Section 1. La mise en œuvre du droit d'action
§ 1. Les demandes en justice
A. Classification
1. La demande initiale
La demande est l'acte processuel ayant pour objet la prétention (sur la nécessité de prétentions, voir RTD civ. 96 981, obs. R. Perrot) : toute demande établissant un (nouveau) lien juridique d'instance est qualifiée de « demande principale ». Nous verrons ultérieurement que les formes procédurales que peut revêtir la demande initiale sont variables, même si ces modalités se sont réduites depuis 2020.
Le demandeur a la possibilité de former plusieurs demandes initiales juxtaposées : elles ne sont alors pas soumises à la condition de lien suffisant exigée en matière de demandes incidentes.
Il existe parfois une hiérarchisation des demandes, en ce sens que l'acte introductif d'instance peut contenir des demandes subsidiaires, formulées au cas où une demande principale ne serait pas accueillie (E. Putman, « Remarques sur la demande subsidiaire », JCP G 91 I 3493). Dans ce cas, le juge doit respecter la hiérarchie proposée par les parties (Cass. Civ. 3ème, 11 mai 2011, D. 2011 1425 - Cass. Civ. 3ème, 6 mai 2015, Proc. 2015 Fasc. 7 n° 215 obs. Y. Strickler : le juge qui fait droit à la demande principale ne peut également recevoir la demande subsidiaire sans modifier l'objet du litige, en méconnaissance de l'art. 4 du CPC).
2. Les demandes incidentes
a) Classification
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La demande reconventionnelle
Elle émane du défendeur, qui contre-attaque en sollicitant un avantage autre que le rejet de la prétention du demandeur initial.
Ex.Demande en annulation d'un contrat en réaction à une demande d'exécution des obligations contractuelles, demande reconventionnelle en divorce pour faute aux torts du demandeur.Cette forme de demande est exclue entre co-défendeurs.
- Ass. plén., 22 avr. 2011, JCP G 2011 Fasc. 25 n° 715 note Y-M. Serinet, D. 2011 p. 1870, note O. Deshayes et Y.-M. Laithier, RTD civ. 2011 p. 795 et 798 obs. Ph. Théry : forme une demande reconventionnelle (Ndlr : et non une défense au fond) le cessionnaire qui ne se borne pas à invoquer la nullité d’un protocole mais entend voir tirer les conséquences de cette nullité en sollicitant la remise des parties dans l'état antérieur à la signature de l'acte et la condamnation des demanderesses à lui payer une certaine somme en restitution du prix déjà payé.
- Cass. Civ. 2ème, 10 janvier 2013, JCP G 2013 Fasc. 16 n° 436 obs. G. Guerlin, D. 213 n° 877 note P. Pailler : Les demandes reconventionnelles, en première instance comme en appel, peuvent être formées tant par le défendeur sur la demande initiale que par le demandeur initial en défense aux prétentions reconventionnelles de son adversaire. L'adage « reconvention sur reconvention ne vaut » ne fait donc pas échec à une demande reconventionnelle indemnitaire formée par une caution en réaction à une demande reconventionnelle en paiement.
- Cass. Com., 1er fév. 2018, Proc. 2018 Fasc. 4 n° 101 obs. Y. Strickler : notion de prétention au regard d'une demande reconventionnelle (demande de compensation judiciaire dans le cadre d'une procédure orale).
- Cass. Civ. 2ème, 1er fév. 2018, JCP G 2018 Fasc. 18 n° 530 § 8 : application de la jurisprudence Cesareo au regard de la qualification d'une défense hybride (demande reconventionnelle de résolution d'un contrat après une procédure d'injonction de payer.
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La demande additionnelle
Est ainsi qualifiée la demande émise par toute personne déjà partie à un litige (il s'agit souvent du demandeur ou du défendeur), ayant formulé une demande et souhaitant modifier ou faire des ajouts à ses prétentions originelles.
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La demande en intervention
Ce type de demande fait référence à un tiers. L'intervention est qualifiée de volontaire lorsqu'elle émane d'un tiers qui manifeste ainsi spontanément sa volonté de se joindre au litige. Elle est dite forcée quand ce sont au contraire les parties qui décident d'attraire un tiers en justice contre le gré de celui-ci (article 66 du CPC).
b) Régime juridique
La recevabilité des demandes incidentes est subordonnée, d'une part, à la recevabilité de la demande principale et, d'autre part, à leur rattachement par un lien suffisant aux prétentions originaires (article 70 du CPC).
La notion de « lien suffisant », proche de la connexité, est en principe appréciée souverainement par les juges. Ce lien de connexité n'est toutefois pas exigé en cas de demande de compensation judiciaire (demande reconventionnelle).
D'un point de vue procédural, les demandes incidentes présentent un intérêt en matière de compétence et de procédure en ce qu'elles font l'objet d'un formalisme allégé.
En effet, si la demande initiale doit souvent revêtir la forme d'une assignation, les demandes incidentes peuvent être formées par acte d'avocat à avocat devant le tribunal judiciaire, ou par des conclusions à la barre devant les juridictions spécialisées, sauf en cas d'intervention forcée ou de procédure par défaut.
B. Effets de la demande introductive d'instance
1. Effets à l'égard du juge
Devant le Tribunal judiciaire (art. 754 du CPC) et le tribunal de commerce (art. 857 du CPC) [et jusqu'à leur suppression le juge de proximité, le tribunal d'instance et le TGI], le non-respect de la formalité de remise au greffe dans le délai prescrit est sanctionné par la caducité de la demande.
