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Institutions et principes fondamentaux du procès civil

L'action en justice et ses conditions d'existence

La leçon aborde ce que l'on appelle la théorie de l'action. Une réflexion sur la notion d'action est tout d'abord menée à partir de la définition qu'en donne l'article 30 du Code de procédure civile. Les développements traitent de la nature et des caractères du droit d'action. Une seconde section est ensuite consacrée à deux conditions essentielles d'existence du droit d'action : l'intérêt et la qualité pour agir.


Le cours se déroulera de la manière suivante : nous nous intéresserons tout d'abord à l'action c'est-à-dire à l'étude des conditions dans lesquelles le sujet de droit peut agir, de quelle manière, et avec quelles perspectives de résultat. Nous verrons ensuite comment, une fois le procès né, celui-ci s'organise et se déroule.

Les termes « agir » ou « action », souvent usités dans le langage courant, possèdent en droit judiciaire une signification particulière qu'il convient de préciser. Pour permettre la sanction des droits subjectifs, le droit judiciaire privé offre aux sujets de droit un pouvoir particulier, qualifié d'action en justice. Cette prérogative constitue elle aussi un droit subjectif, même s'il a une nature spécifique du fait de son caractère processuel.

Après une réflexion sur l'existence du droit d'action, nous nous intéresserons à ses conditions de mise en œuvre pour terminer par une présentation de la classification des actions en justice.

Df.L'action peut se définir comme le pouvoir accordé par la loi de s'adresser à la Justice pour faire valoir et sanctionner ses droits (droits subjectifs substantiels).

La réflexion originelle sur le droit d'action fut le fait des auteurs de droit public. Si la notion a donné lieu à de nombreuses analyses doctrinales, la jurisprudence a joué un rôle non négligeable dans la précision des conditions d'ouverture de l'action.

Section 1. La notion d'action

Le point de départ de la discussion sur l'action est la définition qu'en donne l'article 30 du CPC. La détermination de sa nature a suscité -et suscite encore- des controverses, que nous présenterons, avant de préciser les caractères du droit d'action.

L'action a autrefois été assimilée au droit substantiel, parfois analysée comme un droit d'accès aux tribunaux, paraît assez largement considérée comme un droit subjectif, bien qu'ayant été plus récemment assimilée avec les actes de procédure.
Nous présenterons tour à tour les différentes analyses puis les critiques formulées à leur encontre.

L'assimilation entre l'action et le droit substantiel qu'elle sanctionne correspond à la thèse des auteurs classiques du 19ème siècle.

Cette thèse a été traduite par diverses formules:
  • « l'action est le droit mis en mouvement, à l'état de guerre » (Demolombe, t. 1, vol. 9 n° 338) ;
  • « pas de droit pas d'action » (Glasson, Tissier, Morel, t. 1 n° 173).

Rq.Cette analyse se fondait sur une (mauvaise) interprétation du droit romain. A l'époque de la procédure formulaire, la formule délivrée par le prêteur créait le droit en donnant l'action : il n'y avait de droit que quand une action était accordée.
Des illustrations de l'assimilation entre droit et action transparaissent à travers la qualification de certains droits (substantiels) : c'est ainsi que l'on fait référence à l'action « de in rem verso » ou à l'action paulienne pour évoquer les droits qui leur sont sous-jacents. Nous verrons aussi ultérieurement que la classification traditionnelle des actions en justice, qui n'a plus guère d'incidence qu'en matière de compétence, se fonde sur la classification civiliste des droits substantiels invoqués, basée sur la nature et l'objet de ces droits.
Tous les auteurs s'entendent aujourd'hui sur la nécessité de distinguer l'action du droit qu'elle sanctionne.

Plusieurs arguments sont donnés :
  • il y a parfois plusieurs actions pour un même droit,
  • comme il existe des droits sans action.
Ex.L'obligation naturelle, non invocable en justice ; la prescription qui atteint l'action, non le droit ; le moratoire, interdisant provisoirement le recours aux tribunaux.
  • certaines actions ne reposent pas sur un droit.
Ex.Contentieux objectif ; action du ministère public se manifestant par l'exercice de l'action publique ou un pourvoi dans l'intérêt de la loi : le ministère public ne peut prétendre bénéficier d'un droit subjectif ; recours pour excès de pouvoir pour faire respecter la légalité et non trancher un différend entre particuliers.
  • ensuite, le procès n'éteint pas le droit, l'extinction de l'instance n'empêchant pas en principe d'en introduire une nouvelle (art. 385 alinéa 2 du CPC).
  • enfin, l'existence du droit d'agir est indépendante de son bien-fondé et l'existence du droit n'est pas une condition de l'action (Cass. Civ. 3ème, 5/2/97, Proc. n° 81 ; Cass. Civ. 2ème, 18 oct. 07, Proc. 08 n° 2), d'où la distinction des différents moyens de défense : fins de non-recevoir, exceptions de procédure et défenses au fond (voir leçon 8).
Si la distinction entre droit et action existe, il ne faut toutefois pas trop en exagérer la portée. Le contentieux objectif demeure limité en droit judiciaire où le droit est en principe le fondement de l'action : celle-ci suppose une prétention dont le but est presque toujours la consécration ou la contestation d'un droit subjectif substantiel.

Par ailleurs, la distinction a priori (chrono)logique entre recevabilité et bien-fondé n'apparaît pas toujours bien vérifiée en pratique, du fait notamment de la possibilité de soulever les fins de non-recevoir en tout état de cause, alors que des défenses au fond ont déjà pu être examinées.

Enfin, l'exigence d'un intérêt "légitime" à l'action, posée par l'article 31 du CPC, entretient la confusion en semblant établir par anticipation un lien entre recevabilité et bien-fondé (voir leçon 8).

Df.Cette thèse, liée à l'influence des publicistes, a été élaborée par Vizioz (Vizioz, Etudes de procédure, Brière, Bordeaux, 1956), qui définissait l'action comme un pouvoir impersonnel, permanent et général de saisir les tribunaux.

Il en déduisait la similitude des conditions de recevabilité de toutes les actions. Cette position avait ensuite été en partie reprise par Jean Vincent et Serge Guinchard.

Selon Serge Guinchard, l'action constitue un pouvoir légal, impersonnel, objectif et permanent, permettant de s'adresser à la justice pour obtenir le respect de la loi. Cette faculté de saisir les tribunaux apparaît inconditionnée, puisque le juge doit toujours statuer sur la recevabilité à peine de déni de justice.
Selon Motulsky, cette approche opérait une confusion entre les notions d'action et d'accès aux tribunaux : pour lui, l'accès aux tribunaux était une liberté publique, alors qu'il considérait l'action comme un droit subjectif.


Df.Cette thèse a été développée par Motulsky (Motulsky, « Le droit subjectif et l'action en justice », Arch. philo. du Droit 1964 p. 215), qui définissait l'action comme la faculté d'obtenir du juge une décision sur le fond de la prétention qui lui est soumise.
Cette définition a été reprise par Cornu et Foyer qui ont défini l'action comme le pouvoir d'être entendu du juge sur une prétention et d'obtenir de lui une décision sur le fond de celle-ci.

La théorie de Motulsky a influencé la rédaction de l'article 30 du CPC, qui définit l'action comme un véritable droit d'agir ou d'être entendu, l'envisageant en outre à la fois du côté du demandeur et du défendeur.

Motulsky considérait par suite l'action comme un droit subjectif processuel, distinct du droit subjectif substantiel dont il vise à assurer le respect ou la reconnaissance. De fait, l'article 30 du CPC établit bien une distinction entre le droit et l'action, le droit d'agir apparaissant indépendant du succès de la prétention.

Motulsky distinguait aussi l'action des actes processuels que constituent les demandes et les défenses en justice (la demande est l'acte juridique par lequel s'exerce le droit d'agir, qui saisit le juge et l'oblige à statuer, créant entre les plaideurs le lien d'instance). L'article 30 du CPC envisage en effet l'action de manière indépendante de son exercice et de la position procédurale de son titulaire (demandeur, défendeur, tiers...).
L'action a un caractère facultatif, le droit d'agir existant indépendamment de son exercice, de sa concrétisation et préexistant à la demande. L'antériorité de l'action s'exprimerait notamment dans le mandat de représentation, dont l'objet ne pouvait selon Motulsky être la demande, puisqu'elle n'existait pas encore. Il en déduisait que le mandat ne pouvait porter que sur un pouvoir distinct de la demande: le droit d'agir. On a par ailleurs souligné la diversité des formes que la demande en justice, en tant qu'acte de procédure, est susceptible de revêtir (cf. art. 54 du CPC). Enfin, l'inexistence du pouvoir d'agir conduit à l'irrecevabilité de la prétention, même exprimée dans une demande apparaissant valable et régulière en tant qu'acte juridique.
J. Vincent et S. Guinchard ont discuté la qualification de droit subjectif, considérant que l'action ne constitue que l'exercice d'une liberté ou d'une faculté. Selon Serge Guinchard, s'il s'était agi d'un droit subjectif son sujet passif aurait dû pouvoir être déterminé. Or, il ne peut s'agir du défendeur, puisque celui-ci n'est pas obligé de comparaître et de se défendre. Et il serait artificiel de soutenir qu'il s'agit de l'Etat ou du juge. La même interrogation existe en cas de pourvoi dans l'intérêt de la loi.

