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Institutions et principes fondamentaux du procès civil

Théorie générale de l'instance : Le formalisme de l'instance

La leçon présente les exigences de forme auxquelles doivent satisfaire les actes de procédure, puis les conditions tenant aux délais.


On ne peut nier le caractère formaliste de la procédure, qui se traduit notamment par des exigences tenant, d'une part, aux actes de procédure, d'autre part aux délais.
Certaines réformes sont allées dans le sens d'un allègement du formalisme. En revanche, depuis la fin des années 90, et plus encore depuis le début des années 2010, on observe une évolution inverse.
La perspective est de rendre plus efficace l’intervention du juge afin de répondre aux objectifs énoncés, d'abord dans les rapports du président Magendie, de « Célérité et qualité de la Justice », puis à l'occasion de la réflexion sur la Justice du XXIème siècle. La nécessité de gestion de flux importants d'affaires en un temps raisonnable, et le recours possible aux nouvelles technologies de la communication, constituent les éléments de contexte de l'évolution d'une institution judiciaire confrontée à un manque de moyens humains et financiers.

Section 1. Les actes de procédure


Il existe différentes catégories d'actes :
  • les actes des juges : jugements, ordonnances ;
  • des avocats (et auparavant des avoués) : requêtes, conclusions, sommations ;
  • des greffiers : convocations, actes authentiques des jugements, réception de certains actes... ;
    Rq.Actualité : simplification du formalisme
    Art. 692-2 du CPC créé par le décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 : « Lorsqu'en application du présent code, le greffe convoque les parties à l'audience par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, les parties ou certaines d'entre elles peuvent, sur mention du juge au dossier, être avisées de cette date d'audience par lettre simple. Si une partie avisée par lettre simple ne comparait pas à l'audience ou n'y a pas été représentée, elle est convoquée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à une audience ultérieure ».
  • des commissaires de justice (auparavant huissiers), qui sont qualifiés d'exploits : assignations, actes d'appel, sommations, constats, procès-verbaux.

Les actes de procédure font l'objet d'une réglementation distincte de celle des actes juridiques classiques : ici l' instrumentum (formalisation au plan matériel) prévaut sur le negotium (opération intellectuelle) sans doute car il s'agit en majorité d'actes unilatéraux pour lesquels se pose un problème d'information de l'adversaire. Cela explique qu'ils fassent l'objet d'un formalisme et de sanctions spécifiques.

Il existe des règles générales communes à tous les actes, et des règles spéciales, variant selon l'objet et l'auteur de l'acte. Nous nous intéresserons essentiellement aux règles communes aux exploits des commissaires de justice (assignations, significations, sommations, constats, PV), envisageant successivement celles concernant leur rédaction et leur notification.


Ces actes sont dressés en un original (L. n° 2010-1609 du 22 déc. 2010). Les commissaires de justice en établissent des expéditions (copies), qui peuvent être établies sur supports différents. Les conditions de conservation de l'original et les modalités d'édition des expéditions certifiées conformes sont définies par décret en Conseil d'Etat.

Depuis un décret du 29 avril 2010, complété par un arrêté du 29 juin ces actes doivent en outre être normalisés (O. Fradin, « Le décret n° 2010-433 du 29 avril 2010 portant diverses dispositions en matière de procédure civile et de procédures d'exécution : l'acte d'huissier de justice devient équitable et normé », Procédures n° 7, juillet 2010, alerte 32 ; H. Croze, « La nullité pour empiètement sur la marge gauche », Procédures n° 8, août 2010, repère 8).

Rq.Le décret n° 2005-972 du 10 août 2005 a prévu le principe de l’acte authentique dématérialisé pour les huissiers [désormais commissaires de justice] et la création d’un minutier central destiné à revoir les actes et à en assurer la conservation.

Certaines mentions sont requises à peine de nullité (art. 648 du CPC) :
  • La date de l'acte. La date est considérée comme une formalité substantielle mais son absence n'est sanctionnée que par un vice de forme (voir infra, § 2). Elle présente une utilité en matière de délais: point de départ des délais, prescription, dommages-intérêts moratoires.
    Ex.La copie non datée d'un acte de notification est supposée n'avoir jamais fait courir le délai de pourvoi : Cass. Civ. 2ème, 18/06/97, RTD civ. 97 991.
  • La désignation et la signature de l'huissier [du commissaire de justice].
  • Des mentions permettant l'identification du requérant.
    Ex.Pour les personnes morales, le défaut de désignation de l'organe, lorsque cette mention est prévue à peine de nullité, n'est qu'un vice de forme : Cass. Civ. 2ème, 17 déc 98, RTD civ. 99 197 ; Cass. Mixte, 22/2/02, RTD civ. 02 358, Proc. 02 n° 69 et 73, D. 02 1009 et 2083. Il en est de même des erreurs affectant les mentions relatives à la forme sociale et au lieu du siège : Cass. Civ. 3ème, 26/11/08, Proc. 09 n° 34.
  • Des mentions permettant l'identification du destinataire et d'autres à préciser lors de sa remise (parlant à...).
    Ex.La mention de l'identité du représentant légal dans l'assignation n'est pas une formalité substantielle : Cass. Civ. 3ème, 6/5/98, JCP G 99 II 10037.
  • Le libellé et le coût de l'acte : le non-respect de cette exigence n'est sanctionné que par une amende.

Ces actes ne doivent pas comporter de blanc, d'interligne, de surcharge ou de rature qui n'aient été approuvés. Les mots supprimés doivent être rayés et comptés.

Rq.Cas particulier : Le formalisme des demandes initiales institué par le décret du 11 déc. 2019.

Un formalisme accru régissait déjà les assignations depuis le décret du 28 décembre 1998 : aux termes de l'article 56 du CPC, celles-ci devaient contenir un exposé des moyens en fait et en droit, ce qui conduisait à des exigences hétérogènes devant les juridictions sans représentation obligatoire quand existaient plusieurs modes de saisine.
Le décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 avait quant à lui eu pour objectif de favoriser les modes alternatifs de règlement des litiges (MARD) : depuis le 1er avril 2015, sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéressait l'ordre public, les assignations, requêtes et déclarations au greffe devaient préciser les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. Ces dispositions n'étaient néanmoins assorties d'aucune sanction.

Le décret du 11 décembre 2019 a fait évoluer les choses (nb : certaines dispositions initiales ont été modifiées par un nouveau décret du 27 novembre 2020).
Tout d'abord, l'hétérogénéité des modes de saisine a été limitée puisque l'article 54 du CPC, qui figure dans la partie commune à toutes les juridictions, dispose qu'en matière contentieuse la demande initiale doit désormais être formée soit par assignation, soit par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction. La requête peut aussi être formée conjointement par les parties.
Ensuite, qu'elle soit formée par assignation ou requête, toute demande initiale doit mentionner à peine de nullité :
  1. L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
  2. L'objet de la demande ;
  3. Mentions relatives au(x) demandeur(s) :
    • a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;
    • b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l'organe qui les représente légalement ;
  4. Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;
  5. Lorsqu'elle doit être précédée d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d'une telle tentative.
A noter : il n'existe plus d'obligation généralisée de « référence aux MARD sauf motif légitime », telle qu'elle était imposée par le décret du 11 mars 2015 (voir supra). En revanche, une mention particulière est exigée à peine de nullité par le 5° de l'art 54 du CPC quand le recours préalable aux MARD est obligatoire. Tel est le cas devant le tribunal judiciaire, en application de l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et de l'article 750-1 du CPC, avec à la clef, une fin de non-recevoir potentielle (voir leçon 8 section 1 §2C).


 
Des exigences complémentaires viennent s'ajouter à ces dispositions communes en fonction du mode de saisine mis en œuvre :
  • S'agissant des assignations, l'article 56 du CPC dispose qu'elle doivent contenir à peine de nullité, outre les mentions générales prescrites pour les actes d'huissier de justice [de commissaire de justice] et celles énoncées à l'article 54 :
    1. Les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée ;
    2. Un exposé des moyens en fait et en droit ;
    3. La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé.
    4. L'indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.
    L'assignation doit préciser également, le cas échéant, la chambre désignée.
    Rq.NB : en termes de droit transitoire, les dispositions ci-dessus, en ce qu'elles généralisent "l'assignation à date" ont fait l'objet de textes successifs décalant leur entrée en vigueur (voir leçon 1 section 2§2).
    Devant le tribunal judiciaire, elles sont applicables :
    • depuis le 1er janvier 2021 dans les procédures de divorce et de séparation de corps ;
    • depuis le 1er juillet 2021 dans toutes les matières qui, devant le TGI, qui relevaient de la procédure écrite jusqu'à la fin 2019.
  • Les articles 57 et 58 du CPC contiennent les exigences relatives aux demandes formées par requête, unilatérale ou conjointe.

La notification sert de point de départ à de nombreux délais et joue un rôle important en matière de contradiction.