La demande créée pour le juge une obligation fonctionnelle en ce qu'il doit statuer sur elle.
Cette obligation correspond à l'interdiction du déni de justice (article 4 du C. civ.). Le juge a le devoir de rendre une décision, même s'il s'agit d'un constat d'incompétence. Ce faisant, il ne doit pas non plus statuer infra , extra ou ultra petita : il doit statuer sur la demande, toute la demande mais rien que la demande. Les limites de sa saisine s'apprécient en principe lors de la formation de la demande, à l'exception des dommages-intérêts pour responsabilité, appréciés au jour de la décision.
2. Effets à l'égard des parties
- Entre les parties, la demande entraîne création d'un lien juridique d'instance, dont il résulte pour elles des obligations (sur la date de création du lien d'instance, voir B.1, supra). Le défendeur a ainsi l'obligation de comparaître selon les modalités requises devant la juridiction concernée.
Les controverses antérieures quant à la nature du lien d'instance (v. par ex., Vizioz, Etudes de procédure, p. 150 ; Glasson, Tissier, Morel, Traité théorique et pratique d'organisation judiciaire, de compétence et de procédure civile, Sirey 1925-1936, t. 2 n° 453 s.) ont abouti à la conclusion qu'il présente un double caractère légal et processuel. En particulier, il n'affecte pas les rapports de droit substantiel liant les parties. Il n'y a pas novation et les parties restent par exemple bailleur et locataire, créancier et débiteur, responsable et victime, indépendamment de leurs nouvelles qualités respectives de demandeur et défendeur.
- La demande conserve les droits du demandeur. Elle entraîne interruption des délais de prescription et des délais de forclusion.
L'effet interruptif se produit à la date de la citation, quelle qu'en soit la forme, et avant même qu'elle ait été portée à la connaissance du débiteur (Cass. Civ. 2ème, 29 nov. 95 et 13 déc. 95, RTD civ. 96 466). La règle vaut aussi en cas d'assignation en référé, sauf cas particuliers.
L'effet interruptif est acquis même en cas de citation devant un juge incompétent ou si l'acte introductif d'instance se trouve être annulé en raison d'un vice de procédure (art. 2241 du C. civ.). Ce dernier cas de figure, issu de la loi du 17 juin 2008, constitue une rupture par rapport à la solution antérieure où la non-validité de l'assignation rendait non avenue l'interruption de prescription. La régularisation d'un acte d'appel nul était ainsi requise avant l'expiration du délai d'appel, ce qui n'est plus le cas désormais.
- Cass. civ. 1ère, 25 nov. 2010, Proc. 2011 Fasc. 2, n° 50, obs. R. Perrot - Cass. civ. 2ème, 8 sept. 2011, Proc. 2011 Fasc. 12 alerte 56 par C. Bléry et L. Raschel : assignation entachée d’une irrégularité de fond.
- Cass. Civ. 2ème, 11 mars 2015, Proc. 2015 Fasc. 5 n° 151 obs ; H. Croze : L'art. 2241 al. 2 du C. civ. ne distingue pas entre le vice de forme et l'irrégularité de fond, de sorte que l'assignation même affectée d'un vice de fond a un effet interruptif.
- Cass. Civ. 2ème, 16 oct. 2014, JCP G 2014 Fasc. 50 n° 1271 note C. Auché, Proc. 2014 Fasc. 12 n° 312 obs. H. Croze : application à une déclaration d'appel de la règle selon laquelle l'annulation, par l'effet d'un vice de procédure, de l'acte de saisine de la juridiction interrompt les délais de prescription et de forclusion.
- L'acte de saisine de la juridiction, même entaché d'un vice de procédure, interrompant les délais de prescription et de forclusion, donc le délai d'appel, la régularisation reste possible. tant que le juge n'a pas statué, du fait du jeu des articles 115 et 121 du CPC (Cass. Civ. 2ème, 1er juin 2017, n° 16-14.300, D. 2017 1868 §1 et Proc. 2017 F. 8 n° 178 ; Cass. Civ. 2ème, 12 oct. 2017) - Cass. Civ. 2ème, 12 avril 2018 : la déclaration d'appel, même entachée d'un vice de procédure, interrompt le délai d'appel, ce qui permet la régularisation avant que le juge ne statue sur la demande de nullité - Cass. Civ. 2ème, 28 juin 2018, Proc. 2018 com. 280 obs. H. Croze : possibilité de régularisation d'une nullité pour vice de fond (pendant le délibéré) (1ère esp. ). Il n'en va pas de même si l'annulation tient à une fin de non-recevoir non régularisée dans le délai d'appel (2ème esp.). L'article 2241 du C. civ. n'est pas non plus applicable en cas de seconde déclaration d'appel faite par voie numérique, la première déclaration ne l'ayant pas été sous la forme prescrite par l'art. 930-1 du CPC, s'agissant d'une fin de non-recevoir et non d'une nullité (Cass. Civ. 2ème, 1er juin 2017, n° 16-15.568, Proc. 2017 F. 8 n° 178 note H. Croze, JCP 2017 Fasc. 44 n° 1177 note D. Mas, D. 2017 1868 §1).
