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Institutions et principes fondamentaux du procès civil

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Introduction au droit judiciaire privé

La leçon commence par une présentation de la notion de droit judiciaire privé, envisageant successivement la définition, la fonction et les caractères de la matière. Ensuite, sont passées en revue les diverses sources du droit judiciaire privé, notamment les sources textuelles internationales et nationales. Enfin, les développements traitent de l'application de ces règles dans le temps et dans l'espace.



Le terme de droit judiciaire privé nécessite d'être précisé. Nous commencerons donc par présenter la matière elle-même, avant de poursuivre par une étude des caractéristiques et du régime général des règles de droit judiciaire privé.

Section 1. La notion de droit judiciaire privé

Après qu'ait été défini et cerné le droit judiciaire privé, la réflexion portera sur sa fonction et ses caractères.

Technique, le droit judiciaire privé n'exclut pas pour autant toute discussion ou controverse doctrinale théorique. Au contraire, des débats ont même eu lieu quant à sa dénomination et à son contenu, questions sur lesquelles il convient d'apporter des précisions et d'opérer des distinctions.

Plusieurs termes sont susceptibles de faire référence à l'organisation et au déroulement d'un procès civil. Nous verrons en quoi l'expression « droit judiciaire privé » semble devoir être privilégiée à celle de procédure (civile), et ce qui distingue par ailleurs cette matière du droit processuel.

Df.
  • La procédure se définit comme un ensemble d'actes ou de formalités dont l'accomplissement permet à une juridiction de trancher un problème juridique. Pour résumer les choses, on peut dire que c'est la manière de faire avancer un procès.

  • Le droit judiciaire privé est le droit de la solution des litiges. Il regroupe l'ensemble des règles permettant au titulaire d'un droit de faire respecter ses prérogatives en recourant aux juridictions civiles : le procès est un mécanisme de solution des litiges par application des règles de droit qui se concrétise par un jugement, lequel est un acte juridictionnel, sauf quand il y a jugement en équité.
    Le droit judiciaire privé concerne la réalisation contentieuse des droits privés, ce qui permet de l'opposer aux règles permettant la sanction juridictionnelle des infractions à la loi pénale (la procédure pénale) ou aux dispositions du droit public (le contentieux administratif).
    La notion de droit judiciaire est plus large que le terme technique de "procédure". Celui-ci n'est d'ailleurs pas propre au procès car l'expression peut viser toute démarche à suivre pour obtenir une décision, un avantage, devant une autorité, administrative ou non. En outre, cette dénomination ne vise que les formalités relatives à l'engagement, au déroulement du procès, et à la manière d'agir en justice.

    Rq.Controverses doctrinales : tous les auteurs n'adhèrent pas à la qualification de « droit judiciaire privé », faute de transposition du concept au contentieux pénal ou administratif: Jean Vincent et Serge Guinchard ont ainsi proposé l'expression de « droit procédural », Loïc Cadiet celle de « droit judiciaire civil » (expression suggérée par Morel). Les titres des manuels reflètent cette discussion.

  • Le Droit processuel consiste en l'étude comparative des procédures civile, pénale et administrative. Les interférences entre ces différentes procédures avaient déjà été envisagées, il y a plusieurs années, par Motulsky.

    L'existence d'un droit commun, fondamental, du (des) procès s'est trouvée renforcée par :
Le droit judiciaire privé englobe l'ensemble des règles relatives à l'organisation et au fonctionnement du service public de la justice civile.

En font partie l'étude :
  • des institutions et de l'organisation judiciaire, ainsi que des questions liées à la compétence, regroupées sous le vocable de "juridiction".
  • des conditions pour agir et obtenir du juge des décisions : c'est ce qu'on appelle "l'action".
  • des conditions de déroulement du procès et d'exercice des voies de recours : c'est la procédure civile, stricto sensu.

Confronté au contenu des cours dispensés en Faculté, le terme de droit judiciaire apparaît néanmoins trop large en ce que ne sont en général pas abordées les procédures spéciales propres à certains contentieux, ni les voies d'exécution, qui pourtant en font partie mais donnent lieu à un enseignement distinct.

Df.L'approche se limite souvent au droit du procès, envisagé sous cinq aspects :
  • L'action
C'est l'étude des conditions dans lesquelles une personne peut obtenir d'un tribunal la reconnaissance ou la sanction de ses droits.

  • La juridiction
Ces développements concernent l'organisation du service public de la Justice. Y sont évoquées l'organisation judiciaire, la fonction juridictionnelle et la compétence des juridictions. Celle-ci se définit comme l'aptitude d'une juridiction à connaître d'une prétention, tant du point de vue de l'objet du litige, que sur le plan géographique.

  • L'instance
Cette partie est consacrée à l'examen des règles de procédure -stricto sensu- concernant la saisine du tribunal, l'instruction de l'affaire, son jugement et l'exercice des voies de recours. L'instance est le résultat de la rencontre de l'action et de la juridiction, qui donne lieu à un rapport juridique spécifique entre les plaideurs, qualifié de lien d'instance.

  • L'arbitrage
C'est la situation dans laquelle des parties recourent à une personne privée (ou plusieurs), et non à l'autorité judiciaire, pour trancher le litige qui les oppose. La source en est conventionnelle.

  • Le droit judiciaire international
Ce terme englobe, d'une part, les règles de droit international privé traitant des conflits de lois et des conflits de juridictions et, d'autre part, la réglementation communautaire et européenne.

En savoir plus : Contenu du présent cours

L'enseignement du droit judiciaire fait à Rennes l'objet de deux cours semestriels. L'un est un cours dispensé aux étudiants de licence, intitulé « Institutions et principes fondamentaux du procès civil ». Il s'agit d'appréhender les institutions judiciaires civiles et les grandes théories qui sous-tendent le procès civil, et constituent en quelque sorte le « droit fondamental » du procès civil. L'autre est un cours de master dans lequel sont présentées et approfondies des dispositions complémentaires ou plus techniques de procédure civile afférant au déroulement de l'instance.
Les développements qui vont suivre correspondent au premier de ces deux cours.

Tableau récapitulatif : Définition et contenu du droit judiciaire privé

Le droit judiciaire a pour fonction première d'assurer la sanction et le respect des droits substantiels subjectifs des particuliers.
Dans la plupart des cas les règles de droit sont (heureusement) exécutées de manière spontanée et non contentieuse. Mais lorsqu'un litige advient, son règlement au regard du droit objectif est en général assuré par le juge dans le cadre d'un procès.

La Justice apparaît comme un instrument de paix sociale permettant de vérifier la régularité des situations juridiques et d'assurer la réalisation concrète des droits. Faire respecter les règles édictées par les pouvoirs législatif et réglementaire est l'une des missions de l'Etat, justifiant l'existence de l'autorité judiciaire.

Rq.Une des particularités de la règle de droit tient précisément à sa sanction par l'autorité publique. Le respect des décisions est assuré grâce à l'autorité de chose jugée et à la force exécutoire, effets contraignants caractéristiques du recours à l'autorité judiciaire.

Ceci explique que la Justice soit publique et non privée.

Rq.Cela apparaît nécessaire pour que les conflits soient tranchés conformément à la règle de droit, sous réserve de quelques exceptions étroitement contrôlées : arbitrage, amiable composition, laquelle peut d'ailleurs être le fait du juge.


Mais il convient aussi de signaler, à côté de l'intervention du service public de la Justice et de la mise en œuvre de la fonction juridictionnelle, l'existence de moyens non contentieux de réalisation des droits. Il s'agit par exemple de l'usage de techniques issues du droit des obligations ou des contrats (droit de rétention, clauses pénales, transaction...) ou du recours à des commissions (commission des clauses abusives, commission de conciliation des locataires, commission de surendettement des ménages et des particuliers...).

A par ailleurs été affirmée, à partir de 1995, la volonté de favoriser les règlements amiables, à l'initiative ou sous le contrôle du juge. Cela s'est notamment traduit par le développement des procédures de conciliation et de médiation judiciaires. La création des juges de proximité a témoigné aussi d'une certaine volonté de réintroduire des « juges de paix».

Rq.Le domaine de la conciliation judiciaire déléguée, qui ne concernait jusqu'alors que le tribunal d'instance et la juridiction de proximité, a été étendu en 2010 au tribunal de commerce et au tribunal paritaire des baux ruraux (D. n° 2010-1165 du 1er octobre 2010).