Nous envisagerons les différentes formes de notification (art. 654 et s. du CPC), puis les modalités de la signification, étant précisé que ces règles s'articulent désormais avec les dispositions régissant la communication électronique devant les juridictions civiles.


- Notification ordinaire.

Elle se fait en principe par lettre recommandée avec accusé de réception. La notification est réputée faite à personne lorsque l'avis de réception est signé par son destinataire ; elle est réputée faite à domicile quand l'avis est signé par une personne munie d'un pouvoir à cet effet (décret du 28 déc 2005 applicable depuis le 1er mars 2006). Toutefois en cas de retour au greffe d'une lettre recommandée n'ayant pu être remise à son destinataire, le greffe doit inviter la partie à procéder par voie de signification (art. 670-1 du CPC). Il faut pouvoir justifier du respect de cette formalité, vérifiée et sanctionnée.
Aux termes de l'art. 667 du CPC, la notification en la forme ordinaire peut toujours être faite par remise contre émargement ou récépissé, alors même que la loi n'aurait prévu que la notification par la voie postale.

Lorsque l'envoi d'une réclamation par LR-AR est requis, son simple dépôt auprès du destinataire ne constitue qu'un vice de forme (Cass. Civ. 1ère, 17/01/08, Proc. 08 n° 70).

Ex.Dans un arrêt du 26 juin 2007, la Cour de cassation valide, dans une procédure fiscale, une notification par LR signée par un tiers, considérant que le signataire avait avec le destinataire des liens suffisants, d'ordre personnel ou professionnel, et que l'on pouvait s'attendre à ce qu'il fasse diligence pour lui transmettre le pli (Cass. Com., 26/6/07, RTD civ. 2007 809 n° 1). Elle est revenue sur cette solution dans un arrêt du 21 février 2008, où la remise avait été effectuée, non au destinataire, mais à son conjoint (Cass. Civ. 2ème, 21 fév. 2008, RTD civ. 2008 351 n° 1).

La date de réception d'une notification par LR-AR est celle qui est apposée par l'administration des postes lors de la remise de la lettre à son destinataire (Cass. Civ. 3ème, 13 juillet 2011, Proc. 2011, Fasc. 10 n° 295, obs R. Perrot).

- Notification dite "par acte du Palais" entre avocats (ou avoués auparavant).
Elle est effectuée :
  • soit par l'intermédiaire d'un commissaire de justice audiencier (art. 672, CPC) (exclusion d'un groupement d'huissiers audienciers : Paris, 20/03/98, D. 99 658)
  • soit par remise directe entre avocats (art. 673, CPC), la datation et le visa par le destinataire étant exigés (Cass. Civ. 2ème, 29/04/04, Proc. 04 n° 125). S'agissant des avocats, il y a eu évolution avec l'introduction, par le Règlement Intérieur Unifié (puis Règlement Intérieur National), des correspondances portant la mention « officielle » (RIN, art 3.2).


- Signification.

A défaut d'autorisation par la loi d'un mode de notification simplifié, l'intervention d'un commissaire de justice est obligatoire : celui-ci procède alors à une signification, soit à avocat, soit à partie, étant rappelé que la compétence territoriale des commissaires de justice s'étend au ressort de la Cour d'appel du lieu de leur résidence professionnelle (cf. leçon 3).
La notification peut toujours prendre la forme d'une signification, même quand la loi prévoit un mode allégé.
Selon la Cour EDH, le principe d'égalité des armes, élément du procès équitable s'applique également à la notification et à la signification des actes judiciaires (Cour EDH, Milhopa/Lettonie, 31 mai 2007).

Sy.
Tableau récapitulatif : Les différentes formes de notification

Notification ordinaire

Notification par « acte du Palais »

Signification

 
Lettre recommandée avec AR.
 
Entre avocats : intervention d'un commissaire de justice audiencier ou remise directe.
 
Intervention d'un commissaire de justice (mode normal).

La signification doit en principe être effectuée entre 6 et 21 heures, les jours ouvrables, sauf autorisation du juge (art. 664, CPC).
Nous traiterons de la signification aux personnes physiques, puis aux personnes morales.

Rq.Le décret n° 2012-366 du 15 mars 2012 a institué, aux côtés de la signification papier une signification par voie électronique des actes d'huissier de justice [de commissaire de justice] (art. 653, CPC) (voir n° 3, infra : La communication électronique devant les juridictions civiles).

Le code envisage plusieurs situations :
  • La signification à personne : La remise en mains propres d'un acte à son destinataire est le principe. La signification à personne peut se faire en tout lieu, même sur le lieu de travail.
  • La signification à domicile ou résidence : A défaut d'avoir pu signifier l'acte à personne, la signification peut être faite à domicile ou résidence. En application du décret du 28 décembre 2005, l'huissier [le commissaire de justice] doit désormais justifier dans l'acte des circonstances caractérisant l'impossibilité de signifier à personne et de ses diligences pour essayer de joindre le destinataire (art. 655 du CPC).


    Actualité 2022 : Pour faciliter la signification des actes, les commissaires de justice ont désormais accès aux boîtes aux lettres selon les mêmes modalités que les agents chargés de la distribution à domicile (art. L. 126-14 du CCH issu de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire).

    Ex.Cass. Civ. 2ème, 10 janvier 2013, JCP G 2013 Fasc. 6 n° 142 note L. Sousa, Proc. 2013 Fasc. 3 n° 67 obs. R. Perrot.
    Le décret du 28 décembre 2005 a entériné la rigueur des solutions retenues par la jurisprudence antérieure: sévérité face à des diligences résultant de mentions pré-imprimées : Cass. Civ. 2ème, 18 déc. 96, JCP G 97 II 22870.
    Obligation pour l'huissier de se renseigner soit auprès de son mandant (Cass. Civ. 2ème, 30/6/93, JCP G 94 II 22274, note Du Rusquec), soit auprès de certains organismes quand il connaît la profession du destinataire (Cass. Civ. 3ème, 12/05/93, JCP G 94 II 22320), voire auprès des enfants en matière alimentaire (Cass. Civ. 2ème, 15 nov 95, D. 97 217).
    V. cpdt sur la limite des exigences imposées à l'huissier : Cass. Civ. 2ème, 18 nov 04, Proc. 05 n° 6.
    La copie peut alors être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence, si cette personne l'accepte (avant 2006, l'art. 655 CPC prévoyait aussi la possibilité d'une remise au gardien de l'immeuble ou, en dernier lieu, à un voisin). La copie de l'acte est remise au tiers sous enveloppe fermée. Un avis de passage circonstancié est laissé au destinataire, qui est en outre avisé immédiatement par lettre simple contenant copie de l'acte (art. 658 du CPC).
    Si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte, et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier [le commissaire de justice] que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, il laisse un avis de passage mentionnant que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à son étude, contre récépissé ou émargement par l'intéressé ou par toute personne spécialement mandatée (le décret du 28 décembre 2005 a supprimé la signification en mairie). La formalité d'avis de passage est doublée par l'envoi d'une lettre simple. La copie de l'acte est conservée à l'étude pendant 3 mois et, passé ce délai, le commissaire de justice est déchargé. Le commissaire de justice peut, à la demande du destinataire transmettre la copie de l'acte à une autre étude où il pourra être retiré dans les mêmes conditions. Même dans ce cas, la signification est qualifiée de faite à domicile ou à résidence (art. 656 du CPC).
  • La signification par procès-verbal : Avant le décret du 20 juillet 1989, en cas d'absence de domicile, de résidence ou de lieu de travail connus, la signification était faite à parquet. Désormais l'huissier [le commissaire de justice] établit un procès-verbal (PV) de recherches infructueuses et envoie à la dernière adresse connue copie du PV et de l'acte, à la fois par LR-AR et lettre simple (art. 659 du CPC).
    Ex.Cette procédure a été jugée conforme à la Convention EDH (Cass. Civ. 2ème, 19 déc 02, D. 03 som. com. 1398). Elle peut être utilisée lorsque l'huissier, bien qu'ayant connaissance du lieu de travail du destinataire, ne réussit pas à lui remettre l'acte à personne sur ce lieu de travail (Cass. Civ. 2ème, 19 oct. 08, D. 09 757) mais l'huissier doit dans tous les cas justifier de ses diligences (Cass. Civ. 2ème, 10 janvier 2013, JCP G 2013 Fasc. 6 n° 142 note L. Sousa, Proc. 2013 Fasc. 3 n° 68 obs. R. Perrot - Cass. Civ. 2ème, 2 juillet 2020, Proc. 2020 Fasc. 10 n° 165 note Y. Strickler - S. Jobert, « La clarification du régime des significations irrégulières », D. 2021 1249 : selon l'auteur, la signification irrégulièrement réalisée au regard de l'art 659 du CPC semble considérée comme inexistante.
  • La signification à parquet : La notification à parquet ne concerne a priori plus que les cas où le destinataire a sa résidence habituelle à l'étranger (art. 683 à 688 du CPC). Aux termes de l'art. 684 du CPC, l'acte destiné à être notifié à une personne ayant sa résidence habituelle à l'étranger est remis au parquet, sauf dans les cas où un règlement européen ou un traité international autorise l'huissier de justice [le commissaire de justice] ou le greffe à transmettre directement cet acte à son destinataire ou à une autorité compétente de l'Etat de destination.
    L'acte destiné à être notifié à un Etat étranger, à un agent diplomatique étranger en France ou à tout autre bénéficiaire de l'immunité de juridiction est remis au parquet et transmis par l'intermédiaire du ministre de la justice aux fins de signification par voie diplomatique, à moins qu'en vertu d'un règlement européen ou d'un traité international la transmission puisse être faite par une autre voie. Le parquet auquel la remise doit être faite est, selon le cas, celui de la juridiction devant laquelle la demande est portée, celui de la juridiction qui a statué ou celui de la juridiction dans le ressort de laquelle demeure le requérant. S'il n'existe pas de parquet près la juridiction, l'acte est remis au parquet du tribunal judiciaire dans le ressort duquel cette juridiction a son siège.

