Le législateur a été jusqu’en 2000 attaché au support papier pour qu’un écrit puisse avoir une valeur probante. Des réserves étaient émises à l’encontre du support électronique notamment quant à son intégrité, quant à l’identité des auteurs de l’acte et quant à sa conservation. Ces réserves ont été levées par :
Tx.
- la loi n° du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relative à la signature électronique qui a permis l’écrit électronique à titre de preuve ;
- la directive du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique transposée par la loi n° du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique qui a permis l’écrit électronique à titre de validité ;
- l’ordonnance n° du 16 juin 2005 relative à l'accomplissement de certaines formalités contractuelles par voie électronique qui précise le dispositif pour les contrats électronique et consacre la lettre recommandée électronique ;
- l’ordonnance n° du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations qui a renuméroté et modifie à la marge les textes en matière de preuve et de contrat électronique.
Les dispositions de droit commun se trouvent dans le Code civil en trois blocs distincts :
Preuve électronique
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Formalités électroniques (validité)
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Conclusion du contrat
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- Définition de l'écrit juridique
- Principe d'équivalence fonctionnelle
- Signature électronique
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- Etablissement et conservation sous la forme électronique
- Contrats exclus (famille et successions)
- Adaptation des formalités (mention ; formulaire ; exemplaires)
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- Communication électronique des stipulations contractuelles
- Modalités de la communication électronique
- Modalités de l'offre et de son acceptation
- Modalités de remise d'un écrit électronique
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Rq.Rappel : un écrit est exigé à titre de preuve pour les actes portant sur une somme supérieure à 1 500 euros. En cas de non-respect des conditions légales de l’écrit, l’acte aura la valeur d’un simple commencement de preuve par écrit (art.
1359 du C. civ.)
Ainsi, lorsque l’écrit est exigé ad probationem, la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 a instauré le principe d’équivalence fonctionnelle ou de neutralité technologique entre le support papier et le support électronique.
Df.Définition de l'écrit : art.
1365 du C. civ. :
«
L'écrit consiste en une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d'une signification intelligible, quel que soit leur support. »
Force probante :
Tx.art.
1366 du C. civ. :
«
L'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité. »
Il a cependant fallu adapter les formalités exigées à titre de preuve.
Mention manuscrite
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Double original
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Règle : art. 1376 du C. civ.
Tx.« L'acte sous signature privée par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s'il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres (...) »
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Règle : art. 1375 al. 1 du C. civ.
Tx.« L'acte sous signature privée qui constate un contrat synallagmatique ne fait preuve que s'il a été fait en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct (...) »
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Cass. 1 ère civ., 13 mars 2008, n° 06-17.534 : Publié au Bulletin
« Si la mention de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres, écrite par la partie même qui s'engage, n'est plus nécessairement manuscrite, elle doit alors résulter, selon la nature du support, d'un des procédés d'identification conforme aux règles qui gouvernent la signature électronique ou de tout autre procédé permettant de s'assurer que le signataire est le scripteur de ladite mention. » |
art. 1375 al. 4 du C. civ.
Tx.« L'exigence d'une pluralité d'originaux est réputée satisfaite pour les contrats sous forme électronique lorsque l'acte est établi et conservé conformément aux articles 1366 et 1367, et que le procédé permet à chaque partie de disposer d'un exemplaire sur support durable ou d'y avoir accès. »
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Lorsque l’écrit est exigé ad validitatem, les formalités ont également été adaptées.
Forme électronique valable
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Mention manuscrite
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Art. 1174 al. 1 er du C. civ.
Tx.« Lorsqu'un écrit est exigé pour la validité d'un contrat, il peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1366 et 1367 et, lorsqu'un acte authentique est requis, au deuxième alinéa de l'article 1369. »
Ne peuvent pas être conclus sous forme électronique les actes sous signature privée relatifs au droit de la famille et des successions.
Application aux actes authentique
La règle a été précisée pour les notaires et les huissiers par les décrets n° et n° du 10 août 2005. |
Art. 1174 al. 2 du C. civ.
Tx.« Lorsqu'est exigée une mention écrite de la main même de celui qui s'oblige, ce dernier peut l'apposer sous forme électronique si les conditions de cette apposition sont de nature à garantir qu'elle ne peut être effectuée que par lui-même. »
Application au cautionnement
La réforme du droit des sûretés (ord. n° du 15 sept. 2021) avait notamment pour objectif de moderniser les règles du Code civil relatives à la conclusion par voie électronique des actes sous signature privée relatifs à des sûretés réelles ou personnelles afin d'en faciliter l'utilisation. Dorénavant, elles peuvent être conclues sous la forme électronique avec l'apposition d'une mention qui n'a plus à être manuscrite (art. 2297 du C. civ.).
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Le Code civil prévoit enfin des dispositions pour les contrats conclus par voie électronique dans le cadre du commerce électronique, desquelles il ressort notamment :
Communication électronique
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Offre
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- Mise à disposition des stipulations contractuelles ou des informations sur des biens ou services.
- Au destinataire non professionnel dès lors qu'il a accepté l'usage de ce moyen.
- Au professionnel dès qu'il a communiqué son adresse électronique.
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- L'auteur de l'offre reste engagé par elle tant qu'elle est accessible par voie électronique de son fait.
- L'offre comprend des informations précisément identifiées (étapes de conclusion ; moyens techniques pour parer aux erreurs ; langues ; modalités d'archivage ; informations sur les règles professionnelles et commerciales).