En savoir plus : L'encadrement de certains modes alternatifs de règlement des conflits
  • L'implication dans le règlement conventionnel des différends concerne aussi les avocats : la loi n° 1609-2010 du 22 décembre 2010 a introduit dans le code civil la convention de procédure participative qui permet, par leur intermédiaire, un règlement amiable des litiges relatifs aux droits dont les personnes ont la libre disposition (H. Poivey-Leclercq, La Convention de procédure participative « Un pacte de non agression à durée déterminée », JCP 2011, Fasc. 4 n° 70 - E. BONNET, La convention de procédure participative, Procédures n° 3, Mars 2011, alerte 11 ; S. Amarani Mekki, La convention de procédure participative, D 2011 3007).
  • Par ailleurs, l’ordonnance n° 2011-1540 du 16 novembre 2011, portant transposition de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale a modifié les dispositions de la loi du 8 février 1995. La médiation s’entend désormais de tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige.
  • Enfin, le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012, pris en application de cette ordonnance, a créé dans le Code de procédure civile un Livre V relatif à la résolution amiable des diffférends et encadrant les procédures de ce type faisant intervenir un tiers.



Il ne peut par ailleurs être fait abstraction des liens existant entre la procédure et le fond du droit.
Ces liens sont dans la nature même de la procédure, qui ne peut exister en dehors d'un procès mettant en cause des droits substantiels.
Ensuite, certaines dispositions procédurales assortissant les textes, traduisent la volonté du législateur d'influer par ce biais sur le fond du droit et ses conditions de mise en oeuvre (délais, qualité pour agir...).
Enfin, l'interprétation des textes par les juridictions, selon son caractère restrictif ou libéral, a une incidence directe sur les droits subjectifs.

Les juridictions et le droit judiciaire peuvent aussi jouer un rôle préventif, lié à une certaine crainte de la sanction : la menace ou l'initiative d'une assignation suffisent parfois à débloquer une situation et à permettre d'ouvrir des négociations...
On dit souvent du droit judiciaire que c'est un droit formaliste et impératif. Nous nous attacherons à mesurer la pertinence de ces affirmations avant de nous interroger sur sa nature et son rattachement à d'autres divisions ou branches du droit.

L'étude de la matière confirmera que les formalités à respecter sont nombreuses (ex. : exigences de formes et de délais) et qu'existe bien un lien entre la forme et le fond du droit, puisque le non-respect du formalisme est souvent sanctionné (ex. : déchéances). La sécurité des relations économiques et la valeur des droits apparaissent étroitement liées à la structure de la procédure.
Un formalisme excessif et le mauvais fonctionnement du système risquent de générer divers inconvénients et d'apparaître comme des sources potentielles de perturbations : coût, complexité, durée excessive des procédures, difficultés de fonctionnement, encombrement des juridictions, développement de l'esprit de chicane.

En revanche, connu à l'avance, bien maîtrisé et identique pour tous, il peut aussi constituer une sécurité contre l'arbitraire, une garantie de bonne justice : formes et délais offrent une certaine sécurité, contribuent à une meilleure information des plaideurs, offrent une protection contre le dilatoire. Ihering a traduit ces avantages dans la formule "Ennemie jurée de l'arbitraire, la forme est la sœur jumelle de la liberté ".

En fait, il importe de trouver une juste mesure : le formalisme doit avoir un but précis et les exigences imposées doivent permettre de remplir correctement l'objectif ainsi fixé.
Une illustration en est donnée en matière de nullités pour vice de forme avec la règle "pas de nullité sans grief" : le non-respect du formalisme ne sera pas sanctionné s'il n'a pas été préjudiciable à celui qui l'invoque.
De nombreuses lois de procédure présentent un caractère d'ordre public.

Cela signifie :
Df.
  • qu'on ne peut y déroger (une relation peut être établie avec les lois de police et d'ordre public visées par les articles 3 et 6 du Code civil),
  • qu'elles doivent être soulevées et appliquées d'office par le juge,
  • et que leur violation est sanctionnée par une nullité.

L'explication tient en partie au fait que la Justice est un service public, que les particuliers ne doivent pas pouvoir manipuler, pour des raisons d'efficacité.

Il convient toutefois de nuancer la portée de ce caractère obligatoire. Le procès vient sanctionner des droits subjectifs dont les titulaires ont souvent la libre disposition ; on pourrait dès lors trouver logique que les particuliers puissent également "composer" avec les règles de procédure permettant d'assurer le respect de leurs droits.

En réalité, toutes les règles ne possèdent pas la même valeur et n'imposent pas un respect aussi absolu.
L'ordre public intervient souvent en droit judiciaire dans un but de protection des faibles (ordre public de protection). Il apparaît assez strict en matière d'organisation judiciaire et d'exercice des actions, un peu moins en matière de compétence territoriale et de procédure (ex. : dispositions sur les clauses dérogatoires, la prorogation de compétence).
En fait, on constate qu'une plus grande souplesse est offerte, une fois le litige né, pour modifier les pouvoirs du juge : amiable composition, contrat judiciaire, retrait du rôle.
Cela étant, en cas de non-respect de dispositions procédurales, les conséquences font souvent l'objet d'une appréciation au cas par cas.
Le droit judiciaire peut être rattaché au droit public, de par le caractère de service public de la Justice et le rôle croissant du juge : la procédure apparaît de plus en plus inquisitoire.

Il pourrait aussi être rattaché au droit privé, de par l'initiative du droit d'action dévolue aux parties, sa finalité de protection des droits privés individuels, et la conception traditionnelle du principe dispositif imposant une certaine neutralité au juge.

Appartenant à la catégorie des droits sanctionnateurs, dits aussi droits régulateurs ou réalisateurs (ex : procédure pénale, contentieux administratif, droit international privé...), il possède une nature hybride, à la différence des droits substantiels, déterminateurs ou matériels, qui ont pour finalité de régir l'activité sociale des personnes (ex.: droit civil, droit rural, droit commercial, droit social...).

En savoir plus : Le Droit judiciaire privé, droit sanctionnateur

En tant que droit sanctionnateur, il permet d'assurer le respect des droits substantiels et de comprendre les règles qui les sous-tendent : sa mise en oeuvre donne souvent lieu à une décomposition des mécanismes du droit substantiel. La connaissance des droits en jeu est nécessairement déterminante pour l'organisation du procès.

Section 2. Les règles de droit judiciaire privé

Nous aborderons successivement les sources, l'application dans le temps puis dans l'espace des règles de droit judiciaire privé.

Au plan historique, le droit judiciaire concilie une influence de l'Ancien Droit (la procédure était inquisitoire, écrite et secrète), du droit canonique (réglementation de la preuve) et de la procédure féodale (la procédure était accusatoire, publique, orale et contradictoire). Curieusement, il n'y a pas eu d'apport du droit romain. L'essentiel des développements sera consacré aux sources textuelles (A), même si d'autres sources ont une influence (B).

Les sources internationales se révèlent avoir une place grandissante (1), à côté des sources nationales (2).

Une distinction peut être faite,
  • d’une part, entre le règlement des litiges internationaux, présentant en eux-mêmes un caractère d'extranéité, tout en étant soumis aux juridictions internes (a),
  • et d'autre part, la question des sources internationales applicables à des litiges purement internes (b).

Leurs sources, en matière civile, sont longtemps restées d'origine essentiellement nationale. La France était toutefois partie à diverses conventions bilatérales, voire multilatérales, réglant des questions de conflits de juridictions et parfois de reconnaissance et d'exécution des décisions (Conventions de La Haye).
Une évolution importante a eu lieu après la signature du Traité d'Amsterdam, le 2 octobre 1997 (Bruneau, JCP 00 I 266). Ce texte est à l'origine, de l'adoption de plusieurs règlements communautaires contribuant au développement de la coopération judiciaire en matière civile dans le cadre de l'Union Européenne. Certains de ces règlements reprennent en partie les dispositions de conventions antérieures qui n'étaient d'ailleurs jamais entrées en vigueur. Le Traité d'Amsterdam a permis ensuite le lancement, le 1er décembre 2002, du Réseau Judiciaire Européen en matière civile et commerciale.

En savoir plus : Règlements communautaires intéressant le droit judiciaire

  • RCE n° 1346/2000 du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité, entré en vigueur le 31 mai 2002 remplaçant une Convention du 23 novembre 1995 (pour un aperçu rapide, voir Boureghda, Le droit européen des procédures collectives est entré en vigueur le 31 mai 2002, JCP 02 Fasc. 51-52 actualité 545 - Circ. Du 17 mars 2003, J.O. 30/7/03). Par ailleurs, le décret du 22/8/04 a précisé en conséquence des dispositions du Code de procédure civile relatives à la reconnaissance transfrontalière des titres exécutoires (art 509 à 509-7 CPC - Nourrissat, Proc 04 chr n° 14). La Commission Européenne avait adopté le 21 avril 2009 un rapport et un livre vert concernant l'application de ce règlement et avait ensuite entamé une procédure de révision. De nouvelles dispositions, issues du RCE 2015/848 du 25 mai 2015, entreront pour l'essentiel en vigueur à compter du 26 juin 2017.