    Rq.Avant le décret du 28 décembre 2005, le code prévoyait aussi une signification à parquet si le destinataire était domicilié dans les collectivités d'Outre-mer ou en Nouvelle-Calédonie. Celle-ci a été supprimée, au profit de la notification directe à l'autorité compétente, aux fins de sa remise à l'intéressé selon les modalités applicables dans la collectivité concernée (art. 660, CPC).

    En matière internationale, les dispositions sur la notification à parquet ne s'appliquent qu'en l'absence du jeu de traités internationaux, notamment de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965, et du règlement communautaire RCE n° 1393/2007, du 13 novembre 2007, sur la notification et la signification des actes de procédure au sein de l'Union Européenne. Par ailleurs le décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 a introduit la possibilité pour une partie demeurant à l'étranger de déclarer au greffe qu'elle fait élection de domicile en France pour la procédure (art. 689-1, CPC).

    En savoir plus : Le règlement communautaire relatif à la notification et la signification des actes de procédure

    Le règlement RCE n° 1393/2007, du 13 novembre 2007 (JOUE n° L. 324, du 10 décembre 2007), relatif à la signification et à la notification des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale dans les Etats membres de l'Union européenne, est entré en vigueur le 13 novembre 2008 (JCP G 07 actu n° 625 ; Proc. fév. 08 p. 2). Il a refondu et remplacé le règlement RCE n° 1348/2000 du 29 mai 2000 et contient un manuel des entités requises et un répertoire des actes susceptibles d'être notifiés ou signifiés.

La date de la signification d'un acte d'huissier de justice [de commissaire de justice] est celle du jour où elle est faite à personne, à domicile, à résidence ou, dans le cas mentionné à l'art. 659 du CPC, celle de l'établissement du procès-verbal (art. 664-1, CPC).


La signification est faite à personne lorsque l'acte est délivré au représentant légal de la personne morale ou à toute personne habilitée (art. 654, CPC), en principe au lieu d'établissement de la personne morale.

Validité :
Ex.
  • d'une lettre recommandée avec AR signée au lieu d'établissement par un préposé ne faisant pas partie des personnes habilitées : Cass. Civ. 2ème, 22/01/97, JCP G 97 II 22874, note critique Du Rusquec, RTD civ. 97 505.
  • d'une remise à un « responsable entretien » se déclarant habilité, ce dont l'huissier n'avait pas à vérifier l'exactitude : Cass. Com., 12/11/08, Proc. 09 n° 7 obs. R. Perrot.

A défaut de pouvoir être effectuée au lieu d'établissement, la notification peut être faite à la personne d'un représentant légal (art. 690, CPC).

Ex.L'acte peut être délivré en un autre lieu que celui de l'établissement de la personne morale, à condition qu'il soit remis entre les mains de la personne ayant qualité pour la représenter : Cass. Civ. 2ème, 30/04/09, Proc. 09 n° 185.

Le commissaire de justice doit ensuite envoyer immédiatement une lettre simple, contenant aussi copie de l'acte, et indiquant à qui celui-ci a été remis.

Rq.Le décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 a introduit dans le CPC un article 692-1 aux termes duquel, nonobstant toute disposition contraire, les convocations destinées aux personnes morales de droit privé, aux administrations de l'Etat, aux collectivités territoriales, aux établissements publics à caractère administratif, aux organismes de sécurité sociale et aux autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif peuvent leur être adressées par le greffe par tous moyens auxquels ils ont préalablement consenti.
La convocation adressée dans ces conditions est réputée notifiée à personne à la date à laquelle son destinataire en a accusé réception. A défaut, elle est réputée notifiée à domicile.

Les échanges dématérialisés se généralisent et la loi J21 du 18 novembre 2016 a institué des dispositions destinées à accélérer la modernisation des professions réglementées (F. G'sell, « L'accès au droit et la poursuite de la modernisation des professions réglementées dans la loi ... J21 », JCP G 2016 Fasc. 52 n° 1406).
Elle a en effet imposé aux huissiers de justice, notaires, commissaires-priseurs judiciaires, avocats, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, commissaires aux comptes et les experts-comptables l'obligation de proposer à leur clientèle une relation numérique dans un format garantissant l'interopérabilité de l'ensemble des échanges.
Les professionnels doivent rendre librement accessibles les données figurant dans leurs annuaires et tables nationales de manière à garantir cette interopérabilité, notamment au moyen d'un standard ouvert et réutilisable, exploitable par un traitement automatisé.

Les bases textuelles destinées à initier la communication électronique devant les juridictions civiles avaient été posées en 2005. Le dispositif s'est peu à peu développé et intensifié. Nous envisagerons tout d'abord les règles communes à toutes les juridictions civiles, avant de signaler quelques dispositions propres à certaines d'entre elles, étant précisé que la voie électronique constitue une modalité d'exécution des notifications prévues par le Code de procédure civile et non une  forme supplémentaire de notification (C. Bléry et J.-P. Teboul, « De la communication par voie électronique au Code de cyber procédure civile », JCP G 2017 Fasc. 24 n° 665). Cette modalité est désormais parfois imposée.


Dans les dispositions communes du code, le titre XXI, créé par le décret du 28 déc. 2005, traite de la communication par voie électronique (art. 748-1 à 748-9, CPC).
Aux termes de l'article 748-1 du CPC, les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le code, depuis le 1er janvier 2009.

L'art. 748-3 du CPC, modifié par le décret n° 2019-402 du 3 mai 2019 dispose que les envois, remises et notifications mentionnés à l'article 748-1 font l'objet d'un avis électronique de réception adressé par le destinataire, qui indique la date et, le cas échéant, l'heure de celle-ci.
Lorsque ces envois, remises et notifications se font par l'intermédiaire d'une plateforme d'échanges dématérialisés entre le greffe et les personnes mentionnées à l'article 692-1, ils font l'objet d'un avis électronique de mise à disposition adressé au destinataire à l'adresse choisie par lui, lequel indique la date et, le cas échéant l'heure de la mise à disposition.
Ces avis électroniques de réception ou de mise à disposition tiennent lieu de visa, cachet et signature ou autre mention de réception qui sont apposés sur l'acte ou sa copie lorsque ces formalités sont prévues par le présent code.
En cas de transmission par voie électronique, il n'est pas fait application des dispositions du Code prévoyant la transmission en plusieurs exemplaires et la restitution matérielle des actes et pièces remis ou notifiés.

Le décret 2018-1219 du 24 déc. 2018 a intégré à l'art. 748-6 alinéa 2 du CPC les dispositions du décret n° 2010-434 du 29 avril 2010, sur l'équivalence à une signature, de l'identification réalisée lors de la transmission par voie électronique pour les actes que les parties, le ministère public ou les auxiliaires de justice assistant ou représentant les parties notifient ou remettent à l'occasion des procédures suivies devant les juridictions des premier et second degrés.

La loi n° 2010-1609 du 22 déc. 2010 a introduit la possibilité de signifier les actes d'huissier de justice par voie électronique. Elle a été complétée par un décret n° 2012-366 du 15 mars 2012 qui a institué aux côtés de la signification papier une signification par voie électronique des actes d'huissier [de commissaire de justice] (art. 653, CPC - L. Lauvergnat, « Le décret n° 21012-366 du 15 mars 2012 : un nouveau souffle en matière de notification », Proc. 2012, Fasc. 6 n° 3). Cette dernière ne peut être effectuée qu'avec l'accord du destinataire et doit faire l'objet d'un avis électronique de réception indiquant la date et l'heure de celle-ci. L'acte doit porter mention du consentement du destinataire à ce mode de signification, les originaux des actes doivent mentionner les dates et heures auxquelles le destinataire en a pris connaissance (CPC, art. 662-1 et 663).
La signification par voie électronique est une signification à personne dès lors que le destinataire de l'acte en a pris connaissance le jour de la transmission. Lorsque le destinataire de l'acte n'en prend pas connaissance ou en prend connaissance après ce délai, la signification est une signification faite à domicile. Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er septembre 2012, en même temps que l'arrêté définissant, en application de l'art. 748-6 du CPC, les garanties que devaient présenter les procédés utilisés par les huissiers pour signifier les actes par voie électronique (arrêté du 28 août 2012 modifié par arrêté du 7 avril 2021).

