A partir du premier choc pétrolier de 1973, la France a fermé ses frontières à l’immigration dite de main d’œuvre, revenant sur une politique d’ouverture informelle du marché de l’emploi aux étrangers (V. leçon n° 1).
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Sylvain Laurens remet en cause cette analyse d’un « turning-point » dans les politiques françaises à partir du premier choc pétrolier, dans l’article suivant : « 1974 » ET LA FERMETURE DES FRONTIÈRES– Analyse critique d'une décision érigée en turning-point, Politix, 2008/2 n° 82, p. 69 à 94.
Seront soumis au droit commun du travail :
- les ressortissants d’Etats membres de l’Union européenne ;
- les ressortissants d’Etats membres de l’Espace Economique Européen ;
- les Andorrans ;
- les Monégasques ;
- les Suisses.
Les autres ressortissants étrangers sont, en revanche, soumis à un régime spécifique prévu par le code du travail, en lien avec le CESEDA. La situation des Algériens et des Tunisiens est régie, de manière particulière, par les accords bilatéraux liant la France à l’Algérie et à la Tunisie.
« Pour exercer une activité professionnelle salariée en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail et, lorsqu'elles doivent le produire, le certificat médical mentionné au 3° de l’article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui leur est remis à l'issue de la visite médicale à laquelle elles se soumettent au plus tard trois mois après la délivrance de l'autorisation de travail :
1° Etranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;
2° Etranger ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne pendant la période d'application des mesures transitoires relatives à la libre circulation des travailleurs. »
En outre, un certain nombre d’emplois sont fermés aux étrangers, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Il n’est ainsi pas possible pour les étrangers ressortissants d’Etats tiers d’accéder à des emplois relevant de la titularisation dans la fonction publique. Les ressortissants d’Etats membres de l’Union européenne peuvent désormais prétendre à un emploi dans la fonction publique, à moins qu’il ne s’agisse d’un poste rattaché à des fonctions régaliennes, comme la police ou la magistrature. Dans le secteur privé, d’assez nombreuses professions sont fermées aux ressortissants d’Etats tiers, dans des secteurs très variés, notamment le barreau.
Par conséquent, toute personne ressortissante d’un Etat tiers doit avoir été préalablement autorisée à travailler avant de pouvoir accéder au marché de l’emploi (Section 1). Toutefois, en pratique, il n’est pas rare que des personnes n’étant pas titulaires d’un droit d’accès au marché de l’emploi travaillent, notamment dans certains secteurs : restauration, confection, travaux, etc… L’absence d’autorisation de travail n’équivaut toutefois pas à une absence de droit pour les travailleurs (Section 2).
Section 1. L’exigence d’une autorisation de travail
L’autorisation de travail peut revêtir différentes formes (§ 1). Lorsqu’une autorisation de travail distincte d’un titre de séjour est exigée, il faut procéder à une demande particulière (§ 2).
§1. Les différents types d’autorisation de travail
L’autorisation d’accéder au marché du travail doit être matérialisée par un document qui peut revêtir deux formes distinctes :
- Soit l’intéressé est titulaire d’un titre de séjour comportant une autorisation de travailler (A) ;
- Soit l’intéressé doit demander la délivrance d’une autorisation de travail distincte de son titre de séjour (B) ;
A. Les titres de séjour généraux
Conformément à l’article R. 5221-3 du Code du travail, les titres de séjour généraux autorisant leur titulaire à travailler sont principalement :
- la carte de résident ;
- la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ;
- la carte de résident de longue durée – UE ;
- la carte pluriannuelle générale.
Les titulaires de ce type de titres de séjour peuvent exercer, de plein droit, une activité professionnelle salariée de leur choix sur l’ensemble du territoire. Les ressortissants algériens munis d’un certificat de résidence de dix ans ou d’un certificat de résidence d’un an portant la mention « vie privée et familiale » sont également autorisés à exercer une activité professionnelle salariée.
