
Avertissement :
La plupart du temps, l'étude du déroulement de l'instance conduit à examiner en premier lieu le déroulement d'une instance sans incident avant de s'intéresser aux difficultés susceptibles d'en affecter le cours : problèmes probatoires, causes d'extinction ou de suspension de l'instance, incidents relatifs à la composition de la juridiction...
Il existe des dispositions communes à toutes les juridictions, notamment les règles afférentes au début et à la fin de l'instance -modalités de l'acte introductif d'instance, conditions de saisine du tribunal...-, et des dispositions propres à chaque juridiction (ex. : déroulement de l'instruction). Les règles de preuve, bien que constituant des dispositions communes, sont en principe envisagées dans le cadre des incidents d'instance.
L'examen des différentes procédures susceptibles de se dérouler au premier degré amène d'abord à envisager la procédure contentieuse qui, à la différence de la procédure gracieuse, suppose l'existence d'un litige. Selon que les parties concernées par ce litige participent ou non à l'instance, la procédure est alors qualifiée de contradictoire ou par défaut. Le Code de procédure civile encadre de manière précise la procédure contentieuse contradictoire devant le TGI : il s'agit d'une procédure écrite avec représentation obligatoire.
Les procédures suivies devant les juridictions spécialisées, voulues plus simples et moins lourdes que la procédure menée devant la juridiction de droit commun, étaient à l'origine orales et sans représentation obligatoire. Le principe d'oralité est maintenu mais une place est désormais faite aux écrits depuis le 1er décembre 2010 (D. 1er octobre 2010). Par ailleurs, dans le cadre des réformes en cours, ces procédures ont connu, ou vont connaître des évolutions parfois importantes.
Limité à l'étude du droit fondamental du procès, ce cours de licence se cantonnera aux développements relatifs à la procédure contentieuse sans incident devant le tribunal de grande instance. Comme cela a été précisé auparavant, la suite du programme relève d'un second cours dispensé à Rennes en Master 1.
Les développements suivront la chronologie d'une instance : son introduction, puis son déroulement jusqu'à son achèvement.
Sauf extinction anticipée liée à la survenance de certains incidents (acquiescement, désistement, péremption...), l'instance se termine en général par un jugement (celui-ci fait l'objet d'une étude approfondie en Master 1).
Section 1. L'introduction de l'instance
L'acte de procédure qui porte la demande introductive d'instance peut revêtir différentes formes, mais les effets de la demande et de l'introduction de l'instance sont en général similaires.
§ 1. Les formes de l'acte introductif d'instance
Devant le TGI l'introduction de l'instance se fait en général par voie d'assignation.
Dans certaines circonstances, il est aussi possible de recourir à la requête conjointe ou d'utiliser la procédure de déclaration au greffe.
Le rapport annexé à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 prévoit la création d'un acte de saisine unique, en ligne, en substitution des modes de saisine existants.
Par ailleurs, en lien avec des dispositions déjà introduites devant le tribunal d'instance, l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle prévoit qu'à compter du 1er janvier 2020 lorsque la demande tendra au paiement d'une somme n'excédant pas un certain montant ou sera relative à un conflit de voisinage, la saisine du tribunal de grande instance (Tribunal judiciaire) devra, à peine d'irrecevabilité que le juge pourra prononcer d'office, être précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative.
Le texte mentionne des exceptions :
- Si l'une des parties au moins sollicite l'homologation d'un accord ;
- Lorsque l'exercice d'un recours préalable est imposé auprès de l'auteur de la décision ;
- Si l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime, notamment l'indisponibilité de conciliateurs de justice dans un délai raisonnable ;
- Si le juge ou l'autorité administrative doit, en application d'une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation.
A. L'assignation
L'assignation est le mode normal de saisine du TGI.
Après avoir envisagé le droit commun en matière d'assignations, nous traiterons du cas particulier de l'assignation à jour fixe.