Rq.La Chambre nationale des huissiers de justice a lancé le 10 janvier 2013, la plateforme e-palais (www.e-palais.fr) permettant une transmission sécurisée des actes du palais. Les actes déposés sur la plateforme, auprès des huissiers de justice audienciers, ont pu être signifiés par ces derniers aux avocats et au ministère public, et copie de cette signification transmise au greffe.

Communication des greffes :
  • Portail du justiciable : le décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 avait introduit des dispositions relatives à  la communication électronique avec les justiciables. Elles ont été adaptées à l'utilisation d'une plateforme d'échanges dématérialisés appelée « Portail du justiciable » par le décret n° 2019-402 du 3 mai 2019. Deux arrêtés du 21 octobre 2021 complètent ce décret : l'un autorisant la mise en œuvre d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Portail du justiciable », l'autre relatif aux caractéristiques techniques de la communication par voie électronique via ce portail. Ce traitement permet au justiciable, depuis son espace personnel sécurisé, accessible depuis le site justice.fr :
    • de consulter à distance l'état d'avancement de son affaire ;
    • d'accéder à certains documents dématérialisés, relatifs aux procédures judiciaires pouvant faire l'objet d'une consultation (avis, convocations, récépissés) ;
    • de transmettre électroniquement sa requête et ses pièces à la juridiction.Le portail permet aussi aux agents de greffe habilités d'accéder à certaines données enregistrées, de consulter des informations relatives aux affaires afin d'informer les justiciables via le portail du SAUJ.
    Il permet enfin à ces agents et aux magistrats de consulter et d'enregistrer des requêtes numériques qui leur sont adressées. Il constituera aussi un outil permettant de disposer d'informations statistiques.
    En matière civile, les justiciables peuvent donc désormais, s'ils ont consenti à la dématérialisation de leur affaire, suivre en ligne l'état d'avancement de celle-ci.
  • Avis : aux termes de l'art. 748-8 du CPC, lorsqu'il est prévu qu'un avis soit adressé par le greffe à une partie par tous moyens, il peut lui être envoyé par voie électronique sur le « Portail du justiciable » du ministère de la justice, à la condition que la partie y ait préalablement consenti. La déclaration par laquelle une partie consent à l'utilisation de la voie électronique mentionne ses adresse électronique et numéro de téléphone portable, à charge pour elle de signaler toute modification de ceux-ci. La partie est alertée de toute nouvelle communication par un avis de mise à disposition envoyé à l'adresse électronique indiquée par elle qui indique la date et, le cas échéant, l'heure de celle-ci.
    Les procédés techniques utilisés doivent garantir, dans des conditions fixées par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, la fiabilité de l'identification des parties à la communication électronique, l'intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges, la conservation des transmissions opérées et permettre d'établir de manière certaine la date d'envoi.
  • Communication avec les personnes morales : s'agissant des personnes morales de droit privé, administrations de l'Etat, collectivités territoriales, établissements publics à caractère administratif, organismes de sécurité sociale et autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif,  lorsqu'il est prévu qu'un avis, une convocation ou un récépissé leur soit adressé par le greffe, par tous moyens, par lettre simple, par lettre recommandée sans avis de réception, l'art. 748-9 du CPC dispose désormais que cet envoi puisse être effectué par courrier électronique dans des conditions assurant la confidentialité des informations transmises, si elles y ont préalablement consenti. Ce consentement peut être révoqué à tout moment. La date de la convocation adressée dans ces conditions est, à l'égard du destinataire, celle du premier jour ouvré suivant son envoi. Elle est réputée faite à personne si un avis électronique de réception est émis dans ce délai et faite à domicile dans le cas contraire.
Le fichier national des consentements est tenu par la Chambre nationale des commissaires de justice (en pratique cela concerne surtout les personnes morales).

Bibliographie  :
  • E. Ricard et A. Ferrete, « La technique au service de l'efficacité de la procédure civile : premières vues sur le décret du 28 décembre 2005 », Proc. 06 chr. n° 17 §1.
  • J.-L. Vallens, « La dématérialisation des décisions judiciaires : une évolution nécessaire », JCP G 07 I 119.
  • A. Coignac, « Enquête : E-barreau et dématérialisation des procédures : "on ne va pas faire une justice virtuelle" », JCP G 2010 Fasc. 3, n° 46 ; « La querelle e-barreau : vers une mutualisation de l'outil ? », JCP G 2010 F. 39 n° 939.
  • J. Legrain , « Le constat d'huissier sur Internet », JCP G 2010 F. 39 n° 959.
  • Rapport sur la dématérialisation des procédures judiciaires en France et en Europe, déposé en sept. 2011 par l'Institut sur l'évolution des professions juridiques.
  • Dossier sur la communication électronique, Proc. 2014 Fasc. 10.
  • N. Fricero,
    • « Demande en justice et nouvelles technologies », Proc. 2014 Fasc. 10 n° 5.
    • « Plaidoyer pour un procès disruptif et pour une mutation anthropologique des acteurs judiciaires ... A propos du rapport de l'Institut Montaigne "Justice faites entrer le numérique" », novembre 2017, JCP G 2017 1305.
  • Décret n° 2015-282 du 11 mars 2015, relatif à la simplification de la procédure civile, à la communication électronique et à la résolution amiable de différends : JCP G 2015 Fasc. 16 n° 464, note crit D. Landry ; H. Croze, JCP G 2015 Fasc. 13 n° 356 ; Y. Strickler, Proc. 2015 Fasc. 6 n° 6.
  • C. Bléry,
    • « Communication par voie électronique et procédure orale », Proc. 2014. Fasc. 10 n° 4 -
    • « Vers une procédure 2.0 », D. 2018 504 : passage d'une démarche d'équivalence du numérique au papier à une démarche où tout partira du numérique.
    • « Loi du 23 mars 2019 : aspects numériques », D. 2019 1069.
    • et J.-P. Teboul, « La communication par voie électronique, de la procédure civile avant tout », JCP G 2012 Fasc. 46 n° 1189 - « De la communication par voie électronique au Code de cyber procédure civile », JCP G 2017 Fasc. 24 n° 665.
    • et T. Douville, J.-P. Teboul, « Décret n° 2019-402 du 3 mai 2019 », D. 2019 1058.

Tout d'abord, un arrêté du 28 août 2012 contenant diverses dispositions techniques de mise en œuvre de l'art. 748-1 du CPC, a permis la signification par voie électronique des actes du Palais devant les TGI, Cours d'appel et tribunaux de commerce (J.-P. Teboul, « Les actes du palais peuvent être signifiés électroniquement », JCP G 2012 Fasc. 37 n° 955, H. Croze, Proc. 2012 Fasc. 10 repère 9). L'opération a été réalisée grâce à un portail dédié mis à disposition par la Chambre nationale des huissiers de justice (art. 8 de l'arrêté du 28/08/2012). Aux termes de l'arrêté, les avocats ayant adhéré au RPVA sont présumés avoir accepté consentir à l'utilisation de la voie électronique et il n'est pas nécessaire de recueillir leur accord exprès en application de l'art. 748-2 du CPC. L'art. 9 de cet arrêté a été modifié par le décret n° 2019-966 du 18 septembre 2019 pour prendre en compte la création du tribunal judiciaire.

  • Tribunal judiciaire
    La sécurité de connexion et la confidentialité des informations communiquées sont garanties par l'utilisation d'un applicatif de gestion fonctionnant sur un intranet, dénommé « Réseau privé virtuel justice (RPVJ) », avec un dispositif de certification électronique permettant l'authentification et un dispositif sécurisé de création de signature électronique. Un premier arrêté, du 25 septembre 2008, consacrait les travaux menés entre le Conseil National des Barreaux et le Ministère de la justice pour permettre la liaison entre le réseau privé virtuel avocats (RPVA) et le RPVJ. Il précisait les actes concernés, ainsi que les éléments techniques et de sécurisation devant présider aux échanges. Un arrêté du 7 avril 2009 avait fixé les garanties auxquelles devait répondre la communication électronique devant tous les TGI. Ce texte est désormais applicable au tribunal judiciaire en application du décret n° 2019-966 du 18 septembre 2019.