J. Héron et G. Wiederkehr ont établi pour leur part un lien entre action et actes de procédure en s'appuyant sur certaines "incohérences" de l'art. 30 du CPC (G. Wiederkehr, « La notion d'action selon l'art. 30 CPC », Mélanges Hébraud 1981, p. 949 - Héron, 6ème éd. par T. Le Bars, Droit judiciaire privé, Précis Domat, Montchrestien, 2015).
La première contradiction découle du fait que le texte présente l'action comme un pouvoir abstrait et virtuel tout en faisant référence à l'auteur d'une prétention, ce qui postule l'existence d'une demande, nécessairement émise, et devenant par conséquent élément de l'action.
Ensuite l'art. 30 CPC contient deux définitions de l'action, envisagée du côté du demandeur puis du défendeur. Cette double approche surprend, s'agissant d'une même notion. En outre, la définition envisagée sous l'angle du défendeur se révèle incompatible avec la distinction entre l'action et son exercice car elle suppose un procès déjà engagé. La symétrie n'est pas non plus totale dans la mesure où l'irrecevabilité sanctionnant le défaut du droit d'agir affecte seulement le demandeur, la fin de non-recevoir à l'origine de cette sanction étant quant à elle toujours soulevée par le défendeur.
Pour le défendeur, il s'agit de discuter du bien-fondé de la demande, ce qui est incompatible avec la qualification de droit virtuel donnée à l'action. Par ailleurs, selon H. Croze et C. Morel, le respect des droits de la défense pourrait suffire à fonder le droit de discuter le bien-fondé de la prétention adverse. Enfin, la définition apparaît incomplète car la défense ne se limite pas au droit d'être entendu sur le fond : outre les défenses au fond, existent des fins de non-recevoir et des exceptions de procédure (voir leçon 8).

Force est de constater qu'existe bien une confusion entre demande et action car on parle souvent de l'irrecevabilité des demandes.
Cette confusion est sans doute liée au fait qu'en pratique la demande précède l'appréciation du juge quant à la recevabilité de l'action. En outre, l'absence de droit d'agir, liée au défaut d'intérêt, au défaut de qualité ou à la chose jugée peut ne pas être invoquée dans la mesure où soulever ces fins de non-recevoir est facultatif pour le juge selon l'art. 125 du CPC.
Cette thèse de J. Héron se fondait sur la contradiction résultant de la qualification de l'action comme un pouvoir virtuel distinct des actes de procédure. Il considérait en effet que l'action ne constituait qu'une forme de désignation de ces actes processuels, dont elle n'était nullement indépendante.

Sa démonstration reposait sur une approche structurale de l'article 30 CPC, faisant apparaître que la définition de l'action implique l'émission d'une prétention :
si ... (présupposé), alors ... (effet juridique qui serait l'action, droit d'être entendu sur le fond).

Il estimait qu'aucun effet juridique ne résulterait en soi de la seule réunion d'un intérêt et d'une qualité, lesquels ne seraient dès lors que des conditions de la demande, acte de procédure : il n'y aurait donc pas indépendance entre action et demandes mais énoncé des conditions de recevabilité des actes. Pour Jacques Héron, les demandes sans action, donc irrecevables, ne caractérisaient pas l'inexistence d'une action, droit autonome et distinct, mais l'absence d'une condition du droit de demander. Pour répondre aux arguments de Motulsky quant à l'impossibilité de conventions portant sur le droit d'agir (mandat), il estimait qu'une convention peut concerner un acte à venir, en l'occurrence la demande future. Il en tirait des conséquences du point de vue des « supposées » conditions du droit d'action, qui selon lui constituaient seulement des attributs, soit du droit substantiel, soit des actes processuels.

Une analyse proche a été développée par R. Martin qui est allé jusqu'à considérer le droit d'action comme un concept faux et inutile, pour affirmer qu'il convient seulement de se poser la question des obstacles pratiques, d'ordre objectif et subjectif, que doit franchir le demandeur pour court-circuiter la défense, quel que soit le régime procédural propre à chacun des moyens de défense en cause (R. Martin, « Un virus dans le système des défenses du CPC : le droit d'action », Rev. Gén. Proc. 98 419).
L'action a un caractère facultatif et son exercice est libre.


En principe le titulaire de l'action demeure libre d'agir ou non (selon Héron, seule la demande est facultative, pas l'action, droit virtuel, ...).

Une thèse opposée avait été développée par Ihering, pour qui l'action était un devoir.

Le demandeur peut ainsi renoncer à son action, même engagée.

La renonciation ne doit pas être ambiguë (Cass. Civ. 2ème, 19 nov. 98, Proc. 99 n° 1).

Cette renonciation produira effet, sauf si l'instance est liée, du fait d'une intervention active du défendeur. La liberté d'agir ou non trouve une limite en cas de représentation : n'étant pas titulaire de l'action, le représentant n'a pas le choix et encourrait une responsabilité s'il n'agissait pas.


Df.Cette liberté se traduit par une absence de sanction, une immunité, en cas de succombance : le demandeur qui perd ne peut être condamné sous ce seul prétexte, parce qu'il a agi à tort.

Certaines limites tempèrent un peu ce principe : c'est ainsi que le perdant est en général condamné aux dépens (art. 696, CPC), voire même au paiement de frais irrépétibles (art. 700, CPC). Ensuite, si agir à tort n'entraîne pas ipso facto engagement de responsabilité, il peut en aller autrement si l'action est jugée abusive.

Libre, l'action n'a cependant pas un caractère discrétionnaire : l'article 32-1 du CPC permet de sanctionner par une amende civile d'au maximum 10 000 euros (3 000 € jusqu'au décret n° 2017-892 du 6 mai 2017), sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés, celui qui agit en justice de manière dilatoire et abusive.
Ex.Cass. Civ. 2ème, 3 sept. 2015, Proc. 2015 Fasc. 11 n° 316 obs. H. Croze : l'amende civile à laquelle peut être condamné celui qui agit en justice de manière abusive peut être prononcée d'office par le juge, usant du pouvoir laissé à sa discrétion par l'art. 32-1 du CPC.

Des textes comparables existent en matière de voies de recours. Il s'agit d'une transposition de la théorie générale de l'abus de droit, avec une application atténuée. La preuve de l'intention de nuire est requise ou tout au moins la conscience d'absence de droit : celui qui agit ne doit pas être certain de courir à l'échec !

Ex.La Cour de cassation est en principe exigeante sur ce terrain : elle impose de caractériser la faute, pas seulement de mentionner le préjudice, et elle en contrôle la qualification. Le critère intentionnel a même été précisé : « l'exercice d'une action en justice ne dégénère en faute... que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou tout au moins une erreur grossière équipollente au dol ».

Jurisprudence :
Sur la question de savoir s'il peut y avoir abus lorsque le demandeur a obtenu gain de cause en première instance et qu'intervient une réformation partielle en appel, voir Cass. Civ. 1ère, 10 mars 98, RTD civ. 99 199, Rev. Gén. Proc. 99 655, revenant -heureusement- sur Cass. Civ. 1ère, 7 nov. 95, Justices n° 3 p 364 ; Cass. Civ. 2ème, 10 mai 07, Proc. 07 n° 156 : une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières qu'il appartient aux juges du fond de justifier, constituer un abus de droit dès lors que sa légitimité a été reconnue, au moins partiellement, par la juridiction du premier degré ; Cass. Civ. 1ère, 13 mars 2008, JCP G 08 I 184 n° 17 - Cass. Civ. 2ème, 11 juillet 2019, Proc. 2019, Fasc. 10 n° 249, obs Y. Strickler : « Absence de sanction pour abus du droit d'agir en cas de succès partiel de la demande ».

Cass. Civ. 2ème, 27 mai 2021, JCP 2021 Fasc. 36 n° 893 note D. Vuitton, RT 2021 697 note N. Cayrol, Proc. 2021 Fasc. n° 188 note Y. Strickler : le défaut d'accomplissement d'une charge de la procédure par la partie à laquelle elle incombe ne constitue pas, en l'absence d'abus, une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur. Il n'encourt d'autres sanctions que celles prévues par les règles procédurales applicables à l'instance en cause (art. 700 du CPC). Une charge ou incombance constitue une formalité devant être accomplie pour procurer un avantage. Son non-accomplissement aboutit à une auto-sanction (déchéance, caducité). Selon O. Robin-Sabard, la charge de procédure se distingue de la notion d'obligation en ce que, sauf abus, il ne peut y avoir faute, ni engagement de responsabilité civile (O. Robin-Sabard, « La charge de procédure, une notion nouvelle au régime juridique esquissé », D. 2021 169).

N. Balat, « De l'abus du droit de soulever une question prioritaire de constitutionnalité », JCP G 2019 Fasc. n° 23 n° 588.

L'appréciation est parfois délicate au regard de l'incertitude affectant beaucoup de procès : il est souvent difficile de savoir lors de l'introduction d'une instance si l'on obtiendra gain de cause ou non. Cela peut notamment être le cas quand sont en cause des notions de droit non contrôlées par la Cour de cassation.

Section 2. Les conditions d'ouverture de l'action


L'article 31 du CPC fait référence à deux de ces conditions en mettant l'accent sur l'intérêt puis en évoquant la qualité. Si elles ne sont pas respectées, le juge n'examinera pas le bien-fondé et rejettera la demande, la déclarant irrecevable pour défaut de droit d'agir. Le non-respect des conditions d'existence de l'action est sanctionné par des fins de non-recevoir, selon les articles 32 et 122 du CPC.

Des controverses anciennes existent quant au nombre de fins de non-recevoir. La doctrine classique exigeait ainsi la réunion :
  • d'un droit,
  • de la qualité,
  • d'un intérêt,
  • et de la capacité.

