Le droit d’asile est consacré dans la Constitution française (Al. 4 du préambule de 1946 et article 53-1 Constitution), dans le prolongement de la Constitution de 1793, et dans la (article 18).
Comme cela a déjà été étudié (voir la leçon sur les sources), la du 28 juillet 1951, complétée par son protocole de 1967, définit le statut de réfugié. Il s’agit donc d’une protection internationale ou conventionnelle.
Au sein de l’UE, un édifice complexe a été édifié depuis les années 1990 afin de tenter de procéder à une répartition « équitable » du « fardeau » que représenteraient les demandeurs d’asile (asylum shoping) et garantir des standards minimaux d’accueil et d’octroi d’une protection internationale au sein de l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne et assimilés (Suisse).
Parallèlement à l’adoption de la (Schengen), la a constitué la première pièce de cet édifice, en posant la règle aux termes de laquelle l’Etat responsable de la demande d’asile est, sauf exceptions, le premier Etat membre dans lequel arrive le demandeur d’asile. Elle a évolué par la suite pour se transformer en Règlement dit « Dublin II » en 2003 et « Dublin III » en 2013 (Règlement (UE) n° du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride et règlement d’exécution (UE) n° du 30 janvier 2014).
Le même jour a été adopté le règlement (UE) n° du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d’Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du règlement « Dublin III ».
Le « paquet asile » a été complété par la directive n° du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale ainsi que par la directive n° du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des procédures applicables aux personnes demandant la protection internationale.
Enfin, il faut évoquer la directive « qualification » n° du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 (DQ) concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection.
Pour transposer le « paquet asile » dans le CESEDA et tirer les conséquences de la condamnation de la France par la CJUE et CEDH dans plusieurs affaires, le droit d’asile a été réformé en France, sous le mandat de François Hollande, par une loi « Valls » du 29 juillet 2015 après une concertation de plus d’un an et dans le contexte de la « crise de l’asile » (qui a peu concerné la France). La loi, entrée en vigueur au 2 novembre 2015, s’applique aux demandes d’asile déposées postérieurement.
En début de mandat d’Emmanuel Macron, dans le contexte d’une augmentation substantielle de la demande d’asile en France, la loi « Collomb » du 10 septembre 2018 a procédé à certains durcissements des conditions d’accueil et d’examen des demandes d’asile.
Bien que différentes formes de protection existent (Section 1), la procédure d’examen est commune (Section 2). Les demandeurs d’asile sont censés bénéficier d’un certain nombre de droits (Section 3) en attendant l’issue de la procédure (Section 4).
Section 1. Les différentes formes de protection
L’Office Français de Protection des Réfugiés et des Apatrides (OFPRA) est l’organisme compétent pour l’examen des demandes de protection internationale y compris les demandes d’apatridie en application de la Convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides.
- L’examen des demandes d’apatridie reste marginal (quelques centaines de demandes).
« En 2020, l’OFPRA a pris 317 décisions, dont 48 positives. Le taux d’admission, établi à 15,3 %, n’a pas évolué par rapport à l’année précédente.
Parallèlement, 74 personnes ayant déposé une demande de protection internationale ont été reconnues réfugiées-apatrides. Elles s’ajoutent au nombre de personnes protégées au titre de la seule convention internationale sur l’apatridie. »
Le droit d’asile recouvre différentes formes de protection constitutionnelle (§1), conventionnelle (§2) et subsidiaire (§3) et, de manière complémentaire, temporaire (§4).
§1. La protection constitutionnelle
Cette protection vise les « combattants de la liberté ».
Créée à l’initiative de Patrick Weil par la , la protection constitutionnelle est censée bénéficier « à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté » en application de l’article L. 711-1 du CESEDA.
« La qualité de réfugié est reconnue :
1° A toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté. »
- Pas de droit au visa.
