La définition et la mise en œuvre du droit des étrangers se font par un certain nombre d’ acteurs publics (Section 1) et privés (Section 2). Via des systèmes d’appel d’offres et de marchés publics, l’État ou d’autres collectivités publiques associent de plus en plus des acteurs privés, en particulier du secteur associatif, à la mise en œuvre de ces missions.
Section 1. Les acteurs publics
De longue date, le ministère de l’Intérieur assure un rôle central ou pivot dans la définition des politiques d’asile, d’immigration ou même d’intégration, même si, par moments, il a existé des ministères ou des secrétariats d’État à l’immigration, et qu’il a pu être concurrencé par d’autres ministères comme le ministère des Affaires sociales (intégration), du Travail (emploi), des Affaires étrangères (visas, asile) ou de la Justice (naturalisations).
Depuis 2012, ce ministère exerce la compétence quasi-exclusive en la matière (§1). Une des nouveautés du CESEDA 2021 est d’avoir ajouté dans le livre 1er sur les « administrations en charge de l’entrée, du séjour des étrangers et du droit d’asile », à savoir l’Office de l’immigration et de l’intégration (OFII) (§2) et l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) (§3).
Le Parlement a aussi un rôle dans la détermination des orientations de la politique d’asile, d’immigration et d’intégration (§4). Les collectivités locales n’ont qu’un rôle accessoire dans la mise en œuvre du droit des étrangers, même s’il a tendance à se renforcer (§5).
§1. Ministère de l’intérieur / immigration
La compétence du ministère de l’Intérieur dans la détermination et la mise en œuvre des politiques d’asile et d’immigration est ancienne. Déjà sous la Monarchie de Juillet, sur le fondement de la loi du 21 avril 1832 relative à la résidence des réfugiés étrangers en France, le rôle de surveillance des réfugiés et d’éloignement des récalcitrants est confié au ministère de l’Intérieur. L’article 7 de la loi du 3 décembre 1849 lui attribue expressément le pouvoir d’expulsion des étrangers. Cette tendance ne fera que s’accentuer, en particulier avec le décret-loi « Daladier » du 2 mai 1938 sur la police des étrangers, largement préparé et mis en œuvre par le ministre de l’Intérieur Albert Sarraut, et, à la Libération, avec l’ordonnance du 2 novembre 1945.
Depuis, la quasi-totalité des lois sur l’immigration portent le nom d’un ministre de l’intérieur et la main mise du ministère sur la définition des règles relatives à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers n’a fait que s’accentuer.
En particulier, depuis l’absorption du ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire (MIIIDS) par le ministère de l’intérieur, celui-ci exerce, au sein de la Direction des étrangers de France (DGEF), toutes les compétences liées aux étrangers alors que jusqu’ici elles étaient partagées avec d’autres ministères.
Avant même la création d’un secrétariat à l’immigration en 1974 puis d’un ministère de l’Immigration en 2007 (B), on a toutefois constaté une forme d’autonomisation des politiques d’immigration avec la création en 1966 de la Direction de la Population et des Migrations (DPM) au sein du ministère des Affaires sociales (A).
A. Le partage des compétences en matière d’immigration avec d’autres ministères (dont la DPM)
Les compétences en matière d'immigration, d’asile et d’intégration n’ont pas toujours été exclusivement exercées par le ministère de l’intérieur. Si ce ministère est traditionnellement chargé de la police des étrangers et exerce en la matière une « prééminence […], y compris symbolique », la responsabilité de la politique d’immigration a été exercée en concurrence avec d’autres ministères ou secrétariats d’Etat.
Selon les époques, le ministère de la Justice a pu jouer un rôle important, particulièrement sur les naturalisations (avec le service de la nationalité à Rezé), mais aussi parce que certains contentieux concernant les étrangers relevaient du juge judiciaire. C’est également le cas du ministère des Affaires étrangères (visas, asile, tutelle de l’OFPRA jusqu’en 2007, etc.), de la Coopération (accords bilatéraux, aide au développement), des Affaires européennes (rôle du Secrétariat général aux affaires européennes au sein des institutions européennes) ou encore le ministère de la Santé (Aide médicale d’État, étrangers gravement malades, etc.), du Travail (introduction de la main d’œuvre, travail illégal, etc.) ou des Affaires sociales (politique d’intégration, tutelle de l’OMI / ANAEM, du FAS avec financement des associations immigrées, protection sociale, etc.), avec notamment la création en 1966 de la Direction de la Population et des Migrations (DPM)
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Rattachée au ministère des Affaires sociales, la Direction de la Population et des Migrations (DPM) a été créée, par décret du 6 juillet 1966, en étant alors « chargée des affaires » concernant les migrations à l'intérieur du territoire français, de l'immigration, des actions en faveur des immigrés et des naturalisations . Il s’agissait alors, parallèlement aux compétences exercées par le ministère de l’Intérieur, de regrouper au sein d’une même direction ministérielle les compétences en matière d’immigration éclatées jusque-là entre différents ministères (Affaires sociales, Santé et Population, Travail) et plus largement répondre au phénomène des mouvements migratoires et démographiques, y compris internes à la France (rapatriés d’Algérie, Outre-mer), qui ont marqué l'après-guerre.
Regroupant l’ensemble des services chargés des questions migratoires et des naturalisations, la DPM s’est vu confier la gestion de l’immigration familiale et de travail mais aussi la mission de favoriser l’intégration sociale des migrants. Pour mener à bien ces missions, la DPM était initialement structurée en trois sous-directions :
- la sous-direction des « mouvements de population », devenue par la suite la sous-direction « de la démographie, des mouvements de population et des questions internationales (DMI) », était compétente, en lien avec le ministère de l’Intérieur, pour l'élaboration et l'application de la législation et de la réglementation relatives aux conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers, en particulier s’agissant du regroupement familial et des autorisations de travail. Elle proposait les actions concernant l'immigration sur le territoire français et les migrations à l'intérieur de ce territoire et plus largement l'élaboration et le suivi de la politique démographique. Elle exerçait la tutelle sur l'Office National d'immigration (ONI, devenu ensuite Office des migrations internationales – OMI).