Aux termes de l'art. 2231 du C. civ., l'interruption efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de la même durée que l'ancien. L'interruption de la prescription dure toutefois jusqu'à l'extinction de l'instance (art. 2242, C. civ.) : en fait, l'enrôlement suspend la nouvelle prescription.
L'interruption est toutefois non avenue si le demandeur se désiste de sa demande, laisse périmer l'instance, ou si sa demande a été définitivement rejetée par une décision de rejet ayant acquis autorité de chose jugée (article 2243 du C. civ.).
Cass. Civ. 2ème, 8 oct. 2015, Proc. 2016 Fasc. 1 n° 2 note H. Croze : L'art. 2243 du C. civ. ne distinguant pas selon que la demande est définitivement rejetée par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir, l'effet interruptif de prescription de la demande en justice est non avenu si celle-ci est déclarée irrecevable. - J. Jourdan-Marques, « Faut-il abroger l'art. 2243 du C. civ. », Proc. 2016 Fasc. 7 n° 7.
Cass. Civ. 2ème, 5 oct. 2023, n° 21-21.007, JCP 2023 Fasc. 41 act. 1153, Proc. 2023 Fasc. 12 n° 314 note S. Amrani-Mekki : jusqu'à cette décision, une difficulté se posait lorsqu'était en cause la saisine d'une Cour d'appel incompétente. La Cour de cassation considérait qu'il s'agissait d'une fin de non-recevoir, a priori régularisable, mais elle jugeait aussi que l'interruption du délai d'appel était non avenue lorsque l'appel était définitivement rejeté par une fin de non-recevoir (art. 2243 du C. civ.). Cette solution aboutissait à faire rétroagir la décision d'irrecevabilité rendue postérieurement à un second appel formé devant la juridiction compétente. Dans cet arrêt de revirement, rendu au visa des articles 2241 du C. civ. et 6 §1 de la Convention EDH, elle retient que la régularisation de la fin de non-recevoir tirée de la saisine d'une juridiction incompétente est possible si, au jour où elle intervient, dans le délai d'appel interrompu par une première déclaration d'appel formée devant une juridiction incompétente, aucune décision définitive d'irrecevabilité n'est intervenue.
En savoir plus
Il a été jugé, avant la loi du 17 juin 2008, qu'il n'y avait pas non plus d'effet interruptif en cas :
- de défaut de pouvoir du juge des référés, saisi sur le fondement de l'article 809 al. 2 du CPC (art. 835 al. 2 nouveau), car cela constitue une fin de non-recevoir : D. 96 som. 354, Proc. 01 n° 4.
- d'assignation devant une juridiction inexistante : Cass. Civ. 2ème, 23 mars 00, JCP G 00 II 10348, Rev. Proc. 00 n° 141 ; Ass. Plén., 3 avril 87, JCP G 87 II 20792 concl. Cabannes, RTD civ. 87 401 obs. R. Perrot.
Cas particulier : la caducité de la déclaration d'appel.
La jurisprudence récente impose que la régularisation d'une déclaration d'appel irrégulière intervienne durant la procédure d'appel. Selon la Cour de cassation, l'acte de saisine de la juridiction, même entaché d'un vice de procédure, interrompt les délais de prescription et de forclusion, donc le délai d'appel, et la régularisation reste possible tant que le juge n'a pas statué, du fait du jeu des articles 115 et 121 du CPC (Cass. Civ., 1er juin 2017, n° 16 -14300, D. 2017 1868 §1 et Proc. 2017 F. 8 n° 178 ; Cass. Civ. 2ème, 12 oct. 2017).Mais la recevabilité et la portée d'une seconde déclaration d'appel peuvent soulever d'autres difficultés car il est désormais établi que l'effet interruptif ne saurait être détourné en formant une nouvelle déclaration d'appel pour pallier d'autres carences procédurales, telles le non-respect des délais de l'art. 908 du CPC pour conclure en appel. La Cour de cassation a en effet jugé dans un arrêt du 11 mai 2017 "qu'appel sur appel ne vaut": tant que la Cour d'appel est régulièrement saisie d'un appel dont la caducité n'a pas encore été prononcée, un second appel, est irrecevable faute d'intérêt à agir (Cass. Civ. 2ème, 11 mai 2017, Proc. 2017 Fasc. 8 n° 177 obs. H. Croze). Jusqu'à l'entrée en vigueur du D. n° 2017-891 du 6 mai 2017, la recevabilité d'une seconde déclaration après le prononcé de la caducité de la première ne posait pas problème si le délai d'appel n'était pas expiré. Cette solution n'est désormais plus autorisée par l'article 911-1 du CPC [art. 916 du CPC à compter du 1er sept. 2024].
Pour parachever le raisonnement, un autre arrêt a jugé qu'en présence d'une seconde déclaration d'appel visant à régulariser la première, le délai de l'art. 908 du CPC court à compter de la première déclaration :
- Cass. Civ. 2ème, 16 nov. 2017, JCP G 2017 Fasc. 49 n° 1274 : inefficacité de la seconde déclaration, face au constat de caducité de la première, faute de conclusions dans le délai de 3 mois.
- Considérant que la déclaration d'appel portant l'indication "appel total" encourt la nullité prévue par l'art. 901 du CPC, et que cette nullité peut être couverte par une nouvelle déclaration d'appel à condition que la régularisation intervienne dans le délai imparti à l'appelant pour conclure (Cass. Civ. 2ème, avis, 20 déc. 2017, D. 2018 692 § IIA obs. N. Fricero et 757 n° 2 , JCP G 2018 Fasc. 7 n° 173 note P. Gerbay, Proc. 2018 Fasc. 3 n° 69 obs. H. Croze).