Nous avons vu, en traitant de la confusion antérieure entre droit et action, qu'il convient d'exclure le droit : l'existence du droit n'est pas une condition d'exercice de l'action, donc de recevabilité de la demande mais de bien-fondé (Cass. Civ. 3ème, 5 fév. 97, Proc. 97 n° 81 ; Cass. Civ. 2ème, 18 oct. 07 Proc. 08 n° 2 ; Cass. Civ. 3ème, 23 juin 2016, Proc. 2016 Fasc. 10 n° 278 obs. Y. Strickler : l'existence du droit invoqué, tant par le demandeur que par le défendeur n'est pas une condition de recevabilité de l'action mais de son succès, de sorte que l'appréciation de l'intérêt et par suite de la qualité à agir ne peut dépendre de circonstances postérieures). En outre, il n'y a parfois que sanction de la violation d'un intérêt.

La capacité quant à elle ne constitue pas une condition d'existence de l'action mais de régularité de son exercice -ou plus exactement de régularité de la demande, en tant qu'acte processuel- et de régularité de l'instance. Tel est au moins le cas de la capacité d'exercice.

Rq.Il y a principe de capacité de jouissance et d'exercice du droit d'ester en justice sauf exception : mineurs non émancipés, majeurs sous tutelle, groupements sans personnalité morale.

Certaines conditions d'existence du droit d'action dépendent parfois du type d'action intenté. Au-delà de ces conditions spéciales, existent des conditions générales qui se retrouvent de manière systématique et tiennent :
  • à la personne qui agit ;
  • à l'objet de la demande : il ne doit pas y avoir chose déjà jugée ; la demande ne doit pas attenter à l'ordre public ou aux bonnes mœurs et respecter la règle "nemo auditur" ;
  • au délai dans lequel l'action doit être exercée (il existe aussi des délais dans le cadre du déroulement de l'instance ou pour exercer les voies de recours).

Nous n'examinerons dans ce chapitre que les conditions relatives aux personnes, les autres conditions étant abordées à l'occasion de développements ultérieurs. S'agissant des personnes, il apparaît que la seule véritable exigence autonome est l'intérêt. Nous verrons ensuite que la loi y ajoute parfois une seconde condition, en sélectionnant certaines personnes parmi toutes celles susceptibles d'éprouver un intérêt à agir : elle leur réserve la qualité pour agir (ex : l'action en divorce est réservée aux seuls époux).

La condition d'intérêt résulte de l'article 31 du CPC, au terme duquel elle apparaît nécessaire et suffisante.

L'exigence, résumée par la formule « Pas d'intérêt, pas d'action », signifie que peut agir celui dont la situation juridique est susceptible d'être influencée par la règle de droit : il doit en résulter pour lui un avantage.

L'intérêt doit présenter 3 caractères : il doit être légitime, personnel et direct, né et actuel.


Nécessaire, l'intérêt devrait être suffisant. Il s'agit néanmoins d'un intérêt qualifié puisque le code et la jurisprudence exigent qu'il soit légitime et juridique.

On a même parfois imposé qu'il se fonde sur une situation juridiquement protégée. Cette conception justifiait le refus jurisprudentiel d'indemnisation de la concubine dont le compagnon était accidentellement décédé, jusqu'à l'intervention de la chambre Mixte en 1970 (Cass. Mixte, 27 fév 70, D. 70 201 Combaldieu).

Les auteurs qui confondaient droit et action exigeaient l'atteinte à un droit subjectif. Nous avons vu le caractère erroné de cette exigence, notamment du fait de l'existence d'actions ne reposant pas sur un tel droit.
Ex.Action des syndicats, action en nullité de mariage, contentieux objectif destiné à sanctionner des libertés publiques ou privées, c'est-à-dire des devoirs sanctionnés par la loi.

Tout comme un intérêt fondé sur une situation juridiquement protégée constitue quasiment un droit, on peut se demander si la confusion antérieure n'est pas reprise par l'article 31 du CPC : exiger la légitimité de l'intérêt comme condition d'existence de l'action revient à se placer sur le terrain du bien-fondé de la demande, donc du droit substantiel, ce qui apparaît discutable comme nous venons de le rappeler (Cass. Civ. 2ème, 26 oct. 06, Proc. 08 n° 2).

Jacques Héron considérait que le problème relevait essentiellement du droit substantiel, en ce sens que l'intérêt peut exister mais que la loi ne reconnaît pas forcément un droit à réparation. Pour supprimer toute ambiguïté, Loïc Cadiet a proposé de se référer soit au sérieux de l'intérêt, soit à son caractère légal, c'est-à-dire répondant à des critères liés essentiellement à son caractère personnel.

L'intérêt peut être d'ordre patrimonial ou moral.
L'exigence signifie que l'action doit être exercée par le titulaire du droit ou par son représentant, sauf quand la loi permet d'agir à la place d'autrui.

Ex.Cass. Com., 8 février 2011, D. 2011 p. 1535, note X. Boucobza et et Y.-M. Serinet : La recevabilité de l'action en responsabilité engagée par un associé à l'encontre d'un cocontractant de la société est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel et distinct de celui qui pourrait être subi par la société elle-même.

Les principaux problèmes suscités par ce critère concernent des groupements souhaitant agir en justice pour protéger l'intérêt d'autrui.
Plusieurs cas de figure sont à envisager :
  • il n'y a tout d'abord aucun obstacle lorsque les groupements souhaitent agir pour défendre leurs propres intérêts, patrimoniaux ou moraux ;
  • il n'y en a pas non plus lorsqu'ils agissent au nom de leurs adhérents, en tant que mandataires des membres du groupement (ex : en cas non-respect d'une convention collective) ;
  • il leur est aussi parfois possible d'agir en tant que représentant mandaté d'une personne.

Des difficultés se sont manifestées en revanche dans deux situations :
  • lorsqu'ils prétendent faire valoir l'intérêt d'une personne agissant déjà elle-même (salarié licencié qui agit aussi) ;
  • lorsqu'ils invoquent un intérêt collectif pour dénoncer certains faits ne concernant personnellement et directement aucun de leurs membres, mais dont ils estiment qu'ils portent atteinte à un but qu'il se sont chargés statutairement de défendre.

Le constat est que certains groupements, syndicats ou associations, ont reçu du législateur le droit d'agir pour des règles de droit dont ils ne sont pas les destinataires directs, au nom d'un intérêt collectif supérieur. Nous verrons qu'en l'absence de telles « autorisations » ou habilitations, qui constituent des attributions de qualité pour agir, ces actions sont en principe irrecevables. Les groupements concernés par ces difficultés sont essentiellement des associations. Ces dernières années, la jurisprudence civile a toutefois tempéré un peu la portée de l'interdiction. Par ailleurs, les actions de groupe, longtemps interdites, ont fait en 2014 leur entrée en droit français. Nous évoquerons également les actions en représentation conjointe.


Leur droit d'action apparaît relativement large. Outre la défense de leurs propres intérêts et la représentation de leurs adhérents, les syndicats se sont vu reconnaître le droit d'exercer deux autres actions spécifiques : l'une pour la défense de l'intérêt collectif de la profession, l'autre pour la défense des intérêts individuels de certains salariés.


Très tôt reconnu par la jurisprudence (Ch. Réunies, 5 avril 1913, DP 1914 1 65 et S. 1920 1 49), ce droit a ensuite été consacré par la loi du 12 mars 1920 dont les dispositions sont reprises par l'article L. 2132-3 du C. trav. : les syndicats peuvent devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile, relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

L'intérêt ici visé se distingue, d'une part de l'intérêt général dont la défense constitue le monopole du Ministère public, d'autre part de l'intérêt individuel des membres du groupement. On considère qu'il y a atteinte à l'intérêt collectif dès que se produit un trouble susceptible d'être ressenti par chacun des membres du syndicat et à même de nuire à toute la profession. Il peut en aller ainsi en cas de mise en cause de questions de principe ou de portée générale, intéressant la condition individuelle de tous les salariés de l'entreprise ou d'une partie d'entre eux.

Cette action peut aussi avoir une fonction préventive...

L'action des syndicats est possible aussi bien au civil qu'au pénal. Elle se manifeste le plus souvent par une constitution de partie civile devant les juridictions pénales, destinée à déclencher l'action publique, ou par une intervention volontaire devant les juridictions civiles (H. Kobina Gaba, « Action syndicale : intervention volontaire dans un procès prud'homal », D. 2010 724).

D'un point de vue procédural, il convient de préciser que si le syndicat agit au nom de la profession, il ne la « représente » pas, au sens technique du terme, car il agit en son nom et pour son compte bien qu'il fasse valoir des règles de droit dont il n'est pas le destinataire direct. Cette action est aussi ouverte aux Ordres professionnels, sans que la Cour de Cassation ne répartisse intérêts moraux et matériels entre les deux catégories de groupements. En l'absence d'habilitation légale, l'action est en revanche fermée aux associations professionnelles (voir D. 99 331).

Ex.
  • Lyon, 14 mai 2013, JCP G 313 Fasc. 27 n° 782, note F. Bavozet : l’arrêt limite le droit d'action des syndicats en matière de défense de l'intérêt collectif de la profession lorsque ce droit fait doublon avec celui ouvert à d'autres acteurs sociaux (Comité central d’entreprise).
  • Cass. Soc., 23 mai 2013 (deux arrêts), Proc. 2013 Fasc. 7 n° 214 note A. Bugada.
  • Cass. Soc., 5 juin 2013, Proc. 2013, Fasc. 8 n° 545 obs. A. Bugada  : l'octroi de la qualité à agir d'un syndicat agissant dans l'intérêt collectif de la profession qu'il représente, découle de la liberté syndicale garantie par la Constitution (Préambule 1946, al. 6), la Convention EDH (art. 11) et la Convention OIT n° 87 (art. 2).
  • Cass. Soc., 13 janvier 2021 n° 19-17.182 : est recevable en son action le syndicat, qui poursuit le paiement de D&I en réparation du préjudice résultant d'un licenciement dont il est soutenu qu'il a été prononcé de façon discriminatoire en considération de l'appartenance ou de l'activité syndicale du salarié. La violation invoquée des dispositions relatives à l'interdiction de toute discrimination syndicale est de nature à porter un préjudice à l'intérêt collectif de la profession.

