l'appel sur la compétence si la décision n'en n'est pas susceptible sur le fond) en mettant les parties en demeure de conclure, si elles ne l'ont pas fait (art 76 CPC) (Civ II, 1/4/04, Proc 04 n° 144). La remise en cause de sa décision, quel que soit l'objet de la contestation, se fera en utilisant la voie de l'appel.
  • Le juge peut se contenter de statuer sur la compétence: si la détermination de la compétence dépend d'une question de fond, il doit statuer par des dispositions distinctes sur cette question de fond et sur la compétence (art 77 CPC). La décision rendue aura autorité de chose jugée sur la question de fond éventuellement tranchée dont dépend la compétence (ex : qualification de contrat d'entreprise ou de travail). L'instance est ensuite suspendue jusqu'à l'expiration du délai de recours qui, en l'occurrence, est un contredit de compétence. La solution sera similaire s'il statue sur la compétence et ordonne en même temps une mesure provisoire ou une mesure d'instruction, sauf s'il s'agit d'une expertise.

Le règlement en première instance des incidents de compétence :

Il n'existe que deux recours possibles pour attaquer une décision sur la compétence : le contredit (1) et l'appel (2). Un pourvoi immédiat est exclu même si la décision est en dernier ressort. Le critère général de distinction est fonction du fait que le juge a ou non tranché le fond. En cas de pluralité de parties et en l'absence d'indivisibilité, l'appréciation des voies de recours à mettre en Ĺ“uvre s'effectue de manière séparée (Soc 15 nov. 98, Proc 99 n° 63).
Df.
Cas particulier de la juridiction de proximité : Le juge d'instance statue sans recours si sa décision ne concerne que sa propre compétence et celle des juges de proximité de son ressort. Les articles 96 et 97 CPC sont applicables : désignation de la juridiction compétente ou renvoi à mieux se pourvoir en cas d'incompétence.

Seront envisagés le domaine, la procédure du contredit et son dénouement.


Art 80 CPC
Il y a lieu à contredit lorsque la juridiction s'est déclarée d'office incompétente ou a statué seulement sur la compétence, même si le juge a dû trancher la question de fond dont dépendait la compétence.

Il en va de même s'il a statué sur la compétence en ordonnant une mesure d'instruction (sauf si c'est une expertise : art 272 CPC) ou une mesure provisoire, qu'il s'agisse d'une décision en premier ou dernier ressort et de compétence interne ou internationale.
Le contredit est formé par déclaration au greffe de la juridiction du premier degré dans les 15 jours du prononcé oral du jugement ou de son prononcé par mise à disposition au greffe (Civ. II, 6/11/08, Proc 09 n° 3 : l'information orale sur la date de prononcé ne fait pas courir le délai s'il n'en est pas fait mention dans le jugement). En cas de report de la date prévue, le président doit aviser les parties par tout moyen (art 450 CPC).
Le non-respect du délai est sanctionné par une forclusion d'ordre public. Le contredit doit, à peine d'irrecevabilité, être motivé, mais la désignation de la juridiction estimée compétente n'est pas requise. Le requérant doit consigner les frais de l'instance, cette exigence ayant pour but d'éviter les recours dilatoires.
Le contredit est examiné par la Cour d'appel, à laquelle le greffe du premier degré transmet le dossier. Il informe également les autres parties par lettre recommandée avec accusé de réception. La procédure, menée à bref délai, a un caractère inquisitoire. La constitution d'avocat n'est pas nécessaire, les parties n'ont pas à déposer de conclusions, mais peuvent, si elles le souhaitent, déposer des observations écrites (art 85 CPC).
La Cour d'appel examine la recevabilité du contredit avant de statuer sur la compétence.
  • Si elle estime que la juridiction saisie était incompétente : dans ce cas, elle désigne le tribunal selon elle compétent, sauf s'il s'agit d'une juridiction répressive, administrative, étrangère ou arbitrale. Sa décision s'impose aux parties et au juge de renvoi. Le greffe de la Cour notifie l'arrêt au parties par lettre recommandée avec accusé de réception (LR-AR) et envoie le dossier à la juridiction désignée, laquelle invite les parties à reprendre l'instance également par LR-AR (Nécessité de reprendre les conclusions à la barre en cas de renvoi d'un TGI vers une juridiction avec procédure orale : Civ II, 4/3/04, Proc. 04 n° 97). Les frais sont à la charge du défendeur au contredit.
  • Si elle estime que la juridiction antérieure était compétente : l'affaire est renvoyée à cette juridiction, l'instance reprenant à la diligence du juge. La décision est notifiée aux partie par LR-AR. Là aussi, la décision s'impose au juge et aux parties. L'auteur du contredit peut être condamné au paiement des frais de l'instance, voire à amende et dommages-intérêts (art 88 CPC).