Elle assurait aussi la préparation et veille à l'exécution des accords internationaux en matière d'immigration.
Elle participait à la négociation des conventions d'établissement, aux réunions des organismes internationaux compétents en matière d'immigration et à l'application des dispositions du traité instituant la Communauté économique européenne, en ce qui concerne la libre circulation des travailleurs ; - la sous-direction « des programmes sociaux en faveur des immigrés », devenue par la suite, sous-direction « des programmes sociaux et de l’action culturelle » puis, en 1983, « sous-direction des communautés immigrées », puis, en 2000, abandonnant cette appellation « sentant le souffre » , sous-direction de l’« accueil et intégration ». Elle était chargée de « promouvoir et de coordonner les interventions sociales en faveur des étrangers qui résident en France, dans les domaines de la culture, de l’action socio-éducative et de la formation », ses missions ont été élargies et ont évolué par la suite à la question de l'intégration des populations immigrées et à la lutte contre les discriminations.
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la sous-direction de la naturalisation, reprenant les compétences en matière de naturalisations du ministère de la Santé et de la Population dans l’après-guerre.
Même si la DPM a pu être « tiraillée » entre sa participation au contrôle des flux migratoires, notamment en lien avec le regroupement familial et les autorisations de travail, et sa vocation à favoriser l’intégration des immigrés, elle a réussi, selon Alexis Spire, « à certains moments, à faire contrepoids à l’hégémonie du ministère de l’intérieur » et à une « vision purement policière de l’immigration » au profit d’une appréhension plus sociale et intégratrice.
Le premier directeur de la population et des migrations a été le conseiller d’Etat Michel Massenet, nommé en 1966, par le ministre des Affaires sociales Jean-Marcel Jeanneney, jusqu’au ministère Fontanet en 1972. La fonction de « DPM » a été ensuite occupée successivement par Charles Barbeau (1972 – 1973), André Postel-Vinay (1973 – 1974), avant qu’il devienne éphémère secrétaire d’Etat chargé des travailleurs immigrés, puis Jacques Fournier (1974 – 1979), Jean Chazal (1979 – 1981), Pierre Granjeat (1981 – 1985), Gérard Moreau (1985 – 1997), Jean Gaeremynck (1997 – 2005), Patrick Butor (2005 – 2007).
La DPM produisait également des circulaires, notes et instructions mais aussi des rapport et études statistiques en particulier les rapports annuels statistiques intitulés « Immigration et présence étrangère en France » élaborés pendant vingt ans par le statisticien André Lebon (appelés « rapports Lebon »).
La DPM a cessé son activité au 31 décembre 2007 avec la création du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement . En son sein, il a néanmoins été maintenu une Direction de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté (DAIC).
B. Les secrétariats d’Etat ou ministère de l’immigration
Dans l’histoire, la compétence de l’immigration ou des réfugiés a pu être confiée à divers secrétaires d’Etat. Ainsi, sous la IIIème République, Philippe Serre a été, durant trois mois (janvier à mars 1938), un éphémère sous-secrétaire d'État au Service de l'Immigration et des étrangers du gouvernement Chautemps. En 1940, le mosellan Robert Schuman a été nommé sous-secrétaire d'État pour les réfugiés dans le gouvernement Paul Reynaud, poste qu’il conserve brièvement dans le premier gouvernement Pétain jusqu’aux pleins pouvoirs (16 juin - 10 juillet 1940). A la Libération, le Résistant Henri Frenay est nommé commissaire puis ministre des « Prisonniers, Déportés, Réfugiés » du Comité français de la libération nationale puis du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) entre 1943 et 1945, avec la tâche d’organiser le rapatriement d’1,3 millions de personnes.
Mais il a fallu attendre le septennat de Valéry Giscard d’Estaing, pour qu’un autre Résistant, André Postel-Vinay, devienne le vrai premier Secrétaire d’État chargé des travailleurs immigrés, rattaché au ministre du Travail, Michel Durafour. Même si, faute de moyens, il n’occupera ce poste que manière éphémère (28 mai 1974 au 22 juillet 1974) son ministère a été marqué par l’annonce de suspension, par voie de circulaires, de l’immigration du travail et des familles à l’issue du conseil des ministres du 3 juillet 1974.
Il est remplacé dans ce poste par Paul Dijoud (1974 à 1976), puis, dans un portefeuille plus large de Secrétaire d'État chargé des Travailleurs manuels et immigrés, par Lionel Stoléru (1978 à 1981).
Lorsque la Gauche arrive au pouvoir en 1981 avec l’élection de François Mitterrand, elle renoue avec l’instauration d’un vrai secrétaire d’Etat chargé des immigrés, avec la nomination de François Autain comme secrétaire d’État (1981 à 1982), rattaché à la ministre de la Solidarité nationale, Nicole Questiaux puis de Georgina Dufoix comme Secrétaire d’État chargée de la famille, de la population et des travailleurs immigrés (1983 à 1984), qui portera la loi sur le « titre unique » en 1984 suite à la « marche des beurs ».
Par la suite, et jusqu’à la création du ministère de l’Immigration et de l’identité nationale en 2007, il n’y aura plus de secrétaires d’État à l’immigration mais des portefeuilles liés à l’intégration (Kofi Yamgnane en 1991 - 1992 ; René Teulade en 1992 – 1993 ; Eric Raoult en 1995 ; Jean-Claude Gaudin en 1995 à 1997).