Les mineurs se trouvent dans une situation particulière. En effet, les mineurs bénéficient d’un droit au séjour implicite sur le territoire français jusqu’à leur majorité. Ils sont ainsi placés dans une situation paradoxale. S’ils ne sont pas soumis à l’obligation de détention d’un titre de séjour, ils doivent, en revanche, être en possession d’une autorisation de travailler dès l’âge de 16 ans. Cette obligation s’impose à eux, entre 16 et 18 ans, pour les activités à caractère salarié ainsi que pour les activités en lien avec une formation professionnelle. Soit le mineur dépose une demande de titre de séjour lui ouvrant l’accès au marché de l’emploi, soit il demande une autorisation de travail qui sera découplée d’un quelconque titre de séjour.
Lorsque la personne n’est pas en possession d’un tel titre de séjour, elle doit déposer une demande de titre de séjour spécifique.
B. Les titres de séjour spécifiques
Plusieurs titres de séjour peuvent être délivrés dans la perspective d’exercer une activité professionnelle :
- La carte de séjour temporaire portant la mention « salarié », qui peut être d’une année, puis pluriannuelle ;
- La carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire », d’une durée correspondant à la durée du CDD et, en toute hypothèse, plafonnée à un an ;
- L’autorisation provisoire de travail d’une durée également limitée à une année ;
- Les cartes pluriannuelles portant des mentions « passeport talent », « travailleur saisonnier » ou encore « salarié détaché ICT ».
Nous renvoyons à la leçon n° 3 sur les titres de séjour qui détaille de manière plus précise les conditions de délivrance des documents visés.
§2. La demande d’autorisation de travail
L’instruction de la demande se dédouble selon que l’étranger est ou non déjà en France (A). Il arrive fréquemment que la situation de l’emploi soit opposée à l’étranger pour refuser l’accès au marché de l’emploi (B). Une possibilité de régularisation exceptionnelle existe cependant (C).
A. L’instruction de la demande
Lorsque le demandeur réside à l’étranger, une procédure particulière est mise en œuvre qui est désignée sous le terme d’introduction de travailleurs salariés. Etant peu utilisée en pratique, il n’est pas nécessaire de s’y attarder longuement. Il faudra que l’employeur, à l’origine de la démarche, démontre qu’il a recherché, vainement, une personne déjà présente en France susceptible d’occuper le poste visé.
Lorsque l’intéressé réside en France – c’est le cas de figure le plus fréquent –, la demande d’autorisation de travail doit être déposée auprès des autorités préfectorales qui, après avis de la Direction Régionale de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi (DIRECCTE), prendront la décision. Si cette dernière considère, après examen de la situation de l’emploi (V. supra B), que l’accès au travail peut être autorisé, la préfecture pourra délivrer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de travail.
En cas d’accord, l’autorisation de travailler sera matérialisée soit par une autorisation provisoire de travail, soit par une mention portée sur le titre de séjour du demandeur :
- Mention « salarié » ;
- Mention « travailleur temporaire » (art. L. 313-10 du CESEDA) ;
La carte de séjour portant la mention « salarié » est réservée aux personnes disposant d’un contrat de travail à durée indéterminée, tandis que la carte de séjour portant la mention « travailleur temporaire » est délivrée aux personnes ayant un contrat de travail à durée déterminée, même si la durée de ce contrat est d’une durée supérieure à une année.
B. La situation de l’emploi
La situation de l’emploi peut être opposée à un étranger lorsque ce dernier sollicite la délivrance d’une autorisation de travail. Il faut distinguer les cas dans lesquels la situation de l’emploi n’est pas opposable (1), des cas dans lesquels elle l’est (2).
1. L’absence d’opposabilité de la situation de l’emploi
La situation de l’emploi ne peut pas être opposée lorsqu’il s’agit d’un métier « en tension » (a) ou à certaines catégories de personnes comme les mineurs ou jeunes majeurs (b).
a. Les métiers « en tension »
En premier lieu, certains étrangers bénéficient d’une absence d’opposabilité de l’emploi en raison d’accords bilatéraux qui ont établi des listes particulières de métiers dits « en tension ». Ces métiers « en tension » requièrent des compétences ou des qualifications particulières qui ne se présentent pas en nombre suffisant en France ou au sein de l’Union européenne. En d’autres termes, le recrutement de ressortissants d’Etats tiers à l’Union européenne est facilité, dès lors que le vivier national/européen de l’emploi est insuffisant pour pourvoir ce type de postes.