Rq.Remarque : Aux termes de la loi n° 2011-311 du 28 mars 2011, les organes représentatifs des professions judiciaires peuvent désormais devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession.
Les syndicats sont aussi investis du droit d'agir pour la défense des intérêts individuels de certains salariés, sans avoir à justifier d'un mandat bien que cela soit contraire à la règle « nul ne plaide par procureur », qui signifie que sur le plan formel le nom du représenté doit en principe être indiqué dans les actes de procédure (voir leçon 9).
Des actions de ce type sont prévues par différents textes : pour les ouvriers à domicile (art. L. 7423-2 du C. trav.), l'application de conventions collectives (art. L. 2262-9 du C. trav.), en matière de licenciement économique (art. L. 1235-8 du C. trav.), d'égalité entre hommes et femmes (art. L. 1144-2 du C. trav.), de discrimination (art. L. 1134-2 et -3 du C. trav.), ...

Le syndicat doit informer le salarié selon les formes prévues par les textes. Ce dernier reste libre d'agir personnellement. Il peut faire savoir au syndicat dans les 15 jours qu'il s'oppose à son action.
Outre la défense de leurs propres intérêts et la défense de leurs membres, les associations peuvent agir dans différents cas de figure, dont certains sont très encadrés : défense de certains intérêts collectifs généraux, désormais actions de groupe lorsqu'elles leur sont ouvertes, et actions en représentation conjointe.

Les associations ont en premier lieu la possibilité d'agir pour la défense collective des intérêts individuels de leurs membres. Tel est le cas des ligues et associations de défense, associations de quartier.... L'intérêt collectif en cause n'est en fait que la somme des intérêts individuels des membres du groupement : il y a en quelque sorte mandat de représentation, délégation du droit d'agir.

Ex.Ce type d'action est admis au civil, non au pénal (Paris, 3 juil. 95, AGRIF/VSD, JCP G 96 II 22601 : habilitation jurisprudentielle assez extensive ; Cass. Civ. 3ème, 17 juil. 97, JCP G 98 II 10204 : associations de locataires - Cass. Civ. 3ème, 4 nov 04, Proc. 05 n° 1 : exclusion dans le cas d'un dommage ne concernant qu'un seul membre de l'association). Il semble qu'existe par ailleurs une controverse entre la Cour de cassation et le Conseil d'Etat sur les modalités concrètes de mise en œuvre du droit d'action par le président d'une association, s'il n'y est pas habilité par les statuts (CE, 13 nov. 02 (favorable) et Cass. Civ. 1ère, 19 nov. 02 (défavorable), JCP G 03 II 10059, note Boré, D. 03 2 concl. Sainte-Rose).

Sur ce point la solution, qui a été affirmée en 1923 (Ch. Réunies, 15 juin 1923, DP 24 1 154, S. 1924 1 49), est apparue opposée à celle retenue pour les syndicats. Les actions visant à faire valoir des intérêts collectifs moraux sont en général déclarées irrecevables sauf si des textes spéciaux le prévoient explicitement.

L'explication tient en partie au fait que l'intérêt général invoqué apparaît souvent comme une notion floue. L'intérêt collectif doit tout d'abord être distingué, d'une part, de l'intérêt des membres du groupement, d'autre part des intérêts propres du groupement (ex : usurpation de nom, atteinte à ses biens...). Par ailleurs, l'objet de certaines associations apparaissant particulièrement large (grandes causes), l'intérêt collectif tend aussi à se confondre avec l'intérêt général (de la société). Or, le monopole de la protection de celui-ci, au pénal, appartient au Ministère public.

Cela étant, les textes autorisant les associations à agir se sont multipliés (exemple : associations œuvrant en faveur des victimes de discrimination : décret n° 2008-799 du 20 août 2008, art. 1263-1 CPC, JCP G 08 actu n° 528), ce qui a pu parfois donner à penser que ces actions étaient par principe admises. Certaines décisions ont rappelé que ce n'était pas le cas.

Ex.En l'absence d'investiture officielle, les actions sont vouées à l'échec : Paris, 5/7/94, JCP G 96 II 22562, D. 96 578 : PPDA et la fausse interview de Fidel Castro - TGI de Paris, 29 nov. 95, JCP G 96 II 22563, D. 96 578 Martin.

En la matière, la reconnaissance d'utilité publique est à elle seule inefficace.
Le droit d'agir est souvent accordé à des associations habilitées : il s'agit d'un octroi de la qualité pour agir et l'attribution du droit d'agir est parfois subordonnée à des conditions de durée d'existence, de nombre d'adhérents et de représentativité ou d'agrément.

Ex.Associations de lutte contre la prostitution, contre l'alcoolisme...

Les textes (articles 2-1 à 2-24 du CPP) prévoient en général l'exercice de l'action civile au pénal.
Les fondations reconnues d'utilité publique se sont vues reconnaître les mêmes prérogatives par la loi J21.

La jurisprudence criminelle interprète ces textes de manière restrictive et refuse a priori d'en étendre la portée.
Ex.Cass. Crim., 25 sept. 2007, JCP G 07 II 10205 : restriction au droit d'une association de lutte contre le racisme de se constituer partie civile, à défaut d'accord de la victime, seule titulaire de ce droit qui s'éteint à son décès - Cass. Crim., 8/1/08, JCP G 09 I 123 n° 2 : refus d'une demande de dommages-intérêts - Cass. Crim., 11 oct. 2017, JCP G 2017 Fasc. 48 n° 1253 obs. V. Lapeyrouse-Scheneider : action irrecevable en l'absence d'habilitation conforme à l'art. 2-23 du CPP s'agissant d'une association de lutte contre la corruption.

La jurisprudence civile a témoigné ces dernières années d'une évolution nettement plus libérale :
  • Tout d'abord, en cas en cas d'habilitation, elle adopte une conception large de la notion de préjudice direct et personnel.
  • Ensuite, les juridictions civiles admettent désormais des actions au visa de l'article 31 CPC, et hors habilitation législative en l'absence d'infraction pénale, à la condition sine qua non qu'elles entrent dans l'objet social de l'association (Cass. Civ. 1ère, 2 mai 2001, D. 01 1973 ; Cass. Civ. 2ème, 27 mai 2004, D. 04 2931 ; Cass. Civ. 2ème, 14 juin 07, D. 08 170 ; Cass. Civ. 3ème, 26 sept. 07, D. 07 2760 et D. 08 2895, JCP G 08 II 10020, RT 08 305 ; Cass. Civ. 3ème, 1/7/09, JCP G 09 Fasc. 47 n° 454 obs. N. Dupont). Des actions ont été admises sous cette seule limite, même « en l'absence de prévision statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires », et même si était en cause une demande d'indemnisation et non uniquement la cessation de faits illicites (Cass. Civ. 1ère, 18 sept. 08, JCP G 08 II 10200 et JCP G 09 I 123 n° 3, D. 2008 2437 obs. X. Delpech et D. 09 pj 393 et 2448 - Cass. Civ. 1ère, 20 oct. 2011, D. 2011 2910 note E. Bazin).
  • D'autres arrêts retiennent par ailleurs une approche large du préjudice en matière d'environnement :
    Ex.
    • Cass. Civ. 3ème, 9 juin 2010, D. 2010 2608 § 5, obs. A-C. Monge : recevabilité de l'action en justice d'une association agréée pour la protection de l'environnement, alors que l'infraction a cessé.
    • Cass. Civ. 3ème, 8 juin 2011, D. 2011 2635 obs. G. Forest et note B. Parance, RT 2011 765 note P. Jourdain : l'infraction aux prescriptions techniques relatives aux installations classées, de nature à créer un risque de pollution majeure pour l'environnement, porte atteinte aux intérêts collectifs que les associations requérantes ont pour objet de défendre. Cette seule atteinte est considérée comme suffisant à caractériser le préjudice moral indirect dont l'article L. 142-2 du code de l'environnement prévoit la réparation, même si l'infraction avait cessé à la date de l'assignation.
    • Cass. Crim., 22 mars 2016, JCP G 2016 Fasc. 23 n° 647 note M. Bacache et 648 note B. Parance : a priori la seule constatation de la faute (infraction) semble impliquer le préjudice écologique. La remise en état prévue par la loi sur la responsabilité environnementale (LRE) n'exclut pas une indemnisation selon le droit commun que peuvent solliciter notamment les associations habilitées.
      Selon B. Parance, la spécificité du droit de l'environnement semble justifier en partie cette solution, qui réalise une fusion entre conditions de recevabilité et bien-fondé de l'action (B. Parance, « Action en justice des associations de protection de l'environnement, infraction environnementale et préjudice moral », D. 2011 2635). V. aussi M. Hauterau-Boutonnet et E. Trulihé-Marengo, « Quel modèle pour le procès environnemental ? », D. 2017 827.V. cep., dans un sens plus restrictif,  s'agissant de l'intérêt à agir d'une association de protection de l'environnement au regard de son objet social : Cass. civ. 3ème, 24 mai 2018, JCP G 2018 Fasc. 30 n° 856 concl. Ph. Brun et n° 857 note crit. G.-J. Martin.
      Dossier « Justice environnementale » : B. Parance, « Les métamorphoses du rôle des acteurs de la procédure » ; G. Lhuillier, « Les règles de la justice environnementale », JCP 2022 Fasc. 1 n° 37 et 38.
En savoir plus : L'action en justice des associations de consommateurs

Les textes ont été un peu modifiés par la loi du 6 août 2015.