Les critères d'admission au statut de réfugié au titre de l'asile constitutionnel sont les suivants :
- existence d'une persécution effective (et donc pas seulement d'une crainte de persécution) ;
- les auteurs des persécutions peuvent être déterminés ou non, organisés ou non ;
- le demandeur a fait preuve d'un engagement actif en faveur de l'instauration d'un régime démocratique ou des valeurs qui s'y attachent (liberté d'expression, liberté d'association, liberté syndicale...) ;
- l'engagement du demandeur doit être dicté par des considérations d'intérêt général (et non d'ordre personnel).
=> Attribution du même statut que les réfugiés (cerise sur le gâteau)
Voir Patrick Weil, « Il faut accorder l’asile constitutionnel à Edward Snowden », Esprit 2019/4 (Avril), p. 87 à 93.
§2. La protection conventionnelle
A. Les fondements juridiques
La définit à son article 1er A la protection conventionnelle.
Depuis la ratification de de la Convention de Genève en 1954, la loi n° du 25 juillet 1952 puis le CESEDA (actuellement article L. 511-1) renvoient directement à cette définition :
1° A toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ; [asile constitutionnel]
2° A toute personne sur laquelle le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés exerce son mandat aux termes des articles 6 et 7 de son statut tel qu'adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 14 décembre 1950 ;
3° A toute personne qui répond aux définitions de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés
Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux réfugiés en vertu de la convention de Genève susmentionnée. »
L’article L. 511-2 ajoute :
- Application de la directive « qualification » (DQ).
B. Les critères de reconnaissance
Le statut de réfugié est octroyé lorsque divers critères sont réunis de manière cumulative.
- Il faut établir l’existence (« avec raison ») de persécutions effectives ou de craintes de persécutions revêtant une certaine gravité.
- Celles-ci doivent être fondées sur l’un des 5 motifs énumérés par les textes : la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un groupe social ou l'opinion politique.
- Caractère individualisable/personnel de la persécution : l’invocation d’une situation générale dans le pays d’origine n’étant pas suffisante
- La personne doit avoir quitté son pays et ne pas vouloir, ou ne pas pouvoir du fait des craintes de persécution qu’elle éprouve, se réclamer de la protection de ce pays
Quelques précisions :
1. S’agissant du groupe social, suite à des jurisprudences de la CJUE du Conseil d’Etat, l’article L. 511-3, issu de la loi du 10 septembre 2018, a ajouté :
« Article 60 – Demandes d’asile fondées sur le genre.
« 1 Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre puisse être reconnue comme une forme de persécution au sens de l’article 1, A (2), de la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et comme une forme de préjudice grave donnant lieu à une protection complémentaire/subsidiaire.
2 Les Parties veillent à ce qu’une interprétation sensible au genre soit appliquée à chacun des motifs de la Convention et à ce que les demandeurs d’asile se voient octroyer le statut de réfugié dans les cas où il a été établi que la crainte de persécution est fondée sur l’un ou plusieurs de ces motifs, conformément aux instruments pertinents applicables. »
Elle exige le cumul de deux conditions tandis que les premiers recommandent leur application alternative. L’article 10, § 1er, d), al. 1er, de la directive établit que, pour composer un groupe social, des individus doivent partager une caractéristique innée ou une histoire commune qui ne peut être modifiée, ou encore une caract éristique ou une croyance à ce point essentielle pour l’identité ou la conscience qu’il ne devrait pas être exigé d’une personne qu’elle y renonce (caractéristique commune immuable ou essentielle) et constituer un groupe avec son identité propre dans le pays en question parce qu’il est perçu comme étant différent par la société environnante (perception sociale).
L’article 10, § 1er, d), al. 2, de la directive qualification ajoute qu’un groupe social peut être constitué des individus partageant la même orientation sexuelle. En l’espèce, la Cour estime d’une part que l’homosexualité est une caractéristique essentielle pour l’identité d’un individu et d’autre part que sa pénalisation implique que les homosexuels soient perçus comme différents du reste de la société. En conséquence, elle constate que les requérants relèvent d’un groupe social ».
Voir H. Gribomont, « Évaluation de l'homosexualité d'un demandeur d'asile : deuxième pas luxembourgeois », Cahiers de l'EDEM, février 2018.
L’article L. 511-5 reprend aussi la jurisprudence de la CJUE en précisant :
Sur les enjeux de preuve :
- CJUE, arrêt du 2 décembre 2014, A., B. et C., C-148/13 à C-150/13.