  • RCE n° 44/2001 du 22 décembre 2000, entré en vigueur le 1er mars 2002, et remplaçant la Convention de Bruxelles du 27 sept 1968, en matière de compétence et d'exécution des décisions de justice. Il a depuis fait l’objet de différentes mises à jour. La Convention de Lugano du 16 sept 1988 étendait les dispositions de la Convention de Bruxelles aux pays de l'AELE. Une nouvelle version de cette convention a été signée le 30 octobre 2007 entre la Communauté européenne et plusieurs états de l’Association Européenne de Libre Echange, notamment pour tenir compte de l’élargissement de l’Union Européenne. Le Parlement et le Conseil de l'UE ont adopté fin 2012 la refonte de ce règlement, et pris des dispositions dites Bruxelles I bis, facilitant et accélèrant la circulation des décisions en matière civile et commerciale (PE et Cons. UE, règl. (UE) n° 1215/2012, 12 déc. 2012 : JOUE n° L 351, 20 déc. 2012, p. 1, JCP 2012 Fasc. 51 n° 1365, Proc. 2013 Fasc. 3 alerte 26, C. Nourrissat) qui sont entrées en vigueur le 10 janvier 2015. Il en découle notamment une suppression au sein de l'UE des procédures d'exequatur de décisions civiles et commerciales visées par le règlement et instauration de l'exécution directe au profit du gagnant (D. 2014-1633 du 26 déc. 2014).  Le perdant peut toutefois agir en refus d'exécution devant une juridiction de l'Etat membre requis (JEX en France) en invoquant les causes prévues par l'art 45 RCE (S. Pierre-Maurice, La nouvelle action en refus d'exécution d'un jugement européen : entre simplicité et stratégie, D. 2015 692).

  • RCE n° 1206/2001 du 28 mai 2001 sur l'obtention des preuves en matière civile et commerciale (Bruneau, JCP 01 I 349). Le décret du 22/8/04 a adopté en conséquence des dispositions relatives à la mise en œuvre de certaines mesures d'instruction transfrontalières (art 178-1 et 178-2 CPC, relatifs aux frais de traduction et d'interprétariat).

  • RCE n°1/2003 du 16 décembre 2002, entré en vigueur le 1er mai 2004, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du Traité. Ce texte a donné des compétences aux juridictions nationales en matière de droit communautaire de la concurrence (L. Idot, JCP 03 actua p. 1 ; Proc. 03 n° 64).

  • RCE n° 2201-2003 du 27 nov. 2003 (dit Bruxelles II bis), relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale. Ce texte remplace la convention dite de Bruxelles II du 28 mai 1998 et le RCE n° 1347/2000 du 29 mai 2000 (JCP 00 p 1947 actua et I 292 ; D 00 p 385). Il a été complété par le RCE n° 1259/2010 du 20 déc. 2010 dit « Rome III », e.v. le 21 juin 2012, sur la loi applicable au divorce et mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps, mais qui ne concerne à ce stade, que 14 États membres.

  • RCE n° 805/2004 du 21 avril 2004, portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées (Proc. 04 n° 106, Nourrissat, Proc 05 chr n° 10 ; Beltz, D. 05 chr. 2707 - Procédure subséquente de certification par les notaires créée par le D. n° 2010-433 du 29 avril 2010).

  • RCE n° 1896/2006 du 12 déc. 2006 instituant à compter du 12 décembre 2008, en matière civile et commerciale dans les litiges transfrontaliers, une procédure européenne d'injonction de payer pour le recouvrement des créances pécuniaires liquides et exigibles (JCP 07 I 139 n° 28; Nourrissat, Proc 07 chr 10). Modification du Code de l’organisation judiciaire par la loi n° 2011-1862 du 13 déc 2011, pour introduire à compter du 1er janvier 2013, devant le tribunal d’instance et le tribunal de commerce, dans les limites de leurs compétences d'attribution, la procédure européenne d'injonction de payer.

  • RCE n° 861/2007 du 11 juillet 2007 applicable au 1er janvier 2009, et instituant une procédure européenne pour les demandes transfrontalières de faible importance, d’un montant inférieur à 2000 euros (Conseil UE, communiqué, 5. oct. 2006, JCP 06 actu n° 482). Mise en œuvre de certaines modalités d’application par le D. n° 2010-433 du 29 avril 2010 et modification du Code de l’organisation judiciaire par la loi n° 2011-1862 du 13 déc 2011, pour introduire à compter du 1er janvier 2013, devant le tribunal d’instance et le tribunal de commerce, dans les limites de leurs compétences d'attribution, la procédure européenne de règlement des petits litiges.

  • RCE n° 864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (litiges transfrontières en matière de responsabilité civile).

  • RCE n° 1393/2007, du 13 novembre 2007 (JOUE n° L 324 du 10 décembre 2007), relatif à la signification et à la notification des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale dans les Etats membres de l’Union européenne, entré en vigueur le 13 novembre 2008 (JCP 07 actu n° 625 ; Proc Fév. 08 p. 2 - JF Sampieri-Marceau, Les significations d’actes judiciaires et extra judiciaires dans l’Union européenne, D. 09 chr. 1434). Ce règlement a refondu le RCE n° 1348/2000 du 29 mai 2000, entré en vigueur le 31 mai 2001 et remplaçant lui-même une convention du 26 mai 1997.

  • RCE n°4/2009 du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution de décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires (JCP 09 I 142 n° 18 obs. E. Jeuland ; C. Nourrissat, Proc 09 chr. n° 5).

En savoir plus : Autres initiatives européennes à signaler
  • La directive sur la médiation en matière civile et familiale, adoptée par le Parlement européen le 23 avril 2008 (JOUE n° L 136, 24 mai 2008 - JCP 08 actua n° 304 et 379 - Proc 08 Veille n° 14). Nourrissat, La directive du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, Proc 08 chr. n° 9), qui devait être transposée sous 36 mois par les Etats membres et l'a été en France par l’ordonnance n° 2011-1540 du 16 nov. 2011.
  • 19 juin 2009 : lancement du réseau de coopération législative des ministères de la Justice de l'UE (RCLUE).
  • lancement en juillet 2010 du portail européen « e-justice » , qui présente dans 22 langues les systèmes judiciaires des 27 États membres de l'Union européenne. Avec plus de 12 000 pages consultables, il apporte des renseignements dans des domaines tels que le coût des procédures civiles et pénales, l'organisation et la formation judiciaire, l'aide juridictionnelle. Il a été enrichi en 2011 par des fiches techniques sur les droits des victimes et des défendeurs.
  • Directive du 21 mai 2013 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation et règlement 524/2013 du 21 mai 2013 relatif au règlement en ligne des litiges de consommation.

  • Le droit communautaire
Pendant longtemps, l'Europe ne s'est intéressée qu'à l'accès des ressortissants de l'Union européenne aux professions juridiques et judiciaires. Elle l'a fait par le biais de directives, dont une du 16 février 1998 sur l'avocat européen.
Puis, a été adoptée le 18 décembre 2000 la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dont les articles 47 et suivants contiennent des dispositions procédurales. Suite à l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009, la Charte, adaptée en 2007, a désormais même valeur que les traités (Traité sur l'Union Européenne (TUE), art. 6, § 1) (P. Cassia et S. von Coester, L'application de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne par le juge national, JCP 2012 n° 298).
Il faut enfin mentionner le rôle de la Cour de Justice de l'Union européenne qui peut notamment être saisie d'une question préjudicielle sur l'interprétation des Traités ou sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union en vertu de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE) (CJCE 26 janvier et 19 mars 93, D 93 464 note Fourgoux et D 93 chr 245 Bergerès). Son arrêt s'impose alors aux juridictions nationales, ce qui permet de réaliser une interprétation uniforme du droit communautaire sur tout le territoire de l'Union.

  • La Convention de Sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
La convention EDH, adoptée le 4 novembre 1950 par le Conseil de l'Europe (pour la France, décret du 3 mai 1974), joue un rôle important, au travers notamment de ses dispositions procédurales :
  • l'article 6§1, relatif aux principes fondamentaux de procédure civile et consacrant le droit au procès équitable.
  • l'article 6§3, à partir duquel avait été dégagé le principe d'égalité des armes, rattaché ensuite à la notion de procès équitable (Cour EDH, 6 mai 1985, série A n° 92).
Le droit au procès équitable au sens large (« fair trial »), entendu comme équilibré entre les parties, est devenu la référence du procès modèle. Outre la convention EDH, il trouve également des fondements dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 (art 10 et 11), dans l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 (Comité des droits de l’homme de l’ONU) et dans l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne.

