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Section 1. L'aménagement des principes de compétence
-
Prorogation légale ou judiciaire de compétence :
Une juridiction saisie d'une demande initiale relevant de sa compétence bénéficie en général d'une extension de compétence lui permettant d'examiner une demande incidente ou un moyen de défense relevant de la compétence d'une autre juridiction. On parle dans ce cas de prorogation légale de compétence.
Il y a également extension de compétence lorsqu'un juge renvoie un litige à une juridictionpas nécessairement compétente pour en connaître (renvoi après cassation, renvoi pour cause de suspicion légitime, litispendance et connexité) : il s'agit ici d'une prorogation judiciaire de compétence, mais dans un cas autorisé par la loi.
-
Prorogation conventionnelle ou volontaire de compétence :
Ces qualifications mettent en cause la possibilité pour les plaideurs de soumettre un litige à un autre juge que celui prévu par les textes. La prorogation est qualifiée de conventionnelle lorsqu'elle résulte d'un accord exprès des parties. Elle est dite volontaire en cas d'acceptation tacite des parties, la compétence n'étant pas contestée.
§ 1. L'extension des pouvoirs du juge : la prorogation légale de compétence
A. Moyens de défense
1. Principe
Le principe est que « le juge de l'action est juge de l'exception » (art. 49 du CPC).
Le juge compétent pour examiner une demande l'est aussi pour connaître des « exceptions » au sens large opposées à celle-ci.
Ce pouvoir attractif de la demande permet d'éviter les lenteurs et les contrariétés de décisions. La règle s'applique à toutes les défenses procédurales et aux défenses au fond relevant du droit substantiel afin d'éviter un morcellement du procès. Elle vaut même en cas de nécessité d'interprétation préalable d'un contrat.
L'article 49 du CPC joue aussi bien pour la compétence d'attribution que la compétence territoriale, et qu'il s'agisse d'une juridiction de droit commun ou spécialisée.
En savoir plus
Cass. Soc., 8 févr. 2012, Proc. 2012, Fasc. 4, n° 105, obs. R. Perrot : Le tribunal d'instance, juge de l'action, étant compétent en dernier ressort pour apprécier si le demandeur remplissait les conditions nécessaires pour être électeur, l'était également pour déterminer, par voie d'exception, l'existence à cette date du contrat de travail de l'intéressé - Cass Civ. 1ère, 20 mars 2013, JCP G 2013, actu. 366, obs. G. Deharo et Fasc. 47, n° 1225, obs. Y.-M. Serinet.
2. Limites
L'article 49 du CPC ne s'applique pas lorsqu'est en cause la compétence exclusive d'une autre juridiction.
Cette hypothèse correspond à l'existence d'une question préjudicielle (art. 49 du CPC) : le juge saisi doit renvoyer cette question préjudicielle à l'examen de la juridiction compétente pour la trancher, surseoir à statuer en attendant la réponse, puis intégrer celle-ci, sans pouvoir d'appréciation, dans sa propre décision.
Il existe des questions préjudicielles générales, mettant en cause la compétence d'un autre ordre de juridiction et des questions préjudicielles spéciales, internes à un ordre donné, soit dans notre cas l'ordre judiciaire.
a) Questions préjudicielles générales
- Question préjudicielle administrative : elle met en cause la séparation des pouvoirs.
Jusqu'en 2015 elle se posait uniquement lorsqu'était nécessaire l'interprétation d'actes administratifs individuels ou l'appréciation générale de la légalité d'actes administratifs. La jurisprudence a imposé que l'exception présente un caractère sérieux et que la question soit indispensable à la solution du litige civil.
Rq.Le Tribunal des conflits a toutefois décidé que lorsqu’est en cause une norme européenne, afin de respecter le délai raisonnable des procédures et le principe de primauté et d’effectivité du droit de l’Union, le juge judiciaire peut poser directement une question préjudicielle à la CJUE ou appliquer l'acte s'il s'estime en état de le faire alors même qu'un acte administratif serait incidemment en cause (T. conflits, 17 oct. 2011, n° 3828 et n° 3808 : JCP G 2011 act 62, obs. J.-G. Sorbara ; JCP G 2011 F. 51 n° 1423, note B. Plessix ; AJDA 2011, p. 2041, obs. R. Grand : compétence incidente par voie d’exception, D. 2011 3046 note F. Donnat).
