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La juridiction : l'organisation judiciaire (principes généraux de fonctionnement et d'organisation)
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Après une présentation de l'organisation judiciaire et des règles de compétence gouvernant l'intervention des juridictions, cette première partie du cours traitera des actes du juge et de la spécificité de la fonction juridictionnelle.

L'organisation et le fonctionnement des institutions judiciaires doivent répondre à un certain nombre de conditions et de principes généraux. Nous commencerons par passer ces principes en revue, puis présenterons les différentes juridictions appelées à statuer en matière civile. Enfin, les professions qui contribuent au fonctionnement de la Justice civile seront étudiées dans la leçon 3.

Ex.CJUE, Gde ch., 5 juin 2023, aff. C-204/21, Commission UE/ Pologne, JCP 2023 Fasc. 28, act. 881, note N. de Sadeleer : la Cour de justice de l'UE condamne la Pologne pour avoir violé les exigences juridictionnelles découlant de l'Etat de droit - l'indépendance et l'impartialité des juridictions nationales -, lesquelles s'opposent au détournement à des fins politiques d'un régime disciplinaire.



Section 1. Les impératifs généraux régissant l'organisation judiciaire civile

Tout d'abord, le fonctionnement des institutions judiciaires doit respecter les principes issus de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme (§1). Ces exigences ont parfois eu des conséquences ponctuelles sur l’organisation de notre justice civile, laquelle est par ailleurs régie par des principes traditionnels, globalement convergents avec ceux issus de la Convention EDH (§ 2).


Le droit au procès équitable, consacré par la convention, comporte trois volets, dégagés de l'article 6§1 par la Cour EDH :
  • Le droit d'accès à un tribunal.
  • Diverses garanties d'ordre procédural du droit à « un bon juge et une bonne justice », et notamment le droit à un « procès équitable, public, dans un délai raisonnable, devant un tribunal indépendant et impartial établi par la loi ».
  • Le droit à l'exécution des décisions de justice.
La portée de l'exigence européenne de procès équitable est d'autant plus importante que presque tous les contentieux sont visés. En effet, le champ d'application de l'article 6 de la convention EDH, en ce qu'il concerne la matière civile (contestation sur un droit ou une obligation de caractère civil) et la matière pénale (bien-fondé d'une accusation en matière pénale) fait l'objet d'interprétations autonomes, dépassant les frontières traditionnelles entre les contentieux internes.
Par ailleurs, toutes les phases de procédure sont concernées, depuis l'introduction de l'instance jusqu'à l'exécution de la décision.

Le droit à l'exécution des décisions de justice a été consacré en 1997 et réaffirmé depuis à maintes reprises (Cour EDH, 19/3/97, Hornsby, JCP G 97 II 22949 - Cour EDH, 1ère sect., 1er juill. 2014, Proc. 2014 Fasc. 8 n° 234 note N. Fricero : en cas de violation de cette obligation, un recours interne effectif doit être mis en place pour réparer le préjudice subi. Lorsque l'inexécution ou l'exécution tardive relève d'un problème structurel, la Cour européenne peut statuer selon la procédure de l'arrêt pilote et donner à l'État un délai d'un an pour se mettre en conformité, en coopération avec le Comité des ministres - Cour EDH, 13 mars 2018, Proc. 2018 Fasc. 5 n° 147 obs. N. Fricero : « Droit à l'exécution d'une décision de justice et responsabilité de la puissance publique »).

Dans la suite des développements, nous allons évoquer successivement le droit d'accès à un tribunal (A), puis le droit à une bonne justice, appréhendé par la Cour EDH au regard tant de la composition et de l'organisation du tribunal (B), que des garanties d'ordre procédural mises en place au niveau du déroulement de l'instance (C).
 
Le caractère fondamental du droit d’agir en justice et à un recours juridictionnel a été reconnu par l’arrêt Golder (Cour EDH, 21 fév. 1975, série A n° 18 § 36) et réaffirmé ensuite à de multiples reprises. Non seulement l’art. 6 §1 garantit le droit à un procès équitable dans le cadre d’une instance engagée mais il reconnaît aussi un droit d’accès à toute personne désirant introduire une action dans le champ de la convention. Cela implique le droit de disposer d’un recours approprié devant un tribunal établi par la loi.
Si les conditions de nomination des juges sont susceptibles d'affecter l'exigence de droit à un tribunal établi par la loi (Cour EDH, Gde Chambre, 1er déc. 2020, Guðmundur Andri Ástráðsson, c. Islande, requête n° 26374/18, Proc. 2021 Fasc. 5 n° 135 note N. Fricero), ce tribunal peut ne pas être une juridiction classique intégrée dans l'organisation judiciaire ordinaire de l'Etat concerné. Mais le pouvoir de rendre une décision obligatoire de portée définitive au détriment d'une partie ne peut en revanche émaner d'une autorité non judiciaire (Cour EDH, 19/4/94, GP 28 sept 95 note Pettiti).
Est par ailleurs posée la nécessité préalable que la contestation porte sur un droit reconnu au plan interne, à même de servir de base au droit d’action (Cour EDH, 21 fév. 1986 ; 28 sept. 95, série A 327 § 49 ; 19 oct. 2005, JCP G 2006, I 109 obs. F. Sudre).

L'effectivité du droit d'accès à un tribunal implique que le recours concerné permette un contrôle juridictionnel réel et suffisant, en ce sens que le tribunal doit posséder une compétence de pleine juridiction : il doit pouvoir examiner l'affaire au fond tant en fait qu'en droit (Cour EDH 23 juin 1981, Le compte et autres, série A n° 43 §51).
L'effectivité se mesure aussi à la réalité de la possibilité d'accéder en fait à la justice, en lien avec les éventuels obstacles d'ordre matériel et financier que pourraient rencontrer les justiciables et que l'Etat se doit alors de lever en prenant toutes mesures utiles (Cour EDH, 9 oct. 1979, Airey/Irlande, Série A n° 32). La Cour EDH se montre très protectrice du droit d'accès à un tribunal, même si elle considère qu'il n'est pas absolu. Ses limitations éventuelles ne doivent pas restreindre l'accès à un point tel que le droit en soit atteint dans sa substance même (Cour EDH, 27 juin 1997, Philis/Grèce, série A n° 209 §59). La restriction doit poursuivre un but légitime et il doit y avoir proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Cour EDH, 28 mai 1985, Ashingdane/Roy. Uni, Série A n° 93). Ce droit peut ainsi être différé par l'intervention en première instance d'un organisme administratif ou disciplinaire indépendant, lequel peut ne pas satisfaire à toutes les exigences du procès équitable, à condition qu'il y soit ensuite satisfait devant un organe de contrôle disposant de pouvoirs de pleine juridiction (Cour EDH, Le Compte et autres, 23 juin 1981, série A n° 43 §5). Au vu de la jurisprudence interne récente, Nathalie Fricero confirme qu'en matière de droit d'accès au juge, la Cour de cassation effectue aussi un contrôle in abstracto de proportionnalité, parfois couplé avec une modulation dans le temps et une mise en œuvre différée de sa jurisprudence. Elle y voit une différence avec « le contrôle in concreto mis en œuvre pour les autres droits substantiels garantis par la Convention EDH, où la prise en compte des éléments factuels suscite un fort aléa judiciaire » (N. Fricero, Proc. 2021).