    Rq.Adhésion au RPVA et consentement aux échanges électroniques
    Une division était apparue entre les juges du fond quant aux conséquences à donner à l'adhésion d'un avocat au RPVA au regard des procédures dématérialisées. La Cour d'appel de Bordeaux avait considéré que cette adhésion emportait consentement à l'usage de la voie électronique en matière de signification (CA de Bordeaux, 1ère ch., 5 mars 2012, JCP G 2012 n° 406 note H. Croze : en adhérant au RPVA et en devenant attributaire d'une adresse personnelle dont le caractère spécifique résulte de l'identification par son nom et son prénom précédé d'un radical unique constitué par son numéro d'affiliation à la Caisse nationale du Barreau français, un avocat doit être présumé avoir accepté de consentir à l'utilisation de la voie électronique pour la signification des jugements à son égard. Il n'est donc pas nécessaire de recueillir son accord express en application de l'art. 748-2 du CPC qui n'a pas vocation à s'appliquer entre avocats postulants adhérents au RPVA). La cour d'appel de Toulouse avait retenu une solution contraire et refusé l'acceptation tacite (CA de Toulouse, 4 déc. 2012, JCP G 2013 Fasc. 4 n° 69 obs. C. Bléry). Dans un avis du 9 sept. 2013 la Cour de cassation avait considéré que l'adhésion d'un avocat au RPVA emportait nécessairement consentement de sa part à recevoir la notification d'actes de procédure par la voie électronique (Cass. avis, 9 sept. 2013, D. 2013 2104, JCP G 2013 Fasc. 39 n° 979 obs. C. Bléry).
    Le pouvoir réglementaire en a tiré les conséquences puisque le décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 a modifié l'art. 748-2 du CPC, en y ajoutant que « Vaut consentement au sens de l'alinéa précédent, l'adhésion par un auxiliaire de justice, assistant ou représentant une partie, à un réseau de communication électronique, tel que défini par un arrêté pris en application de l'article 748-6 CPC ».

    La communication électronique était devenue obligatoire, à peine d'irrecevabilité d'office, devant tous les TGI, pour les actes afférents aux instances contentieuses introduites depuis le 1er septembre 2019 (ex. art. 796-1 du CPC issu du décret n° 2017-892 du 6 mai 2017). S'agissant du tribunal judiciaire, l'art. 850 du CPC dispose désormais qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, en matière de procédure écrite ordinaire et de procédure à jour fixe, les actes de procédure à l'exception de la requête mentionnée à l'article 840 (procédure à jour fixe) doivent être remis par voie électronique.
    L'acte peut par exception être remis au greffe sur support papier, ou envoyé par LR-AR, en cas d'impossibilité de transmission par voie électronique du fait d'une cause étrangère à celui qui l'accomplit. Lorsque l'acte est adressé par voie postale, le greffe l'enregistre à la date figurant sur le cachet du bureau d'émission et adresse à l'expéditeur un récépissé par tout moyen.
    Les avis, avertissements et convocations doivent également être remis aux avocats par voie électronique sauf impossibilité pour cause étrangère à l'expéditeur (cause étrangère liée à des incidents techniques : Cass. Civ. 2ème, 10 juin 2021, JCP G 2021 Fasc. 26 n° 723 obs. H. Herman, Proc. 2021 Fasc. 8-9 n° 217 note S. Amrani-Mekki).

  • Cour de cassation : les dispositions de l'article 748-1 du CPC, et la communication par voie électronique, sont en vigueur depuis le 1er juillet 2008 (arr. 17 juin 2008 : Proc. 08, alerte n° 34, JCP G 08 actu n° 459).
    Entretien avec C. Arens, « Cour de cassation et usage des potentialités des technologies appliquées au droit », JCP G 2020 Fasc. 13 n° 373.

  • Cours d'appel
    • En matière de procédure avec représentation obligatoire, le décret n° 2009-1524, du 9 décembre 2009, est à l'origine de l'institution de la communication électronique obligatoire. Le texte prévoyait que les déclarations d'appel et constitutions d'avoués soient déjà effectuées ainsi à compter du 1er janvier 2011 mais son entrée en vigueur a été reportée, une procédure expérimentale ayant néanmoins été introduite devant onze CA. Un arrêté du 30 mars 2011 en a ensuite généralisé l'entrée en vigueur à compter du 1er septembre 2011. Pour tous les autres actes, dont les conclusions et la communication des pièces, la communication électronique en appel est obligatoire depuis le 1er janvier 2013.
    • Dans les procédures sans représentation obligatoire, un arrêté du 5 mai 2010 traitait des modalités de la communication électronique avec les auxiliaires de justice assistant ou représentant les parties.
    • Un arrêté du 20 mai 2020, relatif à la communication électronique devant les Cours d'appel, a abrogé les arrêtés précités du 5 mai 2010 (procédures d'appel sans représentation obligatoire) et du 30 mars 2011 (procédures avec représentation obligatoire) pour en fusionner les dispositions (J. Bellichach, D. 2020 1180 ; Proc. 2020 Fasc. 7 n° 116 obs. H. Croze).
  • Tribunaux de commerce
    • Injonction de payer électronique : www.infogreffe.fr
    • Référé commercial : faculté pour les avocats de prendre date par internet devant le tribunal de commerce de Paris (JCP G 06 actu n° 582).
    • Signature d'une convention nationale le 26 septembre 2008 entre le Conseil national des greffes des tribunaux de commerce, Infogreffe et le Conseil National des Barreaux.
    • Arrêté du 21 juin 2013 réglementant la communication par voie électronique dans les procédures devant les tribunaux de commerce (C. Bléry, « De la communication par voie électronique au Code de cyber procédure civile », JCP G 2017 Fasc. 24 n° 665.
    • Décret n° 2015-282 du 11 mars 2015, relatif à la simplification de la procédure civile, à la communication électronique et à la résolution amiable des différends : JCP G 20135 Fasc. 2816 n° 792). En conséquence, a été signée, le 7 mai 2014, une convention pour développer la communication électronique entre avocats, juges consulaires et greffiers des tribunaux de commerce. Depuis la plate-forme e-Barreau, les avocats peuvent se connecter à la plate-forme iGreffe en cliquant sur l'onglet tribunaux de commerce. Ils peuvent enrôler leur assignation, voire bénéficier de la mise en état par voie électronique dans les procédures en cours.
    • Décret n° 2015-1009 du 18 août 2015 et arrêtés du 17 sept. 2015, D. 2015 2312 obs. X. Huertas : portail électronique pour les procédures collectives (LR électronique pour mandataires et administrateurs judiciaires).
    • H. Croze, « La communication électronique procédurale devant les tribunaux de commerce », JCP G 2012 Fasc. 413 n° 1150.
    • SECURIGREFFE : arrêté du 9 fév. 2016, arrêté technique ; art. 748-6 du CPC régissant la communication électronique entre les greffes des TC et les professionnels (hors avocats RPVATC) et justiciables (« L'identité numérique judiciaire opposable est née » : C. Bléry, JCP G 2016  Fasc. 9 n° 256). La première identification au système emporte consentement à l'utilisation de la voie électronique.

    Rq.Services en ligne d'aide à la saisine des juridictions en cas de représentation non obligatoire.
    La loi du 23 mars 2019 a institué des dispositions encadrant l'activité des personnes et des plateformes proposant une aide en ligne à la saisine des juridictions. Ces dispositions visent notamment les legaltechs qui se sont développées et fournissent de tels services.
    Les personnes physiques ou morales proposant, de manière rémunérée ou non, un service en ligne d'aide à la saisine des juridictions sont soumises aux obligations relatives à la protection des données à caractère personnel et de confidentialité.

Le non-respect du formalisme peut tout d'abord se traduire par des sanctions disciplinaires et une condamnation à dommages-intérêts du commissaire de justice ou de l'avocat. Mais la principale sanction est la nullité de l'acte concerné.

Il existe deux formes de nullité, dont les régimes sont distincts : la nullité pour vice de forme et la nullité pour irrégularité de fond.
Les conditions de prononcé de la nullité mettent en cause la conception que l'on retient du formalisme car des impératifs contradictoires existent en la matière : d'une part, faire respecter les exigences de forme imposées, ce faisant considérées comme essentielles ; d'autre part, ne pas prononcer trop facilement une nullité susceptible de retarder l'avancement de la procédure, et pour cette raison risquant d'être "utilisée" par des plaideurs plus ou moins bien intentionnés.

Bibliographie : Brouillaud, « Comparaison des procédures civiles et pénales », D. 96 chr. 98.


Le régime en est strict et obéit à plusieurs règles :
  • Pas de nullité sans texte, sauf pour les formalités substantielles (exception ancienne et d'origine jurisprudentielle) ou d'ordre public (art. 114, CPC).
  • Pas de nullité sans grief, même pour les formalités substantielles ou d'ordre public. La charge de la preuve repose sur celui qui invoque la nullité. L'annulation ne dépend pas de la gravité de l'irrégularité ; le grief n'est pas l'intérêt à la voir prononcer mais la perturbation, appréciée in concreto , qui en résulte dans le déroulement du procès pour le plaideur en cause.
    Ex.Possibilité de compléter certaines mentions de la déclaration d'appel au moyen d'éléments issus d'un autre acte de procédure : Cass. Civ., 08/04/92, Gaz. Pal. 12 mai 93, note Du Rusquec.