- CJUE, arrêt du 25 janvier 2018, F., C-473/16.
Groupe social et excision (Mutilation sexuelle féminine) :
- C.E., Ass., 21 décembre 2012, Mme B. C. (non éligibilité de la mère au groupe social).
- C.E., Ass., 21 décembre 2012, OFPRA c/ Mlle Traore (éligibilité des filles susceptibles d’être victimes d’excision au statut de réfugié).
Article L. 531-11 :
Lorsque la protection au titre de l'asile est sollicitée par une mineure de sexe féminin invoquant un risque de mutilation sexuelle, ou par un mineur de sexe masculin invoquant un risque de mutilation sexuelle de nature à altérer ses fonctions reproductrices, le certificat médical, dûment renseigné, est transmis à l'office sans délai par le médecin qui l'a rédigé. Une copie du certificat est remise en main propre aux parents ou au représentant légal . »
Référence : Cf. Korsakoff Alexandra, Vers une définition genrée du réfugié. Étude de droit français, Thèse de droit public sous la direction de Catherine-Amélie Chassin et Stéphanie Hennette-Vauchez, Caen, 2018, 705 p. (Mare & Martin, coll. « Bibliothèque des thèses », 2021, 876 p.).
2. Les agents de persécution sont soit les autorités étatiques du pays d’origine, soit d’autres entités à l’encontre desquelles les autorités étatiques n’interviennent pas, en raison d’une incapacité à intervenir ou d’une absence de volonté d’intervenir.
En cas de retour dans son pays, le demandeur d’asile serait la cible d’une menace.
Article L. 513-2 précise :
Pour apprécier la crainte de persécution, il est possible de prendre en compte des événements postérieurs au départ du demandeur d’asile de son pays d'origine ou à raison d'activités qu'il a exercées après son départ du pays, notamment s'il est établi que les activités invoquées constituent l'expression et la prolongation de convictions ou d'orientations affichées dans son pays (article L. 513-4).
3. Asile interne.
L’article L. 513-5 prévoit que :
Il est tenu compte des conditions générales prévalant dans la partie du territoire concernée, de la situation personnelle du demandeur ainsi que de l'identité ou de la qualité de l'auteur de la persécution au moment où il est statué sur la demande d'asile. »
- CNDA, « La Grande formation de la CNDA précise la démarche permettant d’évaluer le niveau de violence généré par un conflit armé aux fins de l’application de la protection subsidiaire de l’article L.712-1 c) du CESEDA » (jurisprudence dite « Kaboul »), 20 novembre 2020 (CNDA GF, 19 novembre 2020 M. N n° 19009476 R et CNDA GF, 19 novembre 2020 M. M. n° 18054661 R).
- CNDA, « La Grande formation de la CNDA se prononce sur les conditions relatives à l’asile interne. La situation examinée concerne les personnes originaires de Mopti exposées à des menaces graves résultant de la violence aveugle crée par le conflit armé au Mali », 17 juin 2021 (CNDA GF, 15 juin 2021 M. S. n° 20029676 R).
4. Clause d’exclusion.
Après avoir conclu au bien-fondé des craintes ou menaces énoncées en cas de retour, l'OFPRA peut être conduit à exclure du bénéfice de la protection.
La Convention de Genève prévoit en effet une clause d’exclusion en son article 1er F :
a) Qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ;
b) Qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiés ;
c) Qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. »
Les clauses d'exclusion existent car les agissements de certaines personnes sont si graves qu'elles ne méritent pas une protection internationale. De plus, le cadre juridique de l'asile ne doit pas constituer, dans ces cas, une protection permettant aux criminels d'échapper à la justice.
Quel que soit le motif d’exclusion, le statut de réfugié n’est pas accordé à une personne qui relève d’une clause d’exclusion (compétence liée). Article L. 511-6 du CESEDA.