Ex.Jurisprudence
  • Cour EDH, 29 juin 2011, Sabeh El Leil c/ France, JCP G 2011 Fasc. 29 n° 874, veille par K. Grabarczyk, ibid. Fasc. 36 n° 940 obs. F. Sudre, Rev. Proc. 2011 Fasc. 8 n° 266 obs. N. Fricero : la Cour EDH poursuit la remise en cause du caractère absolu de l'immunité juridictionnelle des États, dans la continuité d’un précédent arrêt (Cour EDH, gr. ch., 23 mars 2010, Cudak/Lituanie, JCP G 2010 actu n° 395, obs. C. Picheral ; JCP G 2010 Doctr. 859, n° 9, obs. F. Sudre), en jugeant que l'impossibilité pour un salarié licencié par l'ambassade d’un Etat à Paris de contester son licenciement viole le droit d'accès à un tribunal garanti par l'article 6, § 1, alors que le requérant n'a exercé aucune responsabilité particulière dans le cadre du service diplomatique et n'a pas été engagé pour s'acquitter de fonctions particulières de puissance publique.
  • Cass. Civ. 1ère, 9 avr. 2013, JCP G 2013 Fasc. 25 n° note E. Dreyer : le droit d'accès à un tribunal est affecté lorsque le délai de contestation d'une décision court du jour où la décision est prise non contradictoirement et que n'est pas assurée l'information des personnes admises à la contester. Une telle atteinte peut être dénoncée pour la première fois devant la Cour de cassation.
  • Cour EDH, 26 mars 2015, Proc. 2015 Fasc. 5 n° 159 note N. Fricero, RTD civ. 2016 698 obs. P. Théry : l'arrêt considère que ne constitue pas une entrave substantielle au droit direct d'accès au juge l'obligation imposée par la loi de tenter de trouver une solution amiable, préalablement à toute demande devant une juridiction civile, à peine d'irrecevabilité, si par ailleurs le processus amiable suspend le cours de la prescription et qu'en cas d'échec, les parties disposent d'une possibilité de saisir le juge compétent.
  • Cour EDH, 15 sept. 2015, JCP G 2015 Fasc. 40 n° 1037 : notion d'accès à un tribunal de pleine juridiction dans une matière où l'administration dispose d'un pouvoir discrétionnaire.
  • Cour EDH 15 sept. 2015, Proc. 2015 Fasc. 11 n° 327 obs. N. Fricero : l'accès à un tribunal peut faire l'objet de limitations de nature diverses, y compris financières. Le paiement d'une taxe à peine d'irrecevabilité n'est pas en soi incompatible avec l'art. 6, à condition que les juges motivent leur refus d'exonération de telle sorte que le droit ne se trouve pas atteint dans sa substance même. - Cour EDH, 4ème sect., 14 juin 2016, Buczek c/ Pologne, Proc. 2016 Fasc. 8 n° 261 note N Fricero : L'accès à un tribunal peut faire l'objet de limitations de nature diverse, y compris financière, à condition qu'elles tendent à un but légitime et qu'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. En ce qui concerne les frais ou taxes judiciaires dont un justiciable est redevable, leur montant doit être apprécié à la lumière des circonstances particulières d'une affaire donnée, y compris la solvabilité de l'intéressé.
  • Cass. Civ. 2ème, 4 nov. 2021, D. 2021 2051 : accès au juge, aide juridictionnelle et diligences incombant à la Cour d'appel.
  • Cour EDH, 9 juin 2022 Lukas/France n° 15567/20, JCP 2022. 1345, § 2, obs. L. Mayer ; Gaz. Pal. 26 juill. 2022, p. 34, obs. S. Amrani-Mekki ; Procédures 2022. 202, note N. Fricero ; D. actu. 13 juill. 2022, obs. J. Jourdan-Marques, et 16 juin 2022, obs. C. Bléry, D. 2022 2330 T. Clay, JCP 2022 Fasc. 25 n° 785, GPL 25 oct. 2022 56 note M. Plissonnier : la Cour EDH considère que le fait de se voir imposer une obligation de communication par voie électronique alors que des obstacles pratiques s'y opposaient, s'agissant d'un recours en annulation en matière d'arbitrage, a constitué pour le requérant une charge disproportionnée rompant le juste équilibre entre, d'une part, le souci légitime d'assurer le respect des conditions formelles pour saisir les juridictions et d'autre part le droit d'accès au juge. Elle en conclut que le droit d'accès au juge a été violé. Selon les commentateurs, la Cour invite le juge français à effectuer un contrôle de proportionnalité in concreto alors qu'en matière de formes et de délai la 2e chambre civile ne l'effectue en général qu'in abstracto.


La question du droit à un bon juge postule sans doute une réflexion sur le choix d’une organisation de type collégial ou à juge unique (voir §2, infra) mais la convention pose surtout clairement l’exigence que le tribunal établi par la loi soit indépendant et impartial.
  • Tribunal indépendant : l’indépendance, préalable à l’impartialité, fait référence à l’absence de liens avec d’autres pouvoirs ou avec les parties, et implique pour les juges la possibilité d’exercer leurs fonctions en toute liberté, sans entrave ni pression externe. Pour l’apprécier il faut tenir compte du mode de désignation et de la durée du mandat des juges, et des garanties contre des pressions extérieures et en termes d’indépendance (Cour EDH, Delcourt, 17 janvier 1970 ; Sramek, 22 octobre 1984). Comme nous allons l’examiner plus loin au regard du principe de séparation des pouvoirs (§2), il doit y avoir indépendance à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif, en ce sens que le tribunal ne doit pas recevoir d’injonctions intéressant son activité juridictionnelle et que si tel était le cas, les parties devraient pouvoir disposer d’un recours devant un tribunal.
  • Tribunal impartial : parmi les principes énoncés par l'article 6§1, celui d'impartialité, lié à l’organisation et au fonctionnement interne des juridictions, fait l'objet d'une jurisprudence abondante, à l'origine de plusieurs évolutions textuelles (RTD civ. 00 618 - D. 01 chr. 2427).
    L'impartialité peut tout d'abord s'apprécier de manière subjective, du point de vue du sentiment éprouvé par le juge dans son for intérieur, dans sa conscience intime (Cour EDH, 1er oct. 82, Piersak/Belgique, série A n° 53). Mais le défaut d'impartialité subjective n'est pas nécessairement aisé à établir.

    L'impartialité peut aussi se déterminer de manière objective, en fonction des circonstances dans lesquelles le juge intervient, en lien avec la composition de la juridiction ou le fait qu'il ait déjà connu de l'affaire auparavant, en une autre qualité (impartialité fonctionnelle): c'est le critère de l'apparence, que traduit la formule « Justice must not only be done, it must also be seen to be done » (Cour EDH, 22 oct. 84, Sramek/Belgique, série A n° 84).

    La jurisprudence européenne retient désormais une conception plutôt pragmatique du défaut d’impartialité fonctionnelle : elle a rejeté une application indifférenciée du critère objectif pour dépasser l'approche fondée sur les apparences (Cour EDH, Kleyn/Pays-Bas, 6 mai 2003, P.A. 2004 n° 44 : exercice successif de fonctions consultatives et juridictionnelles par le Conseil d'Etat).