  • L'invocation de la nullité doit respecter le formalisme et le régime des exceptions de procédure. Les irrégularités doivent donc être soulevées au fur et à mesure de l'accomplissement des actes : la nullité est couverte si une défense au fond ou une fin de non-recevoir a été invoquée auparavant. Les irrégularités doivent encore être invoquées simultanément s'il y en a plusieurs.
  • Enfin, selon l'art. 115 CPC, la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et s'il ne subsiste aucun grief (ex. : omission de signature d'un rapport d'expertise : D. 95 71).
    Ex.La nullité pour vice de forme de la signature électronique d'un acte de saisine effectué via des sites d'aide à la saisine en ligne, proposés par des Legaltechs, est conditionnée à la preuve d'un grief et à l'absence de régularisation par comparution du requérant (Cass. Civ. 1ère, 23 sept. 2020, JCP G 2020 Fasc. 52 n° 1450 note P. Giraud).

En savoir plus : La qualification de vice de forme

Le régime rigoureux des exceptions de nullité pour vice de forme a été à l'origine de problèmes de frontières avec les fins de non-recevoir (Cass. Civ. 3ème, 02/10/96, JCP G 96 II 22746 ; 24/01/01, Proc. 01 n° 132 : non-respect des formalités de saisine imposées par les textes) et les irrégularités de fond (non-conformité d'une déclaration d'appel par télécopie : Basse-Terre, 16/12/96, D. 97 405 note Vray - Cass. Civ. 2ème, JCP G 95 II 22512 Ammar : inexistence assimilable à une absence d'acte?), soumises à des règles plus libérales. La jurisprudence a, dans un premier temps, fait preuve de souplesse en tendant à élargir le domaine des vices de forme.

Néanmoins les nombreuses tentatives d'évitement ont parfois rencontré un écho positif auprès de la Cour de cassation. C'est ainsi qu'il avait parfois été jugé que la qualification de vice de forme ne s'appliquait pas à certaines situations :
  • en cas d'omission d'un acte requis par la loi (Cass. Civ. 3ème, 6 déc. 78, Bull. civ. III n° 365, RTD civ. 79 835 obs. Perrot ; Cass. Civ. 2ème, 1/3/95, JCP G 96 II 22587 : inexistence d'un acte ayant pour objet une obligation de faire non délivré à son destinataire ; Cass. Civ. 2ème, 08/06/95, Revue Justices n° 3 p. 365 ; Cass. Soc., 06/02/03, RTD civ. 03 350 : l'arrêt assimile le régime de l'omission d'un acte à celui des irrégularités de fond). Cette solution a été transposée au cas d'utilisation de formes différentes de celles requises par les textes (Cass. Civ. 2ème, 9 mai 85, Bull. civ. II n° 94 : forme de l'acte d'appel ; autre mode au lieu d'une notification à personne : Cass. Civ. 3ème, 12/05/93, JCP G 94 II 22320) ;
  • en matière d'actes extrajudiciaires (Cass. Civ. 1ère, 05/03/02) ;
  • en cas d'incompétence territoriale de l'huissier (Cass. Civ. 2ème, 2 mai 76, D. 77 125 Cornu, Gaz. Pal. 1977 182, note Viatte : qualification d'irrégularité de fond) ;
  • enfin, avait parfois été retenue l'existence d'une présomption de grief, la confusion avec les irrégularités de fond étant renforcée lorsque l'art. 114 du CPC n'était pas visé (Cass. Civ. 3ème, 12/05/93, JCP G 94 II 22320).

La plupart de ces solutions ne pourraient plus être retenues depuis un arrêt de la chambre Mixte du 7 juillet 06 (JCP G II 10146, note Putman et I 183 n° 12 obs. Serinet, RTD civ. 06 820 obs. Perrot), qui met fin à la notion jurisprudentielle d'inexistence d'un acte de procédure en cas de défaut d'une mention essentielle. La cour y affirme qu'un acte de procédure irrégulier, quelle que soit la gravité de l'irrégularité alléguée, ne saurait être affecté que d'une nullité pour vice de forme ou irrégularité de fond.
La jurisprudence postérieure en ce sens est abondante : il a par exemple été jugé que constituent des vices de forme le non-respect du délai de comparution (Cass. Civ., 19 nov. 09, RTD civ. 2010 152 obs. R. Perrot), le défaut de signature de la déclaration d’appel par l’avocat ou le plaideur (Cass. Soc., 5/01/2011 et 4 oct. 2011, Proc. 2012 Fasc. 12 alerte n° 56, obs C. Bléry et C. Raschel), une notification irrégulière par RPVA (Cass. Civ. 2ème, 16 oct. 2014, JCP G 2014 Fasc. 52 n° 1331), l'incompétence territoriale de l'huissier de justice dès lors qu'elle n'est pas visée par l'article 117 du code de procédure civile (Cass. Civ. 2ème, 5 juin 2014, RTD cov. 2014 943 obs. P. Théry, D. 2014. 1722).

En revanche, il a été rappelé récemment que le défaut de saisine régulière d'un tribunal ne constitue pas un vice de forme mais une fin de non-recevoir et que celui qui l'invoque n'a pas à justifier d'un grief (Cass. Civ. 2ème, 6 janv. 2011, Proc. 2011 Fasc. n° 85).

Nous aborderons successivement le domaine puis le régime des nullités pour vice de fond.



L'irrégularité ici n'affecte pas l'instrumentum mais la manifestation de volonté.

Sont concernés :
  • Le défaut de capacité d'ester en justice.
    A priori, le texte vise à la fois l'incapacité de jouissance et l'incapacité d'exercice. La sanction de l'incapacité de jouissance est toutefois controversée lorsqu'est en réalité en cause un défaut de personnalité juridique :
    Ex.Voir Théry, RTD civ. 04 766 n° 1 : il y a discussion quant au moyen de défense retenu par la Cour de Cassation, et traitement parfois différencié de "l'inexistence" lorsqu'elle concerne le défendeur : Cass. Civ. 2ème, 27/06/02, D. 03 som 1402 : irrecevabilité de la demande ; contra : Cass. Civ. 2ème, 08/07/04, D. 05 som 335, visant les articles 114 et 117 du CPC. Cass. Civ. 3ème, 10/06/98, Proc. 98 n° 243 : absence de personnalité juridique de la famille - Cass. Com., 30 nov. 99, Proc. 2000 n° 101 : l'inexistence d'une personne morale n'est pas régularisable.

    S'agissant des sociétés en formation, la chambre commerciale privilégie la sanction du défaut de droit d'agir au titre de l'article 122 du CPC (Cass. Com., 20 juin 2006, Bull. IV n° 146, D. 06 AJ 1820 et 2031 - Cass. Com., 3 oct. 06, Proc. 07 n° 9: l'inexistence de la personne morale qui déclare agir en justice doit être retenue même en l'absence de grief et n'est pas susceptible d'être couverte), alors que les deuxième et troisième chambre se prononcent pour la nullité de fond pour défaut de capacité de jouissance de la société au moment de l'assignation (Cass. Civ. 2ème, 11 sept. 03, Bull. civ. II n° 253, RTD civ. 04 766 ; Cass. Civ. 3ème, 9 oct. 96, Proc. 96 n° 348).

    CA de Toulouse, 9/5/06, JCP G 07 II 10021 : l'absence de personnalité juridique d'un Consulat ne lui permettant pas de recevoir l'assignation destinée à un Etat étranger est qualifiée de défaut de qualité passive constituant un moyen de nullité de fond au sens de l'art. 117 du CPC.

    Bordeaux, 10 déc 2015, JCP G 2016 Fasc. 12 n° 343 obs. A. Danet, qui constate que la Cour de cassation vise tantôt l'art. 32 tantôt l'art. 117 du CPC.

  • Le défaut de pouvoir d'une partie, s'agissant par exemple d'une partie atteinte d'une incapacité d'exercice (Cass. com., 23/6/93, RTD civ. 94 169: régularisation par l'intervention du liquidateur de l'appel du débiteur).

  • Le défaut de pouvoir d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale ou d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice.

  • Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice, par exemple dans le cas d'une absence de mandat de représentation ad litem.
    Ex.Cass. Civ. 2ème, 22/05/95, Justices n° 3 p. 367 : l'absence de mention sur un acte de procédure de l'identité de la personne représentant la personne morale constitue un simple vice de forme - Cass. Civ. 2ème, 23 oct 03, Proc. 04 n° 3 : la territorialité de la postulation devant le TGI est une règle de fond dont la méconnaissance ne peut être régularisée en appel - Cass. Civ. 3ème, 13 nov. 2013, JCP G 2013 Fasc. 51 n° 1335 note D. Cholet : l'erreur dans la désignation de l'organe représentant légalement une personne morale dans un acte d'appel avec ou sans représentation obligatoire, ne constitue qu'un vice de forme.