- La clause 1Fa a été notamment appliquée à des ressortissants du Rwanda et de l'ex-Yougoslavie en référence à la notion de crime contre l'humanité et plus précisément à celle de génocide. Les actes incriminés sont le génocide, l'entente en vue de commettre un génocide, l'incitation directe et publique à commettre le génocide, la tentative de génocide et la complicité dans le génocide.
- La clause 1Fb vise en principe les crimes commis pour des raisons personnelles (ex : vengeance, profit) mais également ceux qui, accomplis dans un but politique, se caractérisent par une gravité / violence particulière au regard des objectifs poursuivis (ex : assassinats, voire terrorisme).
- « He has committed a serious non-political crime » (version anglaise).
Source : Article publié dans Le Monde - https://www.lemonde.fr
S'agissant de la qualification de crime grave, l'OFPRA ne se réfère pas à la définition donnée par le droit pénal français. Ainsi le niveau de gravité tient tout à la fois à la nature du crime, au dommage causé, à la procédure judiciaire utilisée en pareil cas, à la nature de la peine encourue. Un crime peut être qualifié de "grave" lorsqu'il porte atteinte à l'intégrité physique, à la vie et à la liberté d'une personne.
- Notion autonome du droit pénal français, du droit pénal du pays d’origine ou du droit de l’extradition.
- La clause 1Fc concerne les violations des droits de l'Homme et les libertés fondamentales (ex : meurtres, tortures, détentions arbitraires) ainsi que les actes de terrorisme.
Ces agissements doivent généralement avoir une dimension internationale, mettant en cause le fondement même de la coexistence de la communauté internationale. S'il apparaît que cette clause a semblé d'abord concerner les personnes ayant participé à l'exercice du pouvoir dans un Etat ou dans une entité quasi-étatique, ont cependant été exclus sur le fondement de l'article 1Fc, outre les chefs d'Etat et autres hauts responsables, des responsables de postes moins importants, également des membres de milices et d'organisations non étatiques, l'impact au plan international du crime commis primant sur la position individuelle de son auteur.
Rq.NB : Contrairement à l'alinéa b) de l'article 1F, il n'existe aucune restriction de temps et de lieu pour les actes commis au sens des alinéas a) et c). Ainsi, l'acte peut avoir eu lieu avant de quitter le pays d'origine. Il peut aussi s'être déroulé après être entré dans le pays de refuge. Quant au lieu de commission, il peut s'agir du pays d'origine, d'un pays tiers ou du pays de refuge.- La charge de la preuve incombe à l'Office.
C. La cessation et « retrait » de la protection
La protection peut être limitée dans le temps dans deux cadres juridiques distincts :
> D’une part, la Convention de Genève prévoit des clauses de cessation (article 1er C).
1) Si elle s'est volontairement réclamée à nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité ; ou
2) Si, ayant perdu sa nationalité, elle l'a volontairement recouvrée ; ou
3) Si elle a acquis une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays dont elle a acquis la nationalité ; ou
4) Si elle est retournée volontairement s'établir dans le pays qu'elle a quitté ou hors duquel elle est demeurée de crainte d'être persécutée ; ou
5) Si, les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d'exister, elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité ; […]
6) S'agissant d'une personne qui n'a pas de nationalité, si, les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d'exister, elle est en mesure de retourner dans le pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle ; […] »
En droit français, la cessation est organisée et élargie par l’article L. 511-8 du CESEDA.
- L’exclusion : l’Office met fin, à tout moment, au statut de réfugié quand le bénéficiaire de ce statut aurait dû être exclu en application des sections D, E ou F de l'article 1er de la convention de Genève, ou s’il doit, compte tenu de circonstances intervenues après la reconnaissance de cette qualité, en être exclu en application de ces mêmes sections.
- La fraude : lorsque sont démontrés un comportement et une intention dolosifs du réfugié, ayant porté sur un élément essentiel et déterminant dans la prise de décision d’admission au statut.
> D’autre part, en application de l’article 14 de la DQ il est refusé ou « mis fin » le statut de réfugié.