    Ex.Illustrations jurisprudentielles intéressant l'exigence d'impartialité :
    • Sanction du non-respect du principe de séparation des fonctions d’instruction et de jugement en cas de présence du rapporteur lors du délibéré des autorités administratives indépendantes (Ass. Plén., 5/2/99 (COB) : JCP G 99 II 10060, RGP 99 275, RTD civ. 00 625 ; V. Magnier, JCP G 00 I 252). La CA de Paris a statué dans le même sens à propos du Conseil de la concurrence (RGP 99 719), à la différence du Conseil d’Etat (CE Ass., 9 déc 99 : Conseil des marchés financiers ; Conseil National de l’Ordre des médecins ; CNIL, JCP G 99 Fasc. 50 actu.).
    • Dans le même sens, sanction par la Cour EDH de la participation au délibéré du commissaire du gouvernement (devenu rapporteur public) devant le Conseil d’Etat (Cour EDH, 7 juin 2001, Kress/France, D. 01 2619, JCP G 01 II 10578 ; Cour EDH 5/7/05, Loyen/France, JCP G 06 II 10016, dont s’infère l’inconventionnalité de la présence même au délibéré du commissaire du gouvernement) et la Cour des comptes, que cette présence soit active ou passive (Cour EDH, 12/4/06, JCP G 06 I 157 n° 12 et I 164 § n° 5).
    • Conseil constitutionnel (QPC), décision du 8 juill. 2011, JCP G 2011 F. 29 n° 868 : le cumul des fonctions d'instruction et de jugement du juge des enfants est jugé contraire au principe d'impartialité.
    • Cass. Soc., 23 oct. 2013, Proc. 2014 Fasc. 1 n° 13 obs. A. Bugada : en statuant en des termes injurieux et manifestement incompatibles avec l'exigence d'impartialité, une cour d'appel viole l'art. 6§1 de la Convention EDH.
    • Cass. Crim., 13 janv. 2015, (affaire AZF), JCP G 2015 Fasc. 4 n° 50 note M. le Pogam, Fasc. 8 note 121 H. Matsopoulou et n° 122 note J. van Campernolle: le principe d'impartialité est méconnu dès lors que les liens existant entre le juge et certaines parties créent un doute raisonnable, objectivement justifié, quant à l'impartialité de la formation de jugement (impartialité subjective).
    • Cass. Civ. 2ème, 5 janvier 2017, JCP G 2017 Fasc. 4 n° 74 note F. G'sell : une « amitié Facebook » ne signifie pas, par principe, une mise en cause de l'impartialité.
    • Cass. Civ. 2ème, 4 juin 2020, JCP G 2020 Fasc. 24 n° 745 : exercice de fonctions successives.
    • Cass. Civ. 2ème, 25 mars 2021, JCP G 2021 Fasc. 24 n° 638 note V. Orif : impossibilité d'invoquer l'atteinte à l'impartialité d'une juridiction en se fondant seulement sur le fait que plusieurs affaires concernant une même partie sont fixées à une même audience.
    • Cour EDH, 13 juin 2023, n° 22060/20, Proc. 2023 Fasc. 8 n° 241 note N. Fricero : le fait qu'un membre d'une formation collégiale ait figuré auparavant parmi les membres du Parquet dans la même affaire ne constitue pas une raison de redouter un manque d'impartialité de son chef. Toutefois au regard de la nature des mesures prononcées et des prises de position du magistrat le justiciable peut légitimement craindre qu'il n'offre pas assez de garanties d'impartialité.
    • Cass. Civ. 2ème, 28 mars 2024 n° 22-20.599, JCP 2024 Fasc. 18 act 558 note G. Deharo, DA 30 avril 2024 note N. Hoffschir : le défaut d'impartialité du juge des libertés et de la détention ne saurait se déduire du seul fait qu'il a précédemment connu de l'affaire, s'agissant du suivi d'une personne hospitalisée d'office.
    • Cour EDH, 14 déc. 2023 n° 41236/18 : relation professionnelle étroite et rémunérée d'un magistrat avec l'une des parties, au titre d'un contrat d'édition.G. Bolard, L'impartialité du juge, D. 2024, p. 605.

Rq.Actualité : le respect des exigences d'indépendance et d'impartialité constitue le fondement de plusieurs réformes récentes, intéressant tant l'organisation des juridictions spécialisées, que le statut et la déontologie des magistrats, qu'il s'agisse des magistrats de carrière ou des juges non-professionnels (voir section 2 et leçon 3).

Est ici notamment visé ledroit affirmé par l'article 6§1 à un procès équitable (1), public (2) et d’une durée raisonnable (3).


L’idée d’équité résume à elle seule l’ensemble des garanties énoncées par l’art. 6§1. La notion bénéficie néanmoins d’une autonomie d’interprétation propre, permettant de vérifier qu’un procès a été équitable dans son intégralité, au-delà des garanties expressément citées par le texte.

Ex.
  • Cass Civ. 1ère, 30/6/04 : le droit à un procès équitable relève de l'ordre public international au sens de l'art. 27 de la Convention de Bruxelles modifiée.
  • Cass. Civ. 1ère, 10 sept. 2014, RTD civ. 2016 176 obs. N. Cayrol :  L'exigence d'un procès équitable, au regard des principes d'égalité des armes et d'impartialité du juge, impose qu'une juridiction disciplinaire de première instance ne soit pas partie au recours contre ses propres décisions.

En savoir plus

  • Cass. Civ. 1ère, 11 juin 2009, JCP G 09 n° 41 et D. 09 2599 : la sécurité juridique, invoquée sur le fondement du droit à un procès équitable, pour contester l'application immédiate d'une solution nouvelle résultant d'une évolution de la jurisprudence, ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée, dès lors que la partie qui s'en prévaut n'est pas privée du droit à l'accès au juge (voir également N. Molfessis, « La Cour de cassation face à la modulation dans le temps des revirements de jurisprudence », D. 09 chr. 2567).
  • Cour EDH, 26 mai 2011, Legrand/Fr, JCP G 2011 Fasc. 26 n° 742 et actu 730 aperçu rapide A. Marais, Proc. 2011 Fasc. 7 n° 229, note N. Fricero : la Cour EDH admet qu’un revirement de jurisprudence puisse de façon rétroactive et en lien avec le principe de concentration des moyens, priver des requérants de leur droit à réparation sans porter atteinte à leur droit d’accès au tribunal. Elle considère qu'il n'y a pas d'atteinte au droit à un procès équitable si la Cour de cassation applique immédiatement un revirement de jurisprudence survenu avant la formation du pourvoi et connu des parties. En conséquence, il n'y a pas violation de l'article 6 § 1, si la demande devant le juge civil est déclarée irrecevable, sur le fondement de la chose jugée tirée de l'art. 1351 du C. civ. (désormais art. 1355 du C. civ.), le demandeur n'ayant pas concentré tous ses moyens devant la juridiction pénale pour obtenir réparation de son préjudice.
  • Cass. Com., 21 mars 2018, JCP G 2018 Fasc. 19-20 n° 541 note P. Deumier : le revirement de jurisprudence limitant le pouvoir juridictionnel de la CA de Paris en matière de pratiques restrictives de concurrence ne doit pas s'appliquer à une instance en cours dès lors qu'il aboutirait à priver l'une des parties de son droit d'accès au juge.

Par ailleurs, a été dégagée comme découlant des exigences du procès équitable la notion d’égalité des armes : « toute partie à une action civile doit avoir une possibilité raisonnable d’exposer sa cause au tribunal dans des conditions qui ne la désavantagent pas d’une manière appréciable par rapport à la partie adverse » (Cour EDH, Swabowicz c/Suède, 30 juin 1959, Annuaire II p. 535). Cela inclut la possibilité de présenter ses preuves (Cour EDH, 27 oct. 1993, série A 274, JCP G 94 I 3742 n° 14 obs. F. Sudre), de même que l’obligation de loyauté dans la recherche de la preuve. Le contradictoire s’y intègre également (Cour EDH, 23 juin 93, Ruis Mateos/Esp., série A n° 262 § 63), de même que les relations avec le Ministère public.
Ex.Jurisprudence : Cass. Civ. 2ème, 8 déc. 2022, n° 21-16.186, JCP 2022 n° 50-52 n° 1464 : au regard de l'égalité des armes, le fait de ne pas pouvoir communiquer par voie électronique avec la Cour d'appel ne place pas le défenseur syndical dans une situation de net désavantage par rapport aux avocats.