- Elle fait courir les intérêts moratoires (article 1344-1 du C. civ.). En matière de référé-provision, ils courent même dès l'assignation (les autres assignations en référé ne produisent pas cet effet).
- En matière contractuelle, les risques qui pesaient sur le créancier d'un corps certain passent à la charge du débiteur de la délivrance (art. 1196 et 1344-2 du C. civ.).
- Enfin, la demande rend le droit litigieux (article 1700 du C. civ.).
§ 2. La défense en justice
Pour résister à une demande, le défendeur peut se contenter de se défendre ou décider de contre-attaquer, en formant une demande reconventionnelle. Si l'on peut qualifier de « défenses » tous les moyens lui permettant de réagir contre la demande, nous ne traiterons ici que des défenses en justice stricto sensu, la demande reconventionnelle ayant été présentée auparavant.
L'évolution et la simplification annoncées sur ce point dans le cadre des Chantiers de réforme de la Justice ne s'étant pas concrétisées, les moyens de défense se divisent toujours en trois catégories : les défenses au fond (A), les exceptions de procédure (B) et les fins de non-recevoir (C) (J. Héron intégrait ces deux dernières catégories dans la notion de "défense procédurale", Héron, par T. Le Bars, op. cit.).
Nous préciserons à chaque fois en quoi consistent ces notions, avant d'en présenter le régime.
A. Les défenses au fond
1. Notion (art. 71 du CPC)
Ass. plén., 22 avr. 2011, JCP G 2011 Fasc. 25 n° 715 note Y.-M. Serinet : forme une demande reconventionnelle (et non une défense au fond) le cessionnaire qui ne se borne pas à invoquer la nullité d’un protocole mais entend voir tirer les conséquences de cette nullité en sollicitant la remise des parties dans l'état antérieur à la signature de l'acte et la condamnation des demanderesses à lui payer une certaine somme en restitution du prix déjà payé.
En matière de cautionnement :
- sur la question des voies procédurales (demande reconventionnelle ou défense au fond) ouvertes à la caution qui veut se soustraire à l'action en paiement en invoquant la faute du créancier, voir Cass. Mixte, 21 fév. 03, JCP G 03 I 128 n° 19 et II 10103.
- la demande en nullité d'un cautionnement constitue une défense au fond qui peut être soulevée pour la première fois en appel : Cass. Civ. 2ème, 16 déc. 04, Proc. 05 n° 69.
- Cass. Civ. 2ème, 7 juin 07, D. 08 649 : l'arrêt analyse en une défense au fond le fait de « s'en rapporter à la Justice ».
- Cass. Com., 13 déc. 2017, RTD civ. 2018 484 obs. N. Cayrol : qualification de l'exception de compensation (la caution dispose d'une option procédurale entre défense au fond et demande reconventionnelle).
- Cass. Civ. 1ère, 31 janv. 2018, JCP G 208 Fasc. 11 n° 275 note Y.-M. Serinet, JCP G 2018 Fasc. 18 n° 530 §5 obs. R. Libchaber : une défense au fond au sens de l'art. 71 du CPC échappe à la prescription. Constitue une telle défense en matière de cautionnement, le moyen tiré de l'art. L. 332-1 du C. conso. par lequel la caution invoque la disproportion de son engagement (nb : texte abrogé : se reporter désormais à l'art. 2300 du C. civ.).
2. Régime
En théorie, elles peuvent être soulevées jusqu'à la clôture des débats. En pratique, devant certaines juridictions, notamment devant le tribunal judiciaire en procédure contentieuse écrite, il s'agira plutôt de l'ordonnance de clôture de l'instruction.
Les défenses au fond peuvent aussi être invoquées devant la Cour de cassation si elles ne constituent pas un moyen nouveau.
Leur accueil ne permet pas de renouveler la demande car le fond du droit a déjà été examiné : il y a autorité de chose jugée (sur celle-ci et ses effets, voir leçon 6).
B. Les exceptions de procédure
1. Notion
Elle constitue en général un obstacle temporaire à l'action, n'affectant pas le droit, même si elle traduit un refus provisoire du débat au fond.
Il existe cinq catégories d'exceptions de procédure :
- l'exception d'incompétence,
- l'exception de litispendance,
- l'exception de connexité.
- Les exceptions dilatoires, qui entraînent une suspension légale de l'instance.
- Les exceptions de nullité des actes de procédure, pour vice de forme ou irrégularité de fond (les exceptions de nullité seront envisagées dans la leçon 11).
Attention, s'agissant de la compensation "légale" le nouvel art. 1347 du C. civ. ne permet a priori plus au juge de constater d'office qu'elle s'est opérée de plein droit (L. Andreu, « La condamnation d'une pratique judiciaire répandue : le constat par le juge de la compensation de condamnations réciproques des parties au procès », D. 2018 175).