Les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs se voient ouvrir plusieurs actions :
  • Tout d'abord à l'occasion d'une infraction pénale, elles peuvent, si elles ont été agréées à cette fin, exercer l'action civile devant la juridiction civile ou la juridiction répressive. L'art. L. 621-1 s. du C. conso. leur donne en effet la possibilité d'exercer les droits reconnus à la partie civile pour les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs.
    Jurisprudence : Cass. crim., 6 sept. 2022, JCP 2022 Fasc. 45 n° 1261 note J.-M. Brigant : Est irrecevable l'action civile exercée par une association de consommateurs dont l'agrément, valable au moment des faits, lui a été retiré au jour où la juridiction statue sur la réparation du préjudice à l'intérêt collectif des consommateurs. Selon J.-M. Brigant, la solution est susceptible de s'appliquer à toutes les associations dont le droit d'exercer les droits reconnus à la partie civile est conditionné à l'obtention d'un agrément.
    Dans ce cadre, elles peuvent demander que soit ordonnée, le cas échéant sous astreinte, toute mesure destinée à faire cesser des agissements illicites ou à supprimer dans le contrat ou le type de contrat, en cours ou non, proposé aux consommateurs une clause illicite ou qu'il soit déclaré que cette clause est réputée non écrite dans tous les contrats identiques conclus avec des consommateurs par le défendeur ou le prévenu et de lui ordonner d'en informer à ses frais les consommateurs concernés par tous moyens appropriés (art. L. 621-2, C. conso.).
  • Devant les juridictions civiles, ces associations peuvent également agir en cessation de tous agissements illicites au regard des dispositions transposant les directives mentionnées à l'art. 1 de la directive CE 2009/22 du 23 avril 2009 (art. L. 621-7, C. Conso.). Dans ce cas, le juge peut ordonner, au besoin sous astreinte, la suppression d'une clause illicite ou abusive dans tout contrat ou type de contrat proposé ou destiné au consommateur ou en cours d'exécution. Les associations peuvent également demander au juge de déclarer qu'une clause soit réputée non écrite dans tous les contrats identiques conclus par le même professionnel avec des consommateurs, à charge pour celui-ci d'en informer à ses frais les consommateurs concernés par tous moyens appropriés (art. L. 621-8, C. conso.).
  • En dehors de toute infraction pénale, ces mêmes associations peuvent également intervenir devant les juridictions civiles et demander notamment l'application des mesures prévues à l'article L. 621-2, lorsque la demande initiale a pour objet la réparation d'un préjudice subi par un ou plusieurs consommateurs (art. L. 621-9, C. conso.).
Avant les modifications issues de la loi du 6 août 2015, il avait été jugé qu’une demande de dommages-intérêts pouvait être accueillie lorsqu’un préjudice était établi, du fait de la démonstration d’une atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs (Cass. Civ. 1ère, 13 nov., JCP G 09 I 123 n° 2). Le droit d’action avait aussi été étendu par un arrêt du 25 mars 2010 considérant que « l'agissement illicite, au sens des art. L. 421-2 et L. 421-6 C.Conso, n'était pas nécessairement constitutif d'une infraction pénale » (Cass. Civ. 1ère, 25/3/2010, JCP G 2010 Fasc. 14 n° 374, obs. C. Corgas-Bernard, D. 2010 1842 note N. Dupont donnant à l’arrêt une portée étroite). Il avait également été jugé que l'action préventive en suppression de clauses abusives, ouverte aux associations agréées de défense des consommateurs, avait vocation à s'appliquer aux modèles types de contrats destinés aux consommateurs et rédigés par des professionnels en vue d'une utilisation généralisée, même si ce contrat n'était pas établi par le cocontractant professionnel lui-même (Cass. Civ. 1ère, 3 fév. 2011, D. 2011 1659 note Chantepie).
Bibliographie : C. Dreveau, « Réflexions sur le préjudice collectif », RTD civ. 2011 249.

Les droits anglo-saxon et québécois offrent la possibilité, à des personnes appartenant à un groupe homogène (personnes placées dans une situation similaire), mais inorganisé (membres du groupe non nécessairement tous identifiables nommément) de recourir à des « class actions » dites aussi actions de groupe.

Un représentant peut ainsi, sans mandat, exercer une action mettant en cause les droits individuels concernés. La réparation, attribuée globalement, peut ensuite être réclamée de manière individuelle par chaque membre du groupe : le jugement est opposable par tous ceux concernés par la situation en cause.
Ex.En mai 2012, une class action a été engagée contre Facebook devant un tribunal de Californie.

Ces actions ont, durant longtemps, été interdites en France, notamment car on estimait qu'elles contrevenaient au principe d'autorité relative de la chose jugée (voir leçon 6).

Ex.Un jugement du TGI de Paris du 6 déc. 05 (JCP G 06 II 10019, note R. Martin) avait considéré que l'offre de services sur « class action.fr » était constitutive d'un démarchage juridique illicite. Frappée d'appel (JCP G 06 actu n° 136), la décision avait été entérinée par la Cour de cassation (Cass. Civ. 1ère, 30 sept. 08, JCP G 09 I 120 n° 3).

Après des années de vaines tentatives (la réflexion avait été engagée en 2005...), elles ont enfin été introduites dans notre droit :
  • Tout d'abord en droit de la consommation, à compter du 1er octobre 2014 : loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 (art. L. 623-1 s. du C. conso.) et décret n° 2014-1081 du 24 sept. 2014 (art. R. 623-1 s. du C. conso.).
  • Ensuite en droit de la santé, depuis le 28 septembre 2016 : loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 et décret n° 2016-1249 du 26 sept. 2016.
  • Une extension a été réalisée par la du 18 novembre 2016 dans les domaines suivants :
    • lutte contre les discriminations,
    • art. L. 1134-6 à L. 1134-10 du Code du travail,
    • art. L. 142-3-1 du Code de l'environnement,
    • art. 43 ter de la loi "informatique et libertés" du 6 janvier 1978.
Le domaine de la class action à la française reste limité quant aux actions visées mais la loi J21 contient des dispositions générales ayant vocation à constituer un socle commun. A ce titre, son champ d'application englobe désormais l'action de groupe santé et elle a modifié en conséquence le Code de la Santé publique. En revanche, l'action de groupe en matière de consommation n'a pas été intégrée à ce socle commun.
Outre des dispositions générales, la loi J21 contient des dispositions spéciales, propres à chaque secteur. Des compléments réglementaires ont été apportés par le décret n° 2017-888 du 6 mai 2017 (V. art. 848 à 849-21 du CPC : numérotation issue du D. 2019-1333 du 11 déc. 2019).

Rq.A noter : suite à une initiative de la Commission européenne, un mécanisme d'action collective commun aux États membres a été instauré par une directive du 25 novembre 2020. Dans un communiqué du 27 janvier 2023, l'UE « épingle » les Etats n'ayant pas transposé cette directive sur les actions représentatives qui permet aux entités qualifiées d'intenter des actions représentatives au nom des consommateurs et de renforcer les pouvoirs de sanction dont disposent les autorités des États membres chargés de la protection des consommateurs. L'action représentative permet à une entité qualifiée, telle qu'une organisation de consommateurs, de demander réparation sous forme d'une indemnisation, d'un remplacement ou d'une réparation pour un groupe de consommateurs lésé par une pratique commerciale illégale. Les États membres concernés, dont la France, disposaient de 2 mois pour répondre aux lettres de mise en demeure et mener la transposition à bien (O. Kafi Cherrat, « Protection des consommateurs. Transposition de la directive du 25 novembre 2020 sur les actions représentatives. La France est à la croisée des chemins », JCP 2023 Fasc. 3 Doctr. 107).

En savoir plus : Les actions de groupe créées en droit français
  • Action de groupe en droit de la consommation : Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 (art. L. 623-1 et s., C. conso.)
Les associations de défense des consommateurs représentatives au niveau national et agréées peuvent agir devant les juridictions civiles (compétence du tribunal judiciaire et possibilité de médiation) afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique ayant pour cause commune un manquement d’un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles :
  • à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ainsi que dans le cadre de la location d'un bien immobilier ;
  • ou lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles (droit interne et européen).

Rq.Remarque : A l'origine l'art. L 623-1 visait uniquement la vente de biens ou la fourniture de services. Une décision rendue par le TGI de Paris début 2016 avait déclaré recevable une action intentée en matière de baux d'habitation, considérant de manière extensive que le champ de l'action de groupe s'étendait au droit de la consommation et pas seulement au code de la consommation. Cette décision avait aussi fait apparaître l'importance déterminante des cas exposés et la forte médiatisation à laquelle se livrent les associations (TGI de Paris, 27 janv. 2016, D. 2016 1690, note B. Javaux - V. aussi B. Javaux, Libre propos autour de l'arrêt de la CA de Versailles du 3 novembre 2016, D. 2017 630). Ce jugement avait été infirmé par la Cour d'appel de Paris, qui avait estimé l'action de groupe inapplicable aux baux d'habitation régis par la L. 6 juillet 1989, ceux-ci étant exclus du champ d'application du droit de la consommation (CA de Paris, 9 nov. 2017, JCP G 2018 Fasc. 18 n° 530 / §4 obs. E. Jeuland). Cette solution avait été validée par la Cour de cassation (Cass. Civ. 1ère, 19 juin 2019, n° 18-10.424), mais entre-temps la loi ELAN du 23 novembre 2018 avait clarifié les choses et modifié l'article L. 623-1 du C. conso. pour étendre l'action de groupe à la réparation des préjudices subis par des consommateurs dans le cadre de la location d'un bien immobilier.

