Commentaire
L’article 55 de la Constitution dispose : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. ». En conséquence, le juge peut refuser de faire application d’une norme interne contraire à un Traité, un Règlement ou une Directive communautaire. Cette solution a été donnée par la Cour de cassation dans son arrêt Jacques Vabre (Ch. Mixte, 24 mai 1975 – « […]mais attendu que le traité du 25 mars 1957, qui, en vertu de l'article susvisé de la Constitution, a une autorité supérieure à celle des lois, institue un ordre juridique propre intégré à celui des Etats membres; qu'en raison de cette spécificité, l'ordre juridique qu'il a créé est directement applicable aux ressortissants de ces Etats et s'impose à leurs juridictions; que, dès lors, c'est à bon droit, et sans excéder ses pouvoirs, que la Cour d'appel a décidé que l'article 95 du Traité devait être appliqué en l'espèce, à l'exclusion de l'article 265 du code des douanes, bien que ce dernier texte fut postérieur […] », et par le Conseil d’Etat dans son arrêt Nicolo du 20 octobre 1989.
Le juge ne peut rendre des décisions ayant une portée générale. Cela constituerait alors un arrêt de règlement, interdit par l’article 5 du Code civil qui dispose : « Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ».Dans la mesure où le juge Rousseau rend ses décisions au motif que les législations concernées sont inconventionnelles, il ne semble pas raisonner au cas par cas, mais de façon générale. Une telle décision pourra donc être en pratique sanctionnée comme arrêt de règlement.
S’il ne peut refuser de l’appliquer, le juge doit cependant interpréter la loi, et ne peut refuser de statuer même lorsqu’elle n’offre pas de solution au cas qui se pose à lui. En effet le juge a l’obligation de statuer. Le refus de rendre une décision constitue un déni de justice, prévu comme tel par l’article 4 du Code civil : « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ». En l’espèce, le juge Rousseau rend des décisions et, quelle qu’en soit la solution, on ne peut retenir à son encontre un déni de justice.
La séparation des pouvoirs telle que prévue par la Constitution implique l’indépendance de l’autorité judiciaire (article 64 alinéa 1 de la Constitution : « Le Président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire. »).De ce fait, le juge ne doit pas, par ses décisions, empiéter sur le pouvoir exécutif. Ainsi, les décisions prises ne doivent pas être guidées par un motif politique. Cela constituerait en effet un excès de pouvoir.Par suite, dans l’hypothèse où les décisions du juge Rousseau serait guidées avant tout par un esprit partisan et pro-européen, et non par la stricte contrariété de la loi aux textes communautaires, cela pourrait être considéré comme une décision politique source d’excès de pouvoir.