1. Droit commun
L'assignation doit contenir constitution d'avocat de la part du demandeur, la représentation étant obligatoire devant le TGI, ce qui entraîne élection de domicile : durant la procédure, le plaideur est supposé domicilié chez son représentant.
- L'absence d'indication du nom de l'avocat, personne physique, représentant une société d'avocats constitue une irrégularité de forme : Cass. Civ. 2ème, 1/2/06, JCP 06 II 10071 ; 11/5/06, Proc. 06 n° 151.
- L'irrégularité concernant la constitution d'un avocat n'appartenant pas au barreau qui relève du tribunal de grande instance compétent peut être couverte par la constitution, avant que le juge ne statue, d'un nouvel avocat appartenant à ce barreau : Cass. Civ. 2ème, 20 mai 2010, Procédures août 2010 n° 306, obs. R. Perrot.
- La demande en nullité de l'assignation pour défaut de constitution d'avocat constitue une exception de procédure qui relève de la compétence exclusive du juge de la mise en état : Cass. Civ. 2ème, 10 nov. 2010, Rev. Proc. 2011 Fasc. 1 n° 6 obs. R. Perrot.
L'assignation vaut conclusions pour le demandeur car elle doit indiquer l'objet de la demande et contenir un exposé des moyens en fait et en droit. Cette exigence est sanctionnée par une nullité pour vice de forme (Cass. Civ. 3ème, 26/11/03, Proc. 04 n° 46 - Le visa des textes n'est pas exigé sauf dans le cadre de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 : D. 2000 727 - G. Bolard, JCP 2000 I 214).
L'assignation doit encore indiquer :
- la juridiction devant laquelle l'affaire est portée. Cette mention permet au défendeur d'apprécier la compétence d'attribution et la compétence territoriale de la juridiction saisie.
- les modalités de comparution devant la juridiction et le délai de comparution et de constitution d'avocat ouvert au défendeur (délai de 15 jours) et l'effet de sa non-comparution éventuelle : le défendeur non-comparant s'expose à être jugé par défaut.
Tx.Jurisprudence
Cass. Civ. 1ère, 27 fév. 2013, D. 2013 1325 note G. Rouzet : il résulte de l'article 6, § 1 de la Convention EDH que l'accès effectif au juge suppose une information claire sur les conséquences de l'absence de comparution des parties à l'audience (en l'espèce cas d'exigence de comparution personnelle).
S'ajoutent parfois des exigences supplémentaires en matière immobilière (art. 56-4°, CPC).
Les pièces sur lesquelles la demande est fondée doivent être mentionnées dans l'assignation et énumérées dans un bordereau annexé à celle-ci : il s'agit d'éléments d'information garantissant la contradiction. Ces exigences ne sont toutefois pas sanctionnées par la nullité car cela serait trop rigoureux à ce stade de la procédure (Cass. Civ. 2ème, 3/4/03, Proc. 03 n° 132).
Enfin, le D. n° 2015-282 du 11 mars 2015, afin d'inciter à la résolution amiable des différends, a ajouté un alinéa précisant que, sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, l'assignation précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. Ce texte ne prévoit pas de sanction, à la différence des dispositions nouvelles introduites par la loi du 23 mars 2019, qui doivent entrer en vigueur début 2020 (voir supra).

2. Cas particulier : l'assignation à jour fixe
S'il accorde l'autorisation, le président indique sur la requête la date et l'heure de l'audience (mentions requises à peine de nullité), voire parfois la chambre concernée. Le défendeur est ensuite assigné, avec copie de la requête mentionnant la date à laquelle l'affaire sera appelée. Quand l'autorisation indique un délai pour délivrer l'assignation, celui-ci est de rigueur (Croze, « En cas de non-respect peut-on considérer qu'il y a fin de non-recevoir en l'état ? », JCP 96 II 22440). Une copie de l'assignation doit en outre être remise au greffe à peine de caducité : la caducité, conduisant à l'extinction de l'instance, est constatée d'office (art. 791, CPC).