Dans le cadre de la convention EDH, le droit au procès équitable comporte trois volets, dégagés par la Cour EDH, et qui se déclinent en autant de garanties : le droit d’accès à un tribunal, diverses garanties d’ordre procédural du droit à « un bon juge et une bonne justice », et enfin, le droit à l’exécution des décisions de justice (Cour EDH 19/3/97, Hornsby, JCP 97 II 22949 - CEDH, 1re sect., 1er juill. 2014, Proc. 2014 Fasc. 8 n° 234 note N. Fricero : en cas de violation de cette obligation, un recours interne effectif doit être mis en place pour réparer le préjudice subi. Lorsque l'inexécution ou l'exécution tardive relève d'un problème structurel, la Cour européenne peut statuer selon la procédure de l'arrêt pilote et donner à l'État un délai d'un an pour se mettre en conformité, en coopération avec le Comité des ministres).

Rq.Le droit d’accès à un tribunal est explicité ci-dessous. Les garanties procédurales seront évoquées dans la leçon 2, à l’occasion de la présentation des principes généraux de fonctionnement des institutions judiciaires civiles.


En savoir plus : Le droit d’accès à un tribunal (ou droit au juge)

Le caractère fondamental du droit d’agir en justice et à un recours juridictionnel a été reconnu par l’arrêt Golder (Cour EDH, 21 fév. 1975, série A n° 18 § 36 ) et réaffirmé ensuite à de multiples reprises. Non seulement l’art 6 §1 garantit le droit à un procès équitable dans le cadre d’une instance engagée mais il reconnaît aussi un droit d’accès à toute personne désirant introduire une action dans le champ de la convention. Cela implique le droit de disposer d’un recours approprié devant un tribunal établi par la loi, même s’il ne s’agit pas d'une juridiction classique intégrée dans l’organisation judiciaire ordinaire de l’Etat concerné. Est toutefois posée la nécessité préalable que la contestation porte sur un droit reconnu au plan interne, à même de servir de base au droit d’action (Cour EDH, 21 fév. 1986 ; 28 sept. 95, série A 327 § 49 ; 19 oct. 2005, JCP 2006, I 109 obs. F. Sudre).

Tx.Jurisprudence
Cour EDH, 29 juin 2011, Sabeh El Leil c/ France, JCP 2011 Fasc. 29 n° 874, veille par K. Grabarczyk, ibid. Fasc. 36 n° 940 obs. F. Sudre, Rev. Proc. 2011 Fasc. 8 n° 266 obs. N. Fricero : la Cour EDH poursuit la remise en cause du caractère absolu de l'immunité juridictionnelle des États, dans la continuité d’un précédent arrêt (CEDH, gr. ch., 23 mars 2010, Cudak/Lituanie, JCP 2010 actu n° 395, obs. C. Picheral ; JCP 2010 Doctr 859, n° 9, obs. F. Sudre), en jugeant que l'impossibilité pour un salarié licencié par l'ambassade d’un Etat à Paris de contester son licenciement viole le droit d'accès à un tribunal garanti par l'article 6, § 1, alors que le requérant n'a exercé aucune responsabilité particulière dans le cadre du service diplomatique et n'a pas été engagé pour s'acquitter de fonctions particulières de puissance publique.
Cass. 1re civ., 9 avr. 2013, JCP 2013 fasc. 25 n° note E. Dreyer : le droit d'accès à un tribunal est affecté lorsque le délai de contestation d'une décision court du jour où la décision est prise non contradictoirement et que n'est pas assurée l'information des personnes admises à la contester. Une telle atteinte peut être dénoncée pour la première fois devant la Cour de cassation.
Cour EDH, 26 mars 2015, Proc. 2015 Fasc. 5 n° 159 note N. Fricero : l'arrêt considère que ne constitue pas une entrave substantielle au droit direct d'accès au juge l'obligation imposée par la loi de tenter de trouver une solution amiable, préalablement à toute demande devant une juridiction civile, à peine d'irrecevabilité, si par ailleurs le processus amiable suspend le cours de la prescription et qu'en cas d'échec, les parties disposent d'une possibilité de saisir le juge compétent.
CEDH, 15 sept. 2015, JCP 2015 Fasc. 40 n° 1037 : notion d'accès à un tribunal de pleine juridiction dans une matière où l'administration dispose d'un pouvoir discrétionnaire.
Cour EDH 15 sept. 2015, proc. 2015 Fasc. 11 n° 327 obs. N. Fricero : l'accès à un tribunal peut faire l'objet de limitations de nature diverses, y compris financières. Le paiement d'une taxe à peine d'irrecevabilité n'est pas en soi incompatible avec l'art 6., à condition que les juges motivent leur refus d'exonération de telle sorte que le droit ne se trouve pas atteint dans sa substance même


L’effectivité du droit d’accès à un tribunal implique que le recours concerné permette un contrôle juridictionnel réel et suffisant, en ce sens que le tribunal doit posséder une compétence de pleine juridiction : il doit pouvoir examiner l’affaire au fond tant en fait qu’en droit (Cour EDH 23 juin 1981, Le compte et autres, série A n° 43 §51). L’effectivité se mesure aussi à la réalité de la possibilité d’accéder en fait à la justice, en lien avec les éventuels obstacles d’ordre matériel et financier que pourraient rencontrer les justiciables et que l’Etat se doit alors de lever en prenant toutes mesures utiles (Cour EDH, 9 oct. 1979, Airey/Irlande, Série A n° 32).

La Cour EDH se montre très protectrice du droit d’accès à un tribunal, même si elle considère qu’il n’est pas absolu. Ses limitations éventuelles ne doivent pas restreindre l’accès à un point tel que le droit en soit atteint dans sa substance même (Cour EDH Philis/Grèce, série A n° 209 §59). La restriction doit poursuivre un but légitime et il doit y avoir proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Cour EDH, 28 mai 1985, Ashingdane/Roy. Uni, Série A n° 93). Ce droit peut ainsi être différé par l’intervention en première instance d’un organisme administratif ou disciplinaire indépendant, lequel peut ne pas satisfaire à toutes les exigences du procès équitable, à condition qu’il y soit ensuite satisfait devant un organe de contrôle disposant de pouvoirs de pleine juridiction (Cour EDH, Le Compte et autres, 23 juin 1981, précité).

La portée de l’exigence européenne de procès équitable est d’autant plus importante que presque tous les contentieux sont visés. En effet, le champ d’application de l’article 6 de la convention EDH, en ce qu’il concerne la matière civile (contestation sur un droit ou une obligation de caractère civil) et la matière pénale (bien-fondé d’une accusation en matière pénale) fait l’objet d’interprétations autonomes, dépassant les frontières traditionnelles entre les contentieux internes. Par ailleurs, toutes les phases de procédures sont concernées, depuis l’introduction de l’instance jusqu’à l’exécution de la décision.

La Convention est d'application directe en droit interne en vertu des dispositions de l'article 55 de la Constitution. En cas de manquement, les justiciables peuvent saisir directement la Cour européenne des Droits de l'Homme après épuisement des recours internes (Cour EDH 19 mars 91, D 92 177 note Flauss. – JP Costa, Le principe de subsidiarité et la protection européenne des droits de l’homme, D. 2010 p. 1364, et JM Sauvé, ibid. p. 1368). Les arrêts de la Cour n’ont en revanche pas d’effet direct : une condamnation de la France par la Cour EDH n’ouvre pas, en matière civile, droit à réexamen de la cause, la demande se heurtant alors à l’autorité de chose jugée (Soc 30/9/05, JCP 05 II 10180, D 05 2800 ; P.-Y.Gautier, D 05 chr 2773).

Rq.A suivre : la portée d’un arrêt rendu le 15 avril 2011 par l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation mentionnant que « les Etats adhérents à la convention EDH sont tenus de respecter les décisions de la Cour EDH, sans attendre d’être attaqués devant elle, ni d’avoir modifié leur législation » (Ass. Plén., 15 avril 2011, D. 2011 1080 obs. & 1128 entretien G. Roujou de Boubée, 1713 obs. Bernaud et L. Gay, RT 2011 725 note JP Marguénaud).