Même si l’ensemble de la procédure est examiné en bloc, la Cour EDH fait du respect du droit à un procès équitable l’un des critères d’appréciation de son contrôle de la proportionnalité des ingérences des Etats dans les droits substantiels garantis aux individus par la Convention EDH. Selon la doctrine, le droit au procès équitable est devenu l’une des pierres angulaires du droit de la Convention et constitue désormais un droit substantiel (S. Guinchard, « Le procès équitable, garantie formelle ou droit substantiel », Mel. G. Farjat, 1999 p. 179).
Le principe de publicité apparaît comme essentiel puisqu'il bénéficie d'une consécration, tant dans les textes internationaux, que dans le code de procédure civile.

Tx.Aux termes de l'article 6§1, « le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. »

La Cour EDH apprécie le déroulement du procès dans sa globalité, et le respect du principe de publicité n'est par suite pas exigé à tous les niveaux hiérarchiques. Une exception peut ainsi y être apportée pour les juridictions statuant uniquement en droit.
Il est aussi fait référence à la publicité des débats dans l'art. 10 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme et à l'art. 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

En droit interne, la publicité est aussi le principe, posé par l'art. 11-1 de la L. n° 72-626 du 5 juillet 1972. Le CPC lui consacre également plusieurs dispositions (art. 433 s., CPC), et elle constitue en outre l'un des principes directeurs du procès civil (art. 22 du CPC).
En 1974 le Conseil d'Etat lui avait reconnu valeur de principe général du droit, avec cette conséquence que les limitations susceptibles de lui être apportées ne pouvaient être que d'origine légale (CE, 4 oct. 74, Dame David, D. 75 369, note Auby, JCP 75 II 17967, note Drago : annulation des dispositions limitatives d'origine réglementaire, mais les textes ont ensuite été repris par voie législative).

En savoir plus


Le respect de la publicité n'est pas toujours allé de soi, notamment pour les contentieux disciplinaires.

Selon la Cour EDH, la matière disciplinaire rentre bien dans le champ d'application de la Convention (Cour EDH, arrêt Delamare, 23 juin 81, Gaz. Pal. 81 775). Le principe en a pourtant été longtemps refusé par le Conseil d'Etat jusqu'à l'intervention du législateur (Décret n° 93-181 du 5 février 1993 - Debbasch, JCP 93 I 3663 - L'évolution a ensuite été consacrée par la jurisprudence : CE, 23/2/00, JCP 00 II 10371 : fonction publique hospitalière). La Cour de cassation estimait quant à elle que la publicité était possible mais à condition d'être demandée (Cass. Civ. 1ère, 10 déc. 85, JCP 86 IV 72 : notaires ; 25/4/89, Gaz. Pal. 90 som. 7, obs. Guinchard et Moussa). Des dispositions en ce sens avaient été adoptées par l'art 192 du D. 27 nov. 1991, relatif à la discipline des avocats. Certains juges du fond avaient jugé ce texte contraire à l'art 6§1 de la Convention EDH (Poitiers, 3 oct. 94, D. 95 596 et JCP 96 II 22591). Sa légalité avait dans un premier temps été admise par le Conseil d'Etat (CE, 14/2/96, JCP 96 II 22669), avant qu'il ne se ravise (CE, 2 oct. 06, JCP 06 actu n° 486). L'art. 194 du décret n° 91-1197 du 27 nov. 1991 dispose donc que les débats sont publics sauf décision contraire de l'instance disciplinaire, prise à la demande de l'une des parties, ou s'il devait en résulter une atteinte à la vie privée. Ultérieurement, la Cour EDH a aussi sanctionné le défaut de publicité des débats devant la Cour des Comptes (Cour EDH, 12 avril 2006, JCP 06 I 157 n° 12 et I 164 § n° 5) et la COB (Cour EDH, 20 janvier 2011, Rev. Procédures 2011, Fasc. 3 n° 93, obs. N. Fricero).

Récemment, à l'occasion de l'examen de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, le Conseil constitutionnel a consacré comme principe constitutionnel la publicité des audiences civiles et administratives, en le fondant sur l'art. 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (CC, décision n° 2019-778 du 21 mars 2019 – NB : cette valeur constitutionnelle avait déjà été reconnue en matière pénale). Le Conseil Constitutionnel a néanmoins admis la possibilité pour le législateur d'apporter au principe des restrictions liées à d'autres exigences constitutionnelles, et justifiées par l'intérêt général, la nature de l'instance ou les spécificités de la procédure, à condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi (CC, décision n° 2021-922 QPC 25 juin 2021 : s'agissant d'une procédure d'interdiction temporaire d'exercice des fonctions d'un magistrat du siège : l'atteinte à la publicité des audiences du CSM est justifiée). Si la règle est bien la publicité, les débats peuvent exceptionnellement avoir lieu en chambre du Conseil (art. 11-1, L. n° 72-626 du 5 juillet 1972). En relevaient déjà les affaires gracieuses et les affaires touchant à l'état et à la capacité des personnes définies par décret. La loi du 23 mars 2019 a ajouté deux catégories nouvelles : les matières intéressant la vie privée déterminées par décret et les matières mettant en cause le secret des affaires dans les conditions prévues au 3° de l'article L. 153-1 du C. Com..
Enfin le juge peut aussi décider que les débats auront lieu ou se poursuivront en chambre du Conseil dans trois situations (art 11-1, L. n° 72-626 du 5 juillet 1972 et art. 435 du CPC) :
  • en cas de risque d'atteinte à l'intimité de la vie privée,
    Ex.Paris, 26 janv. 1996, D. 97 52 : l'absence de publicité lors de la phase initiale d'une procédure collective étant instituée pour protéger les dirigeants, le D. 27 décembre 1985 n'apparaît pas en contradiction avec la Convention EDH.
  • si toutes les parties le demandent,
  • en cas de risque d'atteinte à l'ordre public, si la publicité risque de provoquer des désordres de nature à troubler la sérénité de la justice.

Les juridictions sont soumises à un principe d'efficacité issu de la Convention EDH qui impose une exigence de jugement des affaires dans un délai raisonnable. L'appréciation de ce délai inclut les phases ou recours préalables imposés aux justiciables avant la saisine du juge (Cour EDH, 29/7/03, JCP G 03 som. com. 2270), de même que la procédure d’exécution. La Cour européenne fonde son appréciation sur un faisceau d'indices, suivant les circonstances de la cause. Elle tient notamment compte du degré de complexité du litige, du comportement du demandeur et de ses conseils, de celui des autorités compétentes, du délai effectif de jugement en première instance et en appel (Cour EDH, Monnet/Fr, D. 95 som. com. 102 obs. Renucci - Cour EDH 14 sept. 2017 : durée appréciée, s'agissant du point de départ, à partir de la saisine du TGI, jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation - Cour EDH 11 janv. 2024 n° 34/18 S./France, Rev. Proc 2024 Fasc. 4 n° 89 note N. Fricero : il y a violation de l'art. 6 § 1 de la Convention EDH dès lors que les circonstances de la cause (réparation de la transmission de l'hépatite C due à une transfusion) imposaient de faire preuve de diligence exceptionnelle et que la procédure en première instance a duré 10 ans, durée principalement imputable au comportement des autorités compétentes).