2. Régime
Les exceptions de procédure font l'objet d'un régime rigoureux car elles conduisent à différer la solution du litige, et il faut donc éviter qu'elles ne soient utilisées à des fins abusives ou dilatoires. Aux termes de l'article 74 du CPC elles doivent, à peine d'irrecevabilité (prononcée d'office : Cass. Civ. 2ème, 29 oct. 86, D. 87 som. 229 Julien), être invoquées :
-
simultanément
Ex.Cass. Civ. 1ère, 14 mai 2014, Proc. 2014 fasc. 7 n° 198, obs. R. Perrot et n° 206 obs. L. Weiller : la demande de sursis à statuer formée en défense est une exception de procédure, qui doit, à peine d'irrecevabilité, être soulevée simultanément avec les autres exceptions.
- et « in limine litis ».
Df.L'expression « invocation in limine litis » signifie qu'elles doivent être présentées au début du litige, ou plus précisément avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, même si elles sont d'ordre public.
Ex.- Les exceptions peuvent être invoquées dans les mêmes conclusions que les défenses au fond et fins de non-recevoir mais à condition de respecter la chronologie (!) : Cass. Civ. 2ème, 8 juill. 04, D. 04 2610 note Beignier, Proc. 04 n° 199, JCP G 04 II 10176 note Croze, obs. Perrot RTD civ. 05 181.
- Un défendeur n'engage pas un débat sur le fond s'il se borne à exposer des faits sans en tirer aucune conséquence (Cass. Civ. 1ère, 8 juill. 2010, Proc. 2010, Fasc. 10, n° 337, obs. Roger Perrot ).
- L'invocation de l'art. 47 du CPC ne permet pas, en application de l'art. 74 du CPC, de soulever ensuite une exception d'incompétence (Cass. Civ. 2ème, 26 juin 2014, JCP G 2014 fasc. 40 n° 985 note D. Cholet, Fasc. 48 n° 1232 obs. Y.-M. Serinet).
Les exceptions à ces deux règles sont en réalité nombreuses.
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Exceptions au principe d'invocation « in limine litis » : l'invocation des nullités pour vice de forme peut se faire au fur et à mesure de leur naissance (article 112, CPC). Les exceptions de connexité et de nullité pour irrégularité de fond peuvent être soulevées en tout état de cause. Toutefois si elles ont été soulevées tardivement dans une intention dilatoire, les premières peuvent être écartées (article 103, CPC) et les secondes justifier une condamnation à dommages-intérêts (article 118, CPC).Ex.
- Une exception de nullité présentée « in limine litis » en première instance peut être reprise en appel jusqu'aux dernières conclusions (Cass. Civ. 2ème, 8 fév. 01, Rev. Proc. 01 n° 119, JCP G 01 II 10633).
- En vertu de l'art. 74 du CPC, la demande de sursis dans l'attente de la décision de la juridiction administrative doit, à peine d'irrecevabilité, être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public. En revanche, la demande de saisine de la Cour de Justice tendant au renvoi de l'affaire pour interprétation des textes communautaires en vertu de l'article 234 du Traité CE, peut être présentée en tout état de cause et même à titre subsidiaire (Cass. Civ. 2ème, 18 déc. 2008, JCP G 08 II 10048).
-
Exception au principe de simultanéité :
- l'héritier, qui bénéficie d'un délai de 4 mois pour faire inventaire avant d'exercer son option successorale (article 771 du Code civil), peut, dans un premier temps, se contenter d'invoquer l'exception dilatoire dont il bénéficie (article 111 du CPC).
- Nullité pour vice de fond (Cass. Civ. 2ème, 9 juin 2022, Gaz. Pal. 25 oct. 2022 note N. Hoffschir).
C. Les fins de non-recevoir
1. Notion (art. 122 du CPC)
On dit souvent qu'elles possèdent une nature hybride : elles produisent comme les défenses au fond un effet définitif, et cela sans qu'il y ait débat au fond, comme pour les exceptions de procédure. En l'occurrence, leur accueil signifie la négation du droit d'action (A. Perdriau, « Une action peut-elle être déclarée à la fois irrecevable et mal fondée ? », JCP G 98 I 162). Une demande ultérieure pourrait néanmoins être intentée avec succès en cas de levée de l'obstacle (fins de non-recevoir "en l'état").
Plusieurs fins de non-recevoir sont énoncées par l'article 122 du CPC :
- le défaut d'intérêt,
- le défaut de qualité,
- la prescription,
- le délai préfix,
- la chose jugée.
La doctrine considère que les fins de non-recevoir peuvent constituer un instrument de politique législative : elles sanctionnent des règles dont le législateur entend faire des conditions du droit de présenter une demande (J. Héron) et traduisent parfois un refus d'accorder le droit d'agir (L. Cadiet).
L. Jandar, « Réflexions sur la relation entre les notions de fin de non-recevoir et d'irrecevabilité », JCP 2023 Fasc. 27 doctr. 850 - F. Rouvière, « La distinction entre fin de non-recevoir et irrecevabilité », RTD civ. 2023 1019.
- Cass. Civ. 1ère, 13 nov. 2014, JCP G 2015, Fasc. 4 n° 49 note M. Douchy-Oudot : l'action tendant à la reconnaissance d'une ascendance génétique par voie d'expertise, lorsque celle-ci nécessite une exhumation, n'est recevable qu'en présence d'une mise en cause des ayants droit du défunt. En matière d'état des personnes, cette fin de non-recevoir est d'ordre public et doit être soulevée d'office par le juge.