Pour accélérer le traitement des affaires devant la Cour EDH, le Protocole 14 a modifié l'article 35 de la Convention en permettant de déclarer une requête irrecevable, à trois conditions :
  • Tout d’abord, le requérant ne doit pas avoir subi un « préjudice important », notion renvoyant à des critères tels que l'impact monétaire de la question litigieuse ou l'enjeu de l'affaire pour le requérant (pour les premières applications, motivées par un préjudice financier réduit : Cour EDH, 1er juin 2010 (90 €), JCP 2010 F. 30 n° 825 obs. K. Grabarczyk, N. Fricero, Première application du protocole n° 14, Proc 2010 n° 315 ; Cour EDH, 19 oct. 2010 (150€), D. 2011 265 § VC obs. Fricero).
  • Ensuite, le respect des droits de l'homme ne doit pas exiger l'examen de l'affaire au fond, soit que la Cour ait déjà eu l'occasion de se prononcer sur des questions similaires, soit que les dispositions internes litigieuses aient été abrogées.
  • Enfin, l'affaire en cause doit avoir été « dûment examinée » par un tribunal interne.
C. Birsan et N. Fricero, Du protocole n° 14 bis au protocole n° 14 : une efficacité toujours accrue !, Proc. 2010 Fasc. 10, étude 7. - JF. Renucci et R. Toma, Saisine de la CEDH : le nouveau critère de recevabilité des requêtes individuelles, D. 2012 p. 123.

Dans un communiqué du 9 novembre 2010, la Cour EDH a précisé les critères du traitement prioritaire des affaires, lequel n'est a priori plus chronologique, mais fonction du type de contentieux (art. 41 Règl. de la Cour : affaires urgentes, ou répétitives, ou soulevant une question de recevabilité).
Le délai de recours passera en outre de 6 à 4 mois après l'entrée en vigueur du protocole 16, adopté le 16 mai 2013 (N. FRICERO, Procédure devant la Cour européenne : du protocole n° 15 au protocole n° 16, Procédures n° 7, Juillet 2013, alerte n° 46).



Rq.Evaluation des systèmes judiciaires européens
La Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) réalise des analyses comparées de données sur les moyens financiers, humains et informatiques des systèmes juridictionnels des 47 pays membres du Conseil de l’Europe (Rapport sur les données 2011, déposé le 20 septembre 2012 : aperçu rapide par N. Fricero, JCP 2012 Fasc. 40 n° 1031).
Rapport CEPEJ 2014 : L'efficacité et la qualité de la justice à l'aune de la crise économique (N. Fricero, JCP 2014 Fasc. 43 n° 1068)
Les sources du droit judiciaire privé sont issues d'une ordonnance du 22 décembre 1958, du Code de l'organisation judiciaire, du Code de procédure civile et de divers autres textes.

est relative :
  • d'une part, au statut de la magistrature, modifié depuis par diverses lois organiques.
  • d'autre part, au Conseil supérieur de la Magistrature. Le texte a également été modifié par diverses lois constitutionnelles ou organiques (Ex : L. consti. 27/7/93, L. org. 5/2/94, 19/1/95, L. Consti. 23 juillet 2008).
A l'origine, ce code avait pour source deux décrets du 16 mars 1978, dont les dispositions ont été modifiées à diverses reprises. Il comporte une partie législative et une partie réglementaire qui traitent de la composition et du fonctionnement des juridictions judiciaires. Il contient aussi un nombre important de dispositions relatives à la compétence d'attribution. Il existe sur ce point un partage avec le Code de procédure civile, et plusieurs autres codes, dont le principe même peut être discuté.

En effet, une ordonnance n° 2006-673 du 8 juin 2006 a procédé à une refonte des dispositions organisant les juridictions judiciaires : déclassement de certaines dispositions du COJ. vers la partie réglementaire, toilettage de textes mais surtout suppression des dispositions relatives aux conseils de prud’hommes, juridictions sociales, tribunaux paritaires des baux ruraux et tribunaux de commerce qui ont été intégrées dans les codes correspondants. Le COJ s’est donc réduit tandis que les codes de droit substantiel se sont enrichis de dispositions procédurales. La doctrine estime cet éclatement fâcheux car il rompt l’unité formelle de l’institution judiciaire qui résultait du code antérieur (Cadiet, JCP 06 I 183 n° 2).

En complément de la nouvelle partie législative issue de l'ordonnance de 2006, il a été procédé à la refonte de la partie réglementaire de ce code par un décret du 2 juin 2008 (D. n° 2008-522 du 2 juin 2008).
Nous allons retracer l'évolution de ce code et des règles de procédure civile (stricto sensu) avant d'expliciter les conditions institutionnelles dans lesquelles elles peuvent être réformées.


La première codification de la procédure remonte à 1806 avec le Code de procédure civile, l'un des codes napoléoniens, entré en vigueur en 1807 et inspiré de l'Ordonnance royale de 1667 sur la procédure civile, adoptée à l'initiative de Colbert.
En savoir plus : La préparation du code de procédure civile de 1806
Sa préparation s'est effectuée dans le cadre d'une commission présidée par le Chancelier Séguier et animée par le Premier Président de Lamoignon. Ce code n'était pas aussi « complet» que le Code civil et il n'abordait notamment pas les questions liées à l'organisation judiciaire - issues du décret des 16 et 24 août 1790 - et au statut du personnel judiciaire. Ces carences ont justifié très tôt une volonté de le réformer.
Une première commission de réforme, mise en place en 1934, avait débouché, non sur une refonte générale mais sur des textes épars : décret-loi du 30 oct. 1935 : juge chargé de suivre la procédure ; décret-loi du 17 juin 1938 : saisie immobilière ; loi du 23 mai 42 : appel, exécution provisoire ; loi du 15 juillet 44 : matière gracieuse ; loi du 9 fév. 49 et 12 nov. 55 : saisie conservatoire.

Lors de l'avènement de la 5ème République, en 1958, furent exprimés un souhait de réforme totale du Code et la nécessité de procéder à une refonte de la carte judiciaire.
En savoir plus : Les travaux de préparation du « Nouveau code de procédure civile »
La décision de refonte du code de procédure civile est due à l'initiative de Jean Foyer, alors Garde des Sceaux. La commission plénière comportait divers membres désignés à titre personnel. Les travaux portent ainsi la marque de Motulsky, décédé en 1971. Les réflexions ont été menées dans le cadre d'une sous-commission, composée notamment de R. Perrot et C. Parodi, et il avait été mis en place une équipe de rédaction (G. Cornu, P. Francon, C. Parodi). Enfin, avait été créée une Commission d'harmonisation nationale.
Les travaux ont abouti à la promulgation de plusieurs décrets, préalablement examinés par le Conseil d'Etat : les décrets du 9 sept 71, du 20 juillet 72, du 28 août 72, du 17 déc. 73 et du 5 déc. 75, lequel contenait diverses dispositions et portait codification, créant le NCPC, entré en vigueur le 1er janvier 1976.

Rq.Appréciation : ce nouveau code avait été jugé remarquable dans sa forme et son style, témoignant en outre d'un souci pédagogique certain : plan, principes liminaires, définitions. Il a réalisé une simplification et une unification de la procédure. Le rôle des principes directeurs a été souligné, de même que la recherche d'un droit commun procédural applicable -sauf dispositions particulières- devant toutes les juridictions : dispositions relatives à l'action, aux rôles respectifs des parties et du juge, à la compétence, aux délais, au déroulement de l'instance, à la preuve, au jugement, aux voies de recours, aux frais du procès. Il a offert par ailleurs un choix de procédures souples et variées. Enfin les commentateurs avaient estimé qu'il aboutissait à un équilibre satisfaisant entre le respect des droits des parties d'une part, et le souci de garantir un bon fonctionnement du service public de la justice, d'autre part.

Lors de son adoption, le code se révélait toutefois incomplet car il ne comportait que deux livres :
  • le livre 1, traitant des dispositions communes à toutes les juridictions,
  • le livre 2, relatif aux dispositions particulières à chaque juridiction.