Un manquement à l'exigence de délai raisonnable est susceptible d'être assimilé à un déni de justice (TGI de Paris, 5 nov 97, D 98 9 - contra Cass. Civ. 1ère, 25/5/04, Bull 04 I n° 150) ou à une faute lourde (Cass. Civ. 1ère, 20/2/08, JCP G 08 IV 1556), et peut justifier une condamnation de l'Etat au titre de l'art. L. 141-1 du COJ pour fonctionnement défectueux du service public de la Justice (V. aussi CE, 28/6/03, D. 03 23, se fondant sur les art. 6 et 13 de la Convention EDH et leçon 3). Toutefois, la Cour EDH déclare désormais irrecevable toute requête fondée sur la violation du délai raisonnable si l'intéressé n'a pas épuisé le recours interne utile, en l'occurrence en France l'article L 141-1 du COJ (Cour EDH, Kudla/Pologne, 26 oct. 2000, RTD civ. 01 442 obs. Marguénaud ; Giummarra/France, 12 juin 01, RTD civ. 02 395, obs. Marguénaud ; D. 03 som. com. 592 obs. Fricero).

Ex.Dans un arrêt du 30 juin 2008 (JCP G 08 II 10153), le Tribunal des conflits avait décidé qu'une demande d'indemnisation pour durée excessive de la procédure, en cas d'instances introduites successivement devant les deux ordres de juridiction, en raison des difficultés de détermination de la juridiction compétente, que le tribunal des conflits ait été amené à statuer ou non, devait être portée devant l'ordre compétent pour connaître du fond du litige. La juridiction concernée était alors compétente pour porter une appréciation globale sur la durée de la procédure devant les deux ordres de juridiction et, le cas échéant, devant le Tribunal des conflits.

Cette jurisprudence n'a pas été reprise par la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, qui prévoit que le Tribunal des conflits est désormais seul compétent pour connaître des recours en responsabilité pour durée excessive des procédures entre les deux ordres (voir aussi art. 43 et 44 du décret du 27 fév. 2015).

La Cour de cassation a repris l'exigence d'approche globale de la procédure pour apprécier la durée d'affaires comportant une phase pénale et une phase civile ayant le même objet (Cass. Civ. 1ère, 25 mars 2009, (2 arrêts), JCP G 09 actu. n° 197 obs. L. Milano).

Par ailleurs, dans un arrêt du 3 février 2009, la Cour EDH a précisé que même lorsqu'une procédure est régie par le principe dispositif, qui consiste à donner aux parties des pouvoirs d'initiative et d'impulsion, il incombe aux Etats contractants d'organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent garantir à chacun le droit d'obtenir une décision définitive sur les contestations relatives à ses droits et obligations de caractère civil dans un délai raisonnable (Cour EDH, 3/2/09, Poelmans/Belgique, JCP G 09 II 10070 note N. Fricero, Proc. 09 n° 81).

Bouclant en quelque sorte la boucle, la Cour EDH a enfin précisé que la procédure d'indemnisation de la durée excessive des procédures administratives est elle aussi soumise aux exigences du procès équitable et doit conduire à une réparation d'un montant suffisant, effectivement versée dans un délai raisonnable (Cour EDH, 24 sept. 2009, Sartory c/ France, Proc. 09).

D. Chabanol et C. Lapp, « La justice et le temps. Quelques pistes de réforme », D. 2024, p. 369.
Les principes affirmés comme gouvernant l'organisation de notre justice civile sont les suivants : principe de séparation des pouvoirs, d'égalité devant la Justice, de gratuité de la Justice, de collégialité et de permanence des juridictions, de célérité.

Comme nous le verrons, certains de ces principes ont été renforcés, notamment du fait du jeu de la convention EDH, alors que d’autres ont parfois subi des atteintes susceptibles d’en réduire la portée.
Le principe a été édicté dans le but de garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire.
Tx. La Constitution de 1958 fait référence aux pouvoirs législatif et exécutif et, dans ses articles 64 à 66, traite de l'autorité judiciaire, dans une perspective de protection des libertés individuelles.
L'article 6 de la Convention EDH peut aussi en constituer un fondement puisqu'il contient cette même exigence d'indépendance.
Ce principe se traduit par une interdiction faite au pouvoir judiciaire d'attenter aux prérogatives du législatif ou de l'exécutif, tout en protégeant son indépendance vis-à-vis de ces mêmes pouvoirs.

Diverses dispositions permettent d'éviter un excès de pouvoir, susceptible de résulter d'un empiétement de l'autorité judiciaire sur les compétences du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif.

- La première illustration est l'interdiction des arrêts de règlement, posée par l'article 5 du Code civil.
Un juge ne peut rendre de décisions de portée générale. Il ne peut raisonner qu'au cas par cas, sans faire référence aux précédents, comme c'est le cas en droit anglo-saxon.

Ex.Cass. Civ. 2ème, 4 fév. 2010, RTD civ. 2010 375 obs. R. Perrot.

Rq.Un auteur a soulevé la question de l'incidence des questions préjudicielles communautaires : J. Huet, « Union européenne et démocratie : prohibition des arrêts de règlement et avis de décès de l'article 5 du Code civil », JCP G 2011 F. 17 n° 473

Mais le juge doit interpréter les lois et il a même l'obligation de suppléer à leur silence : c'est l'interdiction du déni de justice (art. 4 du C. civ.).

En pratique la jurisprudence, née de la répétition et de l'autorité de certaines décisions, notamment émanant des juridictions supérieures, n'en est pas moins une source de droit. Cette évolution est susceptible de se renforcer, en lien avec la mise en place de l'Open data des décisions de justice.

Ex.Jurisprudence sur la portée de la règle : Cass. com., 4 mai 2010, Proc. 2010 n° 262, obs. R. Perrot, Le juge doit trancher le litige qui lui est soumis sans en différer l'examen au motif qu'il lui manquerait des éléments de preuve.

- Ensuite, les juges ne peuvent se prononcer directement sur la constitutionnalité des lois.
Une certaine évolution découle de l’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité, instituée par l’article 61-1 de la Constitution et précisée par la loi organique du 10 décembre 2009 (validée par le Conseil Constitutionnel le 3 décembre 2009 : CC, décision n° 2009-595JCP G 09 Fasc. 51 n° 568). Cette loi, entrée en vigueur le 1er mars 2010, instaure un contrôle de constitutionnalité a posteriori des lois déjà entrées en vigueur (B. Mathieu, « La question prioritaire de constitutionnalité : une nouvelle voie de droit – A propos de la loi organique du 10 décembre 2009 et de la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-595 DC », JCP G 09 Fasc. 52 n° 602 – Croze, Proc. 2010 n° 2 & JCP G 2010 Fasc. 9 n° 269 ; G. Drago, « Vers la question prioritaire de constitutionnalité ; une constitution proche du citoyen », JCP G 2010 Fasc. 1 n° 2).

La réforme a permis à tout justiciable de soutenir devant un juge (hors Cour d’assises) qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et liberté garantis par la Constitution. Si la juridiction en cause décide de transmettre la question au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation, elle doit en principe surseoir à statuer. Le Conseil d’Etat et la Cour de cassation décident alors si le Conseil constitutionnel doit être saisi de la question. Si elle lui est renvoyée, celui-ci peut la trancher et, le cas échéant, abroger la disposition en cause.

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Les règles de procédure propres aux juridictions judiciaires et administratives ont été précisées par le décret n° 2010-148 du 16/2/2010 (H. Croze, Proc. 2010 n° 4 alerte 17), tandis que le Conseil constitutionnel a fixé dans son règlement intérieur la procédure applicable devant lui (décision du 4 fév. 2010 ; B. Mathieu, JCP G 2010 fasc. 9, n° 238). A cet égard, la Cour EDH avait précisé que cette procédure était soumise aux règles du procès équitable (Cour EDH, 13 oct 2009, Ferré Gisbert/Espagne, Proc. 09 n° 399, obs. N. Fricero).