- Clause prévoyant un préalable de conciliation ou médiation :
- Clause de conciliation : Cass. Mixte, 14 fév. 03, JCP G 03 I 128 obs. Cadiet, RTD civ. 03 349 obs. Perrot, JCP G 03 I 164 n° 3-9 obs. Seraglini, D. 03 som. com. 2480 ; Cass. Civ. 1ère, 6 mai 03, JCP G 04 II 10021 note Colson ; Cass. Com., 17 juin 03, Proc. 03 n° 213, RTD civ. 04 136.
- Clause de médiation : Cass. Civ. 1ère, 8 avril 09, JCP G 09 F. 26 n° 43, F. 43 N° 369 § 9, F. 47 n° 462 §9 ; D. 09 1284, Proc. 09 n° 203).
Cour EDH 26 mars 2015, RTD civ. 2016 698 obs. P. Théry, l'obligation préalable de médiation ou conciliation à peine d'irrecevabilité ne constitue pas une entrave disproportionnée à l'accès au juge.
La clause peut être invoquée pour la première fois en appel (Cass. Com., 22 fév. 05, Proc. 05 n° 120, RTD civ. 05 450). En cas d'échec de la tentative postérieure de conciliation, il y a privation d'autorité de chose jugée de l'arrêt retenant la fin de non-recevoir (Cass. Civ. 2ème, 21 avril 05, JCP G 05 II 10153, Proc. 05 n° 267). La question semble posée de savoir si une clause contractuelle prévoyant une tentative de règlement amiable doit être assortie de conditions particulières de mise en œuvre pour constituer une procédure de conciliation obligatoire préalable, dont le non-respect entraîne une fin de non-recevoir s'imposant au juge (en ce sens, Cass. Com., 29 avril 2014, JCP G 2014 Fasc. 21 n° 607 note O. Sabard – Contra, exigence de caractérisation semblant remise en cause par Cass. Civ. 3ème, 19 mai 2016, D. 2016 2377 note V. Mazeaud - Sur l'opposition maintenue entre Cass. Civ. 3ème et Cass. Com. : JCP G 2018 Fasc. 49 n° 1288 § 4 obs. L. Veyre). Il a par ailleurs été jugé que la fin de non-recevoir tirée de l'absence de mise en œuvre d'une clause de conciliation n'est pas régularisable en cours d'instance (Cass. Mixte, 12 déc. 2014, JCP G 2014 Fasc. 52 n° 1328 obs. G. Deharo, ibid. 2015 Fasc. 5 n° 115 note N. Dissaux, D. 2015. 298 note C. Boillot ; ibid. 287, obs. N. Fricero, RTD civ. 2015 187 obs. P. Théry : solution constituant un revirement de jurisprudence. T. Amico et V. Mramzine, « Les conséquences pratiques de la jp visant les clauses de conciliation », JCP G 2015 Fasc. 10 n° 309).
- Clause prévoyant un recours préalable à expertise : fin de non-recevoir pouvant être proposée en tout état de cause, y compris en appel (Cass. Com., 22 oct. 2012, Proc. 2013 Fasc. 1 n° 3 obs. R. Perrot).
- Immunité de juridiction d'un Etat étranger (Cass. Civ. 1ère, 27 avril 04, RTD civ. 04 769 n° 2). Cass. Soc., 31 mars 09, JCP G 09 II 10097 : cette immunité n'existe qu'à condition que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces Etats et ne constitue pas un acte de gestion (cas d'un licenciement économique, suite à la fermeture d'un consulat). Dans le même sens, la Cour EDH estime que l'application du principe de l'immunité juridictionnelle de l'État viole le droit d'accès à un tribunal lorsque sont en cause des procédures relatives à des contrats de travail (Cour EDH, 18 janv. 2011, Guadagnino c/ Italie et France ; Cour EDH, 29 juin 2011, Sabeh El Leil c/ France , JCP G 2011 actu 874 obs. K. Grabarczyk, JCP G 2011 Fasc. 35, n° 940 obs. F. Sudre).
- Invocation par les (seules) cautions de la suspension des actions à leur encontre, en cas d'ouverture d'un redressement judiciaire, et ce, jusqu'au jugement prononçant la liquidation judiciaire ou arrêtant un plan de redressement (Cass. Mixte, 16 nov. 07, Proc. 08 n° 187 obs. Rolland, D. 07 3009 obs. Lienhard ; JCP G 08 II 10019 note Salati).
- La seule circonstance qu'une partie se contredise au détriment d'autrui (estoppel ou principe de cohérence : attitude initiale d'une partie conduisant une autre personne à modifier en conséquence sa position, la première contredisant ensuite l'apparence ou la représentation trompeuse qu'elle avait initialement créée) n'emporte pas nécessairement fin de non-recevoir (Ass. Plén, 27 fév. 09, JCP G 09 II 10073, note P. Callé, D. 09 723 obs. Delpech et 1245 note Houtcieff). A contrario, cela signifie qu'il peut y avoir fin de non-recevoir mais que la Cour entend se réserver le contrôle des conditions d'appréciation de l'estoppel. En l'occurrence, la chambre commerciale, dans un arrêt du 20 sept. 2011, a, pour la première fois, écarté une fin de non-recevoir en visant le principe général de droit selon lequel « nul ne peut se contredire au détriment d'autrui » (Cass. Com., 20 sept. 2011, D. 2011 2345, RTD civ. 2011 760 obs. B. Fages; V. aussi Cass. Com., 3 juillet 2012, note S. Pierre-Maurice, D. 2012 2942). La jurisprudence apparaît contradictoire sur la question de l'élément intentionnel (Cass. Civ. 1ère, 24 sept. 2014 Fasc. 45 n° 1141 note D. Houtcieff, JCP G 2014 fasc. 48 n° 1232 obs. Y.-M. Serinet) et, de manière générale, les conditions d'application apparaissent restrictives (Cass. Soc., 22 sept. 2015 ; Cass. Civ. 1ère, 28 oct. 2015, JCP G 2016 Fasc. 4 n° 80 note D. Cholet, « Que reste-t-il du principe selon lequel nul ne peut se contredire », Proc. 2016 Fasc. 1 n° 7 Y. Strickler). G. Bolard, Le droit de se contredire au détriment d'autrui, JCP G 2015 Fasc. 6 n° 146). La Cour semble par exemple cantonner l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui aux contradictions entre prétentions au sein du même procès : Cass. Civ. 2ème, 22 juin 2017 JCP G 2017 Fasc. 29 n° 816 obs. D. Cholet, JCP G 2017 Fasc. 51 n° 1355 §5 obs. R. Libchaber - V. déjà RTD civ. 2015, p. 452, obs. N. Cayrol).