Elargissant cette disposition l’article L. 511-7 prévoit que :
1° Il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l'Etat ;
2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France, dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat tiers figurant sur la liste, fixée par décret en Conseil d'Etat, des Etats dont la France reconnaît les législations et juridictions pénales au vu de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou une apologie publique d'un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société française. »
L’ajout du délit d’apologie publique d’un acte de terrorisme a été fait par la loi « séparatisme » (Loi n° du 24 août 2021 - art. 27).
- Selon toute vraisemblance, un tel ajout est contraire à l’article 14 de la DQ de 2011.
Rq.NB : Il ne s’agit pas d’un vrai retrait de statut mais d’une forme de dégradation du statut de réfugié. Lorsqu’il est mis fin au statut la personne ne bénéficie plus des droits reconnus au réfugié mais reste protéger par le principe de non refoulement/ protection par ricochet. Il ne peut donc pas être renvoyé vers son pays d’origine / de persécution.
- Pourtant le ministère de l’Intérieur a multiplié ces dernières années les « retraits » du statut suivis d’une expulsion en urgence absolue vers le pays d’origine en particulier à l’encontre des Tchétchènes. Voir Serge Slama, « Affaire Piotr Pavlenski : le sort du statut de réfugié », Club des juristes, 25 février 2020.Source : article du 10 juin 2021 publié sur Le Parisien - https://www.leparisien.frSource : article du 2 juin 2021 publié sur Le Monde - https://www.lemonde.fr
Initiative : C’est à l’OFPRA de « mettre fin » au statut de réfugié soit de sa propre initiative soit à la demande de l'autorité administrative (ministère de l’intérieur) (article L. 511-8), y compris si c’est la CNDA qui a accordé le statut (article L. 511-9).
Concrètement, l’OFPRA, ou la CNDA, reçoit des informations de l’autorité judiciaire (par exemple en cas d’instruction contre un réfugié pour une incrimination terroriste) ou des « notes blanches » des services de renseignement (enquêtes administratives, article L. 114-1 du CSI) (articles L. 513-6 et L. 513-7).
Réf. :
- Marina Eudes, « L'exclusion du statut de réfugié est-elle compatible avec une protection effective des droits fondamentaux ? », Cahiers de la recherche sur les droits fondamentaux, 13 | 2015, 1er novembre 2016.
- Serge Slama, « Du droit des étrangers à l'état d'urgence : des notes blanches au diapason », Plein droit 2018/2 (n° 117), p. 37 à 42.
Le réfugié et le bénéficiaire de la protection subsidiaire perdent aussi leur statut s’ils y renoncent.
§2. La protection subsidiaire
Lorsqu’un demandeur d’asile ne remplit pas les conditions restrictives exigées pour bénéficier de la protection conventionnelle, il peut subsidiairement lui être reconnue une PS par l’OPFRA / CNDA.
Introduite par la , par transposition anticipée d’une directive européenne et dans la prolongation de l’asile territorial reconnu aux algériens dans le milieu des années 1990, la protection subsidiaire en est une variante, moins protectrice que le statut de réfugié (carte pluriannuelle et non CR 10, réexamen régulier possible). C’est un signe de la fragilisation du droit d’asile.
A. Conditions d’octroi à la PS
L’ article L. 512-1 dispose que :
1° La peine de mort ou une exécution ;
2° La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
3° S'agissant d'un civil, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d'une situation de conflit armé interne ou international. »
B. Exclusion et retrait
Trois hypothèses de fin de protection subsidiaire sont identifiées par le CESEDA (article L. 512-3) :
- L’exclusion : les motifs d’exclusion prévus à l’article L. 512-2 (crime contre la paix, crime de guerre, crime contre l’humanité, crime grave, agissements contraires aux bus et principes des Nation, menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat) sont opposables au stade de l’examen de la demande des motifs de fin de PS, qu’il soit démontré que le bénéficiaire de cette protection aurait dû être exclu ou qu’il doit, à raison de faits commis après l'octroi de la protection, en être exclu.