Il a été remédié à ces carences par divers textes (ex. : D. du 29 juillet 76 - D. du 28 déc. 76 - D. du 7 nov. 79 : réforme de la procédure devant la Cour de cassation - D. du 23 nov. 79 : Conseil des Prud'hommes) et en particulier par le décret du 12 mai 1981. Ce décret, à la fois contenait des dispositions particulières à certaines matières (ex : Le divorce, mais certaines règles sont contenues dans le Code civil) et instituait les livres 3 et 4 du Code :
  • Livre 3 : Dispositions particulières à certaines matières.
  • Livre 4 : L'arbitrage.
La substitution aurait dû être intégrale avec la création d'un livre 5 portant réforme des voies d'exécution et des mesures conservatoires.
Or, pendant plusieurs années, les voies d'exécution ont continué à être régies par les textes de 1806, d'où l'appellation "Nouveau Code de procédure civile" (NCPC), à côté d'un "Code de procédure civile" pour partie maintenu.
Les réformes attendues sont finalement intervenues mais les nouvelles dispositions relatives aux voies d'exécution n'ont pas été intégrées au Code.
En savoir plus : Les dispositions relatives aux voies d'exécution: phase 1
La réforme des voies d'exécution a d'abord concerné les saisies mobilières (loi du 9 juillet 1991 et décret du 31 juillet 1992, entrés en vigueur le 1/1/93).
Elle s'est achevée avec la révision des dispositions régissant la saisie immobilière : l'ordonnance n° 2006-461 du 21 avril 2006 (ratifiée par la loi n° 2010-1609 du 22 déc. 2010) et le décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 (modifié par D. n° 2009-160 du 12 fév. 2009 : C. Laporte, Proc 09 n° 17) relatif aux procédures de saisie immobilière et de distribution du prix d'un immeuble, entrés en vigueur le 1er janvier 2007 (Croze et Laporte, Aperçu rapide, JCP 06 actu n° 236 et 466 ; Laporte, Réforme de la saisie immobilière et de la distribution du prix de vente de l'immeuble, Proc. 06 n° 20).
Ces nouveaux textes n'ont pas été intégrés à la codification du NCPC : dans un premier temps, la saisie mobilière a continué à faire l'objet de dispositions autonomes, tandis que les textes relatifs à la saisie immobilière étaient intégrés dans le code civil.

Par ailleurs, les dispositions relatives au surendettement des particuliers et à la procédure de redressement personnel ont quant à elles été insérées dans le code de la consommation (art L 330-1s. et R 331-1s C. Conso. : dispositions issues de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 modifiées par la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et le décret n° 2010-1304 du 29 octobre 2010 - T. LE BARS et K. SALHI, Les nouvelles procédures de traitement du surendettement des particuliers, Rev. Proc. 2011 Fasc. 1 n°1).
Dans un premier temps, la loi du loi du 20 décembre 2007, sur la simplification du droit, a tiré la conséquence de la disparition avérée de l’ensemble des dispositions de l’ancien Code de procédure civile de 1806 : il a été abrogé.
En conséquence, le « Nouveau Code de Procédure Civile » (NCPC), institué par le décret du 5 décembre 1975, est redevenu le « Code de procédure civile » (CPC).

Puis, a été décidée la création d’un code autonome des procédures civiles d’exécution, dont la loi n° 2010-1609 du 22 déc. 2010 a autorisé le gouvernement à procéder à l’adoption de la partie législative par voie d’ordonnance, au plus tard le 31 déc. 2011 (art 7 L 22 déc. 2010).
En savoir plus : Les dispositions relatives aux voies d'exécution : phase 2
La codification à droit constant de la partie législative du Code des procédures civiles d'exécution a été réalisée par l'ordonnance n° 2011-1185 du 19 décembre 2011 (ratifiée par la loi n° 2015-177 du 16 fév. 2015). Le nouveau code, entré en vigueur le 1er juin 2012, est divisé en six livres : dispositions générales ; procédures d'exécution mobilière (sauf les dispositions sur la saisie des rémunérations qui restent dans le Code du travail et celles sur la saisie des aéronefs dans le Code des transports) ; saisie immobilière (abrogation du titre XIX du Code civil) ; expulsion ; mesures conservatoires; dispositions relatives à l'outre-mer. La partie réglementaire a été introduite par le décret n° 2012-783 du 30 mai 2012.
JB. Donnier, Un code en l'état futur d'achèvement.- À propos de la publication de la partie législative du Code des procédures civiles d'exécution, JCP 2012 n° 68 - JB. Donnier, Entre accomplissement et achèvement - A propos de la partie réglementaire du Code des procédures civiles d’exécution, JCP 2012 Fasc. 26 n° 754 - L. LAUVERGNAT, Rev. Proc. 2012 Fasc. 5 n° 18, Le Code des procédures civiles d'exécution : un code à décoder ! - C. Laporte, Codification à droit constant dans la saisie immobilière ?, JCP 2012 Fasc. 27 n° 282

La mention d'un Livre 5, dénommé "Voies d'exécution", dans le Code de procédure civile, est par suite devenue sans objet.
Mais le droit, à l'instar de la Nature, semble ne pas apprécier le vide...

Rq.Le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012, relatif à la résolution amiable des différends, a créé dans le Code de procédure civile un nouveau Livre 5, intitulé « la résolution amiable des différends », traitant d’une part de la médiation et de la conciliation conventionnelles et, d’autre part, de la procédure participative faisant intervenir les avocats (voir leçon 3).
F. Rongeat-Oudin , Le règlement amiable des différends est en bonne marche ! JCP 2012 n° 157

Quant à son contenu, le code a connu depuis sa création de nombreuses modifications ponctuelles.

Dans les années 80, leur mois d'adoption avait conduit un commentateur (P. Bertin, à la Gazette du Palais) à qualifier sa chronique régulière de « Petit Noël du procédurier » !
Eu égard à leur fréquence, la pertinence de ces "toilettes"pouvait déjà paraître discutable d'un point de vue méthodologique. Beaucoup d'entre elles étaient sous-tendues par le constat d'une certaine crise de la Justice. Ces réformes se sont multipliées dans les années 90 (D. du 20/7/89, D. du 14/8/96 sur la procédure d'ordre, D. du 28 déc. 98 : JCP 99 Fasc 8 actua; Proc 99 chr 3 - L. du 18 déc. 98 sur l'aide juridique), conduisant alors un autre auteur (Héron, RGP 1999 65) à parler de « parcellisation et décodification ».
Dans les années 2000, les réformes se sont encore succédées (création des juges de proximité, première refonte de la carte judiciaire, prise en compte du développement de la preuve scientifique) même si certaines des modifications projetées ont à l'époque parfois été abandonnées (statut du ministère public, Conseil Supérieur de la Magistrature, tribunaux de commerce).

En savoir plus : Réformes : illustrations... définitivement non exhaustives !
  • En 2004: décret n° 2004-836, du 20 août 2004, opérant de nombreuses modifications procédurales, entrées en vigueur le 1er janvier 2005 (H. Croze, JCP 04 Fasc 39 actua 459 – R. Perrot et H. Croze, Proc 04 chr n° 13); décret n° 2004-1420 du 23 déc. 2004, modifiant certaines règles en matière d’appel et de pourvoi en cassation.

  • Pour 2005, il peut être fait état :
    • de la loi du 26 janvier 2005, validée par une décision du Conseil Constitutionnel du 20 janvier 2005 (Bléry, Aspects civils, D. 05 chr. 461), complétée au plan réglementaire par le décret n° 2005-460 du 14 mai 2005, et modifiant les compétences du tribunal d’instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance.
    • du décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005, entré en vigueur le 1er mars 2006 (S. Amrani-Mekki, E. Jeuland, Y.-M. Serinet, L. Cadiet, Premières vues, JCP 06 actu n° 87 ; R. Perrot, Proc 06 chr. n° 3 ; P. Julien et N. Fricero, D 06 chr. 545 §1 ; S. Amrani-Mekki, E. Jeuland, Y-M. Serinet, L. Cadiet, Le procès civil français à son point de déséquilibre ?, JCP 06 I 146 – Voir aussi circulaire n° 2006-04 du 8/2/06, BO Justice n° 101 et JCP 06 III 20003).

  • Depuis 2007, l’actualité, largement médiatisée, a tenu tout d'abord au lancement d’une grande réforme de la carte judiciaire. La modification du siège et du ressort des juridictions de première instance s'est traduite par une réduction de 1190 à 862 du nombre de juridictions. La nouvelle carte s’est déployée progressivement entre décembre 2008 et le 1er janvier 2011.


Ensuite, plusieurs groupes de travail ont mené des réflexions et déposé des rapports sur le fonctionnement de la Justice et fait des propositions sur des réformes à entreprendre :
  • Rapport de la commission Guinchard sur la répartition des contentieux entre les différentes juridictions déposé le 30 juin 2008 ;
  • Rapport de la Commission Magendie : Célérité et qualité de la justice devant la Cour d’appel, déposé le 25 juin 2008 (Granet, Proc 08 Focus n° 13 ; Entretien avec J.-C. Magendie, JCP 08 I 145).
  • Rapport du groupe de travail Magendie : Célérité et qualité de la justice – La médiation : une autre voie, déposé le 15 octobre 2008.
  • Rapport de la Commission Darrois, sur les professions du droit, remis le 8 avril 2009 (voir leçon 3).
  • Rapport Magendie-Thony, sur les conciliateurs de justice (JCP 2010 Fasc 14 n° 377).