- Validité des clauses conventionnelles de forclusion : Cass. Com., 26 janv. 2016, JCP G 2016 Fasc. 13 n° 365 note N. Balat, D. 2016 682 note J. François.
En savoir plus
Le souhait de renforcer la place des modes alternatifs de règlement des différends s'est traduit depuis 2016 par la création de nouvelles fins de non-recevoir. L'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 a tout d'abord imposé, à peine d'irrecevabilité, de tenter une conciliation avec un conciliateur de justice avant de saisir par déclaration au greffe le juge d'instance d'une demande inférieure à 4 000 €. La fusion des TI et des TGI a donné lieu à une modification du texte et à une extension de l'obligation de tentative amiable de règlement des litiges : avant de saisir le tribunal judiciaire d'une demande tendant au paiement d'une somme n'excédant pas un montant défini par décret ou relative à un conflit de voisinage, les parties doivent désormais tenter, à leur choix mais à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, une conciliation avec un conciliateur de justice, une médiation ou une procédure participative.
Le Conseil constitutionnel avait indiqué que les conflits de voisinage devaient être de difficulté limitée et il avait émis une réserve d'interprétation relative au 3°, demandant au pouvoir réglementaire de définir la notion de « motif légitime » et de préciser le « délai raisonnable » d'indisponibilité du conciliateur de justice à partir duquel le justiciable est recevable à saisir la juridiction, notamment quand le litige présente un caractère urgent (CC., 21 mars 2019, n° 2019-778).
Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 a précisé les modalités de mise en oeuvre de la loi (article 750-1 du CPC). Tout d'abord, le montant en-deçà duquel les litiges sont soumis à l'obligation a été fixé à 5000€, l'exigence ne s'appliquant toutefois pas aux litiges relatifs à l'application des dispositions mentionnées à l'article L. 314-26 du code de la consommation (crédit à la consommation et crédit immobilier).
S'agissant ensuite des matières entrant dans le champ des conflits de voisinage, le texte visait initialement les seules actions mentionnées aux art. R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du COJ. Le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 y a ajouté la référence générale aux actions relatives à un trouble anormal de voisinage, elle-même introduite à l'article 4 de la loi du 18 nov. 2016 par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021.
Cinq exceptions sont prévues à l'obligation de tentative de résolution amiable par l'art. 750-1 CPC (5° ajouté par la L. n° 2021-1729 du 22 décembre 2021) :
- Si l'une des parties au moins sollicite l'homologation d'un accord ;
- Lorsque l'exercice d'un recours préalable est imposé auprès de l'auteur de la décision ;
- Si l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l'urgence manifeste, soit aux circonstances de l'espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu'une décision soit rendue non contradictoirement, soit à l'indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l'organisation de la première réunion de conciliation dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d'un conciliateur ; le demandeur justifie par tout moyen de la saisine et de ses suites ;
- Si le juge ou l'autorité administrative doit, en application d'une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation.
- Si le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l'article L. 125-1 du Code des procédures civiles d'exécution.
- à l'urgence manifeste,
- aux circonstances de l'espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu'une décision soit rendue non contradictoirement,
- à l'indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l'organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige.
- à l'urgence manifeste,
- aux circonstances de l'espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu'une décision soit rendue non contradictoirement,
- à l'indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l'organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige.L'article 750-1 a été annulé en septembre 2022 par le Conseil d'état comme ne répondant pas aux réserves d'interprétation formulées par le Conseil constitutionnel (CE, 22 sept. 2022, nos 436939 et 437002, JCP 2022 Fasc. 42 act. 1186, obs. S. Amrani-Mekki, ; Rev. Procédures 2022, repère 10, obs. H. Croze ; Procédures 2022, comm. 239, note R. Laffly ; Dalloz actualité, 3 et 4 oct. 2022, note M. Barba).
La Cour de cassation a rendu le 18 octobre 2023 un arrêt de revirement, dans cette situation où elle retenait auparavant une irrecevabilité, tirée d'un défaut de pouvoir juridictionnel, et non une incompétence (Cass. Com., 31 mars 2015, Proc. 2015 Fasc. 6 n° 184 obs. Y. Strickler : il appartient au juge de relever la fin de non-recevoir tirée de l'inobservation de la règle d'ordre public investissant la cour d'appel de Paris du pouvoir juridictionnel exclusif de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'art. L. 442-6 du C. Com.).