Il existe par ailleurs des éléments communs, quelle que soit la décision de la Cour d'appel :
  • Les parties peuvent, quelle que soit la solution, se pourvoir en cassation. Auparavant, le pourvoi était immédiat ou différé selon que la décision mettait ou non fin à l'instance. Désormais l'art 607-1 CPC (D. 6 nov. 2014) prévoit que peut être frappé de pourvoi en cassation l'arrêt par lequel la Cour d'appel se prononce sur la compétence sns statuer sur le fond du litige.
  • La cour d'appel a la possibilité d'évoquer au fond, c'est-à-dire de rendre une décision sur le fond du litige, bien que celui-ci n'ait pas été examiné en première instance.
    L'évocation est subordonnée à la réunion de trois conditions : la Cour doit être juridiction d'appel par rapport à la juridiction qu'elle estime compétente, l'affaire doit être susceptible d'appel sur le fond et la CA doit estimer de bonne justice de lui donner une solution définitive. L'évocation est facultative, le consentement des parties n'est pas requis et cette décision n'est pas susceptible de pourvoi (Soc 26 mai 88, Bull 315 ; Mixte, 14/2/06, Proc. 06 n° 68). Les parties sont informées par LR-AR et invitées à constituer avocat si nécessaire. A défaut, l'affaire pourra faire l'objet d'une radiation d'office (art 90 CPC).

Tableau récapitulatif : Le dénouement de la procédure de contredit

Décision de la cour d'appel Voies de recours
Evocation au fond par la CA possible si :
  • Elle estime que la juridiction saisie était incompétente -> elle désigne le tribunal estimé compétent, sauf juridiction répressive, administrative, étrangère ou arbitrale.

  • Elle estime que la juridiction saisie était compétente -> l'affaire est renvoyée à cette juridiction.
Pourvoi en cassation : art. 607-1 CPC.
  • Elle est juridiction d'appel par rapport à la juridiction estimée compétente.

  • L'affaire est susceptible d'appel sur le fond.

  • Elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive.

Après l'examen du domaine de l'appel, sera envisagée la décision de la Cour d'appel.

  • En matière de compétence, le domaine de l'appel tend à s'élargir, et celui du contredit à se restreindre....
    L'appel doit en effet être utilisé contre les ordonnances de référé, les décisions du juge conciliateur en matière de divorce et de séparation de corps (art 98 CPC), les décisions du JEX, du juge de la mise en état, lorsque le premier juge a statué sur le fond, lorsque l'incompétence a été relevée d'office pour cause de séparation des pouvoirs, en cas de contestation de la compétence à propos d'une demande incidente. Le recours est l'appel même si la décision sur le fond est rendue en dernier ressort : il se limite alors à la compétence (Civ II, 18 nov. 04 Proc. 05 n° 3).