Les rapports et propositions précités sont à l’origine de nouvelles réformes :
  • Le décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 relatif à la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile, entré en vigueur le 1er janvier 2011.
  • Le décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010 relatif à la conciliation et à la procédure orale en matière civile, commerciale et sociale, entré en vigueur le 1er décembre 2010.
  • La loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010, relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires.
  • La loi n° 2011-1862 du 13 déc. 2011, relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles (C. Bléry, Répartition des contentieux et allègement de certaines procédures juridictionnelles – Aspects civils de la loi du 13 déc. 2011, JCP 2011 Fasc. 52 n° 1465). Certaines dispositions intéressant ce cours (disparition des juridictions de proximité) ont vu leur entrée en vigueur repoussée tout d'abord du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2015... puis au 1er janvier 2017.
  • Les dispositions régissant l’arbitrage ont par ailleurs été modifiées par le D. n° 2011-48 du 13 janvier 2011, entré en vigueur le 1er mai 2011.

Rq.Selon Nathalie Fricéro (chron Procédure civile, D. 2011 265), l'année 2010 conforte la soumission de la procédure civile aux exigences du procès équitable et l'intégration des enjeux économiques dans l'organisation de la justice civile. Elle considère qu'il y a eu métamorphose du procès civil et adoption de règles de procédure répondant aux objectifs contemporains : développement des modes alternatifs, évolution et sécurisation des procédures orales, respect de la loyauté procédurale par tous les acteurs (par le biais de la concentration des moyens) et rééquilibrage des rôles respectifs du juge et des parties.


La décennie entamée en 2010 a donc vu se poursuivre le train des réformes et évoluer la physionomie du procès civil.
Le processus ne va pas s’arrêter là.
En effet, au regard des mutations de la société, qui constituent un enjeu pour la justice, confrontée à des difficultés fonctionnelles et organisationnelles, la Ministre de la justice a souhaité engager une réflexion sur « la justice du XXIème siècle ». Cette réflexion s’est traduite en 2013 par le dépôt de quatre rapports devant introduire des Assises nationales qui se sont déroulées les 10 et 11 janvier 2014 :

La publication de ces rapports a été suivie d'un débat national, donnant lieu à diverses propositions des professions du droit :

Le débat a été clôturé par... deux rapports de synthèse, présentés le 16 juin 2014 sur les contributions d'une part des juridictions et d'autre part des différentes professions juridiques.
Des propositions de textes devraient être communiquées par le Ministère de la Justice en 2015.

A signaler d'ores et déjà :
  • Le Décret n° 2015-282 du 11 mars 2015, relatif à la simplification de la procédure civile, à la communication électronique et à la résolution amiable des différends (Y. Strickler, Proc. 2015 Fasc. 6 n° 6, JCP 2015 Fasc. 16 n° 464, note crit D. Landry ; H. Croze, JCP 215 Fasc. 13 n° 356).
  • L'impact de la loi "Macron", notamment sur les professions du droit et sur les conseils de prud'hommes.




La question des réformes soulève le problème de leur initiative et de l'origine des sources du Droit judiciaire privé.
Pour répondre à cette question, il convient de se référer aux articles 34 et 37 de la Constitution.
Il s'infère de ces textes que :
  • la procédure relève par principe du pouvoir réglementaire,
  • il est fait exception à ce principe lorsque sont en cause le statut des magistrats, la création de nouveaux ordres de juridictions et les voies d'exécution, qui doivent résulter de la loi.
Ex.S'agissant des voies d'exécution, la révision des dispositions relatives à la saisie immobilière résulta ainsi de l'ordonnance n° 2006-461 du 21 avril 2006, ratifiée par une loi du 22 décembre 2010.

En savoir plus : La création de nouveaux ordres de juridictions
L'expression « création de nouveaux ordres de juridictions », ambiguë, a été interprétée par le Conseil Constitutionnel et le Conseil d'Etat comme visant la création de juridictions de type nouveau, c'est-à-dire de catégories de juridictions ayant même composition et même compétence.
Relèvent ainsi de la loi les dispositions traitant de l'organisation des tribunaux judiciaires civils et pénaux quant à leur structure, leur composition, leur compétence d'attribution et quant aux limites des compétences judiciaire et administrative.
Ex.Des textes législatifs ont ainsi été à l'origine de la création du JAM (juge aux affaires matrimoniales), du JAP (juge d'application des peines), du JEX (juge de l'exécution) et du JAF (juge aux affaires familiales) et des juridictions de proximité, qui disparaîtront finalement le 1er janvier 2017.


En revanche, la fixation du siège des tribunaux, leur nombre et leur ressort, la procédure civile sont de la compétence du pouvoir réglementaire.

Il convient toutefois de préciser qu'une intervention législative est encore nécessaire lorsque des règles de compétence et de procédure sont susceptibles d'avoir des incidences sur d'autres matières relevant du domaine de la loi ou touchant aux garanties des justiciables. La liberté du pouvoir réglementaire est en effet limitée en ce qu'il ne peut être porté atteinte aux principes généraux du droit que par une loi.

Rq.Rappel : les principes généraux du droit sont des règles fondamentales de valeur constitutionnelle ou législative, selon les cas, ou au moins de valeur supra-décrétale.


La juridiction administrative veille tout particulièrement au respect des principes fondamentaux, considérés comme des garanties essentielles pour les justiciables.
Ex.
  • CE 4 oct. 74, JCP 75 II 17967 note Drago, RT 75 355, obs. Normand : annulation des dispositions de l'art. 83 alinéa 2 du décret n° 72-684 du 30 juillet 1972, considérées comme touchant à l'indépendance des juridictions et à la publicité des audiences. Ces dispositions ont été reprises par les lois du 5 juillet 1972 et du 9 juillet 1975 et intégrées à l'article 435 CPC.

  • CE 12 oct. 79 D 79 606 , note Bénabent, JCP 80 II 19288 concl. Franc, note Boré, RT 80 145, obs. Normand : annulation des articles 16 et 12 alinéa 3 CPC, dans leur rédaction issue des dispositions du décret du 5 déc. 75, qui permettaient au juge de relever d'office des moyens de droit sans respecter le contradictoire.
Il faut mentionner l'existence de dispositions procédurales éparses, contenues notamment dans le Code du travail (Livre IV, titres V et VI, à compter du 1er mai 2008) et le code de la Sécurité Sociale.

Elle joue ici un rôle, comme en tout autre domaine du droit, soit à travers l'interprétation, stricte ou libérale, qu'elle fait des textes, soit même lorsqu'il y a création sans texte.
En général devant la Cour de cassation les questions de procédure relèvent de la compétence de la deuxième Chambre civile. Cela étant, compte tenu des liens évident entre la procédure et le droit substantiel, les autres chambres ont aussi vocation à intervenir sur ces questions, ce qui suscite parfois des divergences d'interprétation.

Rq.Dans une décision du 8 avril 2011, le Conseil constitutionnel a considéré, d’une part, que la jurisprudence des juges du fond ne pouvait constituer une jurisprudence constante et, d’autre part, que les cours suprêmes devaient garantir une interprétation de la loi conforme au droit constitutionnel (DCC 8 avr. 2011, AJDA 2011 758, JCP 2011 604 n° 16 obs. B. Mathieu, RT 2011 495 obs. P. Deumier).

Tx.Jurisprudence
Pour la Cour de cassation, le droit à un procès équitable ne consacre pas un droit acquis à une jurisprudence figée, dès lors que la partie qui s'en prévaut n'est pas privée du droit à l'accès au juge (Cass. Civ. I, 11 juin 2009, JCP 09 n° 41).

La Cour EDH considère également que les exigences de sécurité juridique et de protection de la confiance des justiciables ne consacrent pas le droit à une jurisprudence constante. Elle estime qu’une évolution de la jurisprudence n’est pas contraire à une bonne administration de la justice mais que, lorsqu’existe une jurisprudence bien établie sur une question, la juridiction suprême a l’obligation de donner des raisons substantielles pour expliquer son revirement, faute de quoi seraient violés les droits des justiciables d’obtenir une décision suffisamment motivée (Cour EDH, 9 sept. 2011, Boumaraf/France, D. 2011 2283).
Une place certaine est faite aux habitudes des praticiens, qualifiées « d'usages du Palais ».
Certaines de ces pratiques ont parfois été consacrées par le législateur ou avalisées par la Cour de cassation : médiation judiciaire, procédure de la passerelle, radiation conventionnelle, amicus curiae.
Si la doctrine n'est pas une source de droit, elle n'en influence pas moins parfois le législateur ou les magistrats...