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En décembre 1989, le gouvernement Rocard instaura un Haut conseil à l’intégration (HCI), directement rattaché aux services du Premier ministre. Il avait pour mission de donner son avis et de faire toute proposition utile, à la demande du Premier ministre, « sur l'ensemble des questions relatives à l'intégration des résidents étrangers ou d'origine étrangère » . Par la suite, il reçut également pour mission de préparer les travaux du comité interministériel à l'intégration, d’organiser les échanges publics sur les questions d'intégration, sur le plan européen et international et d’animer un réseau de chercheurs et d'établissements publics et privés de recherche sur l'intégration.
Chaque année, le HCI était chargé d’élaborer un rapport, remis au Premier ministre et rendu public.
En 2002, a été adjoint au HCI un groupe puis un observatoire statistique, chargé d’élaborer chaque année un rapport annuel statistique, en succession du « rapport Lebon ».
En avril 2010, le président de la République, Nicolas Sarkozy, lui confia curieusement « une mission de suivi des questions liées à l’application du principe de laïcité dans notre pays » , sans lien évident avec l’intégration des étrangers et qui a notamment préconisé l’interdiction du voile islamique à l’Université ou mis en doute… la capacité d’intégration des étrangers.
Les présidents du HCI ont été successivement Marceau Long (1990 – 1997), Simone Veil (1997 – 1998), Roger Fauroux (1998- 2002) puis, dans une ligne plus dure, plus proche d’une logique d’assimilation que d’intégration, Blandine Kriegel (2002 – 2008) et Patrick Gaubert (2008 – 2012).
Victime depuis 2002 d’une « politisation croissante », et même d’une dérive idéologique, il a cessé de fonctionner le 24 décembre 2012 – faute de renouvellement par le Président François Hollande.
C. Le ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire
L’évènement institutionnel qui a le plus marqué cette période est la création, peu après l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, d’un ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire, confié d’abord à Brice Hortefeux (2007 – 2009) puis à Eric Besson (2009 – 2010), avant son absorption de 2010 à 2012 par le Ministère de l'Intérieur (Hortefeux puis Guéant).
1. La création du ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire
Comme il s’y était engagé durant la campagne présidentielle de 2007, sous l’influence de son conseiller d’extrême-droite, Patrick Buisson, Nicolas Sarkozy a créé après son élection un ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Codéveloppement (devenu par la suite Développement solidaire), confié d’abord à Brice Hortefeux (2007 – 2009) puis à l’ancien socialiste Éric Besson (2009 – 2010).
Dès son annonce en mai 2007, cette création a été particulièrement critiquée, non pas sur le principe d’un ministère de l’immigration de plein exercice, mais sur l'association de l’« immigration » à l’« identité nationale » et l’amalgame qu’elle sous-tend, avec notamment l’organisation d’un grand débat sur l’identité nationale. Cette création donna alors lieu à la démission de huit universitaires de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration (CNHI) et à de nombreuses pétitions et mouvements de protestations ou colloques dénonçant cette « xénophobie d’Etat » (cf. la revue Cultures et Conflits numéro 69 en 2008 intitulé « Xénophobie de gouvernement, nationalisme d’État » ; Gérard Noiriel, À quoi sert « l'identité nationale » ?, Marseille, Agone, coll. « Passé et présent », 2007, 156 p.).
De manière non moins symbolique, le ministère de l'immigration et de l’identité nationale, Brice Hortefeux, organise un sommet de ministres européens de l'intérieur sur l'intégration à Vichy en septembre 2009 sur le thème de l'intégration.
Sous ce ministère, sont aussi fixés des « objectifs chiffrés » en matière d’éloignement(25 000 en 2007), a été adopté un texte de loi prévoyant la possibilité d’effectuer des tests ADN à l’occasion de certains regroupements familiaux, envisagé la réforme de la Constitution pour introduire le principe de sélection de l’immigration sur la base de quotas ethniques, ou encore envisagé, dans le discours de Grenoble prononcé le 30 juillet 2010 par Nicolas Sarkozy , l’évacuation « prioritaire » des campements de Roms roumains ou bulgares et l’adoption de mesures pour empêcher le retour de ses citoyens européens, etc.
D'un point de vue organique, la création de ce ministère a eu pour effet l’absorption de toutes les compétences que jusqu’en 2007 relevaient des différents ministères chargés de l'Intérieur, du Travail/ Social (intégration), des Affaires étrangères (visas, asile) ou de la Justice (naturalisations).
2. Restructuration des administrations de l'immigration
La volonté du Président de la République, Nicolas Sarkozy, dans la lettre de mission adressée au ministre de l’immigration Brice Hortefeux en juillet 2007 a été de créer un « ministère dédié à la question des flux migratoires » réunissant sous la responsabilité d’un seul ministre « l'ensemble des administrations concernées » et, ainsi, d’impulser une « réforme fondamentale de structure » ayant comme objectif général de garantir « le droit légitime et absolu de la France de déterminer elle-même qui a le droit de s’installer ou non sur son territoire ».
Cette réforme avait en réalité déjà été largement entreprise, dès 2005, alors que Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur, avec la création du comité interministériel de contrôle de l’immigration (CICI). Le secrétaire général du CICI, le conseiller d’État Patrick Stefanini, devint d’ailleurs le secrétaire général du ministère de l’immigration, chargé d’assister le ministre pour l’administration du ministère. Lors du changement de ministre de l’Immigration (Eric Besson), il est remplacé en mai 2009 par Stéphane Fratacci, également conseiller d’État.