  • Si la cour d'appel est saisie à tort par un contredit, au lieu d'un appel, elle demeure saisie (art 91 CPC). La solution inverse n'est pas valable et le recours serait alors irrecevable. Cette fin de non-recevoir s'explique par les délais respectifs des deux voies de recours (15 jours pour le contredit ; en général un mois pour l'appel) et la volonté d'éviter les procédures dilatoires. Les règles inhérentes à la procédure d'appel doivent être respectées: la constitution d'avocat est parfois requise dans le délai d'un mois à peine d'irrecevabilité d'office du recours.
Si la CA infirme la décision de compétence de la juridiction antérieure :
  • Si la décision était susceptible d'appel dans sa totalité et si la CA est juridiction d'appel de la juridiction compétente, elle doit alors statuer au fond (art 79 CPC), sauf s'il s'agit d'une juridiction, répressive, administrative ou étrangère... : il y a effet dévolutif de l'appel en liaison avec la plénitude de juridiction de la Cour (JCP 97 I 3989 n°21- Civ II, 8/4/04 et Civ III, 7/4/04, Proc 04 n° 143 obs. Perrot, Civ. III, 3/6/04, RT 04 544 - contra, en matière de référé : Civ II 8/7/04, Proc 04).
  • Si elle n'est pas juridiction d'appel de la juridiction estimée compétente, elle doit renvoyer l'affaire devant la Cour d'appel dont dépend cette juridiction. Cette dernière ne peut renvoyer au juge de première instance (Com 3/6/97, Proc 97 n° 269).
  • Si le jugement n'était pas susceptible d'appel au fond, celui-ci ne peut être critiqué que par un pourvoi en cassation : il y a alors renvoi soit au juge du premier degré estimé compétent, soit à mieux se pourvoir (sur les difficultés d'application de l'art 79 CPC dans cette hypothèse, voir J. Héron, Droit judiciaire privé, Montchrestien, 1ère éd 1991, n° 872 s. et 2ème édition, 2002, par T. Le Bars, n° 1013).

Si la CA confirme la compétence de la juridiction antérieure :
  • Il y a jeu des effets normaux de l'appel, dont l'effet dévolutif si l'affaire est susceptible d'un appel au fond.
  • Si le jugement était en premier et dernier ressort, il a plein effet sur le fond (il a force de chose jugée) et ne peut faire l'objet que d'un pourvoi, lequel ne peut être dirigé contre l'arrêt pour contester le fond.

La CA infirme la décision de compétence de la juridiction antérieureLa CA confirme la compétence
  • la décision était susceptible d'appel au fond :
    • la CA est juridiction d'appel de la juridiction compétente
      • elle doit statuer au fond

    • la CA n'est pas juridiction d'appel de la juridiction compétente
      • elle doit renvoyer l'affaire devant la Cour d'appel dont dépend la juridiction compétente.

  • la décision n'était pas susceptible d'appel au fond
    • renvoi au juge du premier degré estimé compétent ou renvoi à mieux se pourvoir
    • recours = pourvoi
  • l'affaire est susceptible d'appel au fond :
    • effets normaux de l'appel -> effet dévolutif

  • l'affaire n'était pas susceptible d'appel au fond :
    • le jugement a plein effet sur le fond
    • recours = pourvoi


Ce conflit peut résulter d'une litispendance ou d'une connexité ou mettre en cause la séparation des pouvoirs.


Df.On parle de litispendance lorsqu'un même litige (identité totale ou partielle de la matière litigieuse et identité de parties) se trouve porté en même temps devant deux juridictions distinctes, compétentes l'une et l'autre pour en connaître. Cela peut se produire en cas d'options de compétence, ignorance d'héritiers, etc.

La situation n'est pas admissible, notamment au regard de l'autorité de la chose jugée. La difficulté est soulevée par le biais d'une exception de procédure (exception de litispendance) à invoquer au début du litige (in limine litis). La litispendance nécessite pour être effective qu'il y ait eu saisine de la juridiction, donc enrôlement (Com 4 oct 94, JCP 95 I 3846 n°13).
  • Si les deux juridictions sont de même degré, celle qui a été saisie en second doit se dessaisir, suite à l'exception, ou d'office au profit de la première.
  • Si les deux juridictions ne sont pas de même degré, l'exception est soulevée devant la juridiction de degré inférieur.