Le décret du 27 fév. 2015, pris pour l'application de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative au Tribunal des conflits, a institué par ailleurs une procédure de questions préjudicielles entre les deux ordres (S. Hutier, « Vers un renouveau des questions préjudicielles », Proc. 2015 Fasc. 9 alerte 34). Est visée l'hypothèse où la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse relevant de la compétence de l'autre ordre (art. 49 du CPC et art. R. 771-2 du CJA - Voir infra section 2§3C). Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er avril 2015.
- Question préjudicielle pénale : cette question préjudicielle intervient dans les cas où l'action publique n'a pas été engagée mais pourrait l'être sur le fondement des faits invoqués. En pratique, avant 2007, le sursis à statuer des juridictions civiles était moins lié à cette question préjudicielle qu'à la règle « le criminel tient le civil en l'état » qui imposait auparavant un sursis à statuer, afin d'éviter une contrariété de décisions quand l'action publique était engagée. Désormais il n'y a plus obligation, mais simple faculté de surseoir, laissée à l'appréciation du juge civil.
Rq.Instance civile et incident criminel.
L'ancien article 4 du CPP obligeait le juge à surseoir à statuer en vertu de la règle « le criminel tient le civil en l'état ». La loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 a modifié cet article qui dispose désormais : « La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil ».
Toute la jurisprudence antérieure en la matière a été remise en question et les juridictions civiles disposent désormais du pouvoir d'apprécier s'il est opportun ou non de surseoir à statuer dans le cadre du litige civil qui leur est soumis (Cass. Com., 24/06/08, Proc. 08 n° 230). La cour de cassation a précisé que la règle ne s'applique pas devant le juge des référés (Cass. Civ. 3ème, 07/01/09, D. 09 567, Proc. 09 n° 76, RT 09 168 n° 5) et n'inclut pas une ordonnance de validation d'une composition pénale (Cass. Soc., 13/01/09, JCP G O0 actu n° 65, D. 09 709).
NB : Dans un autre registre, s'agissant de la règle de l'autorité au civil de la chose jugée au pénal, la Chambre mixte de la Cour de cassation a indiqué que cette autorité absolue et erga omnes se limite aux décisions statuant au fond sur l'action publique (Cass. Mixte, 10 oct. 2008, JCP G 08 II 10199).
L'ancien article 4 du CPP obligeait le juge à surseoir à statuer en vertu de la règle « le criminel tient le civil en l'état ». La loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 a modifié cet article qui dispose désormais : « La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil ».
Toute la jurisprudence antérieure en la matière a été remise en question et les juridictions civiles disposent désormais du pouvoir d'apprécier s'il est opportun ou non de surseoir à statuer dans le cadre du litige civil qui leur est soumis (Cass. Com., 24/06/08, Proc. 08 n° 230). La cour de cassation a précisé que la règle ne s'applique pas devant le juge des référés (Cass. Civ. 3ème, 07/01/09, D. 09 567, Proc. 09 n° 76, RT 09 168 n° 5) et n'inclut pas une ordonnance de validation d'une composition pénale (Cass. Soc., 13/01/09, JCP G O0 actu n° 65, D. 09 709).
NB : Dans un autre registre, s'agissant de la règle de l'autorité au civil de la chose jugée au pénal, la Chambre mixte de la Cour de cassation a indiqué que cette autorité absolue et erga omnes se limite aux décisions statuant au fond sur l'action publique (Cass. Mixte, 10 oct. 2008, JCP G 08 II 10199).
- Questions préjudicielles communautaires : la Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer à titre préjudiciel sur l'interprétation du droit de l'Union européenne et sur la validité des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union. Suite à l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, cette compétence générale lui est conférée par les articles 19 § 3 du traité sur l'Union européenne (TUE) et 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Par ailleurs, aux termes de l'article 256 § 3 du TFUE, le Tribunal serait compétent pour connaître des questions préjudicielles soumises au titre de l'article 267 dans des matières spécifiques déterminées par le statut, mais celui-ci n'ayant pas été modifié en ce sens, la CJUE reste à ce jour seule compétente pour statuer à titre préjudiciel.