Procédant à une réorganisation profonde de ce ministère, inspiré d’une « administration d’état-major», le décret du 26 décembre 2007 précise l'organisation de l'administration centrale du ministère en créant différentes directions générales (direction de l'immigration ; direction de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté) ou services (de l'asile ; de la stratégie ; des affaires européennes ; des affaires internationales et du codéveloppement).
En outre, ce texte donnait au ministre de l'immigration autorité sur toutes les structures interministérielles liées à l’immigration (Comité interministériel de contrôle de l’immigration), à l’Intégration (Conseil national pour l'intégration des populations immigrées et la Commission interministérielle pour le logement des populations immigrées - CILPI) ou au codéveloppement (Ambassadeur au codéveloppement).
L’ensemble des administrations et établissements publics concernés ont alors changé de tutelle, en particulier l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé), l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) et le Service social d’aide aux étrangers (SSAE), qui transférées en avril 2009 deviendront l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
En novembre 2010, le ministère de l’Immigration est purement et simplement absorbé par le ministère de l’Intérieur. Dès lors celui-ci exerce toutes les compétences et tutelles dévolues depuis 2007 au MIIINDS. En mai 2012, après l’élection de François Hollande et la nomination de Manuel Valls au ministère de l’Intérieur, est créé un Secrétariat général à l'immigration et à l'intégration (SGII), fonction confiée au conseiller d’État Luc Derepas. Il sera supprimé en 2013 pour être remplacé par la Direction générale des étrangers en France (DGEF), avec le même directeur.
D. La compétence exclusive de la Direction générale des étrangers en France (DGEF)
Créée en 2013, la Direction générale des étrangers en France (DGEF) est chargée au sein du ministère de l’intérieur de la politique d’immigration, d’asile, d’intégration et d’accès à la nationalité française.
La DGEF agit dans les domaines qui couvrent l’intégralité du parcours des étrangers en France : entrée sur le territoire, séjour, travail, lutte contre l’immigration irrégulière, asile, intégration, naturalisation.
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Depuis un arrêté de 2013, elle comprend plusieurs directions et services dont :
- la Direction de l'Immigration (DIMM) avec 3 sous-directions (Visas ; Séjour et du travail ; Lutte contre l'immigration irrégulière) ;
- la Direction de l'accueil, de l'accompagnement des étrangers et de la nationalité avec 2 sous-directions (Accueil et prévention des discriminations ; Accès à la nationalité française). En octobre 2020 , cette direction est restructurée pour devenir la Direction de l'intégration et de l'accès à la nationalité (DIAN) avec deux sous-directions (Intégration des étrangers ; Accès à la nationalité française). Elle assure également le secrétariat de la CILPI ;
- le Service de l'asile qui devient, à partir de 2016, alors que Bernard Cazeneuve est ministre de l’Intérieur, une direction proprement dite : la Direction de l’asile , chargée notamment des relations avec l'OFPRA.
L’actuel directeur des étrangers en France est Eric Jalon, ancien préfet de l’Essonne , en succession d’un autre préfet, Claude d’Harcourt (2020 – 2022). La fonction avait été assurée préalablement par les membres du Conseil d’Etat, Luc Derepas (2013 – 2015) et Pierre-Antoine Molina (2015 - 2020).
La DGEF met en œuvre les orientations fixées par le Ministre, élabore les textes réglementaires et pilote le budget de la mission ministérielle « Immigration, asile et intégration » qui comporte deux programmes : 104 « Intégration et accès à la nationalité française » et 303 « Immigration et asile ».
Conultez l'organigramme détaillé de la DGEF.
Elle exerce le rôle d’autorité de gestion en France des fonds européens « Asile, migration et intégration » (FAMI) et « Sécurité intérieure » (FSI).
Elle agit en concertation avec les autres ministères (Justice, Europe et Affaires étrangères, Solidarités et santé, Travail, Cohésion des territoires) et structures interministérielles (Délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés (DIAIR) et Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL)).
La DGEF compte au total près de 600 agents répartis à Paris et en Loire-Atlantique, et s’appuie en France sur le réseau des préfectures et à l’étranger sur le réseau consulaire.
Enfin la DGEF exercer la tutelle sur deux établissements publics mentionnés dans le CESEDA comme étant les « administrations en charge de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile » :
- l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) ;
- l’Office française de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
§2. Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII)
Créé en mars 2009, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) est, selon l’article L. 121-1 du CESEDA, un établissement public administratif de l’État chargé, sur l'ensemble du territoire français, « du service public de l'accueil des étrangers titulaires, pour la première fois, d'un titre les autorisant à séjourner durablement en France ». Il est également chargé de coordonner la gestion de l'hébergement pour les demandeurs d’asile (dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile - DNA). Il est chargé de gérer les procédures de l'immigration professionnelle et familiale(regroupement familial), ainsi que le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile, mais également les aides au retour et à la réinsertion participant au développement solidaire, ainsi que la lutte contre le travail illégal.
Ces missions variées (B) lui ont été confiées au fur et à mesure de l'histoire de l'Office qui a périodiquement changé de dénomination et de statut (A).
A. Histoire de l'Office
1. L’Office national de l’immigration (ONI)
Cet office étatique bénéficiait du monopole de recrutement et d’introduction de la main d’œuvre étrangère et coloniale en France. L’ONI est alors placé sous la double tutelle du ministre du Travail (Ambroise Croizat) et de la Sécurité sociale, et du ministre de la Population.
Un décret du 26 mars 1946 a toutefois doté l’ONI d’un statut d’établissement public… à caractère industriel et commercial dont le financement dépendait principalement, non pas de dotations attribuées par l’État, mais grâce aux recettes financières que rapportait l’immigration, soit par le biais de la redevance versée par les employeurs pour l’introduction des travailleurs, soit par les contributions payées par les étrangers pour la venue de leurs familles...