Voir également :

  • Circulaire du 24/2/2010 (S. Lavric, D. 2010 564).
  • B. Mathieu, « Les débuts prometteurs de la question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil d'État - À propos des arrêts rendus par le Conseil d'État les 14 et 16 avril 2010 », JCP G 2010 F. 17 n° 465.
  • A. Levade, « QPC 1, 2 et 3 : le Conseil d'Etat joue le jeu du renvoi ! », D. 2010 1061.
Liens internet utiles :
Alors que la question avait fait débat, le principe du droit de tout justiciable à contester par voie de QPC la conformité tant d’une disposition législative, que de l’interprétation jurisprudentielle constante que la Cour de cassation en donne, ont été confirmés par l’Assemblée Plénière (Ass. Plén., 20 mai 2011 (quatre arrêts), N. Maziau, « Les "bonnes raisons" de la Cour de cassation », D. 2011 1775).

Sous cette réserve, les juges, qui ne sont pas habilités à soulever d'office la question prioritaire de constitutionnalité, ne peuvent refuser d'exécuter les lois : ils doivent les appliquer, en vertu des articles 1 du C. civ. et 12 du CPC.

Un juge peut toutefois refuser d'appliquer un règlement qu'il considérerait comme illégal car portant atteinte à la liberté individuelle ou au droit de propriété (V. cep., D. Cohen, « La fonte du rôle protecteur des libertés individuelles du juge judiciaire », JCP G 2017 Fasc. 38 n° 950).

Il peut aussi, en vertu de l'article 55 de la Constitution, refuser d'appliquer une loi contraire à un traité, cela même s'il s'agit d'une loi postérieure au traité (, D. 75 497 concl Touffait - , JCP G 89 II 21371 concl Frydman). Cette solution a été étendue aux règlements (CE, 24/9/90, JCP G 90 IV 357) et aux directives communautaires (, JCP G 92 II 21859 Teboul).
Le juge ne peut prendre de décision politique, sous peine d'être sanctionné pour excès de pouvoir.

Il ne peut non plus apprécier la validité des actes administratifs, ni connaître du contentieux administratif. La règle a été posée par la loi des 16 et 24 août 1790.


Le juge doit être protégé à la fois contre les immixtions du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.

Une loi ne peut résoudre un procès spécifique et ne pourrait être adoptée à cette fin.
Un risque existe en cas d'adoption de dispositions expressément rétroactives ou de lois de validation.

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Une loi de validation est une loi votée par le Parlement visant à valider de manière rétroactive un acte reconnu illégal par un juge ou susceptible de l'être. Cela permet de régulariser rétroactivement les effets d'une annulation prononcée par le juge administratif afin d'éviter les difficultés susceptibles d'en résulter ou de faire obstacle à une jurisprudence de la Cour de cassation que le pouvoir législatif juge inacceptable.

La Cour Européenne des Droits de l'Homme considère que les lois de validation sont susceptibles d'attenter à l'exigence de procès équitable, imposée par la Convention EDH (Cour EDH, Zielinski, 28 oct 99, RTD civ. 2000 obs. Marguénaud, Rev. Proc. 00 n° 94).

En droit interne, la Cour de cassation a parfois adopté une position plus nuancée.
Elle affirmait certes que « le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable s’opposent, sauf pour d’impérieux motifs d’intérêt général, à l’ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice afin d’influer sur le dénouement judiciaire des litiges en cours », considérant que la solution valait tant pour les lois de validation, que pour les lois interprétatives (Ass. Plén., 23/1/04, JCP G 04 II 10030, Proc. 04 n° 49, RTD civ. 04 341 n° 3). Mais l'existence de tels motifs impérieux a été retenue à diverses reprises (Ass. Plén., 24/1/03, 2 arrêts, D. 03 1648 note crit. S. Paricard-Pioux et Cass. Civ. 1ère, 9/7/03, JCP G 04 II 10016 - Cass. Com., 14 déc. 04, Proc. 05 n° 60 : inversion de la formulation et admission d’une application rétroactive en matière civile, et aux instances en cours, pour un impérieux motif d’intérêt général).
Ce point de vue a été censuré par la Cour européenne, qui a prononcé en 2006 l’inconventionnalité d’une loi de validation, en l’occurrence, l’art. 87-1 de la loi du 12 avril 1996 dans l’affaire dite « des tableaux d’amortissement » en matière de crédit immobilier, avec effet rétroactif, sous réserve des décisions passées en force de chose jugée. Il a été jugé indifférent que la loi en cause ait été déclarée conforme à la constitution, tout comme le fait que l’Etat soit partie ou non aux procédures. Selon la Cour, pour être compatible avec la Convention EDH, la loi rétroactive, qu’elle porte atteinte au droit à un procès équitable ou au droit de propriété, doit obéir à un impérieux motif d’intérêt général. Mais en l’espèce, le motif financier qui avait été retenu par la Cour de cassation n’a pas été validé (Cour EDH, 11/4/06, Cabourdin/France et Cour EDH 14 /2/06, Lecarpentier/France, JCP G 06 I 164 § n° 4 et JCP G 06 II 10171 note Thioye – V. aussi Cour EDH, 11/2/2010, Proc. 2010 n° 120, obs. N. Fricero).

Depuis, cette position a été reprise par la Chambre Sociale en droit du travail, dans l'affaire dite des « heures d'équivalence » (Cass. Soc., 13/6/07 (deux arrêts), D. 07 2439, note Pérès, L'avenir compromis des lois de validation consécutives à un revirement de jurisprudence).

C'est au juge qu'il revient d'interpréter les lois, d'où l'interdiction du référé législatif.
Cette protection se traduit par des garanties d'indépendance sur les plans organique et fonctionnel.

- Garanties d'indépendance organique.
Les magistrats sont des fonctionnaires sous la dépendance du Garde des Sceaux. Pour exercer leurs fonctions en toute sérénité des conditions d'indépendance sont indispensables quant à leur nomination, leur avancement et leur discipline. Pour cette raison, le principe d'inamovibilité des magistrats du siège est inscrit dans la Constitution (art. 64 de la Constitution). La signification en est l'impossibilité de leur imposer une affectation territoriale nouvelle qu'ils n'auraient pas consentie.

Rq.La loi organique du 25 juin 2001 a néanmoins institué une obligation de mobilité.

Plus récemment la loi organique n° du 8 août 2016 a créé une Inspection générale de la Justice (L. Cadiet, Proc.. 2016 Fasc. 10 repère 9).
L'extension des compétences de celle-ci à la Cour de cassation par le décret n° 2016-1675 du 5 déc. 2016 avait suscité une vive émotion au sein de la Cour avant que les dispositions en cause (art. 2) ne soient annulées par le Conseil d'Etat (CE, 23 mars 2018, JCP G 2018 Fasc. 14 n° 398 note H. Paulliat, D. 2018 675 - L. Cadiet, « De l'ambiguïté considérée comme un art. : retour sur l'inspection générale de la justice », Proc. 2018 Fasc. 5 repère 5 - D. Allonsius et L. Bettanti, « L'inspection générale de la Justice - Nouvelles missions, nouvelle organisation interne modernisée », JCP G 2020 Fasc. 3 n° 46).

L'indépendance des magistrats est aussi garantie par le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), qui comporte deux formations, l'une compétente à l'égard des magistrats du siège, l'autre à l'égard des magistrats du Parquet. La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a apporté à son organisation et à son fonctionnement des modifications importantes, qui sont entrées en vigueur le 23 janvier 2011.