La réponse à la question de savoir si l'article 117 du CPC présente ou non un caractère limitatif a suscité des controverses en doctrine.
La liste est en revanche jugée limitative par la Cour de cassation même si autrefois elle avait parfois constaté des nullités non incluses dans l'énumération sans exiger la preuve d'un grief.
Ex.Quelle que soit la gravité des irrégularités alléguées, seuls affectent la validité d'un acte de procédure, soit les vices de forme faisant grief, soit les irrégularités de fond limitativement énumérées par l'art. 117 du CPC : Cass. Civ. 3ème, 24 oct. 07, Proc. 07 n° 272.

Dans le même sens : Cass. Civ. 2ème, 15 oct. 75, D. 77 125 (1) note Cornu ; 30 nov. 77, Gaz. Pal. 78 1 291, note Viatte : signification d'un acte d'huissier non signé ; 24 fév. 83, JCP G 83 IV 145 ; 15 mars 89, D. 89 som. 275 ; Cass. Civ. 3ème, 12 oct. 05, Proc. 05 n° 270 et RTD civ. 06 150 n° 1. Contra, s'agissant de la procédure spéciale de renouvellement du bail commercial (art. 29 et s.du décret du 30 sept. 1953) : Cass. Civ. 3ème, 4 fév. 09, D. 09 2657 note J. Beauchard.
En savoir plus : Discussions doctrinales quant au caractère limitatif ou non de l'art. 117 du CPC
  • Considéraient la liste comme non limitative G. Couchez, S. Guinchard, C. Giverdon, Tomasin (Mélanges Hébraud 1981, p. 853) et L. Cadiet. Certains y incluaient ainsi l'absence de consentement et le non-respect des conditions de fond de la validité des actes juridiques.
  • Ont manifesté une position plus nuancée Mme Lemée (J. Lemée, « La règle pas de nullité sans grief », RTD civ. 82 p. 1) et J. Héron, selon qui « Pourvu qu'il soit celui que prévoit la loi, l'acte de procédure même très mal réalisé relève des vices de forme. Dans le cas inverse, l'article 114 du NCPC n'est plus applicable ».

Tous les auteurs prônaient néanmoins une certaine sévérité lorsqu'était en cause le respect de l'organisation judiciaire, des forclusions et déchéances, ou des principes fondamentaux tel le contradictoire.
Le régime des nullités pour irrégularité de fond est nettement plus souple que celui des nullités pour vice de forme :
  • Les nullités pour irrégularité de fond peuvent être invoquées sans texte et sans grief (art. 119, CPC).
  • Elles peuvent,à moins qu’il en soit disposé autrement, être soulevées en tout état de cause, sous réserve de dommages-intérêts éventuels en cas d'invocation tardive à des fins dilatoires (art. 118, CPC).
  • Elles doivent être relevées d'office si elles ont un caractère d'ordre public et le juge a par ailleurs la faculté de relever d'office la nullité pour défaut de capacité d'ester en justice (art. 120, CPC).
  • La nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue lorsque la régularisation est possible (art. 121, CPC).

Ex.La déclaration d'appel est un acte conservatoire susceptible d'être formé par un maire avec délibération régulatrice ultérieure du conseil municipal : Cass. Civ. 2ème, 24/09/97, Proc. 97 n° 256 . Même solution pour l’introduction d’un référé judiciaire (Cass. Civ. 1ère, 3 fév. 2010, JCP G 2010 Fasc. 15 n° 414, note D. Cholet) - L'absence d'autorisation d'agir au nom du département donné par le Conseil général à son président existe dans le seul intérêt de la collectivité territoriale et la partie adverse n'est pas autorisée à s'en prévaloir : Cass. Civ. 2ème, 16 mai 2013, Proc. 2013 n° 209 obs. R. Perrot, JCP G 2013 Fasc. 47 n° 1225 obs. YM Serinet.

Des divergences jurisprudentielles ont existé quant à la détermination du « moment où le juge statue » et à la possibilité de régularisation en appel. V. notamment Cass. Civ. 1ère, 6 oct. 98, Proc. 98 n° 167 et Proc. 99 n° 27 : admission de la régularisation en appel d'un défaut de représentation en matière d'adoption.

La régularisation des pouvoirs du syndic (nullité de fond) ne peut intervenir après expiration du délai d'appel (Cass. Civ. 3ème, 16/09/2015, JCP G 2015 Fasc. 45 n° 1205 note JM Roux).

Quelle qu'en soit la cause, vice de forme ou irrégularité de fond, l'effet de la nullité se limite à l'acte nul et à la nullité par voie de conséquence des actes postérieurs fondés sur lui. Les conséquences peuvent être plus graves lorsque la nullité affecte l'acte introductif d'instance ou conduit à la perte d'un droit, notamment du fait de l'expiration d'un délai.

Sy.
Tableau récapitulatif : La nullité des actes de procédure

 
Nullité pour vice de forme

Nullité pour irrégularité de fond

Domaine

Omission ou irrégularité d'une formalité ou mention requise.Sanction du défaut de capacité ou du défaut de pouvoir / d'une partie / d'un représentant.
Conditions d'invocation

  
Texte exigé

OUI sauf formalités substantielles ou d'ordre public.NON
Grief exigé

OUI y compris pour les formalités substantielles ou d'ordre public.NON
Invocation in limine litis

OUI au fur et à mesure des actes + invocation simultanée.NON mais condamnation à DI possible si invocation tardive abusive.
Invocation d'office par le juge

 
  • Devoir si caractère d'ordre public.
  • Faculté si défaut de capacité d'ester.
Régularisation

OUI avant forclusion si disparition du grief.OUI si disparition du vice lorsque le juge statue.

Section 2. Les délais de procédure


Df.En procédure, le délai est le temps donné pour accomplir un acte ou prendre une décision. Les délais mettent aussi en cause la durée de l'instance et la protection des droits de la défense.

Le délai raisonnable de la Convention EDH :
  • voir la jurisprudence citée leçon 2, section 1 § 6 ;
  • le juge doit utiliser toutes ses prérogatives processuelles pour faire en sorte qu'il soit respecté : Cour EDH, 9 nov. 99, Proc. 2000 n° 93 ;
  • ce délai s'apprécie eu égard à la complexité du litige : Cass. Civ. 1ère, 22/03/05, Bull. civ. I, n° 149, JCP G 05 IV 2065 ;
  • le délai raisonnable n'est toutefois pas applicable à une procédure conservatoire : Cour EDH, 28/06/01, D. 02 som. 689.

Il existe plusieurs sortes de délais :
  • des délais légaux,
  • des délais judiciaires (ex. : délais en matière d'instruction).

Certains sont des délais de forclusion, destinés à combattre l'inertie des parties, d'autres sont des délais d'attente pour s'organiser.
Ex.Ex. : délai de comparution.

Quant à leur durée, il existe des délais d'heure à heure (ex : référé), de jour à jour, de mois à mois (calculés de quantième à quantième), ou d'année à année (ex : délai de péremption de l'instance).
Deux questions seront examinées : la computation (calcul) des délais et la sanction de leur non-respect.


En procédure, il n'existe pas de délai franc (Le Bars, JCP G 2000 I 258).


La règle est que le dies a quo est intégré dans le délai. Ce principe reçoit toutefois une exception pour les délais exprimés en jours, dont le point de départ est le lendemain à 0 H (art. 641, CPC) : les délais de jour à jour sont calculés de minuit à minuit (V. toutefois Cass. Civ. 2ème, 30 juin 2022, D. 2022 note J. Jourdans-Marques jugeant que le point de départ du délai de déféré contre une ordonnance du conseiller de la mise en état est le jour du prononcé de l'ordonnance aux termes de l'art. 916 du CPC).

En cas de notification par voie postale, le point de départ du délai est la date d'expédition pour l'expéditeur, celle de la réception pour le destinataire (art. 668 s., CPC - Cass. Civ. 2ème, 5 oct. 83, JCP G 86 II 20560 note Joly ; Cass. Soc., 5 nov. 84, JCP G 86 II 20560 note Joly ; Cass. Civ. 3ème, 9 déc. 98, JCP G 99 II 10063).

Le dies ad quem est aussi intégré dans le délai : les délais de mois à mois sont calculés de quantième à quantième.
Le délai expire le dernier jour du mois portant le même quantième à 24 H ou bien le dernier jour du mois, si le nombre de jours diffère.

Ex.
  • CA Douai, 25 oct. 2001, D. 2002 367 note A. Bottiau : recevabilité d'un appel formalisé par télécopie en dehors des heures d'ouverture du greffe.
  • CA Paris, 26 mai 2015, JCP G 2015 Fasc. 28 n° 827 note C. Bléry : recevabilité d'un contredit formé par voie électronique après l'heure de fermeture du greffe d'un tribunal de commerce.

En cas d'expiration un weekend ou un jour férié, le délai est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant (art. 642, CPC).