En deuxième lieu, dans chaque accord de gestion concertée des flux migratoires, une liste des métiers en tension est établie, qui peut varier d’un pays à un autre.
Pays concernés
|
Nombre de métiers en tension
|
Bénin |
16
|
Burkina-Faso |
64
|
Cap-Vert |
40
|
Congo |
15
|
Gabon |
9
|
Maurice |
61
|
Sénégal |
108
|
Tunisie |
77
|
En troisième lieu, des métiers « en tension » permettent d’exclure de manière générale, au-delà des accords bilatéraux précédemment cités, l’opposabilité de l’emploi. Il est en effet précisé que « la situation de l’emploi ou l’absence de recherche préalable de candidats déjà présents sur le marché du travail n’est pas opposable à une demande d’autorisation de travail présentée pour un étranger non ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne, d’un autre Etat partie à l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse souhaitant exercer une activité professionnelle dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur la liste annexée au présent arrêté ». Cet arrêté du 18 janvier 2008 relève plusieurs métiers en tension, mais qui peuvent varier d’une zone géographique à une autre. Si les professions de technicien de vente à distance et de conducteur de travaux du BTP sont systématiquement considérées comme en tension toute zone géographique confondue, il n’en va pas de même des géomètres ou des façonneurs bois.
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b. Les mineurs et jeunes majeurs
S’agissant des demandes d’autorisation de travail déposées par des mineurs étrangers, la situation de l’emploi ne peut pas être opposée, dès lors que le mineur demande à entrer en apprentissage ou à suivre une formation professionnalisante.
De même, la situation de l’emploi ne peut pas être opposée à une personne demandant une autorisation de travail en vue de la conclusion d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation, lorsqu’elle a été confiée à l’aide sociale à l’enfance (ASE) avant l’âge de 16 ans, et demeure prise en charge par l’ASE au moment où elle présente sa demande, conformément à l’article R. 5221-22 du Code du travail. L’alinéa 2 de cette disposition précise que la situation de l’emploi est également inopposable à un étranger confié à l’ASE entre l’âge de 16 et 18 ans, dès lors qu’il remplit les conditions d’obtention de la carte de séjour temporaire portant mention « salarié » ou « travailleur temporaire » (V. leçon n° 8 sur les mineurs).
Précisons que l’article L. 313-15 du CESEDA prévoit la délivrance, à titre exceptionnel, et sous réserve de l’absence de menace à l’ordre public, d’une carte de séjour portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » à l’étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de 16 et 18 ans et qui « justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. »
2. L’opposabilité de la situation de l’emploi
L’ensemble des demandeurs ne bénéficiant pas de dispositions particulières dérogeant au principe général de l’opposabilité de la situation de l’emploi est donc concerné par cette dernière. Priorité est donnée aux ressortissants français ainsi qu’aux ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne.
La Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi (DIRECCTE), tient compte de la nature de l’emploi envisagé pour apprécier l’opportunité de recourir à un étranger au regard de l’offre et de la demande dans ce secteur d’activités. La consultation de Pôle emploi dans la région concernée doit permettre d’avoir une vision assez éclairée de la situation dans un bassin d’emploi.
Lorsque la situation de l’emploi est opposable, l’issue de la procédure est nécessairement plus aléatoire.
C. La régularisation exceptionnelle
La présence, sur le territoire français, de personnes en séjour irrégulier exerçant une activité professionnelle ne fait aucun mystère. De loin en loin, à l’instar d’autres pays de l’Union européenne, la France a mis en place des opérations de régularisation exceptionnelle, principalement par le travail.