Dès 1950, avec les tensions sur le marché du travail, le nombre de contrats déposés à l’ONI chuta drastiquement, plaçant l’Office devant une grave crise financière. Si bien qu'une loi de finances du 24 mai 1951 a prévu, pour renflouer les caisses de l’ONI, le principe d’une taxe payée par les travailleurs étrangers lors du renouvellement de l’autorisation de travail. , jusque là gratuite. Cela permettra au budget de l’ONI de revenir rapidement à l’équilibre en faisant payer les étrangers et non les employeurs … Surtout qu’avec les Trente glorieuses, les employeurs ont eu de moins en moins recours à la – fastidieuse – procédure d’introduction des travailleurs immigrés en préférant les recruter sur place et solliciter leur régularisation auprès des services de la main d’œuvre étrangère – ce qu’a avalisé la circulaire du 18 avril 1956 du Secrétaire d’État au travail.
Dans les années 60, les missions de l’ONI s’étendent vers l’Espagne, la Tunisie, la Yougoslavie, le Maroc et la Turquie.
Dans le contexte de la décision de 1974 de suspension de l’immigration du travail et des familles, l’Office reçoit d’autres missions que celles du recrutement ou l’introduction de la main d’œuvre étrangère comme, à partir de 1975, le "rapatriement des immigrants" ou encore, en 1976, son intervention dans la procédure de regroupement familial . L’ONI est aussi chargé de percevoir la contribution spéciale due par les employeurs de main d'œuvre en situation irrégulière, également créée en 1976 ou d’introduire les travailleurs saisonniers dans l’agriculture.
A partir de 1977, l’Office est impliqué dans le dispositif d’aide ai retour mise en œuvre par le secrétaire d’État aux travailleurs manuels et immigrés, Lionel Stoléru (dit « million Stoléru ») puis d’aide à la réinsertion adoptée en 1984 par le gouvernement Mauroy, notamment par le biais d’accords bilatéraux.
2. L’Office des migrations internationales (OMI) (1988 – 2004)
Début 1988, l’Office national de l’immigration est rebaptisé l’Office des migrations internationales (OMI), sans changer de structuration administrative et avec une extension de sa mission aux « opérations de recrutement en France des travailleurs de toutes nationalités pour l’étranger », y compris les expatriés français.
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En 1991, les missions de l’Office couvrent, non seulement, le contrôle, l'accueil, le court séjour ou l'établissement des étrangers en France ainsi que leur rapatriement ou leur réinsertion dans le pays d'origine mais aussi, désormais, l'emploi des Français à l'étranger et la réinsertion en France de ces expatriés français.
En 1994, l’Office est chargé de la réception directe des demandes de regroupement familial.
A partir de 2001, l’OMI déploie des agents en préfecture pour assurer l’accueil des étrangers. En 2003,il est chargé du suivi médical des demandeurs d’asile puis, en 2004, de l’accueil des demandeurs d’asile en France au sein des Centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) et la coordination du dispositif national d’asile (DNA).
L’Office est également associé à la première expérimentation du Contrat d’accueil et d’intégration (CAI), issu de loi « Sarkozy » de 2003. En outre, cette même loi prévoit désormais que ceux qui emploient des travailleurs étrangers en situation de séjour irrégulier doivent acquitter une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement dans le pays d’origine, qui s’ajoute à la contribution spéciale déjà due à l’Office par ceux qui emploient des étrangers dépourvus d’autorisations de travail.
Elle prévoit aussi la possibilité pour l’OMI d’effectuer des visites domiciliaires des personnes hébergeant des étrangers pour des courts séjours (attestations d’accueil).
L’OMI emploie alors plus de 727 personnes en France et dans le monde et il dispose de 9 délégations régionales ou départementales en France et 8 implantations à l’étranger.
3. De l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) à l’OFII (2005 - 2009)
En janvier 2005, l’OMI devient l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) après sa fusion avec le Service social d’aide aux émigrants (SSAE), association fondée en 1926 et reconnue d’utilité publique en 1932 et qui développait une importante mission de travail social auprès des immigrés.
La loi consacre formellement, à l’article L. 121-1 du CESEDA, le statut d’établissement public administratif de l’État de l’Agence. Celle-ci est chargée, sur l'ensemble du territoire, « du service public de l'accueil des étrangers titulaires, pour la première fois, d'un titre les autorisant à séjourner durablement en France ».
L'agence a également pour missions de participer « à toutes actions administratives, sanitaires et sociales » relatives à l'entrée et au court séjour, l'accueil des demandeurs d'asile, l'introduction en France, au titre du regroupement familial, du mariage avec un Français ou en vue d'y effectuer un travail salarié, d'étrangers ressortissants de pays tiers, le contrôle médical des étrangers admis à séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois, le retour et à la réinsertion des étrangers dans leur pays d'origine ainsi que l'emploi des Français à l'étranger ou encore, en maigre supplétif de l’absorption du SSAE, « une action sociale spécialisée en direction des personnes immigrées ».
Dans sa mise en œuvre, la logique d’agenciarisation ne sera toutefois jamais totalement assumée à défaut de volonté de l’État de lâcher totalement la bride dans un tel domaine régalien, avec notamment la nomination d’un préfet à la tête de cette agence.
4. La création de l'Office de l'immigration et de l'intégration (OFII)(2009)
En mars 2009, on revient à la forme de l’office avec la création de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) par la fusion de l’ANAEM et de certaines fonctions de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSé) dédiées à la formation linguistique des personnes étrangères. Si dans un premier temps, l’OFII reste sous la tutelle conjointe des ministres chargés de l'Emploi et de l'Immigration, en 2012 il est placé sous la seule tutelle des ministres chargés de l’immigration et de l’intégration, c’est-à-dire du seul ministre de l’Intérieur.