Après une première note informative en 2009, la CJUE a diffusé de nouvelles recommandations à l'intention des juridictions nationales en matière de renvois préjudiciels (JOUE n° C 338, 6 nov. 2012, p. 1, Proc. 2013 Fasc. 3 n° 74 obs. C. Nourrissat). Le renvoi ne peut émaner que d'une juridiction. Il peut avoir lieu d'office mais n'est obligatoire que si la décision n'est pas susceptible de recours interne, pourvoi inclus. A des fins d'efficacité, l'interprétation donnée par la CJUE s'impose dans tous les Etats membres. De même, pour éviter les recours à répétition, son encombrement, et les procédures dilatoires, la CJUE a assortit sa saisine de plusieurs conditions : il est nécessaire que la disposition soumise à interprétation ne soit pas claire et précise, notamment au regard de l'interprétation acquise du droit communautaire, et qu'elle n'ait pas déjà été interprétée par la CJUE. Il n'y a pas non plus lieu à saisine lorsque la réponse n'aurait en toute hypothèse aucune influence sur la solution du litige. Enfin, pour être recevable la question préjudicielle doit apparaître pertinente, c'est-à-dire suffisamment précise d'un point de vue factuel et juridique, pour permettre une interprétation utile du droit communautaire (CJCE, 26/01/93 et 19/03/93, D. 93 464 note crit Fourgoux, Bergerès D. 93 chr. 245 - CJCE, 21/01/03, Proc. 03 n° 66).
Voir aussi CJUE, Instr. 10 déc. 2019 : instructions pratiques relatives aux affaires portées devant la CJUE.
Ex.
- En vertu de l'art. 74 du CPC, la demande de sursis dans l'attente de la décision de la juridiction administrative doit, à peine d'irrecevabilité être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.En revanche, la demande de saisine de la Cour de Justice tendant au renvoi de l'affaire pour interprétation des textes communautaires en vertu de l'article 234 du traité instituant la Communauté européenne (TCE), peut être présentée en tout état de cause et même à titre subsidiaire (Cass. Civ. 2ème, 18 déc. 2008, JCP G 09 II 10048, Proc. 09 n° 75, D. 09 761).
- Absence de contrôle par la Cour EDH du refus de renvoi préjudiciel devant la CJUE de la part des juridictions suprêmes nationales : Cour EDH, 20 sept. 2011, Ullens de Schooten et Rezabek c/ Belgique, JCP G 2011 Fasc. 49 n° 1369, note L. Milano. En revanche, dans un arrêt du 8 avril 2014 la cour EDH a rappelé que l'article 6, paragraphe 1, met à la charge des juridictions internes une obligation de motiver au regard du droit applicable les décisions par lesquelles elles refusent de poser une question préjudicielle (Cour EDH, 2ème sect., 8 avr. 2014, Proc. 2014 Fasc. 6 n° 174 obs. N. Fricero).
Dans le cadre spécifique de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union (TFUE), cela signifie que les juridictions nationales doivent indiquer les raisons pour lesquelles elles considèrent que la question n'est pas pertinente, ou que la disposition de droit de l'Union européenne en cause a déjà fait l'objet d'une interprétation de la part de la CJUE, ou encore que l'application correcte du droit de l'Union européenne s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable. Dans le même sens, Cour EDH, 13 fév. 2020, JCP G 2020 Fasc. 13 n° 394 note D. Segoin et V. Steinberg, la Cour de cassation rappelée à l'ordre par la Cour EDH.
- CJUE, 4 oct. 2018, D. 2019 240 : sanction d'un refus de renvoi d'une question préjudicielle par le Conseil d'Etat.
Rq.La question préjudicielle diplomatique :
Cette question préjudicielle n'existe plus en droit judiciaire privé.
Auparavant l'interprétation des traités, problème de droit international public, était considérée comme relevant de la compétence du Ministre des affaires étrangères. Le Conseil d'Etat s'était néanmoins reconnu, à certaines conditions, le pouvoir d'interpréter les traités (CE, 29 juin 90 Gisti, D. 90 560 Sabourin Lebon p. 171). La Cour de cassation l'avait suivi dans cette voie, s'estimant compétente sans réserve (Cass. Civ. 1ère, 19/1/95, Rev. crit. DIP 96 469). Cette question préjudicielle avait par ailleurs été jugée attentatoire à l'art. 6§1 de la Convention EDH, notamment en ce qu'elle obligeait le juge à suivre l'avis ministériel (Cour EDH, 13 fév. 03, Chevrol/France, D. 03 931, JCP G 03 I 160 n° 4 obs. Sudre ; Cour EDH, 24 nov. 94, Beaumartin/France, JCP G 95 I 3823 n° 25, note Sudre).