La procédure suit le régime de l'exception et du déclinatoire de compétence (voir supra). Si la litispendance intervient entre plusieurs cours d'appel, préférence est donnée à la première (art 104 CPC). Si jamais les deux juridictions venaient à se dessaisir, la dernière décision de dessaisissement en date serait considérée comme non avenue.



Df.Il y connexité lorsque deux litiges, distincts quant au fond, soumis à des juridictions différentes, toutes deux compétentes pour en connaître (il est nécessaire qu'il y ait eu enrôlement, comme pour la litispendance), se révèlent unis par des liens tels qu'il apparaît de bonne justice de les faire juger ensemble pour éviter des décisions inconciliables ou contradictoires : par exemple, action en nullité et action en exécution à propos d'un même contrat.

La procédure suit le formalisme et le régime de l'exception d'incompétence (voir supra). L'exception peut être invoquée en tout état de cause, mais peut être écartée si elle a été soulevée tardivement dans un but dilatoire. Elle ne peut être soulevée d'office par le juge.
  • Si les deux juridictions sont de même degré (JCP 97 I 3989 n°13) :
Il n'existe pas de choix imposé entre elles, si ce n'est l'étendue de leurs compétences d'attribution respectives et les possibilités de prorogation éventuelle.

Ex.Incidence d’une compétence exclusive – Cela ne peut cependant conduire à retenir l’incompétence de la juridiction de droit commun, en cas de connexité avec une affaire relevant de la compétence exclusive du tribunal de commerce, chacune des juridictions saisies devant conserver la connaissance de l’affaire qui lui est soumise : Com. 7 avril 2009, Procédures 09 n° 202, RT 09 775 obs. Théry).


  • Si elles sont de degrés différents :
Le déclinatoire doit être soulevé devant la juridiction inférieure.

Le juge saisi d'une exception peut soit surseoir à statuer sur le fond en attendant que la décision sur la connexité devienne définitive, soit statuer sur le fond par des dispositions distinctes.
Selon la Cour de cassation, dès lors que les conditions de la connexité sont remplies, le juge a l'obligation de se dessaisir (Civ II, 5/7/78, GP 78 2 624, Viatte).
Si l'exception a été soulevée devant les deux juges, la dernière décision de dessaisissement en date est considérée comme non avenue.

Rq.Il convient de distinguer la connexité de l'indivisibilité, qui correspond à une connexité renforcée : il y a alors nécessité de jugement commun et non simple question d'opportunité.



Les conflits d'attribution entre les deux ordres de juridictions sont réglés par le Tribunal des conflits. Lorsque celui-ci intervient, ses décisions s'imposent aux juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif.

Rq. Actualité : la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 et le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ont modifié la composition et les procédures intéressant le Tribunal des conflits.

Comme indiqué auparavant, le décret du 27 fév. 2015, dont les dispositions entreront en vigueur le 1er avril 2015, institue par ailleurs une procédure de questions préjudicielles entre les deux ordres.
Dispositions introduites dans le Code de procédure civile :
  • art 49 CPC : conditions de transmission d'une question préjudicielle aux juridictions administratives ;
  • art 126-14 et 126-15 CPC : procédure sur question préjudicielle transmise par une juridiction administrative.



Jusqu'à présent, le Tribunal des conflits se composait de trois conseillers d'Etat, trois conseillers à la Cour de cassation, deux magistrats de chaque ordre cooptés par les précédents. Le Ministre de la justice, qui le présidait, pouvait intervenir en qualité de départiteur.

L'entrée en vigueur de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 va modifier cette composition. Désormais, en formation ordinaire, le Tribunal des conflits comprendra quatre conseillers d'Etat élus par l'assemblée générale du Conseil d'Etat, quatre magistrats du siège de la Cour de cassation élus par les magistrats du siège de la Cour de cassation et deux suppléants également élus, l'un par les conseillers d'Etat et l'autre par l'assemblée générale des magistrats du siège de la Cour de cassation.
Par ailleurs le président du Tribunal des conflits, élu  pour 3 ans par les conseillers titulaires, sera issu alternativement du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation. Dans l'immédiat les fonctions de président seront exercées par l'actuel vice-président.


