Cette leçon a un double objet : d’une part, évoquer les relations entre le droit interne et le droit international général ; d’autre part, évoquer au sein de ce droit international la place spécifique du droit de l’Union européenne. La souveraineté, dont on a vu dans la leçon 2 qu’elle était la caractéristique de l’État, sera au cœur de ces propos, dans la mesure où la primauté du droit international sur les normes internes (infra-constitutionnelles) peut interroger : cette primauté n’est-elle pas une négation du caractère suprême de la souveraineté de l’État ?
Section 1. Droit international et souveraineté de l’État
La souveraineté, comme cela vient d’être rappelé, est la caractéristique de l’État. Elle implique, du fait de son caractère absolu et suprême, que l’État n’a pas de supérieur ou d’égal à l’intérieur de ses frontières (face interne de la souveraineté). Mais l’État souverain, qui appartient à une « société » internationale, est contraint de cohabiter avec d’autres États, également souverains.
Contrairement à ce qui se produit dans l’ordre interne, les collectivités étatiques membres de la société internationale ne sont les sujets d’aucune puissance (dans l’ordre interne, les individus sont les sujets de l’État sur le territoire duquel ils se trouvent). Il n’y a donc pas, dans l’ordre international, de puissance suprême qui serait susceptible de soumettre les États à sa domination, de leur imposer l’ordre et de régler leurs litiges (nombreux).
En l’absence de normes contraignantes élaborées par une autorité qui leur soit supérieure, ce sont les États eux-mêmes qui, pour faire en sorte que la société internationale ne soit pas anomique, pour éviter que, faute de droit, les différends soit réglés par la force, organisent leurs relations en s’engageant mutuellement par voie « conventionnelle ». Dit autrement, les États concluent des conventions internationales (des traités), qui sont la source principale du droit international.
La création des normes de droit international conventionnel est ainsi placée sous le signe du consentement, alors que celle des normes de droit interne est, au contraire, marquée par l’unilatéralité. L’État qui souhaite conclure une convention internationale avec d’autres États doit obtenir leur accord ; en revanche, il peut, dans son ordre interne, imposer unilatéralement sa volonté à ses sujets.
La souveraineté de l’État étant suprême (et, par voie de conséquence, indépendante), l’État est toujours libre de s’engager (ou de ne pas s’engager) par voie conventionnelle. Mais, une fois qu’il s’est engagé – et tant qu’il n’a pas dénoncé le traité qu’il a accepté de ratifier – il est lié par l’engagement qu’il a pris de respecter l’accord auquel il est partie. En droit privé français, on dirait que cet accord est « la loi des parties » (cf. l’article 1103 du Code civil : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits »). Cette règle est transposable aux relations internationales. Mais dire que l’État est lié, c’est-à-dire contraint, n’est-ce pas en contradiction avec le caractère absolu, suprême et indépendant de la puissance souveraine ? Il y a là une difficulté dans la mesure où le droit international (conventionnel), alors qu’il existe par la souveraineté librement manifestée des États, constitue dans le même temps une limitation de cette souveraineté.
Cette difficulté apparaît de façon plus accrue encore dès lors que l’on envisage l’articulation entre les normes de droit interne et les normes de droit international (conventionnel). En effet, le conflit survient en cas de contrariété, qui est possible. Comment le résoudre ? Dit autrement, en cas de conflit entre une norme internationale et une norme de droit interne, laquelle des deux doit prévaloir ?