Sont nommés à la direction générale de l’OFII, en 2012, un administrateur civil, Yannick Imbert puis en 2015, le préfet Didier Leschi, reconduit en 2022.
B. Les missions de l’OFII
L’OFII est l’opérateur public principal de la direction générale des étrangers en France (DGEF) qui conçoit et pilote les politiques d’immigration, d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration.
L’OFII a pour mission de participer à toutes actions administratives, sanitaires et sociales relatives :
- à l’entrée et au séjour d’une durée inférieure ou égale à trois mois des étrangers ;
- à l’accueil des demandeurs d’asile (Dispositif national d’accueil – DNA sur les Guichets uniques de la demande d’asile - GUDA);
- à l’installation en France, au titre du regroupement familial, du mariage avec un Français ou en vue d’y effectuer un travail salarié, d’étrangers ressortissants de pays tiers à l’Union européenne ;
- au contrôle médical des étrangers admis à séjourner en France ;
- à l’aide au retour et à la réinsertion des étrangers dans leur pays d’origine ;
- à l’intégration en France des étrangers en situation régulière visant à s’installer durablement pendant leurs premières années de séjour (primo-arrivants) par la mise en œuvre des dispositifs d’apprentissage de la langue française adaptés à leurs besoins et une formation civique organisée sur quatre journées.
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En 2021, 4 678 étrangers sont retournées dans leur pays d’origine avec une aide au retour "volontaire" versée par l’OFII. 1 326 personnes ont bénéficié d’une aide à la réinsertion
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Dans le domaine de l’accueil et de l’intégration, la première étape du parcours est marquée depuis 2016 par la signature d’un contrat d’intégration républicaine (CIR). Le CIR est articulé autour d’une formation civique, d’une formation linguistique et d’un accompagnement adapté aux besoins de l’étranger, notamment pour sa recherche d’emploi.
Par la signature du CIR, l’étranger primo-arrivant s’engage à respecter les principes de la République, à suivre les dispositifs d’accompagnement qui lui sont proposés et à participer avec sérieux et assiduité aux formations qui lui sont prescrites.
Ces conditions sont notamment vérifiées au moment de la demande d’une carte de séjour pluriannuelle.
En 2021, 108 909 étrangers ont signé un contrat d’intégration républicaine (CIR). 47,5 % d’entre eux ont été orientés vers une formation linguistique.
L’OFII dispose pour mener ces politiques d’un réseau de plateformes d’accueil régionales, et infrarégionales.
Avec une trentaine d’implantations territoriales, l’OFII est présent dans toutes les régions françaises y compris en outre-mer. Il dispose, par ailleurs, de sept représentations à l’étranger (Maroc, Tunisie, Turquie, Mali, Sénégal, Cameroun, Arménie) et certains de ses agents sont détachés dans les agences européennes.
Dans ce cadre, il travaille avec tous les acteurs institutionnels en France et à l’étranger : préfectures, postes diplomatiques et consulaires afin d’apporter la meilleure offre de service aux publics migrants et aux employeurs d’étrangers en situation régulière.
En 2021, l'OFII employait 1 109 agents ETP et bénéficiait d'un budget de 249,3 M€.
§3. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)
Selon l’article L. 121-7 du CESEDA, l’OFPRA est un établissement public doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière et administrative placé auprès du ministre chargé de l'asile.
L’OFPRA est chargé de reconnaître la qualité de réfugié ou d'apatride, ou d'accorder le bénéfice de la protection subsidiaire aux personnes remplissant les conditions fixées par les Conventions internationales (Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et la Convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides ainsi que les directives européennes sur la protection internationale) mais aussi l’asile constitutionnel (en accordant aussi le statut de réfugié).
Il exerce la protection juridique et administrative des réfugiés ainsi que celle des bénéficiaires de la protection subsidiaire ou du statut d'apatride (consulat des réfugiés et apatrides).
Depuis 2016, si l’OFPRA n’a pas acquis une indépendance ni un statut d’autorité administrative indépendante, il a été inscrit expressément dans le texte qu’ : « Il ne reçoit, dans leur accomplissement, aucune instruction. »
A. Histoire de l'OFPRA
Dans l’immédiate après-guerre (1946), est créée la délégation française de l’Organisation internationale des réfugiés (OIR).
Peu après l’adoption de la Convention de Genève de 1951, la loi n° du 25 juillet 1952 crée l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), établissement public administratif indépendant, sous la tutelle du ministère des Affaires étrangères.
L’OFPRA accorde alors sa protection aux réfugiés des périodes précédentes, essentiellement européens (espagnols entrés en France en 1939 n'ayant pas encore sollicité le statut, personnes déplacées pendant la guerre n'ayant pas pu alors bénéficier de protection…) et des demandes nouvelles liées à la situation de l'Europe de l'Est (hongrois fuyant leur pays en 1948 après le coup de Prague ou en 1956 après l'intervention soviétique, polonais après la campagne antisémite qui a suivi les mouvements étudiants de 1968...).
Alors même que la Convention de New York relative à l'apatridie n'est adoptée qu'en 1954 et ratifiée qu'en 1960, l'OFPRA reconnait dès cette époque le statut à de nombreux apatrides.
Dans cette période, son rôle central est d’assurer le « consulat des réfugiés » en établissant les documents d'état civil aux personnes reconnues réfugiées et apatrides (350 000 réfugiés et apatrides protégé en 1952).
Voir :
- « Histoire de l'asile » sur le site de l'OFPRA.