Les directives européennes et le CESEDA (article L. 512-2) prévoient aussi des clauses d’exclusion s’il existe des raisons sérieuses de penser :
- a) que la situation du demandeur d'asile relève de l'une des dispositions précitées de l'article 1 F de la Convention de Genève, étant souligné que, au titre du b), peuvent également être pris en compte les crimes graves commis en France ;
- b) que le demandeur a commis, avant son entrée en France, un ou plusieurs crimes qui ne relèvent pas d’une des dispositions de l’article 1 F de la Convention de Genève et seraient passibles d’une peine de prison s’ils avaient été commis en France et que le demandeur n’a quitté son pays d’origine que dans le but d’échapper à des sanctions résultant de ces crimes ;
- c) que l'activité du demandeur sur le territoire français constitue une menace grave pour l'ordre public , la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat.
- La fraude.
- Le changement de circonstances : il peut être mis fin à la PS lorsque les circonstances ayant justifié l'octroi de cette protection ont cessé d'exister ou ont connu un changement suffisamment significatif et durable pour que celle-ci ne soit plus requise.
§3. La protection temporaire
Dans le contexte de la guerre au Kosovo, à la demande des Allemands qui avaient reçu de nombreux réfugiés de l’ex-Yougoslavie dans les années 1990, la directive « protection temporaire » a été adoptée en 2001.
Voir Armelle Crozet, « L’accueil des Kosovars dans l’Union européenne : Éviter l’application de la Convention de Genève ? », Plein droit n° 44, décembre 1999.
En cas d’afflux massif, elle permet de fournir un statut de protection temporaire basé sur des critères communs dans l’ensemble des pays de l’UE et introduit un système de répartition des bénéficiaires entre les différents États selon leurs capacités d’accueil.
Cette procédure à caractère exceptionnel doit permettre de fournir une protection immédiate si le système d’asile du ou des État(s) membre(s) de premier accueil risque de ne pas pouvoir traiter cet afflux sans provoquer d’effets contraires à son fonctionnement. Elle assure également une plus grande harmonisation et coordination dans l’accueil et la protection des personnes.
Le processus d’activation est initié par la Commission européenne, ex officio ou suite à l’évaluation d’une demande d’un État membre, qui soumet la décision au Conseil de l’UE pour adoption à majorité qualifiée. Le Parlement européen est informé de la décision.
Dans sa décision, le Conseil constate la situation d’afflux massif de personnes déplacées et précise les groupes de personnes auxquels s’applique la protection temporaire, incluant des personnes qui peuvent relever du champ d’application de la Convention de Genève, ou des personnes fuyant des zones de conflit armé ou de violence endémique, ou victimes de violations systématiques ou généralisées des droits humains ou sur lesquelles pèsent de graves menaces à cet égard.
La durée d’application est d’un an minimum, et peut être prorogé par période de 6 mois pour une durée maximum de deux ans au total.
Le dispositif prend fin soit à la fin de la durée maximale, ou suite à une décision du Conseil sur proposition de la Commission. La décision du Conseil se fonde sur la situation dans le pays d’origine qui doit permettre un retour sûr et durable.
La décision mentionne également les capacités d’accueil communiquées par chaque État membre.
Le transfert repose sur un double volontarisme, celui de l’État d’accueil et celui de la personne déplacée.
A la suite du déclenchement de la guerre en Ukraine par la Russie et l’afflux de réfugiés, l’Union européenne a instauré le mécanisme de la directive de 2001 « protection temporaire » pour la première fois depuis son adoption.
- Conseil de l'UE, « Ukraine: le Conseil instaure à l'unanimité une protection temporaire pour les personnes fuyant la guerre », Communiqué de presse, 4 mars 2022.
- Décision d’exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, au sens de l’article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d’introduire une protection temporaire.
- Commission européenne, Lignes directrices opérationnelles sur la mise en Ĺ“uvre de la directive « protection temporaire », 18 mars 2020.
Durée :
La décision active la protection temporaire pour une période initiale d'un an, période prolongée automatiquement par périodes de six mois pour une durée maximale d'un an.
Le Conseil peut y mettre fin à tout moment.
Bénéficiaires :
- Les ressortissants ukrainiens.
- Les ressortissants de pays tiers ou les apatrides bénéficiant de la protection internationale en Ukraine et les membres de leurs familles s'ils résidaient en Ukraine le 24 février 2022 ou avant ce jour.