L’action de groupe ne peut porter que sur la réparation des préjudices patrimoniaux résultant des dommages matériels subis par les consommateurs.

Le juge doit constater dans la même décision que les conditions de recevabilité sont réunies et statuer sur la responsabilité du professionnel, au vu des cas individuels présentés par l’association. Il définit le groupe des consommateurs à l’égard desquels la responsabilité du professionnel est engagée et fixe les critères de rattachement à celui-ci. Il détermine les préjudices susceptibles d’être réparés pour chaque consommateur ou chaque catégorie de consommateurs constituant le groupe, ainsi que leur montant ou les éléments permettant l’évaluation des préjudices. Si cela paraît adapté il peut fixer les conditions d’une réparation en nature.
Si la responsabilité du professionnel a été retenue et n’est plus susceptible de recours, le juge ordonne des mesures de publicité, à charge du professionnel, pour aviser les consommateurs concernés. Ceux-ci disposent d’un délai (entre 2 et 6 mois) pour se faire connaître auprès de l’association et obtenir la réparation de leur préjudice. Est réputée non écrite toute clause ayant pour objet ou effet d’interdire à un consommateur de participer à une action de groupe.

S’agissant de l’action de groupe intervenant dans le domaine de la concurrence, la responsabilité du professionnel ne peut être prononcée que sur le fondement d’une décision rendue à son encontre par les autorités ou juridictions nationales ou de l’Union européenne, constatant ses manquements et n’étant plus susceptible de recours sur ce point. Dans ce cas, les manquements du professionnel sont réputés établis de manière irréfragable pour la mise en œuvre de l’action de groupe, qui doit être engagée dans les cinq ans à compter de la date à laquelle la décision n’est plus susceptible de recours.

Il existe une procédure d’action simplifiée : lorsque l’identité et le nombre des consommateurs lésés sont connus et qu’ils ont subi un préjudice d’un même montant ou identique, le juge, après avoir statué sur la responsabilité du professionnel, peut condamner celui-ci à les indemniser directement et individuellement, dans un délai et selon des modalités qu’il fixe.

L’action de groupe suspend la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant des manquements constatés par le jugement. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle, selon le cas, le jugement rendu n’est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation ou de l’homologation d’un accord de médiation.

Les décisions rendues ont autorité de la chose jugée à l’égard de chacun des membres du groupe dont le préjudice a été réparé au terme de la procédure.
L’adhésion au groupe ne fait pas obstacle au droit d’agir selon les voies de droit commun pour obtenir la réparation des préjudices n’entrant pas dans le champ défini par la décision du juge.

La loi est entrée en vigueur le 1er octobre 2014, avec la publication du décret n° 2014-1081 du 24 sept. 2014 (art. R. 623-1 s., C. Conso.).
Au plan territorial, est compétent le tribunal judiciaire du lieu où demeure le professionnel défendeur, ou le tribunal judiciaire de Paris s'il demeure à l'étranger ou n'a ni domicile ni résidence connus.
D'un point de vue procédural, le texte opère un renvoi au CPC en l'absence de disposition spéciale, prévoit la mise en oeuvre de la procédure ordinaire en première instance et de renvoi à l'audience de l'art. 905 du CPC en appel. Il précise les modalités d'information des consommateurs et les conséquences de leur adhésion au groupe (mandat avec la ou les associations s'il y en a plusieurs).


  • Les actions de groupe relevant de la loi J21
Comme indiqué auparavant, la loi conserve un champ d'application déterminé, limité à cinq secteurs :
- lutte contre les discriminations ;
- art. L. 1134-6 à L. 1134-10 du Code du travail ;
- art. L. 142-3-1 du Code de l'environnement ;
- droit de la santé (chapitre III du titre IV du livre Ier de la première partie du CSP) ;
- art. 43 ter de la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978.
La loi du 18 novembre 2016 contient des dispositions générales communes, intéressant pour certaines le juge judiciaire, pour d'autres le juge administratif. Elle comporte également des dispositions spéciales propres à chaque secteur. Toutes dispositions contraires sont contraires réputées non écrites. Elle a été complétée par un décret n° 2017-888 du 6 mai 2017.

Seules les grandes lignes des dispositions communes de la loi J21 seront évoquées ici.

Dans tous les cas, l'action de groupe vise à la réparation des dommages causés par une même personne, ayant pour cause commune un manquement de celle-ci à ses obligations légales ou contractuelles.

Limitée quant aux actions visées, la « class action » française est également encadrée quant aux titulaires du droit d'agir. Comme en droit de la consommation, l'action de groupe n'est ouverte qu'aux associations et seules certaines d'entre elles sont habilitées à agir :
- En matière de santé, les associations d'usagers du système de santé agréées au titre de l'art. L. 1114-1 du CSP. L'action n'est pas ouverte aux associations ayant pour activité annexe la commercialisation d'un des produits concernés.
- Dans les autres domaines, l'action est ouverte aux associations agréées et aux associations déclarées depuis 5 ans au moins dont l'objet statutaire comporte la défense des intérêts visés.

Les actions sont, cette fois encore, finalisées quant à leur objet et leur cause :
- L'action de groupe santé, vise à la réparation des préjudices individuels subis par des usagers du système de santé placés dans une situation similaire ou identique ayant pour cause commune le manquement d'une même personne à ses obligations. L'action ne peut tendre qu'à la réparation des préjudices résultant des seuls dommages corporels, non de dommages patrimoniaux.
- Les autres actions visent également des affaires où plusieurs personnes sont placées dans une situation similaire. Elles peuvent, selon le cas, tendre à la cessation du manquement ou à l'engagement de la responsabilité de l'auteur du dommage afin d'obtenir réparation des préjudices subis, voire à ces deux fins. La loi n° 2018-493 du 20 juin 2018, relative à la protection des données personnelles, a autorisé l'action de groupe aux fins de réparation.

S'agissant de la mise en œuvre de l'action de groupe, la procédure comporte plusieurs phases et un système d'opt in pour être associé à l'action.
Tout d'abord, sauf en matière d'action de groupe santé, est imposée une mise en demeure préalable, à l'auteur du manquement, de le cesser ou le faire cesser ou de réparer les préjudices subis. L'action ne peut être introduite que 4 mois après réception de cette mise en demeure. La fin de non-recevoir tirée du non-respect de cette exigence peut être soulevée d'office.

Si l'action est jugée recevable, la première phase aboutit à un jugement statuant sur :
- la responsabilité du défendeur, au vu des cas individuels présentés par l'association ;
- la définition du groupe d'usagers et les critères de rattachement à celui-ci ;
- la détermination des préjudices susceptibles d'être réparés pour chaque catégorie du groupe (dommages corporels pour l'action de groupe santé) ;
- le délai d'opt in (en matière de santé, ce délai doit être compris entre six mois et cinq ans, et il commence à courir au terme des mesures de publicité).

La seconde phase concerne la mise en œuvre du jugement, l'indemnisation et le règlement des différends. Elle débute par des mesures d'information des consommateurs, lesquelles doivent être adaptées à la situation et sont à la charge du professionnel. Ces mesures ne peuvent être mises en œuvre que quand le jugement ne peut plus faire l'objet d'un recours ordinaire ni de pourvoi.
L'usager doit ensuite adhérer au groupe. En principe, il peut adresser sa demande de réparation soit directement au responsable, soit à l'association demanderesse à l'action, qui reçoit ainsi mandat aux fins d'indemnisation (en matière de santé des informations doivent être communiquées aux organismes tiers-payeurs).
Si en matière de santé, la procédure de réparation des préjudices ne peut être qu'individuelle, dans les autres secteurs, la loi prévoit la possibilité d'une procédure collective négociée de liquidation des préjudices. Cette procédure s'intègre dans la recherche de solutions amiables, encouragée par la loi, qui incite également au recours à la médiation.

Les décisions rendues ont autorité de chose jugée à l'égard des personnes dont le préjudice a été réparé au terme de la procédure. L'adhésion au groupe ne fait toutefois pas obstacle au droit d'agir selon les voies de droit commun pour obtenir la réparation de préjudices n'entrant pas dans le champ défini par le jugement (lorsque celui-ci qui n'est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi) ou d'un accord homologué dans le cadre de la procédure. Serait en revanche irrecevable toute autre action de groupe fondée sur le même manquement et la réparation des mêmes préjudices.