La procédure débouche en principe sur un renvoi immédiat à l'audience, c'est-à-dire aux débats : en général il n'y a pas d'instruction devant le juge de la mise en état (C. Laporte, « La procédure à jour fixe dans tous ses états », Proc. 2014 Fasc. 7 n° 8).

En savoir plus
La procédure d'assignation à jour fixe diffère du référé à deux égards :
- d'une part car il peut y avoir contestation sérieuse,
- d'autre part car la décision rendue a autorité de chose jugée.
B. La requête conjointe (art. 57 et 57-1, CPC)
Le recours à cette procédure postule un accord des parties et implique qu'elles aient la libre disposition des droits en cause.
Sa suppression éventuelle dans le cadre de la dématérialisation de l'acte de saisine de juridictions (cf. rapport annexé à la loi du 23 mars 2019) suscite des interrogations car elle constitue un outil utile en matière de justice participative (M. Reverchon-Billot, « Sauvons la requête conjointe », JCP 2019 Fasc. 17 n° 469).
La requête contient les mêmes mentions que l'assignation mais sans faire intervenir d'huissier : elle doit contenir identification des parties, mentionner les points de fait ou de droit sur lesquels celles-ci sont en désaccord, préciser leurs moyens respectifs, et indiquer sur quelles pièces se fonde leur demande. La requête, qui vaut conclusions, doit être datée et signée par les avocats, chaque partie devant en avoir un. Sa remise au greffe saisit le tribunal et, à la différence de ce qui existe pour l'assignation, les textes ne prévoient pas de caducité en matière de requête conjointe. Les irrégularités éventuelles sont sanctionnées par une fin de non-recevoir, la requête étant alors irrecevable. La question de savoir si l'irrecevabilité peut être soulevée d'office est discutée.

C. La déclaration au greffe
En savoir plus
Ce mode de saisine est issu de la création du JAF et du "rapatriement " devant ce magistrat de procédures qui relevaient auparavant du tribunal d'instance (loi du 8/1/93 et art 8 du D. du 14/1/94) : le TGI s'était vu transférer à la fois la compétence pour ces affaires et le régime procédural les régissant.
La situation est susceptible d'évoluer à compter du 1er janvier 2020, en lien avec la fusion du TGI et du TI, la création du tribunal judiciaire et la dématérialisation des procédures en relevant.
Elle doit, outre les mentions de l'article 58 du CPC, dont le non-respect est sanctionné par la nullité, contenir un exposé sommaire des motifs. Le D. du 11 mars 2015 a ajouté un alinéa mentionnant que, sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, elle doit préciser également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.
L'enregistrement de la déclaration par le greffe interrompt la prescription. Le greffier convoque les parties par lettre recommandée avec accusé de réception. La notification faite au défendeur doit comporter les mentions prévues par l'art. 665-1 du CPC. Si la déclaration a été faite verbalement par le demandeur, celui-ci peut être convoqué de la même manière.
§ 2. Effets de la demande et de l'introduction de l'instance
Pour "comparaître" au sens juridique du terme, le défendeur doit constituer avocat dans les 15 jours de l'assignation.
La constitution doit à peine d'irrecevabilité des conclusions contenir certaines mentions (art. 814, CPC). Pour les avocats de l'Union Européenne, la constitution nécessite une convention d'élection de domicile auprès d'un avocat local. L'information de la partie adverse se fait par acte du palais (voir leçon 11 et art. 672 et 673, CPC).
Les conclusions du défendeur faisant valoir des moyens de défense et des fins de non-recevoir lient l'instance. Les conclusions échangées entre avocats (exposé des prétentions et moyens) et déposées au greffe fixent le champ du débat, déterminent la compétence et le taux de ressort de la juridiction.