Ex.
  • solution étendue au cas de fermeture du greffe : Cass. Civ. 2ème, 4 oct. 2001, Proc. 2001 n° 208
  • application à tous les délais même préfix : Cass. Civ. 3ème, 18/02/04, D. 04 som. com. 1206.

La règle reçoit toutefois exception dans les cas où un acte devait être accompli avant l'expiration d'un délai (Cass. Civ. 2ème, 04/02/98, Proc. 98 n° 80 ; 14 fév. 90, Bull. civ. II n° 32 et 33, RTD civ. 90 557 : incident de saisie immobilière, ex-art. 727 du CPP). Les délais à rebours seraient ainsi des délais francs insusceptibles de prorogation.

Pour les délais exprimés à la fois en jours et mois, on décompte d'abord les mois, puis les jours (art. 641, CPC).

Ex.Avant la réforme des successions par la loi du 23 juin 2006, délai de 3 mois et 40 jours en cas d'acceptation d'une succession sous bénéfice d'inventaire.
Certains délais font tout d'abord l'objet d'une augmentation légale en raison des distances. Les délais de comparution et d'exercice des voies de recours sont ainsi augmentés d'un mois pour les personnes demeurant dans les DOM-TOM et de deux mois pour celles demeurant à l'étranger, sans tenir compte de leur nationalité. Cela peut être discuté si l'on considère que la Suisse est plus proche que la Nouvelle-Calédonie !

Ex.Les délais de distance s’appliquent même en cas de signification au domicile élu en France d’une personne demeurant à l’étranger (Cass. Civ. 2ème, 9 sept. 2010, Proc. 2010 F. 11 ; obs. R. Perrot).

Procédure d'appel et délais de distance : Cass. Civ. 2ème, 23 juin 2016 (deux arrêts), Proc. 2016 Fasc. 10 n° 280 note H. Croze, JCP G 2016 Fasc. 48 n° 1296 § 8 note S. Amrani-Mekki.
Voir art. 911-2 du CPC.

En revanche, les délais de distance ne s'appliquent pas :
  • au délai de saisine de la juridiction de renvoi après cassation : Cass. Soc., 04/03/99, D. 99 som. 213 ; Cass. Civ. 2ème, 27/05/04, Proc. 04 n° 176 ; Cass. Civ. 2ème, 4 fév. 2021, JCP G 2021 Fasc. 22 n° 591 obs. E. Jeuland.
  • en matière de référé : Cass. Civ. 2ème, 9 nov. 06, Proc. 07 n° 7.

Ensuite, le juge a parfois la possibilité de modifier des délais. Il peut ainsi abréger le délai de comparution ou autoriser une assignation à jour fixe en cas d'urgence. Il a par ailleurs la possibilité d'allonger certains délais judiciaires (délai de dépôt des conclusions au niveau de la mise en état), cette prérogative n'existant pas pour les délais légaux.

Les délais peuvent enfin se trouver affectés par l'effet d'un moratoire (initiative du législateur) les suspendant ou les interrompant. Cette situation rarissime est hélas devenue d'actualité en mars 2020.

Rq.Actualité 2020 : moratoire COVID-19.

25 ordonnances, prises en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence sanitaire pour faire face à l'épidémie de Covid-19, ont été publiées au JO du 16 mars 2020. Deux d'entre elles concernaient la procédure civile et le fonctionnement des juridictions statuant en matière non pénale durant la crise. Elles ont été explicitées par une circulaire CIV/02/20 du 26 mars 2020.

L'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 était relative à la « prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ». Ce texte a mis en œuvre le moratoire général annoncé par les pouvoirs publics s'agissant des délais de procédure. Il a ensuite été modifié par les ordonnances n° 2020-427 du 15 avril 2020, n° 2020-560 du 13 mai 2020 et n° 2020-666 du 3 juin 2020.

Voir aussi :
  • Circulaire du 17 avril 2020 présentant l'ordonnance n° 2020-306 et l'ordonnance délais rectificative n° 2020-427, précitées ;
  • N. Cayrol, « Etat d'urgence sanitaire : dispositions générales relatives aux délais (ord. 2020-306 du 25 mars 2020 Titre 1) », JCP G 2020 Fasc. 16 n° 481 ;
  • O. Deshayes, « La prorogation des délais en période covid-19 : quels effets sur les contrats ? », D. 2020 831.

Champ d'application du moratoire :

Tout d'abord, aux termes de l'article 1er § I modifié de l'ordonnance : « Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus ».
=> Les actes concernés par les dispositions de l'ordonnance étaient ceux dont l'échéance devait intervenir entre le 12 mars et le 23 juin 2020.

Ensuite aux termes de l'article 2 de l'ordonnance : « Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli durant la période concernée sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de la période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ».
=> Les actes concernés par le report étaient très nombreux. Etaient ainsi visés les délais de prescription, d'appel, de notification des conclusions, de constitution d'avocat etc ... Etaient cependant exclus les délais dont le terme était échu avant le 12 mars 2020 et ceux dont le terme était fixé au-delà du 23 juin 2020.

Portée du moratoire :

Comme vu précédemment, la période de référence « mentionnée à l'article 1er » était la période comprise entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020.
Tous les délais visés ont donc été interrompus jusqu'au 23 juin 2020. Aux termes de l'art. 2 de l'ordonnance, ils ont recommencé à courir à compter de cette date, dans la limite maximale de deux mois, soit jusqu'au 24 août 2020 :
  • Hypothèse n° 1 : si le délai initial était inférieur à deux mois, l'acte doit être effectué dans le délai imparti par le texte pour l'accomplir, à compter du 24 juin 2020.
    • Ex.Ex. : pour un jugement notifié le 10 mars, le délai pour interjeter appel (1 mois, à compter de la notification de la décision) devait expirer le 10 avril. Le délai d'un mois avait recommencé à courir le 24 juin 2020 et la déclaration d'appel devait donc être formée au plus tard le 24 juillet 2020.
  • Hypothèse n° 2 : si le délai initial était supérieur à deux mois, l'acte doit être réalisé dans un délai de deux mois à compter du 24 juin 2020.
    • Ex.Ex. : pour un appel interjeté le 10 mars, l'appelant dispose en principe de 3 mois pour conclure au soutien de son appel (le délai aurait dû expirer le 10 juin). Le délai ayant recommencé à courir le 24 juin 2020 du fait du moratoire, les conclusions ont pu être transmises jusq'au 24 août 2020 au plus tard.
Doit enfin être signalée la prorogation de plein droit par l'article 3 de l'ordonnance, pour une durée de deux mois à compter du 24 juin 2020, de certaines mesures judiciaires et administratives telles les mesures conservatoires, les mesures de conciliation ou de médiation.

 
 


Sy.
Mémo récapitulatif : la computation des délais

 
Point de départ des délais = dies a quo

Expiration des délais = dies ad quem

PrincipeJour de la formalité intégré dans le délaiDernier jour du délai / minuit :
  • Dernier jour du mois avec même quantième.
  • Dernier jour du mois si nombre de jours distinct.
  • Si expiration week-end / jour férié = prolongation jusqu'au premier jour ouvrable.
ExceptionDélais en jours : point de départ = lendemain à 0HModulation des délais :
  • Délais de distance : délais de comparution / exercice des voies de recours :
    • + 1 mois : DOM-TOM ;
    • + 2 mois : étranger.
  • Possibilité de modification par le juge de certains délais.
  • Suspension par le législateur (moratoire = ex. : état d'urgence sanitaire COVID-19).

Le non-respect d'un délai peut conduire à une déchéance ou à une forclusion : ainsi l'irrecevabilité d'un recours tardif.
Rappel : le juge doit relever d'office la forclusion liée au non-respect des délais d'exercice des voies de recours (art. 125, CPC).

Pour les délais de protection, la déchéance n'a pas lieu de plein droit : le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation (V. cependant Cass. Civ., 19 nov. 09, RTD civ. 2010 152 obs. R. Perrot, jugeant que le non-respect du délai de comparution constitue un vice de forme).

Il existe parfois une possibilité de relevé de forclusion : tel est le cas en matière d'opposition et d'appel, pour les jugements par défaut ou réputés contradictoires (art. 540, CPC). Il en est de même en matière gracieuse (art. 541, CPC).
Enfin, la force majeure a parfois été admise comme pouvant donner lieu à titre exceptionnel à une suspension de délais (ex : cas de grève des postes).

En jurisprudence, la question se pose de savoir si le non-respect des délais, lorsqu'il est imputable aux auxiliaires de justice, peut être sanctionné sans porter atteinte au droit au procès équitable.
Ex.Une atteinte est jugée possible par la Cour EDH (Cour EDH, 11/1/01, Plakatou). Tel n’est pas le cas, selon la Cour de cassation, en raison de la possibilité d’exercer des actions en responsabilité contre les auxiliaires de justice concernés (Cass. Civ. 2ème, 12/07/01, D. 01 som. com. 2712).
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