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Consultez le site du CSM
: visionnez les vidéos de présentation, lisez les développements sur l'historique, la composition, les missions et attributions du CSM. 

L'évolution du CSM, de 1993 à janvier 2011
Le CSM comportait autrefois 9 membres, tous désignés par le Président de la République, qui en assurait la présidence, le Ministre de la Justice étant vice-président. La création des deux formations en 1993 (Loi constitutionnelle n° 93-952 du 27/7/93), a constitué une première réforme allant dans le sens d'une plus grande indépendance et d'une unité de la magistrature.

  • La formation compétente à l'égard des magistrats du siège était composée de 5 magistrats du siège, d'un magistrat du Parquet, d'un Conseiller d'Etat désigné par le Conseil d'Etat et de 3 personnalités n'appartenant ni au Parlement ni à l'ordre judiciaire et désignées par le Président de la République, le Président de l'Assemblée Nationale, et celui du Sénat.
  • La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet était composée de manière symétrique mais avec cinq magistrats du Parquet et un magistrat du siège. Ce texte avait été complété par une loi organique du 5/2/94 quant au mode de désignation de ces magistrats : ils étaient élus pour 4 ans non renouvelables par deux collèges au terme d'une élection majoritaire à deux degrés.

Une autre réforme d'envergure avait été envisagée à la fin des années quatre-vingt-dix : réforme de la nomination des magistrats du Parquet, du CSM, suppression des instructions dans les affaires individuelles, développement de la responsabilité (JCP G 98 Fasc. 5 actu.). L'opposition parlementaire avait conduit le Président de la République à annuler la réunion du Congrès qui devait procéder à la révision de la Constitution. Quelques retouches ponctuelles ont été apportées, notamment par la loi organique du 25 juin 2001 et le décret n° 2002-442 du 2 avril 2002 modifiant le mode de scrutin aux élections du CSM.

Une étape importante a été franchie avec la loi constitutionnelle de 2008. La réforme n'est pas intervenue le 1er mars 2009, comme prévu initialement, car l’effectivité de certaines dispositions était subordonnée à des compléments, qui n’ont été adoptés que par une loi organique du 22 juillet 2010 (trois dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel : CC, décision n° 2010-611 du 19 juillet 2010). La loi a été complétée par un décret n° 2010-1637 du 23 déc. 2010.

Bibliographie :
  • J.-C. Zarka, « Le "nouveau CSM" », D. 2010 1888.
  • M. Le Pogam, « Réforme du CSM – Entre ouverture et autonomie », JCP G 2010 F. 40 n° 982.

Le Président de la république ne préside plus le CSM. Par ailleurs, celui-ci comporte à présent 22 membres et les magistrats sont désormais minoritaires au sein de chaque formation :
  • La formation compétente à l’égard des magistrats du siège est présidée par le Premier président de la Cour de cassation. Cette formation comprend en outre cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d’Etat désigné par le Conseil d’Etat, un avocat et six personnalités qualifiées, qui n’appartiennent ni au Parlement, ni à l’ordre judiciaire, ni à l’ordre administratif. Le président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat désignent chacun deux personnalités qualifiées. Les nominations effectuées par les présidents des deux assemblées sont soumises à l’avis de la commission permanente compétente de chaque assemblée intéressée.
  • La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet, présidée par le Procureur général près la Cour de cassation comprend cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège, ainsi que le conseiller d'Etat, l'avocat et les six personnalités qualifiées mentionnées dans la formation compétente à l'égard des magistrats du siège. Selon le Conseil d'Etat, la présidence du CSM par le Procureur général près la Cour de cassation ne méconnaît pas le principe d'impartialité (CE, 27 mai 2009, JCP G 09 n° 21).
Le CSM a compétence en matière de nomination et de discipline des magistrats du siège et du Parquet (art. 65 de la Constitution).
Il fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège de la Cour de Cassation, pour celles des Premiers Présidents de Cours d’appel et présidents de Tribunaux judiciaires. La nomination des autres magistrats du siège est soumise à son avis conforme et celle des magistrats du Parquet à un avis simple, y compris désormais pour les Procureurs généraux. Par ailleurs, les commissions parlementaires disposent désormais d’un droit de veto sur les projets de nomination (total des votes négatifs représentant au moins 3/5e des suffrages exprimés au sein des deux commissions).

Enquête, La nomination des magistrats du siège et du parquet (JCP G 09, n° 28, 90, p. 8).

En matière disciplinaire, le CSM dispose d'un pouvoir juridictionnel à l'égard des magistrats du siège, et d'un pouvoir d'instruction débouchant sur un avis à l'égard des magistrats du Parquet (voir leçon 3).
Lorsqu'elle se réunit en Conseil de discipline, la formation compétente à l'égard des magistrats du siège comprend aussi le magistrat du siège appartenant à la formation compétente à l'égard des magistrats du Parquet. De même, le magistrat du parquet appartenant à la formation compétente à l'égard des magistrats du siège participe à la réunion de la formation compétente à l'égard des magistrats du Parquet lorsque celle-ci est amenée à donner un avis sur les sanctions disciplinaires à l'égard des magistrats du Parquet.

Le CSM se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d'avis du Président de la République, pour se prononcer sur les questions relatives à la déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice dont le saisit le Garde des Sceaux. La formation plénière comprend 3 des 5 magistrats du siège de la formation compétente à l'égard des magistrats du siège, 3 des 5 magistrats du parquet de la formation compétente à l'égard des magistrats du Parquet, le Conseiller d'Etat, l'avocat et les six personnalités qualifiées. Elle est présidée par le Premier président de la Cour de cassation, que peut suppléer le Procureur Général près la Cour.

Sauf en matière disciplinaire, le ministre de la Justice peut participer aux séances des formations du CSM.

Une autre évolution importante tient au fait que désormais le CSM peut être saisi par tout justiciable qui considère qu’à l’occasion d’une procédure judiciaire le concernant, le comportement d’un magistrat dans l’exercice de ses fonctions est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire. Les conditions ont été fixées par la loi organique du 22 juillet 2010 : un dispositif de filtrage, sous forme d’une commission d’admission des requêtes (CAR) composée de 4 membres du CSM, a été mis en place. Cette commission doit vérifier que les plaintes ne sont pas irrecevables ou manifestement infondées, afin d’éviter que la saisine du CSM ne devienne une voie de contestation systématique des décisions de justice.
Les conditions de recevabilité des plaintes déposées par les justiciables auprès du CSM ont été simplifiées par la loi organique n° 2023-1058 du 20 novembre 2023. Les pouvoirs d'investigation de la CAR apparaissent renforcés.

Rq.421 plaintes avaient été déposées en 2011. 301 concernaient des magistrats du siège : une seule a été déclarée recevable.
En général elles ne visent qu’à contester la décision rendue et non le comportement du magistrat (JCP G 2012, Fasc. 40 n° 1049).
2015 : 223 dossiers déposés, 10 décisions de recevabilité.
2016 : 250 requêtes, 7 plaintes déclarées recevables.
2019 : 324 plaintes enregistrées, 1 seule renvoyée devant la commission disciplinaire.