- Pour les ressortissants de pays tiers résidant en Ukraine le 24 février ou avant ce jour qui détiennent un permis de séjour permanent et ne peuvent pas retourner en toute sécurité dans leur pays d'origine, les États membres appliquent soit une protection temporaire, soit une protection adéquate en vertu de leur droit national.
- Les États membres peuvent également appliquer cette décision à d'autres personnes, y compris tout ressortissant de pays tiers résidant légalement en Ukraine et qui n'est pas en mesure de retourner en toute sécurité dans son pays d'origine, ainsi qu'aux Ukrainiens qui ont fui peu de temps avant le 24 février ou qui se trouvaient sur le territoire de l'UE juste avant cette date, par exemple pour des vacances ou pour leur travail.
- Domaine(s) : Intérieur
- Date de signature : 10/03/2022
- Date de mise en ligne : 11/03/2022
- Date de déclaration d'opposabilité : 10/03/2022
- Ministère(s) déposant(s) : INT - Intérieur
- Autre(s) Ministère(s) concerné(s) : TRE - Transition écologique et solidaire, SSA - Solidarités et santé
Clause d’exclusion : selon l’article L. 581-5, l’exclusion du bénéfice de la PT dans les cas suivants :
- il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'il ait pu commettre un crime contre la paix, un crime de guerre, un crime contre l'humanité ou un crime grave de droit commun commis hors du territoire français, avant d'y être admis en qualité de bénéficiaire de la PT, ou qu'il s'est rendu coupable d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ;
- présence en France constitue une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat.
Statut : les bénéficiaires de la protection reçoivent un document de séjour valable pendant toute la durée de la protection.
Ils peuvent, sous condition, exercer une activité professionnelle, accéder à la formation professionnelle, à un logement approprié, de recevoir une aide sociale et financière ainsi que des soins médicaux.
Les enfants ont accès au système éducatif, et les besoins particuliers des personnes vulnérables doivent être pris en compte. En droit français, en vertu de l’article L. 581-3 du CESEDA, l'étranger « appartenant à un groupe spécifique de personnes visé par la décision du Conseil » bénéficiaire de la protection temporaire est mis en possession d'un document provisoire de séjour (APS) assorti, le cas échéant, d'une autorisation provisoire de travail.
- Ce document provisoire de séjour est renouvelé tant qu'il n'est pas mis fin à la PT.
Les droits à l’ADA sont ouverts par le GUDA. - Le bénéfice de la PT est accordé pour une période d'un an renouvelable dans la limite maximale de trois années.
Le document provisoire de séjour peut être refusé lorsque l'étranger est déjà autorisé à résider sous couvert d'un document de séjour au titre de la protection temporaire dans un autre Etat membre de l’UE et qu'il ne peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L. 581-6.
Rapprochement familial : Les bénéficiaires de la PT peuvent faire venir leur famille
L’article L. 581-6 prévoit que :
Demande d’asile : les bénéficiaires d’une PT peuvent déposer une demande d’asile auprès du pays d’accueil.
Les États peuvent décider que le bénéfice de la PT ne peut être cumulé avec le statut de demandeur d’asile pendant l’instruction de la demande.
En droit français, l’article L. 581-4 prévoit expressément que le bénéfice de la PT ne préjuge pas de la reconnaissance de la qualité de réfugié au titre de la convention de Genève du 28 juillet 1951. Il ne peut être cumulé avec le statut de demandeur d'asile.
L'étranger bénéficiaire de la PT qui sollicite l'asile reste soumis au régime de la protection temporaire pendant l'instruction de sa demande.
Ils bénéficient des conditions matérielles d’accueil (article L. 581-9) s'ils satisfont à des conditions d'âge et de ressources.
Si, à l'issue de l'examen de la demande d'asile, le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire n'est pas accordé à l'étranger bénéficiaire de la protection temporaire, celui-ci conserve le bénéfice de cette protection aussi longtemps qu'elle demeure en vigueur.
- Pose des difficultés d’accès à dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile (CADA, HUDA, etc.).
- Hébergement par le 115 ou par des particuliers ou des collectivités.