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4.2. Maîtriser les enjeux de l'économie numérique


1. Les noms de domaine



Le nom de domaine est une adresse virtuelle. Comme une adresse postale, il permet d’être trouvé, localisé sur Internet. Parce que les utilisateurs connaissent l’adresse qu’est le nom de domaine, ils peuvent consulter le site concerné.

Le nom de domaine vise donc l’adresse dans sa globalité.
Ex.Par exemple, www.pix.fr

Comment se décompose cette adresse ?



Comment fait-on pour réserver un nom de domaine ?

L'ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), société américaine qui a pour fonction de réguler au niveau mondial les noms de domaine, gère les noms de domaine de premier niveau (.com, .net, etc.).


L'ICANN délègue ensuite la gestion technique de ces noms de domaine à des registres (ou offices). En France, c'est l'AFNIC (Association Française pour le Nommage Internet en Coopération) qui est l'office d'enregistrement compétent pour les extensions françaises : .fr (France), mais aussi .re (La Réunion), .yt (Mayotte), .wf (Wallis et Futuna), .tf (Terres Australes et Antarctiques) et .pm (Saint-Pierre et Miquelon). Les offices délèguent eux-mêmes à des bureaux l'enregistrement des noms de domaine.


L'attribution se fait selon la règle du « premier arrivé, premier servi ».


Les principaux agissements parasitaires :

Cybersquatting

Typosquatting

Pratique consistant dans l'enregistrement de mauvaise foi d'un nom de domaine identique à une marque, une dénomination sociale, un nom commercial, une enseigne, un nom patronymique ou un autre nom de domaine afin de tirer profit de cette proximité. Il s'agit d'une pratique s'apparentant à du chantage, le détenteur du nom de domaine cherchant à négocier (pour un prix élevé) le transfert du nom de domaine au bénéfice du détenteur légitime.Forme spécifique de cybersquatting reposant sur la proximité visuelle afin d'induire en erreur l'internaute. Par exemple, le typosquatteur va chercher à enregistrer le nom de domaine www.alllocine.fr, qui sera souvent lu comme www.allocine.fr. Le typosquatting repose souvent sur l'oubli – ou au contraire l'ajout – volontaire d'une lettre ou d'un signe à l'adresse originale.

Deux hypothèses :
  • Le nom de domaine porte atteinte à une marque antérieure.
    Il s'agit alors d'une contrefaçon de marque, à condition que l'utilisation du nom de domaine intervienne dans la vie des affaires, qu'elle soit faite pour désigner des produits ou des services, qu'elle implique un risque de confusion avec la marque et qu'elle produise des effets sur le territoire de protection de la marque.
  • La marque porte atteinte à un nom de domaine antérieur.
    Le nom de domaine constitue une antériorité qui peut permettre de s'opposer à l'enregistrement de la marque :
    Tx.Art. L. 711-3, I, 4° du CPI, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 13 novembre 2019 : « Ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment : 4° Un nom commercial, une enseigne ou un nom de domaine, dont la portée n'est pas seulement locale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ».

L'originalité tient ici au fait qu'il existe ici, parallèlement aux procédures judiciaires, des procédures extrajudiciaires :
Procédure UDRP

Procédure Syréli

Procédure issue des principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine adopté par l'ICANN. Le demandeur doit prouver un risque de confusion, une absence d'intérêt légitime de la part du défendeur et la mauvaise foi de ce dernier. Lorsque cette triple preuve est rapportée, il peut être décidée de la radiation ou du transfert du nom de domaine.Procédure pouvant être mise en œuvre pour les extensions créées par l'AFNIC. Là encore, la sanction est la radiation ou le transfert du nom de domaine au bénéfice du demandeur (art. L. 45-6 du Code des postes et des communications électroniques).

2. Les acteurs en ligne





Fournisseurs d'accès

Fournisseurs d'hébergement

Éditeurs

Personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne (loi n° 2004-575 pour la confiance dans l'économie numérique, art. 6.I-1).Personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services (loi n° 2004-575 pour la confiance dans l'économie numérique, art. 6.I-2).

Jurisprudence : critère du rôle passif (CJUE, 23 mars 2010, Google adwords, C-236/08 à C-238/08).
Personnes dont l'activité est d'éditer un service de communication au public en ligne (loi n° 2004-575 pour la confiance dans l'économie numérique, art. 6.III-1).