- Karen Akoka, L’asile et l’exil : une histoire de la distinction réfugiés/migrants, La Découverte, 2020.
- Aline Angoustures, Dzovinar Kévonian, Claire Mouradian (dir.), Réfugiés et apatrides. Administrer l’asile en France (1920-1960), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017, 312 p.
- Brochure historique de l'OFPRA « De la Grande guerre aux guerres sans nom : une histoire de l'OFPRA ».
- Graphique « Premières demandes de protection internationale en France depuis 1973 ».
Les décisions de l’OFPRA sont alors contestables devant la Commission de recours des réfugiés, juridiction administrative qui siège alors au conseil d’État (cf. François Sureau, Le chemin des morts, Gallimard, 2013, 64 p.). Pour marquer le fait que cette juridiction est chargée d'appliquer la Convention de Genève de 1951, dont la garde est confiée au Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations-Unies (UNHCR), la loi de 1952, qui crée la CRR? prévoit qu'un membre du HCR siège en son sein comme assesseur.
B. Missions de l’OFPRA
L'OFPRA a trois missions principales :
- l’instruction des demandes de protection internationale (reconnaissance de la qualité de réfugié, d’apatride ou de bénéficiaire de la protection subsidiaire) ;
- une mission de protection juridique et administrative à l’égard des réfugiés statutaires, des apatrides statutaires et des bénéficiaires de la protection subsidiaire ;
- une mission de conseil, dans le cadre de la procédure de l'asile à la frontière. Il rend un avis conforme au ministre de l'Intérieur sur le caractère manifestement fondé ou non d'une demande d'autorisation d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile.
Le siège de l’OFPRA se situe à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). Une antenne, précédemment installée en Guadeloupe, se trouve à Cayenne (Guyane).
Le directeur général de l'OFPRA est Julien Boucher, conseiller d'État nommé en 2019 pour succéder au diplomate Pascal Brice.
Actualisation : Il est prévu dans le projet de loi « Darmanin » , dont l'adoption reste incertaine, la création des « pôles territoriaux France asile » (PTFA) qui regrouperaient, au sein d’un guichet unique (et d’une même machine à café), les services d’accueil des demandeurs d’asile des préfectures, de l’OFII (conditions matérielles d’accueil) et donc, désormais, de l’OFPRA, chargé d’enregistrer les demandes d’asile et, dans certains endroits, de faire des entretiens.
§4. Le Parlement : orientations annuelles de la politique d’asile, d’immigration et d’intégration
D'une part, le Parlement adopte, souvent en les durcissant, les différentes lois sur l'asile et l'immigration qui, tous les 2 ou 3 ans, sont portées par les ministres de l'Intérieur successifs. Sujet sensible, les débats au Parlement donne souvent lieu à des échanges houleux. Les mesures adoptées reposent rarement sur la rationalité ou l'évaluation réelle et approfondie, par les parlementaires, de l'efficacité ou de la viabilité des mesures proposées.
D'autre part, selon l’article L. 123-1 du CESEDA,
Ce rapport indique et commente les données quantitatives relatives à l'année civile précédente, à savoir :
1° le nombre des différents titres de séjour accordés et celui des demandes rejetées et des renouvellements refusés;
2° Le nombre d'étrangers admis au titre du regroupement familial ;
3° Le nombre d'étrangers ayant obtenu le statut de réfugié, le bénéfice de la protection subsidiaire ou le statut d'apatride, ainsi que celui des demandes rejetées ;
4° Le nombre d'attestations d'accueil présentées pour validation et le nombre d'attestations d'accueil validées ;
5° Le nombre d'étrangers ayant fait l'objet de mesures d'éloignement effectives comparé à celui des décisions prononcées ;
6° Les moyens et le nombre de procédures, ainsi que leur coût, mis en œuvre pour lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers ; [...]
11° Le nombre de personnes ayant fait l'objet d'une mesure d'assignation à résidence, le nombre des mesures de placement en rétention et la durée globale moyenne de ces dernières ;
12° Une évaluation qualitative du respect des orientations fixées par le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile.
Ce rapport propose également des indicateurs permettant d'estimer le nombre d'étrangers se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français.
Ce rapport contient également les évaluations, pour l'année en cours, des données quantitatives énumérées aux 1° à 12° du présent article, ainsi que les projections relatives à ces mêmes données pour l'année suivante.
Les données quantitatives énumérées au présent article font l'objet d'une présentation distincte pour la France métropolitaine et pour chacune des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution.
L'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'Office français de l'immigration et de l'intégration et le délégué interministériel chargé de l'accueil et de l'intégration des réfugiés joignent leurs observations au rapport..»
Malgré ces dispositions législatives, adoptée à la demande des parlementaires, le Parlement ne s’est jamais réellement saisi de cette prérogative. La gestion de l’immigration reste une prérogative essentiellement gouvernementale aux mains du ministère de l’Intérieur.
- « Au Parlement, la promesse enterrée du débat annuel sur l’immigration », Le Figaro, 20 janvier 2022.
En 2022, le débat au Parlement sur l’immigration a - enfin - eu lieu, en préfiguration de l'adoption de la loi Darmanin. Il a permis au ministre de l'intérieur de "prendre la température du Parlement sur cette question et des difficultés qu'il aura à faire adopter son texte.
§5. La compétence subsidiaire mais réelle des collectivités locales
Dans la mesure où l'immigration, particulièrement la police des étrangers, constitue une prérogative régalienne appartenant exclusivement à l’État, les compétences des collectivités locales en droit des étrangers sont nécessairement résiduelles et subsidiaires. Néanmoins au fur et à mesure des différentes législations on constate un phénomène de reconnaissance de compétence des collectivités locales, en particulier, des communes dans certaines procédures d’immigration.