Cass. Com., 18 oct. 2023, n° 21-15.378, JCP 2023 act 1237, D. 2023 2298, Proc. 2023 Fasc. 12 n° 315 : la règle découlant de l'application combinée des art. L. 442-6, III (devenu L. 442-4 III) et D. 442-3 (devenu D. 442-2) du Code de commerce, désignant les seules juridictions indiquées par ce dernier texte pour connaître de l'application des dispositions du I et du II de l'article L. 442-6 précité (devenu l'article L. 442-1), institue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir. Il en résulte que, lorsqu'un défendeur à une action fondée sur le droit commun présente une demande reconventionnelle en invoquant les dispositions de l'article L. 442-6 précité, la juridiction saisie, si elle n'est pas une juridiction désignée par l'article D. 442-3 précité, doit, si son incompétence est soulevée, selon les circonstances et l'interdépendance des demandes, soit se déclarer incompétente au profit de la juridiction désignée par ce texte et surseoir à statuer dans l'attente que cette juridiction spécialisée ait statué sur la demande, soit renvoyer l'affaire pour le tout devant cette juridiction spécialisée.
2. Régime
Les fins de non-recevoir peuvent être invoquées :
- En tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement.Rq.Incidence du pouvoir de statuer sur les fins de non-recevoir désormais dévolu devant le tribunal judiciaire au juge de la mise en état par l'art. 789 du CPC. Les parties ne sont en effet plus recevables à soulever de fins de non-recevoir au cours de la même instance, à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du JME.
Ex.Par suite, il n'est pas possible d'opposer l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui en cas d'invocation, pour la première fois en appel, d'un défaut de qualité pour agir (Cass. Civ. 2ème, 14 nov. 2013, D. 2014 571 §9).
- Sans avoir à justifier d'un texte, ni d'un grief.
Leur invocation tardive à des fins dilatoires peut cependant justifier une condamnation à des dommages-intérêts (article 123 du CPC - Cass. Civ. 2ème, 14 nov. 2013, Proc. 2014 n° 1 obs. R. Perrot).
Bibliographie : E. Vajou, « Fins de non-recevoir, De la première instance à l'appel... en passant par les voies de recours – Quand et comment les soulever ? », Proc. 2021 Fasc. 4 Pratique n° 4.
Le juge a l'obligation de relever d'office les fins de non-recevoir d'ordre public, à condition de respecter le contradictoire (l'obligation implique néanmoins que le plaideur ait invoqué les faits propres à caractériser la fin de non-recevoir d'ordre public : Cass. Civ. 1ère, 18 sept. 08, Proc. 08 n° 324 - N. Monachon Duchêne, « L'ordre public au risque de l'impartialité », JCP G 2015 Fasc. 28 n° 819).
Cass. Civ. 2ème, 17 mai 2023, JCP 2023 Fasc. 22 act. 662 : art. 553 du CPC, obs. D. Cholet : caractère d'ordre public de la fin de non-recevoir tirée de l'absence de créanciers inscrits parmi les intimés en matière de saisie immobilière.
Dans ce cadre, le juge doit soulever d'office la fin de non recevoir tirée du non-respect du délai des voies de recours ou de l'absence de voie de recours.
Il peut aussi, mais cette fois il s'agit d'une simple faculté, relever la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir (risque de dilatoire - Cass. Civ. 2ème, 6 juin 2019, Fasc. 8 n° 224 note H. Croze) et, depuis le décret du 20/8/04, du défaut de qualité ou de la chose jugée (Cass. Civ. 2ème, 15 sept. 05, Proc. 05 n° 248, RTD civ. 05 824).
Devant le tribunal judiciaire, comme indiqué précédemment, le juge peut relever d'office le non-respect de l'obligation de tentative de règlement amiable du litige, lorsqu'elle est imposée et que les parties ne peuvent justifier d'un cas de dispense (art. 750-1 du CPC).
Depuis le 1er septembre 2024, aux termes de l'alinéa 3 de l'art. 125 du CPC, lorsqu'une fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir dans le même jugement, mais par des dispositions distinctes. Sa décision a l'autorité de la chose jugée relativement à la question de fond et à la fin de non-recevoir.
Les fins de non-recevoir peuvent donner lieu à régularisation si celle-ci intervient avant que le juge ne statue (sur la controverse pour savoir s'il s'agit de la clôture des débats ou de l'instruction, voir RTD civ. 98 740 obs. R. Perrot ou, en cas de défaut de qualité, d'acquisition de celle-ci avant qu'il n'y ait forclusion). Il est logique qu'aucune régularisation ne soit envisageable quand un délai est en cause. En outre, selon l'art. 126 du CPC, la régularisation est encore possible en appel (Cass. Civ. 2ème, 9 juin 06, RTD civ. 05 632 : régularisation du défaut de qualité et incidences sur la prescription ; Cass. Civ. 2ème, 12 juin 08, Proc. 08 n° 260).
Le juge doit logiquement examiner les fins de non-recevoir en premier, avant les exceptions de procédure et les défenses au fond. Cela expliquait selon J. Héron, l'existence de fins de non-recevoir par détermination de la loi pour des interdits relevant plus du droit substantiel (parallèle avec la défense au fond) que de la procédure.