Responsabilité limitée

Absence d'obligation générale de surveillance

« Toute personne assurant une activité de transmission de contenus sur un réseau de communications électroniques ou de fourniture d'accès à un réseau de communications électroniques ne peut voir sa responsabilité civile ou pénale engagée à raison de ces contenus que dans les cas où soit elle est à l'origine de la demande de transmission litigieuse, soit elle sélectionne le destinataire de la transmission, soit elle sélectionne ou modifie les contenus faisant l'objet de la transmission » (art. L. 32-3-3 du Code des postes et des communications électroniques).« Les personnes exerçant une activité de fourniture d'accès ne sont pas soumises à une obligation générale de surveiller les informations qu'elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites » (loi n° 2004-575 pour la confiance dans l'économie numérique, art. 6.I-7).


Responsabilité conditionnée
:
  • Les personnes assurant une activité de fourniture d'hébergement « ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère manifestement illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible » (LCEN, art. 6.I-2).
  • Absence d'obligation générale de surveillance (LCEN, art. 6.I.7).



Évolution partielle des règles de responsabilité – Directive (UE) 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique.
  • Qualification de fournisseur de services de partage de contenus : 
    • Article 17 de la directive : les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne doivent conclure des contrats de licence avec les ayants-droit.
    • À défaut, responsabilité engagée en cas d'acte non autorisé de communication au public, y compris la mise à la disposition du public, d'œuvres protégées par le droit d'auteur et d'autres objets protégés.
    Système spécifique (et qui déroge au principe d'irresponsabilité conditionnée) en matière d'atteinte aux droits d'auteur.
  • Transposition de l'article 17 par l'ordonnance n° 2021-580 du 12 mai 2021 portant transposition du 6 de l'article 2 et des articles 17 à 23 de la directive 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique.

Retour au droit commun des règles de responsabilité.
Rq.Attention : concernant les fournisseurs d'accès et les fournisseurs d'hébergement, il existe des règles particulières lorsque le contenu est d'une particulière gravité
Compte tenu de l'intérêt général attaché à la répression de l'apologie des crimes contre l'humanité, de la provocation à la commission d'actes de terrorisme et de leur apologie, de l'incitation à la haine raciale, à la haine à l'égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur handicap ainsi que de la pornographie enfantine, de l'incitation à la violence, notamment l'incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine, les personnes mentionnées ci-dessus doivent concourir à la lutte contre la diffusion des infractions visées aux cinquième, septième et huitième alinéas de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et aux articles 222-33, 225-4-1, 225-5, 225-6, 227-23 et 227-24 et 421-2-5 du Code pénal (LCEN, art. 6.I.7).

3. Les conditions générales d'utilisation et les conditions générales de vente



Df.Les conditions générales sont des « clauses abstraites, applicables à l'ensemble des contrats individuels ultérieurement conclus, rédigées par avance et imposées par un contractant à son partenaire » (A. Seube, « Les conditions générales des contrats », Mélanges A. Jauffret, 1974, p. 622).

Il est impossible de décrire ici la totalité des clauses inclues dans les CGU et CGV. L'objectif est de présenter quelques catégories de clause.



Tx.Article L. 212-1 du Code de la consommation : « Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1188, 1189, 1191 et 1192 du Code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution. L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission des clauses abusives, détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu'elles portent à l'équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa. Un décret pris dans les mêmes conditions, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse. Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies ».

Ex.Exemples de clause ayant été considérées comme abusives par le juge :
  • Une clause d'electio fori dans les conditions générales de Facebook qui désignaient compétent le juge californien.
    Un utilisateur français a voulu agir pour contester la fermeture de son compte (décidée après qu'il ait publié une reproduction de L'origine du Monde de Gustave Courbet). Facebook lui a opposé la compétence des juridictions californiennes en raison de la clause. Le juge français a considéré que celle-ci était abusive (dans la mesure où elle créait un déséquilibre significatif en imposant à l'utilisateur de saisir des juridictions étrangères éloignées simplement pour obtenir le rétablissement de son compte) et l'a réputée non écrite (CA de Paris, 12 févr. 2016).
  • Une clause de cession automatique des contenus créés par l'utilisateur dans les conditions générales de Valve pour sa plateforme de jeux en ligne Steam.
    La clause stipule que Valve a « pour le monde entier, le droit non exclusif d'utiliser, reproduire, modifier, distribuer, transmettre, transcoder, traduire, diffuser, communiquer de toute autre manière, et afficher et représenter en public [le] contenu généré par l'utilisateur, et de créer des œuvres dérivées à partir de celui-ci, aux fins des activités, de la distribution et de la promotion du service Steam, des jeux Steam et des autres offres Steam ». L'association de consommateurs UFC Que choisir a agi sur le terrain des clauses abusives pour neutraliser cette clause (parmi d'autres). Le juge a considéré que la clause était abusive et l'a réputée non écrite (TGI de Paris, 17 sept. 2019).
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