A. La municipalisation du droit des étrangers
Dès 1888, les Communes ont eu un rôle dans les procédures d’immigration.
1. Plus généralement, les maires exercent des compétences d’officiers d’état civil. Dans ce cadre, ils ont un rôle important notamment dans les procédures de lutte contre les mariages de complaisance (auditions des futurs époux, article 63 du Code civil) et de saisine des Parquets).
2. Depuis 1997, ils valident les attestations d’accueil, délivrées aux étrangers en cas de visite familiale pour obtenir les visas, ou dans le cadre des procédures de regroupement familial, notamment les demandes de visites domiciliaires par l’OFII.
Article L. 313-2 du CESEDA :
Article L. 313-3 :
1° L'hébergeant ne peut pas présenter les pièces justificatives requises ;
2° Il ressort, soit de la teneur de l'attestation et des pièces justificatives présentées, soit de la vérification effectuée au domicile de l'hébergeant, que l'étranger ne peut être accueilli dans des conditions normales de logement ;
3° Les mentions portées sur l'attestation sont inexactes ;
4° Les attestations antérieurement signées par l'hébergeant ont fait apparaître, le cas échéant après enquête demandée par l'autorité chargée de valider l'attestation d'accueil aux services de police ou aux unités de gendarmerie, un détournement de la procédure. »
Article L. 313-4 :
Des compétences consultatives sont aussi reconnues aux maires dans le domaine du séjour - par exemple pour l'appréciation de la condition d'intégration républicaine dans la société française pour l'accès à la carte de résident.
Article L. 413-7 du CESEDA :
Les étrangers âgés de plus de soixante-cinq ans ne sont pas soumis à la condition relative à la connaissance de la langue française. »
3. Par ailleurs, l’accueil des migrants, en particulier l’hébergement / prise en charge des demandeurs d’asile ou des déboutés, pèse de plus en plus sur les communes – même si elles n’en ont pas formellement la compétence.
Certaines communes développent des dispositifs de prise en charge des exilés comme la création du camp de la Linières à Grande Synthe ou la Bulle créé par la mairie de Paris avec Emmaüs.
Sous pression de l’Etat qui ne veut pas de points de fixation des exilés, fermeture de ces structures et création des Centre d’accueil et d’orientation (CAO) puis des Centre d'Accueil et d'Examen des Situations (CAES).
Dans certaines métropoles, la carence de l’Etat est telle que ce sont les collectivités locales qui se substituent à lui pour assurer l’hébergement des populations les plus vulnérables. A tel point que certaines d’entre elles sont amenées à engager sa responsabilité devant les tribunaux administratifs pour obtenir la réparation de leurs préjudices. A l’initiative de la maire de Strasbourg , co-présidente de l’Association nationale des villes et territoires accueillants (ANVITA), des recours collectifs contre l’Etat, sur le modèle de l’action climatique, devraient être orchestrés pour tenter de faire bouger les lignes sur l’effectivité de l’accueil inconditionnel, particulièrement s’agissant des migrants, et rappeler à l’Etat son devoir d’hospitalité.
- C.E., 22 déc. 2022, Département du Puy de Dôme, n° 458724 ;
- Nathalie Levray, « Hébergement d’urgence : l’Etat condamné à rembourser plus d’un million d’euros à un département », Gazette des communes, 6 janv. 2023.
- « Strasbourg va attaquer l’Etat pour sa « défaillance » à mettre à l’abri les personnes vivant à la rue », Le Monde, 5 déc. 2012
B. Rôle des départements (ASE)
Avec l'évaluation et la prise en charge des mineurs non accompagnés (40 000 évaluations, 15 000 pris en charge), les départements, en charge de l'aide sociale à l'enfance, ont aussi un rôle de plus en plus important (art. R. 221-11 du CASF).
L'évaluation de minorité et d'isolement n'est plus guidée seulement par des préoccupations de protection de l'enfance mais également de lutte contre la fraude et l'immigration irrégulière, notamment avec la création du fichier biométrique d'appui à l'évaluation de la minorité (AEM).
La loi modifie les critères de répartition des mineurs étrangers isolés sur le territoire, qui reposaient jusqu'ici sur un critère démographique et d'éloignement géographique. Deux nouveaux critères de répartition sont ajoutés :
- les spécificités socio-économiques des départements (en particulier leur niveau de pauvreté) ;
- et leur action en faveur des MNA à leurs 18 ans (à savoir le nombre de bénéficiaires de contrats jeunes majeurs).
Enfin, pour empêcher les tentatives d'utilisation du dispositif de protection de l'enfance par des majeurs isolés, les députés ont posé l'interdiction de la réévaluation de la minorité des MNA. Aujourd'hui, un département qui accueille un mineur réorienté peut en effet procéder à une seconde évaluation, alors même que la minorité a déjà été prouvée dans le département de départ.
Tous les départements devront recourir au fichier d'aide à l'évaluation de la minorité (AEM). L'enregistrement des personnes se déclarant mineurs non accompagnés dans le fichier AEM est ainsi rendu obligatoire, sauf lorsque la minorité est manifeste. De plus, les départements devront transmettre chaque mois au préfet leurs décisions concernant l'évaluation des personnes se déclarant MNA. Le refus d'un département de suivre ces obligations entraînera le retrait de la contribution forfaitaire de l'État.
- « Protection de l'enfance : polémique sur le « fichier » des mineurs non accompagnés », La Croix, 30 juin 2021.
- Défenseur des droits, « Les mineurs non accompagnés au regard du droit : 10 ans d'interventions juridiques pour faire valoir l'intérêt supérieur de l'enfant », Rapport, février 2022.