Le tribunal est saisi par la remise au greffe, à la diligence de l'une des parties, de la copie de l'acte d'assignation ou de la requête : cette formalité est appelée "enrôlement" ou "placement". En effet, l'assignation constitue un moyen d'information de l'adversaire quant à la procédure intentée contre lui, mais elle ne saisit pas le juge. La saisine résulte de l'enrôlement, qui doit se faire, à peine de caducité, dans les 4 mois de l'assignation. La caducité de la citation, cause d'extinction de l'instance, est susceptible d'être constatée d'office ou sur demande d'une des parties sans preuve de grief. Depuis l'entrée en vigueur du D. 11 mars 2015, visant à favoriser les règlements amiables, le délai d'enrôlement de l'assignation est suspendu par la conclusion d'une convention de procédure participative, jusqu'à l'extinction de la procédure conventionnelle (art. 757, CPC).
Une copie de la constitution d'avocat du défendeur doit aussi être remise au greffe. L'affaire est inscrite au "rôle" (art. 726, CPC) . Il s'agit du répertoire général qui contient des indications sur les événements importants permettant d'identifier les affaires : date de saisine, numéro d'inscription, nom des parties, nature du litige, formation concernée, ...
Le greffe constitue par ailleurs, un dossier de l'affaire dans lequel seront versés des documents cotés et datés par le greffier (art. 727, CPC) et où seront mentionnés les actes mineurs du juge non formalisés dans une décision (Tel est le cas de la plupart des actes d'instruction : voir infra, section 2 §2). Il est établi pour chaque dossier une fiche récapitulative (art. 823 al. 2, CPC).

Le Code de procédure civile contient diverses dispositions relatives à la dématérialisation.
Tout d’abord, aux termes de l’article 729-1 du CPC, le répertoire général, le dossier et le registre d’audience peuvent être tenus sur support électronique. Le système de traitement des informations doit en garantir l’intégrité et la confidentialité et permettre d’en assurer la conservation.
Ensuite, dans les dispositions communes du code, un titre XXI, créé par le décret du 28 déc. 2005, traite de la communication par voie électronique. Les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent, depuis le 1er janvier 2009, être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le code (art. 748-1, CPC).
Un arrêté du 7 avril 2009 fixe les garanties auxquelles doit répondre, dans ce cadre, la communication électronique devant les TGI.
Actualité septembre 2019 : le décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 a prévu qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure afférents aux instances contentieuses introduites à compter du 1er septembre 2019 soient désormais remis au TGI par voie électronique (art. 796-1, CPC). Lorsqu'un acte ne pourra être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à son auteur, il sera établi sur support papier et remis au greffe selon les modalités de l'article 821 du CPC ou lui sera adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. S'il s'agit d'une simple requête ou une déclaration, il sera remis ou adressé au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de destinataires, plus deux.
Lorsque l'acte sera adressé par voie postale, le greffe l'enregistrera à la date figurant sur le cachet du bureau d'émission et adressera à l'expéditeur un récépissé par tout moyen.
Les avis, avertissements ou convocations seront aussi remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l'expéditeur.
Sur la dématérialisation, voir aussi la leçon 11.
Cour EDH, 16 juin 2009, SA Lawyer Partner c/ Slovaquie, Proc. 09 n° 358 obs. N. Fricero : dès lors que le Code de procédure civile organise une possibilité de formation de la demande en justice par voie électronique, il y a violation du droit d'accès au tribunal lorsque la juridiction, saisie d'un très grand nombre de demandes gravées sur DVD, refuse de les enregistrer en prétextant un manque d'équipement technique.
Bibliographie :
- Sabatier, « Nouvelles technologies et système judiciaire, Déploiement de la communication dans les juridictions judiciaires, Etude technique », JCP 08 I 223.
- Derlange et Errera, « L'essor des téléprocédures judiciaires en France et à l'étranger : Vers la justice de demain », JCP 08 I 224.
Le président de la juridiction distribue les affaires entre les différentes chambres et fixe la date à laquelle chaque affaire sera appelée lors d'une "audience d'appel des causes". Depuis le 1er janvier 2015 il a la faculté de faire juger une affaire d'une particulière complexité ou susceptible de recevoir dans les chambres des solutions divergentes par une formation de chambres réunies, présidée par lui-même (D. n° 2014-1458 du 8 déc. 2014).