Le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 a modernisé les règles de fonctionnement et les procédures suivies devant le Tribunal des conflits. Il améliore les procédures de prévention des conflits (H. Pauliat, La modernisation des procédures devant le tribunal des conflits, JCP 2015 Fasc. 10 n° 300; B. Seiller, Le Tribunal des conflits renforcé, JCP 2015 Fasc. 17 n° 514; P. Deumier, Le Tribunal des conflits nouvelle génération, Proc. 2015 Fasc. 5 alerte n° 26).

Le Tribunal des conflits peut être saisi dans différentes hypothèses :

  • Conflit positif
Le conflit peut être élevé par le Préfet dans un département ou une collectivité, lorsqu'il estime que la connaissance d'un litige ou d'une question préjudicielle portée devant une juridiction de l'ordre judiciaire relève de la compétence de l'ordre administratif (art 13 L. 16 fév. 2015 - Pour la procédure cf. art 18 à 31 D. n° 2015-233 du 27 février 2015). Le conflit peut être élevé tant qu'il n'a pas été statué sur la compétence par une décision passée en force de chose jugée.

  • Prévention des conflits
Les art 32s. du D. 2015-233 du 27 février l'envisagent dans deux cas :
    • Lorsque l'un des deux ordres a rendu une décision d'incompétence insusceptible de recours (T. Conflits 22/3/04, JCP 04 II 10082, note Rouault : cette décision peut néanmoins encore faire ou avoir fait l'objet d'un pourvoi), que le litige est porté devant une juridiction de l'autre ordre, qui estime que la juridiction antérieurement saisie était bien compétente. Cette seconde juridiction doit alors renvoyer l'affaire au Tribunal des Conflits par une décision motivée, insusceptible de recours.
    • Lorsqu'une juridiction est saisie d'un litige qui présente, soit sur l'action introduite, soit sur une exception, une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse mettant en jeu la séparation des deux ordres de juridiction. Dans ce cas elle peut, par une décision motivée insusceptible de recours, renvoyer au Tribunal de conflits le soin de décider sur cette question.

  • Conflit négatif
A partir du 1er avril 2015 cette situation sera constituée lorsque les juridictions de l'un et l'autre ordre se seront déclarées respectivement incompétentes, par des décisions irrévocables, pour connaître d'un litige ayant le même objet, sans que la dernière n'ait renvoyé le litige au Tribunal des conflits. Dans ce cas, les parties pourront saisir celui-ci d'une requête aux fin de désignation de la juridiction compétente, dans les deux mois à compter du jour où la dernière en date des décisions d'incompétence sera devenue irrévocable.

  • Recours en cas de contrariété de décisions au fond
Le Tribunal des conflits peut être saisi de décisions définitives rendues par les juridictions administratives et judiciaires dans des instances introduites devant les deux ordres pour des litiges ayant le même objet lorsqu'elles présentent une contrariété conduisant à un déni de justice.


Rq.Conflit de compétence entre les deux ordres et durée des procédures
Dans un arrêt du 30 juin 2008 (JCP 08 II 10153), le tribunal des conflits avait décidé qu'une demande d'indemnisation pour durée excessive de la procédure, en cas d'instances introduites successivement devant les deux ordres de juridiction, en raison des difficultés de détermination de la juridiction compétente, que le tribunal des conflits ait été amené à statuer ou non, devait être portée devant l'ordre compétent pour connaître du fond du litige. La juridiction concernée était alors compétente pour porter une appréciation globale sur la durée de la procédure devant les deux ordres de juridiction et, le cas échéant, devant le tribunal des conflits.

La loi du 16 février 2015 prévoit que le Tribunal des conflits sera désormais seul compétent pour connaître des recours en responsabilité pour durée excessive des procédures entre les deux ordres (voir aussi art. 43 et 44 D. 27 fév. 2015).
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