Bibliographie indicative :
  • Action de groupe en droit de la consommation :
    • Commentaires des textes :
      • V. Rebeyrol, « La nouvelle action de groupe », D. 2014 940.
      • N. Molfessis, « L'exorbitance de l'action de groupe à la française », D. 2014 947.
      • K. Haeri et B. Javaux, JCP G 2014 Fasc. 13 n° 375,  «L'action de groupe à la française, une curiosité ».
      • M. Bacache, JCP G 2014 Fasc. 13 n° 377, « Introduction de l'action de groupe en droit français ».
      • E. Jeuland, JCP G 2014 Fasc. 14 n° 436 : l'auteur considère qu'il s'agit d'une action en substitution devenant ensuite une action en représentation.
      • F. Brunet, A. Dupuis et E. Paroche, « L'action de groupe : l'indemnisation des consommateurs favorisée au détriment de la détection des cartels », D. 2014 1600.
      • M. Bacache, « Action de groupe et responsabilité civile », RTD civ. 2014 450.
      • M. Albertini, « Les points-clés de l'action de groupe pour les entreprises », JCP G 2014 fasc. 46 n° 1196.
      • S. Amrani Mekki, « Décret sur l'action de groupe – La procédure... enfin ! », JCP G 2014 Fasc. 42 n° 1030.
      • S. Amrani Mekki, « L'action de groupe, mode d'emploi », Proc. 2014 Fasc. 12 n° 16.
      • H. Croze, « Action de groupe de droit commun ; schéma procédural », Proc. 2014 Fasc. 12 n° 17.
    • Premier bilan d'application et perspectives : MJ Azar-Baud et S. Carval, « L'action de groupe et la réparation des dommages de consommation : bilan d'étape et préconisations », D. 2015 2136.
    • K. Haeri et B. Javaux, « Le bilan des actions de groupe 4 ans après », JCP G 2018 Fasc. 47 n° 1236 : 16 actions dont 12 en consommation. deux transactions
  • Action de groupe santé :
    • M. Bacache, « Les spécificités de l'action de groupe en droit de la santé », D. 2016 64.
    • K. Haeri et B. Javaux, « L'action de groupe en matière de produits de santé : une procédure complexe à l'efficience incertaine », D. 2016 330 - JCP G 2016 Fasc. 14 n° 414 I 1 obs. E. Jeuland.
    • S.Amrani-Mekki, « Action de groupe santé. - Un nouveau modèle pour de nouveaux préjudices », JCP G 2016 Fasc. 6 n° 146.
    • A.Laude, « L'action de groupe en santé, à l'épreuve de sa complexification », D. 2017 412.
  • Loi J21 :
    • S. Amrani-Mekki, « Le socle commun procédural de l'action de groupe (...) », JCP G 2016 Fasc. 50 n° 1340.
    • Chronique Droit judiciaire privé, JCP G 2016 Fasc. 48 § 1.1.
    • N. Chifflot, 
      • « Les principaux apports de la loi (J21) en contentieux administratif », JCP G 2016 Fasc. 51 n° 1377 ;
      • « Accès collectif au juge administratif : l'action de groupe et l'action en reconnaissance de droits », Proc. 2017 Fasc. 2 étude 5 ;
      • « Accès collectif au juge administratif : l'action de groupe et l'action en reconnaissance de droits », Proc. 2017, Fasc. 2 étude 5 ;
      • « Règles procédurales applicables aux actions en reconnaissance des droits devant le juge administratif », Proc. 2017 Fasc. 7 n° 28 (décret n° 2017-888 du 6 mai 2017 relatif à l'action de groupe et à l'action en reconnaissance de droits).
    • E. Jeuland, « Retour sur la qualification de l'action de groupe à la lumière de la loi J21 », JCP G 2017 Fasc. 13 n° 354 (L'auteur considère qu'il y a privatisation et externalisation de la justice. L'action de groupe a la nature d'une action de substitution puis d'une action en représentation dans les droits de réparation).
    • H. Croze, « Un droit commun de l'action de groupe ? », Proc. 2017 Fasc. 2, étude 4.
    • A. Bugada, « Justice du XXIe siècle : l'action de groupe en matière de discrimination dans les relations de travail », Proc. 2017 Fasc. 2, étude 6.
    • S. Deygas, « L'action de groupe devant le juge administratif : mode d'emploi », Proc. 2017 Fasc. 7 n° 27.
    • C. Boillot, « Action de groupe et règlement amiable - A propos de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 », JCP G 2017 Fasc. 6 n° 155.
    • V. aussi : M. Ranouil, « Action de groupe, assurance et fonds d'indemnisation », JCP G 2017 Fasc. 26 n° 747.
    • « Action de groupe – Une promesse séduisante, une application décevante », JCP G 2018 Fasc. 19 n° 558 – entretien par P. Metals et E. Valette.
    • L. Lopez, « Les parties prenantes en matière de Responsabilité sociale de l'entreprise (RSE) : les oubliés de la loi J21 en matière d'action de groupe. Proposition d'une nouvelle forme d'action », Proc. 2018 Fasc. 2 Etude 3.
    • Rapport d'information n° 3085 Mission Assemblée Nationale 11 juin 2020 (Actions de groupe, bilan et perspectives, JCP G 2020 Fasc. 25 n° 760 : 13 propositions ; L. Cadiet, « Action de groupe : cela marchera-t-il mieux ? », Proc. 2020 Fasc. 8-9 repère 8
    • M. Brochier, « Class actions à la française : abondance d'actions nuit-elle ? », D. 2020 1578

Rq.Bilan et pespectives.

Les premiers bilans des (rares) actions de groupe ont fait apparaître les faiblesses du dispositif, notamment parce qu'il s'appuye sur les associations, plutôt que sur les avocats.

A cet égard, un arrêt récent s'appuyant sur la théorie du mandat, en l'occurrence le co-mandat donné à un même avocat, est apparu porteur de perspectives (Cass. Civ. 1ère, 12 déc. 2018, JCP G 2019 Fasc. 1-2 n° 7 obs. D. Cholet, JCP G 2019 Fasc. 20 n° 531 : la justification du mandat de représentation en justice - art. 416 du CPC - s'impose à celui qui entend représenter ou assister en justice une partie et non au tiers qu'une personne a mandaté aux fins de donner un tel mandat à un avocat).

Cette solution a été considérée comme une victoire juridique du co-mandat et de la défense groupée pour les 55 000 demandeurs au procès concerné. Elle pourrait conduire au développement des actions collectives portées par les avocats, le choix entre action de groupe et action collective dépendant sans doute de la nature et du montant du préjudice : l'action de groupe diligentée par les associations semble par exemple plus appropriée que l'action collective pour des affaires intéressant le droit de la consommation avec des préjudices individuels peu importants.

Un projet de loi visant à réformer l'action de groupe est en cours d'examen devant le Parlement (D. 2023 1084, J. Kolbe-André et B. Moron-Puech). Il vise notamment à unifier le régime de l'action de groupe et à transposer la directive européenne précitée du 25 novembre 2020.

Benjamin Moron-Puech et Jimmy Kolbe-André, « L'avis de la Défenseure des droits sur l'action de groupe, vers un cadre juridique pour les procès stratégiques ? », D. 2023, p. 1021.

Les « class actions » ne doivent pas être confondues avec les actions en représentation conjointe, créées à partir de 1992 au bénéfice de certaines associations, qui se sont vues reconnaître le droit d'agir devant toutes les juridictions pour défendre les intérêts de personnes ayant subi des préjudices individuels ayant une origine commune tenant au fait d'un même professionnel. Sont concernées :
  • les associations de consommateurs représentatives au niveau national (L. 18 janv. 92 art. 8 ; D. 11 déc. 92 ; Cadiet, JCP G 92 I 3587 n° 6 et 93 I 3678 n° 11 ; Martin JCP G 94 I 3756 ; Boré, « L'action en représentation conjointe : class action à la française ou action mort-née ? », D. 95 chr 267 - art. L. 622-1 à L 622-4, C. conso.) ;
  • les associations d'investisseurs personnes physiques identifiées (L. 10/8/94 : art. L. 452-2 à L 452-4, C. mon et fin.) ;
  • les associations agréées de protection de l'environnement (L. 02/02/95 et décret 28/02/96 précisant les conditions de l'agrément : art. L. 142-3 et R. 142-1 et s., C. envir.).

Ces associations doivent au préalable avoir obtenu l'accord des personnes représentées, lesquelles doivent donc être identifiées : l'action est en effet subordonnée à l'existence d'un mandat écrit donné par au moins deux des « victimes » concernées. En fait, il ne s'agit pas de l'octroi d'une qualité pour agir mais d'une forme particulière de représentation dans l'exercice de l'action, se traduisant par un pouvoir au sens de l'art. 117 du CPC. Très peu d'action ont en pratique été intentées.

Ex.Cass. Civ. 1ère, 26 mai 2011, D. 2011 1884, note N. Dupont : ne respecte pas les dispositions de l'art. L. 422-1 (L. 622-2 nouveau) du code de la consommation, lequel prohibe notamment tout appel public par moyen de communication de masse ou par lettre recommandée personnalisée, l’association qui, pour initier une action en représentation conjointe, tente de solliciter un mandat écrit en réalisant du démarchage sur internet.


Tableau récapitulatif : l'action en justice des syndicats et des associations


Situation des syndicats

Situation des associations

  • Défense de leurs propres intérêts, patrimoniaux ou moraux : oui.
  • Représentation de leurs adhérents : oui (mandataires).
  • Défense de l'intérêt collectif de la profession : oui (art. L. 2132-3 du C. trav.).
  • Défense des intérêts individuels de certains salariés : oui, si prévision textuelle.
  • Défense de leurs propres intérêts, patrimoniaux ou moraux : oui.
  • Défense collective des intérêts individuels de leurs membres : oui (mandataires).
  • Défense d'intérêts collectifs généraux : non, sauf prévision textuelle mais jurisprudence en évolution libérale.
  • Actions en représentation conjointe : oui, quand prévision textuelle (mandat).
  • Actions de groupe (class actions - défense collective d'intérêts individuels) : sous conditions en droit de la consommation et dans les cinq secteurs relevant de la loi J21.