Intégrant ces campagnes de régularisation comme un élément des politiques migratoires, la loi du 20 novembre 2007 a modifié l’article L. 313-14 du CESEDA en prévoyant une admission exceptionnelle au séjour pour une personne ayant une activité professionnelle salariée, sans toutefois être munie des documents nécessaires.
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« 2.2. L'admission au séjour au titre du travail ?
2.2.1 – Principes d'éligibilité ?En application de l'article L.313-14 du CESEDA, vous pourrez apprécier favorablement les demandes d'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail, dès lors que l'étranger justifie :
– d'un contrat de travail ou d'une promesse d'embauche (formulaire CERFA n°13653*03) et de l'engagement de versement de la taxe versée au profit de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (formulaire CERFA n° 13662*05) ;
– d'une ancienneté de travail de 8 mois, consécutifs ou non, sur les 24 derniers mois ou de 30 mois, consécutifs ou non, sur les 5 dernières années ;
– d'une ancienneté de séjour significative, qui ne pourra qu'exceptionnellement être inférieure à cinq années de présence effective en France ?
Néanmoins, vous pourrez prendre en compte une ancienneté de séjour de trois ans en France dès lors que l'intéressé pourra attester d'une activité professionnelle de vingt-quatre mois dont huit, consécutifs ou non, dans les douze derniers mois. ?
Pour l'application de ces dispositions, il revient à l'étranger de démontrer la réalité et la durée de son activité professionnelle antérieure.
Vous considérerez que les bulletins de salaire représentent une preuve certaine d'activité salariée, dès lors qu'ils attestent d'une activité au moins égale à un mi-temps mensuel. Pour mémoire, un employeur peut établir à tout moment, y compris rétroactivement, des bulletins de salaire. ?Si un nombre significatif de bulletins de salaire, y compris au titre des chèques emploi service universels, est produit, vous pourrez accepter en complément d'autres modes de preuve de l'activité salariée (virements bancaires, le cas échéant corroborés par une attestation de l'employeur, par exemple). ». Consultez la circulaire
En pratique, la voie de l’admission exceptionnelle au séjour demeure très étroite. Elle est en outre exclue pour les ressortissants algériens et tunisiens, soumis à un régime spécifique.
§3. Le renouvellement de l’autorisation de travail
Sans revenir sur le renouvellement des titres de séjour incluant l’autorisation de travailler (V. leçon n° 3 sur les titres de séjour), il convient d’apporter quelques précisions relatives au renouvellement des titres de séjour permettant, de manière spécifique, l’accès au marché du travail.
A. Le renouvellement de la carte portant la mention « salarié »
La carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » peut être renouvelée. A partir du deuxième renouvellement, les restrictions portant sur les limites géographiques et sectorielles devront être supprimées, comme le prévoit l’article R. 5221-3 du code du travail.
De plus, il existe des passerelles de la carte de séjour portant la mention « salarié » vers d’autres types de cartes, d’abord vers une carte pluriannuelle, puis, au bout de cinq années de résidence régulière en France, vers une carte de résident de longue durée-UE. Il faut, pour chaque transition, que les conditions de délivrance du titre de séjour soient réunies (V. Leçon n° 3 sur les titres de séjour). Ces passages d’un titre à un autre ne sont donc pas automatiques.
B. Le renouvellement de la carte portant la mention « travailleur temporaire »
La carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire » est d’une durée de validité correspondante à la durée du contrat de travail à durée déterminée (CDD) et limitée, en tout cas, à une année. La nature précaire du CDD est prise en compte.
Le renouvellement de la carte de séjour peut se faire dans deux hypothèses.
D’une part, lorsque le CDD initial est reconduit, le titulaire de la carte de séjour temporaire peut prétendre à la délivrance d’un nouveau titre, d’une durée limitée à celle du nouveau contrat de travail.
D’autre part, lorsque la durée du CDD initial est supérieure à une année, le renouvellement du titre de séjour est prévu par l’article L. 313-10, 2° du CESEDA. Ce dernier cas de figure se présente peu souvent en pratique, la durée légale du CDD étant limitée à dix-huit mois.