- Le destinataire de l'offre doit avoir eu la possibilité de vérifier le détail de sa commande et son prix total et de corriger d'éventuelles erreurs.
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La signature électronique a d’abord été encadrée par le droit national.
Tx.«
Lorsque [la signature] est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. » (art.
1367 al. 2 c. civ.)
Le décret n° du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique dispose dans son unique article que « la fiabilité d'un procédé de signature électronique est présumée, jusqu'à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en Ĺ“uvre une signature électronique qualifiée » conformément à la législation européenne.
La signature électronique est dorénavant encadrée par le droit de l’Union européenne (règlement n° du 23 juill. 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur, dit règlement « eIDAS ») pour « susciter une confiance accrue dans les transactions électroniques au sein du marché intérieur en fournissant un socle commun pour des interactions électroniques sécurisées entre les citoyens, les entreprises et les autorités publiques et en accroissant ainsi l’efficacité des services en ligne publics et prive?s, ainsi que de l’activité économique et du commerce électronique dans l’Union » (cons. 2).
La numérisation d’une signature manuscrite ou l’application par un stylet de sa signature sur un document électronique ne constitue pas une signature électronique car ces procédés, pourtant très souvent utilisés, ne permettent pas d’assurer l’identité du signataire ni garantir l’intégrité du document.
Le règlement eIDAS définit plusieurs niveaux de signature électronique (S.E.) selon les actes à signer : source : ANSSI, Guide de sélection des niveaux de signature et de cachet électroniques.
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S.E. simple
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S.E. avancée
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S.E. qualifiée
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Définition |
Df.Des données sous forme électronique qui sont jointes ou associées logiquement à d'autres données sous forme électronique et que le signataire utilise pour signer.
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Df.
- Est liée au signataire de manière univoque ;
- Permet d'identifier le signataire ;
- Est créée à l'aide de données que le signataire peut, avec un niveau de confiance élevée utiliser sous son contrôle exclusif ;
- Permet de détecter toute modification ultérieure du document signé électroniquement.
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Df.S.E. avancée (v. ci-contre).
+ Dispositif de création de signature électronique qualifié garantissant notamment la confidentialité, l'unicité des données et la sécurisation des données.
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Force probante | Preuve de la fiabilité à rapporter | Preuve de la fiabilité à rapporter | Présomption de fiabilité (équivalent à la signature manuscrite) |
Procédés |
- Signature sur tablette électronique.
- Signature avec confirmation par code reçu à une adresse ou un numéro de téléphone déclaré par le signataire.
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- Signature avec confirmation par code reçu sur un numéro de téléphone lié de façon procédurale à l’identité du signataire.
- Signature avec vérification de l’identité du signataire.
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- Utilisation d’un logiciel de signature électronique exigeant la présentation d’un certificat qualifié préalablement délivré au signataire.
- Signature au moyen d’une application mobile garantissant une identification et une authentification forte du signataire.
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Actes |
- Contrat de bail
- Contrat de travail
- CGU/CGV...
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- Crédits à la consommation
- Crédits immobiliers
- Assurance vie
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- Acte authentique
- Actes d'avocats
- Marchés publics
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La lettre recommandée est un outil important dans l'exécution des contrats puisqu'elle constitue une formalité requise pour déclencher certaines clauses contractuelles (révocation ; résiliation...). Elle est utilisée de manière générale pour s'assurer de la preuve de la communication d'une information. Le législateur français avait intégré les dispositions dans le Code civil en distinguant la lettre électronique simple et la lettre électronique recommandée (ordonnance n° du 16 juin 2005).
A la suite du règlement eIDAS qui a également pour objet la lettre recommandée électronique, le législateur a supprimé les dispositions du Code civil pour les intégrer dans le Code des postes et des communications électroniques (CPCE). Il supprime toute distinction entre lettres électroniques et énonce un principe d'équivalence fonctionnelle entre la lettre recommandée papier et la lettre recommandée électronique à la condition du respect des exigences eIDAS (art. L. 100 du CPCE).
Le destinataire qui n'est pas un professionnel doit avoir exprimé à l'expéditeur son consentement à recevoir des envois recommandés électroniques.
Le prestataire peut proposer que le contenu de l'envoi soit imprimé sur papier puis acheminé au destinataire dans les conditions fixées au livre Ier du présent code.
L'article 44 du règlement eIDAS définit les exigences de la lettre recommandée électronique :
Tx.« 1. Les services d'envoi recommandé électronique qualifiés satisfont aux exigences suivantes :
a) ils sont fournis par un ou plusieurs prestataires de services de confiance qualifiés ;
b) ils garantissent l'identification de l'expéditeur avec un degré de confiance élevé ;
c) ils garantissent l'identification du destinataire avant la fourniture des données ;
d) l'envoi et la réception de données sont sécurisés par une signature électronique avancée ou par un cachet électronique avancé d'un prestataire de services de confiance qualifié, de manière à exclure toute possibilité de modification indétectable des données ;
e) toute modification des données nécessaire pour l'envoi ou la réception de celles-ci est clairement signalée à l'expéditeur et au destinataire des données ;
f) la date et l'heure d'envoi, de réception et toute modification des données sont indiquées par un horodatage électronique qualifié.
(...). »
Ces exigences sont précisées aux articles R. 53 à R. 53-4 du CPCE.