Cette question préjudicielle n'existe plus en droit judiciaire privé.
Auparavant l'interprétation des traités, problème de droit international public, était considérée comme relevant de la compétence du Ministre des affaires étrangères. Le Conseil d'Etat s'était néanmoins reconnu, à certaines conditions, le pouvoir d'interpréter les traités (CE, 29 juin 90 Gisti, D. 90 560 Sabourin Lebon p. 171). La Cour de cassation l'avait suivi dans cette voie, s'estimant compétente sans réserve (Cass. Civ. 1ère, 19/1/95, Rev. crit. DIP 96 469). Cette question préjudicielle avait par ailleurs été jugée attentatoire à l'art. 6§1 de la Convention EDH, notamment en ce qu'elle obligeait le juge à suivre l'avis ministériel (Cour EDH, 13 fév. 03, Chevrol/France, D. 03 931, JCP G 03 I 160 n° 4 obs. Sudre ; Cour EDH, 24 nov. 94, Beaumartin/France, JCP G 95 I 3823 n° 25, note Sudre).
b) Questions préjudicielles spéciales
Ex.
- Les Tribunaux judiciaires, comme autrefois les TGI, ont par exemple compétence exclusive en matière d'état des personnes, de propriété immobilière, de nationalité... (voir leçon 4 et art. R. 211-3-26 du COJ).
- Le tribunal de commerce a compétence exclusive pour les procédures collectives des commerçants et des artisans relevant de la loi Sauvegarde des Entreprises du 26 juillet 2005 (décret n° 2005-1756 du 30 déc. 2005).
- Toutes les questions relevant du Conseil de prud'hommes constituent des compétences exclusives (art. L. 1411-4 du C. trav.).
S'agissant des juridictions spécialisées, les compétences d'ordre public insusceptibles de faire l'objet d'une prorogation conventionnelle (voir infra, n° 2. s.), ne sont pas pour autant des compétences exclusives interdisant une extension de compétence aux questions accessoires. La compétence exclusive est nécessairement d'ordre public, mais toute compétence d'ordre public n'est pas forcément exclusive : l'exclusivité correspond en quelque sorte à un ordre public renforcé.
Rq.G. Casu, « Qu'est-ce qu'une question préjudicielle ? », Proc. 2016 Fasc. 8 étude 8 : l'auteur souligne l'hétérogénéité de régime mais opère une distinction entre questions préjudicielles historiques, dont la finalité est d'assurer le respect des règles de compétence exclusive, et questions préjudicielles visant à assurer l'unité du droit et de son interprétation.
Sy.
Typologie des questions préjudicielles
Questions préjudicielles générales
|
Questions préjudicielles spéciales
|
---|---|
Compétence d'un autre "ordre" de juridiction :
| Compétence, d'attribution ou territoriale, exclusive d'une autre juridiction civile. |
B. Incidents d'instance
Les incidents d'instance sont des contestations annexes survenant au cours du procès : mise en cause de la responsabilité d'un auxiliaire de justice, contestation de la validité d'un écrit....
Toutes les juridictions sont en principe habilitées à les trancher (art. 50 du CPC) sauf compétence exclusive (ex. : Tribunal judiciaire en matière d'inscription de faux contre un acte authentique).
C. Demandes incidentes ou connexes
Sont ici visées les demandes reconventionnelles, additionnelles et en intervention (voir leçon 8).
Ces demandes présentent des liens plus ténus avec la demande initiale et conduisent souvent à un élargissement du débat.
Si des liens de connexité ou d'indivisibilité peuvent justifier une extension de compétence, il existe cependant des limites infranchissables et des cas où l'extension n'est pas permise :
- La compétence administrative.