Le litige et l'intérêt doivent exister au moment où l'action est exercée (Cass. Civ. 3ème, 29/4/04, RTD civ. 04 774 n° 1 (référé) : appréciation lors de l'introduction de l'instance  - Une limite a parfois été apportée à cette règle selon laquelle l'intérêt s'apprécie au jour de la demande en fonction de l'objet particulier de la demande : Cass. Civ. 3ème, 18 oct. 2018, Proc. 2018, Fasc. 12, n° 360, pbs. Y. Strickler, jugeant que suite à la résolution d'une vente, l'acquéreur peut sauf clause contraire, perdre dans certains cas son intérêt à agir).
Celui qui agit doit retirer un "avantage" tangible de l'accueil de sa prétention, quelle qu'en soit la nature. En l'occurrence un intérêt hypothétique ou éventuel apparaît insuffisant avec pour conséquence un principe d'interdiction des actions préventives. Sont ainsi prohibées :
  • les actions provocatoires, dites aussi de jactance, dont le but serait d'obliger une personne à faire valoir immédiatement un droit prétendu allégué ou sinon à se taire à jamais.
  • les actions interrogatoires, qui viseraient à accélérer une prise de décision alors qu'existe une option et que le bénéficiaire dispose d'un délai pour l'exercer. Tel est le cas des héritiers bénéficiant d'une option successorale.

Rq.Attention, la question évoquée ici ne concerne que les actions en justice. Le propos ne vise pas les procédures extra-judiciaires, telles celles introduites par l'ordonnance du 10 février 2015 portant réforme du droit des contrats et du régime général et de la preuve des obligations. Ce texte a institué une "action" interpellatoire en matière de pacte de préférence (art. 1123 du C. civ.) et des "actions" interrogatoires en matière de représentation (art. 1158 du C. civ.) et de nullité relative (art. 1183 du C. civ.), qui sont d'ailleurs susceptibles de donner lieu à fin de non-recevoir en cas d'action en justice ultérieure.
X. Lagarde, « Entre contrat et procédure : les actions interrogatoires », D. 2017 715.

Le principe d'interdiction des actions préventives connaît cependant des limites résultant d'autorisations soit légales, soit jurisprudentielles.

Sont concernées les actions fondées sur l'existence d'un intérêt futur.

Tel est le cas de l'action des associations de consommateurs en matière de suppression de clauses illicites (art. L 621-8, C. conso.), des actions préventives en matière probatoire (ex : action principale en vérification d'écriture art. 296 à 298 du CPC - action en inscription de faux principale : art. 314 à 316 du CPC - mesures d'instruction in futurum en cas de risque de disparition de preuves : art. 145 du CPC), du référé de l'art. 835 al. 1 du CPC visant à obtenir des mesures conservatoires pour prévenir un dommage imminent.

Rq.Il en allait de même, auparavant, du désaveu préventif des articles 326 et 327 du C. civ. (textes relatifs à la filiation légitime, abrogés depuis le 1er juillet 2006) et de l'action en dénonciation de nouvel œuvre (les actions possessoires ont été abrogées par la loi n° 2015-177 du 16 fév. 2015).
Il s'agit des actions déclaratoires visant à obtenir du juge, en dehors de tout litige actuel, qu'il se prononce sur la nature exacte d'un rapport juridique, constate l'existence ou l'inexistence d'un droit.

Ex.Actions en opposabilité ou inopposabilité d'un jugement étranger, en droit international privé.

Intérêt d’un héritier à faire constater la prescription d’une créance : Cass. Civ. 1ère, 9 juin 2011, D. 2011 2140 n° 4, obs. C. Creton, S. Grayot-Dirx, « Une action en justice peut-elle naître indépendamment d'un litige ? », D. 2011 2311.

Ces actions sont ouvertes à ceux qui pourront plus tard se prévaloir de l'effet juridique de la règle (ex : en cas de terme dans un contrat). Leur utilité tient au fait qu'elles peuvent permettre de prévenir des difficultés ou un dommage ultérieur (un parallèle est possible avec le référé -précité- de l'art. 835 al. 1 du CPC). Leur recevabilité est souvent fonction de l'utilité de la demande pour la situation des parties.  Jacques Héron estimait qu'il s'agissait d'un contentieux artificiel, modifiant le rôle du juge, car consistant en un contrôle anticipé, proche de celui existant en matière gracieuse. Leur existence a pu susciter des interrogations, par exemple en cas d'invocation de la nullité d'actes juridiques. Sur ce point, une réponse partielle a été apportée avec la création de l'action interrogatoire extra-judiciaire de l'art. 1183 du C. civ. (V. supra).


Df.La qualité peut se définir comme le titre juridique auquel on figure dans un procès.

Rq.Attention : il existe un risque de confusion avec le pouvoir, lequel ne constitue qu'une condition de régularité de l'instance.

La qualité est parfois difficile à distinguer de l'intérêt, d'autant que souvent celui-ci suffit, à lui seul, à justifier la recevabilité de l'action. En particulier, s'agissant des groupements, la difficulté de détermination de l'intérêt personnel et direct se résout par une attribution légale de qualité postulant l'intérêt, d'où des difficultés de distinction. En fait, la spécificité de la qualité est fonction de l'intérêt dont se prévaut le demandeur, et plus précisément du fait qu'il s'agisse ou non pour lui d'un intérêt personnel (A / B).

Depuis le décret du 20 août 2004, outre le défaut d'intérêt, le juge peut aussi soulever d'office le défaut de qualité.

Dans ce cas, la qualité appartient au titulaire du droit subjectif en cause : qualité et intérêt semblent alors indifférenciés, la qualité ne constituant qu'un aspect de l'intérêt et se trouvant absorbée dans la notion d'intérêt personnel et direct (art. 31 du CPC). Pour les mêmes raisons, lorsque l'action est transmissible, la qualité est accordée aux héritiers.

Rq.J. Héron considérait que ce raisonnement était transposable aux cas où d'autres auteurs considèrent que l'action n'est pas fondée sur un droit subjectif mais sur la violation d'un devoir (actions en responsabilité délictuelle sanctionnant la violation de libertés publiques ou privées, action en concurrence déloyale).

Le législateur restreint parfois le droit d'agir, alors que certaines personnes seraient en mesure de se prévaloir d'un intérêt : leur situation pourrait être influencée par la règle de droit. On parle alors d'action attitrée ou réservée. Tel est le cas quand l'intérêt potentiel est jugé trop lointain, ou quand on ne souhaite pas trop ouvrir le droit d'action (ex : dommages par ricochet ou liens de causalité très indirects).
On rencontre de telles limitations en matière extra-patrimoniale ou en matière contractuelle, où l'action est réservée aux seules parties à l'acte, à l'exclusion des tiers, en liaison avec l'effet relatif des contrats.

Rq.Selon J. Héron, la restriction en cas d'action attitrée ne portait pas sur le droit d'agir mais sur le droit substantiel dont les personnes concernées ne seraient pas destinataires.
En principe, la justification d'un intérêt personnel et direct est toujours exigée. Mais la loi attribue parfois compétence à certaines personnes pour défendre un intérêt qui ne leur est pas personnel : celles-ci sont alors qualifiées pour agir, et le sont parfois de manière exclusive.

Ex.Les habilitations conférées par le législateur à certains groupements, et notamment aux associations (voir supra), constituent ainsi des attributions de qualité permettant à ceux-ci de contourner l'obstacle éventuel tenant à leur absence d'intérêt personnel et direct.

Autres illustrations :

L'action oblique : l' art. 1341-1 du C. civ. permet à un créancier de demander en justice la sanction des intérêts d'autrui, à l'exclusion toutefois des actions à caractère strictement personnel. A la différence de l'action paulienne (art. 1341-2, C. civ.) , l'action oblique n'est pas intentée par le créancier à des fins immédiatement personnelles.

L'action sociale « ut singuli » ou « ut plures » : ce type d'action, contre les mandataires sociaux, est ouverte à un ou plusieurs associés pour la défense des intérêts d'un groupement (ex : sociétés civiles : action contre les gérants ouverte par l'art. 1843-5 du C. civ. - SARL : art. L 223-22, C. com. - SA : art. L. 225-252, C. com.).
Cass. Com., 11 octobre 2023, n° 21-24.776, D. 2023 2114 note J.-B. Barbiéri : une société de gestion de fonds de placement collectif dispose « du pouvoir d'agir au nom des porteurs de parts des fonds communs de placement qu'elles gèrent pour faire valoir les droits attachés aux actions détenues par ces fonds, y compris celui d'agir dans l'intérêt social », notamment et surtout du droit d'agir ut singuli contre le dirigeant de la société dont les droits sociaux sont détenus par le fonds.

Cette action n'existe en revanche pas dans les associations (Cass. Civ. 3ème, 7 juil. 2022, D. 2022, 1886, note J.-F. Hamelin, RT 2022, 96 - obs. N. Cayrol).

Rq.Attention : il ne faut pas confondre les situations précédentes, liées à des octrois de qualité pour agir et les actions "ès-qualités", où n'est en cause qu'un problème de représentation, de pouvoir d'agir. Le pouvoir est une condition de régularité de l'instance et des actes de procédure, non d'existence de l'action.

Celui qui agit « es-qualités » ne se prétend pas titulaire d'un droit substantiel. Il invoque un droit appartenant à celui au nom et pour le compte duquel il agit. On parle dans ce cas de représentation dans l'action ou représentation ad agendum. Les deux « qualités » ne sont pas appréciées chez la même personne : intérêt et qualité sont appréciés chez le représenté, tandis que le représentant doit seulement justifier d'un pouvoir, en application de la règle « nul ne plaide par procureur » (nous avons vu auparavant que cette règle signifie que, sur le plan formel, le nom du représenté doit être indiqué dans les actes de procédure).
Pour dresser un parallèle : la qualité pour agir n'est pas appréciée dans la personne même du représentant d'un groupement ayant la personnalité morale ni, en cas de mandat, dans celle du mandataire.




Rq.Bibliographie : Benjamin Ferrari, « La qualité pour agir en procédure collective : quelle place pour le droit commun procédural ? », Dalloz 2020 p. 548.
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