Rq.Outre la bibliographie donnée en référence, il est possible de citer -de manière non exhaustive- parmi les commentateurs plus anciens, H. Vizioz (Etudes de procédure 1956); H. Solus et R. Perrot (Traité de procédure civile); H. Motulsky (Principes d'une réalisation méthodique du droit privé, 1948 réimpr. 1991; Ecrits, études et note de procédure civile 1973; Cours de droit processuel 1973); Hébraud; Morel (Traité élémentaire de procédure civile, 1949) ; Cornu et Foyer (Précis de procédure civile 1958, nouvelle édition).

Tableau récapitulatif : Les sources du droit judiciaire privé



Le règlement de cette question dépend tout d'abord du fait qu'existent ou non des dispositions transitoires, fréquentes en matière procédurale. A noter : il existe parfois un contentieux de leur interprétation !

Ex.
  • Décret. n° 2004-836 du 20 août 2004 : aux termes de l’art. 59 du décret, les nouvelles dispositions étaient applicables aux procédures en cours, à l’exception des articles 20 à 43, relatifs à l’exercice des voies de recours, applicables uniquement aux recours dirigés à l’encontre des décisions rendues à compter du 1er janvier 2005. Ces dispositions spécifiques devaient également se conjuguer avec les principes généraux du droit transitoire.
  • Décret n° du 28 déc. 2005 : voir les articles 87 et 88 du décret.
  • Loi n° 2011-1862 du 13 déc. 2011 : dispositions transitoires prévues par l'article 70 de la loi.

A défaut de dispositions transitoires, il convient de se reporter aux règles de conflits de lois dans le temps, notamment à l'article 2 du Code civil , qui pose les principes de non-rétroactivité et d'effet immédiat de la loi nouvelle.
La conséquence qui s'en déduit est l'application immédiate des lois de procédure aux instances en cours.

La règle doit être précisée en fonction de l'objet du texte concerné, en distinguant entre lois d'organisation judiciaire et de compétence (A), lois de procédure (B) et réglementation relative à la preuve (C).
En savoir plus : La question de la rétroactivité des revirements de jurisprudence
L'article 2 du Code civil traite de la loi, pas de la jurisprudence. Or, dans la mesure où les juges apprécient la régularité de situations qui se sont produites dans le passé, leurs décisions, en ce qu'elles interprètent les textes, sont susceptibles d'avoir un effet rétroactif. Celui-ci peut être perturbateur, par exemple quand des personnes voient leur responsabilité engagée du fait du non-respect d'obligations, dont l'existence n'était jusqu'alors pas consacrée.
Un « groupe de travail sur les revirements de jurisprudence », institué par le Premier Président Guy Canivet, avait proposé, en 2004, que la Cour de Cassation puisse statuer sur l'application dans le temps de ses arrêts et décider, à titre dérogatoire, que sa décision n'aurait pas d'effet rétroactif si les anticipations légitimes des justiciables, et les risques pour l'intérêt général le justifiaient. Sur la question, voir :
  • Rapport du groupe de travail (JCP 04 F 50 act n° 649; Entretien avec G. Canivet et N. Molfessis, Les revirements de jurisprudence ne vaudront-ils que pour l'avenir ?, JCP 04 I 189 )
  • Commentaires du rapport et appréciations diverses, au regard notamment des articles 4 et 5 du Code civil, de l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, des notions de sécurité juridique, d'équité, etc. : Heuzé, JCP 05 I 130 (critique) - Théry, RT 05 176 n° 2, sous Civ II, 8/7/04 - Tribune Libre, A propos de la rétroactivité de la jurisprudence, RT 05 293 - Morvan, Le revirement de jurisprudence pour l'avenir, D 05 chr 247 et note sous Ass. Plén. 21 déc. 2006, D. 07 835 - Radé, De la rétroactivité des revirement de jurisprudence, D 05 chr 988.
  • Lecture conseillée : Petr Muzny, Quelques considérations en faveur d'une meilleure prévisibilité de la loi, D. 2006 chr. 2214
  • V. aussi : N. Molfessis, La Cour de cassation face à la modulation dans le temps des revirements de jurisprudence, D. 09 chr. 2567 (à propos de : Cass. Civ. I, 11 juin 2009, JCP 09 n° 41 et D. 09 2599).

    Tx.Jurisprudence
    Cour EDH, 26 mai 2011, Legrand /Fr, JCP 2011 Fasc. 26 n° 742 et actu 730 aperçu rapide A. Marais, Proc. 2011 Fasc. 7 n° 229, note N. FRICERO : La Cour EDH admet qu’un revirement de jurisprudence puisse de façon rétroactive et en lien avec le principe de concentration des moyens, priver des requérants de leur droit à réparation sans porter atteinte à leur droit d’accès au tribunal. Elle considère qu'il n'y a pas d'atteinte au droit à un procès équitable si la Cour de cassation applique immédiatement un revirement de jurisprudence survenu avant la formation du pourvoi et connu des parties. En conséquence, il n'y a pas violation de l'article 6 § 1, si la demande devant le juge civil est déclarée irrecevable, sur le fondement de la chose jugée tirée de l'art 1351 Cciv., le demandeur n'ayant pas concentré tous ses moyens devant la juridiction pénale pour obtenir réparation de son préjudice.


  • Principe : les lois nouvelles font l'objet d'une application immédiate aux procès déjà engagés.

Ex.Application dans le temps des lois de compétence : la loi " NRE ", du 15 mai 2001, a eu une incidence sur la compétence des tribunaux de commerce en rétablissant, à titre rétroactif, la compétence générale de ces juridictions, malencontreusement abrogée -avec l'ancien article 631 du Code de commerce- par la loi du 17 déc. 1991 (art. L 411-4 C.Com.), lors des travaux de refonte de ce code (Obs. de J. Normand, sous CA Paris, 6/3/02, RTDCiv. 2002 p. 840 à 845).
N.B.: il s'agissait en l'occurrence d'une loi de validation, destinée à valider les jugements rendus dans l’entrefaite par les différents tribunaux de commerce (les lois de validation sont a priori refusées par la Cour EDH : voir leçon 2, section 1 §1B1).

  • Limite : il est parfois dérogé au principe d'application immédiate :
    • Quand une décision sur le fond est déjà intervenue auparavant dans une instance en cours, étant précisé que la notion de décision sur le fond est interprétée de manière libérale par la jurisprudence.
    • Pour les règles concernant la recevabilité des voies de recours : la recevabilité d'un recours s'apprécie en principe à la date à laquelle est rendu le jugement. Cette règle a parfois été controversée, au motif que la solution devrait dépendre de la position la plus favorable quant à la recevabilité du recours (obs. G. Wiederkher sous Civ I, 27/5/97, D 97 IR 154, RT 97 732, RPG 98 n° 2; V. aussi : Civ I 7/5/98, Rev. Proc. 98 n° 166).
Sont en cause les dispositions procédurales relatives au déroulement du procès.
  • En la matière, le principe est aussi l'application immédiate des lois nouvelles aux instances en cours.
  • Ce principe connaît deux exceptions :
    • Si la loi nouvelle intervient alors que l'affaire est pendante devant la Cour de cassation.

      Rq.Cela n'est pas surprenant : la Cour de cassation est juge de l'application du droit, mais au regard de la loi qui était applicable devant le juge saisi. L'exception ne vaut pas pour la Cour d'appel de renvoi.

    • Lorsqu'est en cause l'exécution provisoire.
      Dans ce cas, les règles applicables sont celles qui étaient en vigueur au moment où la décision a été rendue.

  • Principe : il y a application immédiate des règles déterminant les modes d'administration de la preuve, ses conditions d'admissibilité et son objet (Civ II, 7/5/03, JCP 03 II 10135, note Desgorces).

  • Limites du principe :
    • En matière de preuve préconstituée, la loi nouvelle est écartée si elle apparaît plus sévère que la loi ancienne, au nom du respect des droits acquis lors de la constitution de la preuve.
    • Il y a également exception pour les textes intervenant en matière de déchéances et de nullités.

Sy.En résumé : le principe d'application immédiate de la loi nouvelle reçoit exception à chaque fois qu'il serait susceptible de remettre en cause le fond du droit.




Df.Le principe est l'application générale sur le territoire français des dispositions de procédure.

Il existe toutefois des dispositions particulières pour les territoires d'outre-mer, les départements d'outre-mer, ainsi que d'Alsace-Moselle, où une législation spécifique a été maintenue jusqu'en 1977.
Par ailleurs si en droit international privé la procédure est régie par la lex fori (loi du juge saisi, qualifié de juge du for), nous avons déjà signalé que notre droit connaît des règles applicables aux litiges internationaux (voir supra §1 A1).
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