- Devant le tribunal judiciaire, l'extension de compétence n'est admise par l'art. 51 du CPC que sous réserve de l'absence de compétence exclusive d'une autre juridiction (selon L. Cadiet et E. Jeuland, La règle vise aussi bien la compétence exclusive matérielle que territoriale : L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, Litec).Rq.NB : s'agissant du règlement administratif des questions de compétence « internes » au tribunal judiciaire, mis en place par l'art. 82-1 du CPC, voir section 2 §1, infra.
- Sauf dispositions particulières, la compétence des juridictions spécialisées se limite en principe à la connaissance des demandes incidentes entrant dans leur compétence d'attribution (art. 51 alinéa 2 du CPC).
En savoir plus
L'extension de compétence, s'agissant du Tribunal d'instance était auparavant admise au-delà du taux de compétence de 10000 euros.
- L'art. R. 221-40 du COJ, permettait au TI de statuer sur toutes les demandes incidentes, exceptions ou moyens de défense, qui ne soulevaient pas une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction, alors même qu'ils exigeaient l'interprétation d'un contrat. Il se prononçait à charge d'appel si l'exception ou le moyen de défense impliquait l'examen d'une question de nature immobilière pétitoire.
- En application de l'article 38 du CPC, le juge d'instance pouvait statuer sur une demande reconventionnelle en DI fondée sur la demande principale, quelle qu'en soit la valeur. Si une demande reconventionnelle soulevait un problème de taux de compétence et qu'une exception d'incompétence était soulevée, le juge avait le choix entre statuer sur la demande initiale et renvoyer pour le reste, ou renvoyer pour le tout (en ce qui concerne les recours ouverts, voir l'article 39 du CPC).
L'extension ne soulève en revanche aucune difficulté si la dérogation est seulement d'ordre territorial.
Sy.
La prorogation légale de compétence
La prorogation légale de compétence
Moyens de défense
|
Incidents d'instance
|
Demandes incidentes
|
|
Nature
| Défenses au fond Fins de non-recevoir Exceptions de procédure. | Contestations annexes. | Demandes reconventionnelles, additionnelles ou en intervention. |
Régime
| « Le juge de l'action est juge de l'exception. » | Juridiction saisie du principal en principe habilitée à les trancher. | Possibilité d'extension de compétence de la juridiction saisie. |
Limites
| Compétence exclusive d'une autre juridiction -> question préjudicielle. |
|
§ 2. Les pouvoirs des parties : prorogation conventionnelle ou volontaire de compétence
Les parties ne peuvent déroger à une compétence d'ordre public, ce qui n'empêche pas qu'une telle question soit examinée à titre accessoire par une autre juridiction. Une compétence d'ordre public n'est pas nécessairement exclusive, alors qu'une compétence exclusive est toujours d'ordre public. Le juge peut relever d'office le non-respect des règles de compétence d'ordre public.
A. La prorogation de la compétence d'attribution
Pour le reste, le code contient peu de dispositions traitant de la question. La doctrine considère qu'une prorogation est a priori exclue (J. Héron, Droit judiciaire privé, Montchrestien, 1991, n° 845 s.). Nous allons essayer de vérifier ce postulat en distinguant selon que la juridiction saisie présente une différence de nature ou de degré avec les prévisions légales.
L'art. 41 al. 1 du CPC prévoit qu'une fois le litige né les parties peuvent toujours convenir que le différend sera jugé par une juridiction, bien que celle-ci soit incompétente à raison du montant de la demande. Ce texte était auparavant susceptible de s'appliquer à la répartition des affaires civiles, personnelles ou mobilières, entre le TGI et le TI (et jusqu'au 30 juin 2017 au juge de proximité). Depuis la création du tribunal judiciaire, on peut se demander s'il conserve une quelconque portée, sauf à ce qu'il soit applicable en interne, au sein même du tribunal judiciaire, ce dont il est permis de douter. Pour mémoire, au sein du tribunal judiciaire, la valeur des affaires a une incidence sur :
- la compétence des Tribunaux de proximité, qui connaissent des actions personnelles ou mobilières jusqu'à 10 000 euros et des demandes indéterminées ayant pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 10 000 euros, en matière civile ;
- la représentation (art. 761 3° du CPC) ;
- la procédure applicable (art. 817 du CPC).
- le traitement par un juge unique des actions patrimoniales, en matière civile et commerciale, jusqu'à la valeur de 10.000 euros et des demandes indéterminées ayant pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 10 000 euros (art. R 212-8 12° COJ).
Dans le premier cas, la compétence des tribunaux de proximité est une compétence exclusive, ce qui constitue en principe un obstacle à des dispositions issues de la volonté des parties, comme indiqué précédemment, sauf à considérer que l'obstacle serait ici levé par l'article 41 du CPC.
Dans les autres cas, il s'agit de règles de procédure, non de compétence d'attribution, et certaines des règles visées semblent présenter un caractère impératif.
Les difficultés éventuelles pourront le cas échéant relever du dispositif spécifique de règlement des questions de compétence internes au tribunal judiciaire mis en place par l'art. 82-1 du CPC (voir infra section 2 §1).
1. Différence de nature
- S'il y a saisine du tribunal judiciaire au lieu d'une juridiction spécialisée, l'incompétence sera seulement relative, comme auparavant pour le TGI. L'incompétence ne sera absolue qu'en cas de compétence exclusive d'une autre juridiction.... ce qui est souvent le cas en pratique.
- Entre juridictions spécialisées, toute saisine erronée donne lieu à une incompétence absolue. La règle joue même au sein du Conseil de Prud'hommes entre ses différentes sections.
Rq.Par ailleurs, une clause attributive de compétence au tribunal de commerce, contenue dans un acte mixte, est inopposable au défendeur non-commerçant (Cass. Com., 10/6/97, JCP G 97 I 4064 n° 9 ; D. 98 2, Proc. 97 n° 270).
Le relevé de l'incompétence par le juge demeure toutefois facultatif, du fait de l'art. 76 du CPC, l'exception ayant un caractère d'ordre privé.
Le relevé de l'incompétence par le juge demeure toutefois facultatif, du fait de l'art. 76 du CPC, l'exception ayant un caractère d'ordre privé.
Sy.
2. Différence de degré
Illustrations en matière d'appel :
- Il est obligatoire d'aller au premier degré avant de saisir la Cour d'appel.
- L'appel sera irrecevable lorsque la voie en est fermée, si la loi refuse d'accorder deux degrés (voir notamment l'art. 125 du CPC).
- Enfin, il n'existe pas trois degrés de juridiction.
Le principe du double degré de juridiction connaît toutefois des limites :
- pour les droits dont elles ont la libre disposition, les parties peuvent renoncer à l'appel, la renonciation ne pouvant néanmoins intervenir avant la naissance du litige (art. 41 al. 2 et 557 du CPC).
- Par ailleurs, en cas d'appel, l'incompétence de la Cour d'appel à l'égard des demandes nouvelles est relative puisque certaines d'entre elles sont autorisées par les articles 563 et suivants. du CPC. Les possibilités ont toutefois été réduites par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017. En dehors des hypothèses autorisées, de telles demandes encourent l'irrecevabilité d'office depuis le 1er janvier 2011.
B. Prorogation de la compétence territoriale
1. Dérogations admises en droit interne
-
Conditions de licéité des clauses dérogatoires aux règles de compétence territoriale
La clause doit avoir été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant.
De telles clauses ne sont pas valables en matière d'actes mixtes (l'exception d'illicéité résultant de l'art. 48 du CPC ne s'étend cependant pas à la compétence d'attribution), ni à l'occasion d'un acte de commerce isolé passé par un non-commerçant (ex : caution donnée par un dirigeant de société). Elles ne le seront pas non plus si le commerçant n'y a pas souscrit dans le cadre de son activité commerciale.
Ex.L'homologation par arrêté ministériel des statuts d'un organisme social ne permet pas de valider une clause contraire à l'art. 48 du CPC (Cass. Civ. 2ème, 26/06/03, Proc. 03 n° 214 ; Cass. Civ. 1ère, 06/02/07, Proc. 07 n° 77).
-
Conditions d'opposabilité des clauses dérogatoires aux règles de compétence territoriale
Les clauses doivent être spécifiées de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elles sont opposées.
Si un bon de commande est assimilé à un engagement, tel n'est pas le cas d'un bon de livraison. Se pose aussi parfois la question des conditions générales de vente non acceptées expressément. Les critères de connaissance et d'acceptation sont appréciés selon les circonstances par la jurisprudence. Celle-ci s'est parfois montrée plus indulgente lorsque des parties entretenaient des relations d'affaires suivies (Aix, 22/01/92, D. 93 26 Beignier). En revanche, une clause écrite en caractères minuscules et noyée au milieu d'autres dispositions au verso d'un document risque fort d'être déclarée inopposable en cas de contestation.
Sy.
Ex.
- Cass. Civ. 2ème, 19 nov. 08, Proc. 09 n° 77 : clause inopposable au demandeur en matière de référés.
CA de Pau, 23 mars 2012, D. 2012 p. 1061 obs. C. Manara : la clause par laquelle la société Facebook attribue compétence à une juridiction des Etats-Unis doit être réputée non écrite. - Cass. Civ. 2ème, 7 juin 2012, Proc. 2012 Fasc. 8-9 n° 241 : cas de typographie peu lisible.
Si la clause dérogatoire produit des effets à l'égard des ayants droit des cocontractants, elle ne peut être invoquée en cas de pluralité de défendeurs, même s'il y a indivisibilité du litige, ni par un tiers appelé en intervention (art. 333 du CPC). La partie au bénéfice de laquelle la clause a été conclue peut toujours y renoncer. - Cass. Com., 5 juillet 2017, n° 15-21894 : une clause attributive de compétence, en raison de son autonomie par rapport à la convention principale dans laquelle elle s'insère, n'est pas affectée par l'inefficacité de cet acte.
2. Dérogations admises en droit international
- Les clauses dérogeant aux règles de compétence territoriale sont admises en droit international, sous réserve de ne pas attenter à l'ordre public international.
Rq.L'ordre public international est une notion « nationale », qui correspond dans un Etat donné aux règles considérées comme fondamentales.
Par ailleurs, les clauses dérogatoires ne doivent pas faire échec à une compétence territoriale impérative du juge français (Cass. Civ. 1ère, 17 déc. 1985). Un arrêt de la Cour de cassation du 22 octobre 2008 a toutefois considéré une clause attributive de juridiction licite, alors même qu'une loi de police aurait été applicable au fond si le juge français avait été saisi (Cass. Civ. 1ère, 22 oct. 08 JCP G 08 actu n° 645 et II 10187 note d'Avout, D. 09 200 obs. F. Jault-Seseke ; A. Huet, « Clause attributive de juridiction à un tribunal étranger et loi française de police et de sûreté », D. 09 chr. 684).
La clause attributive de compétence a par ailleurs vu son autonomie reconnue par rapport à la convention principale dans laquelle elle s'insère, avec pour conséquence de ne pas être affectée par l'inefficacité de celle-ci (Cass. Civ. 1ère, 8 juill. 2010, Proc. 2010 Fasc. 10 n° 336, obs. R. Perrot, D. 2010 1869 obs. X. Delpech et p. 2333 obs. L. d'Avout).
Ex.Les clauses attributives de juridiction en matière internationale sont opposables aux tiers à deux conditions : que le tiers ait eu connaissance de la conclusion de la clause et qu'il ait accepté de la voir s'appliquer à lui (Cass. Com., 4 mars 2014, JCP G 2014 Fasc. 19 n° 559, obs. M. Attal).
- L'article 23 du , relatif à la compétence et à l'exécution des décisions de justice au sein de l'Union Européenne, autorise les clauses dérogatoires et apparaît plus libéral que le droit interne, à la fois quant à son domaine d'application et quant au formalisme exigé.
Les clauses dérogatoires sont par exemple autorisées en droit du travail ou entre particuliers (Cass. Civ. 1ère, 23/01/08, JCP G 08 II 10092). En revanche une clause attributive de compétence incluse dans un contrat de travail international ne peut faire échec aux dispositions impératives de l'article R. 1411-4 du C. trav., s'agissant d'une activité exercée à Paris dans une ambassade étrangère (Cass. Soc., 29 sept. 2010, Proc. 2010 n° 397).
Ex.CJUE, 3ème ch., 21 mai 2015, Proc. 2015 Fasc. 7 n° 224 obs. C. Nourrissat : dans un contrat « B to B », l'acceptation par « clic » des CGV en ligne vaut pour la clause attributive de juridiction qu'elles contiennent.