Rq.Actualité, depuis... les années 2010 : une nouvelle réforme du CSM, qui était en discussion devant le Parlement avait été suspendue par le Garde des Sceaux en 2013 (Min. justice, communiqué, 5 juill. 2013, JCP G 2013 Fasc. 29 n° 859). Il s'agissait de « renforcer l'indépendance et l'autorité » du CSM, notamment en modifiant sa composition : d'une part, les magistrats de l'ordre judiciaire, au nombre de 8, seraient redevenus majoritaires ; d'autre part, les personnalités extérieures au corps judiciaire n'auraient plus été désignées par le pouvoir politique, mais par des personnalités indépendantes. Le président du CSM aurait été élu par la formation plénière, parmi les personnalités qualifiées non magistrats. En matière disciplinaire, les formations compétentes à l'égard des magistrats du siège et à l'égard des magistrats du parquet auraient continué à être présidées respectivement par le premier président de la Cour de cassation et par le procureur général près ladite Cour. Les attributions du Conseil supérieur de la magistrature auraient été renforcées. Il aurait pu se saisir d'office de questions relatives à l'indépendance de l'autorité judiciaire et à la déontologie des magistrats. Le statut des membres du parquet devait être conforté et le CSM aurait désormais émis un avis conforme sur leurs nominations, et été compétent à leur égard en matière disciplinaire, comme pour les magistrats du siège.

En réalité le projet de réforme n'a pas été abandonné. S'agissant du ministère public, le débat a été relancé une première fois à l'occasion de la réflexion sur la justice du XXIème siècle, plus particulièrement dans le cadre du rapport Nadal, « Refonder le ministère public », déposé fin novembre 2013. Un nouveau projet de réforme a alors été soumis au Parlement afin d'inscrire dans la Constitution la garantie d'indépendance du Parquet et de renforcer les pouvoirs de discipline et de nomination du CSM (avis conforme pour tous magistrats). Adopté le 26 avril 2016, ce projet devait encore, pour devenir définitif, être approuvé par référendum ou par le Parlement réuni en congrès, ce qui n'a pas été possible. Le processus a été relancé par un nouveau projet de loi constitutionnelle déposé le 9 mai 2018 ...
Les choses finiront sans doute par aboutir...


- Garanties d'indépendance fonctionnelle.

  • Le juge n'a pas à recevoir d'ordres de l'exécutif. Jusqu'à très récemment cette règle ne valait que pour les magistrats du siège, pas pour les magistrats du Parquet. Une réforme avait été envisagée dans les années 90 mais ce n'est qu'en 2013 qu'a été supprimée la possibilité pour le Garde des Sceaux d'adresser aux magistrats du parquet des instructions dans les affaires individuelles (L. n° 2013-669 du 25 juillet 2013). Il est probable que la position adoptée par la Cour EDH soit à l'origine d'autres évolutions (voir infra leçons 3 et 5 et Rapport Nadal précité,  « Refonder le ministère public »).
  • Ensuite, l'exécutif ne peut trancher les litiges ou s'opposer à l'exécution d'un jugement.
    En pratique, on a parfois pu observer des refus, justifiés par le maintien de l'ordre public. Pourtant, comme vu précédemment, selon la Cour EDH, l'exécution d'une décision judiciaire doit être considérée comme faisant partie intégrante du droit à un procès équitable. 

    Ex.Cour EDH, 19/3/97 Hornsby, JCP G 97 II 22949 ; Cour EDH, 23 oct. 03, JCP G 03 I 107 n° 3 - Cour EDH, 9 juin 2009, Proc. 09 n° 229, note N. Fricero : application à la réparation civile des conséquences d'une infraction pénale : le caractère excessif de la durée d'exécution doit s'apprécier avec les mêmes critères que la durée de la procédure.
    Cour EDH, 6 nov. 2018 (Portugal), JCP G Fasc. 48 n° 1248s : contrôle juridictionnel de décisions du CSM.

    Aux côtés de huit partenaires européens (Belgique, Luxembourg, Pays Bas, Ecosse, Allemagne, Hongrie, Pologne, Italie), la Chambre nationale des huissiers de justice a lancé en mai 2010 le projet EJE, soutenu par la Commission européenne, et destiné à améliorer l'exécution des décisions de justice en Europe grâce à l'E-justice. Ce projet s'est matérialisé notamment par la création d'un portail Internet disponible en 7 langues.
  • Cette indépendance peut être un peu nuancée, en relation avec le fait que les sources du droit judiciaire privé sont principalement d'origine réglementaire (voir leçon 1)...
Tous les citoyens doivent bénéficier des mêmes juges et des mêmes procédures.
Il n'existe pas en droit judiciaire privé de privilèges de juridiction liés à la qualité des justiciables. Cela ne constitue toutefois pas un obstacle à l'existence de juridictions spécialisées, compétentes en raison de la nature du litige.

Il n'existe pas de préférences liées au rang des individus, et il n'est pas possible de retirer un procès à son juge naturel.
Cette règle connaît quelques dérogations liées à l'existence de procédures administratives spéciales et de la Cour de Justice de la République (dont la disparition a été envisagée il y a peu). Il existe aussi un privilège de juridiction lié à la nationalité française des plaideurs issu des articles 14 et 15 CCiv. (voir leçon, 4 section, 4§1B) et un privilège des agents diplomatiques étrangers.

Rq.Bibliographie :
  • L. Raschel, « Les apports de la loi Sapin II en matière d'immunités d'exécution des Etats étrangers (L. n° 2016-1691 du 9 déc. 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, art. 59) », Proc. 2017 Fasc. 3 n° 32.
  • JB Donnier, « Le renforcement de l'immunité d'exécution des Etats étrangers par le décret 2017-892 du 6 mai 2017 », Aperçu rapide JCP G 2017 Fasc. 23 n° 635.

Aux termes de l'art. L. 111-2 du COJ, le service public de la justice concourt à l'accès au droit et assure un égal accès à la justice. Sa gratuité est assurée selon les modalités fixées par la loi et le règlement.

Les juges sont en général des fonctionnaires payés par l'Etat : le système des épices, qui existait sous l'Ancien droit a été aboli par la loi des 16 et 24 août 1790. Par ailleurs une loi du 30 décembre 1977 a institué le principe de gratuité des actes de justice, ce qui s'est traduit par la suppression de nombreux droits et taxes.

Il existe toutefois une certaine obligation de contribution des plaideurs à la dette judiciaire. Celle-ci se traduit par la condamnation du perdant aux dépens. Par ailleurs, chaque partie doit assumer ses propres frais en cas de recours à des auxiliaires de justice, sauf si la partie perdante ou condamnée aux dépens est condamnée à assumer prendre en charge une partie de ces frais irrépétibles (en application de l'art. 700 du CPC).

Pour le reste, une prise en charge des frais du procès peut résulter :
  • de l'admission d'un plaideur au bénéfice de l'aide juridictionnelle (loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et D. n° 2020-1717 du 28 déc. 2020, relatif à l'aide juridictionnelle et l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles, abrogeant au 1er janvier 2021 le D. 19 déc. 91) ;
  • ou de la souscription volontaire d'une assurance de protection juridique (loi n° 89-1014 du 31 déc. 89, modifiée en 2007).

Mais le principe de gratuité a parfois subi des atteintes :
  • D'une part, la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 avait introduit, à compter du 1er oct. 2011, une contribution pour l'aide juridique de 35€ par instance introduite devant une juridiction judiciaire (non pénale) ou administrative. Cette contribution, instaurée pour financer la réforme de la garde à vue était versée au Conseil national des Barreaux (CNB) au bénéfice des avocats effectuant des missions d'aide juridictionnelle. Elle devait être payée par l'avocat ou la partie demanderesse (par voie électronique ou timbre) lors de l'introduction de l'instance, à peine d'irrecevabilité de la demande constatée d'office (art. 62-5 du CPC).
  • D'autre part, le décret du 28 sept. 2011 a introduit à compter du 1er janvier 2012 et en principe jusqu'à la fin 2018, une taxe de 150 euros imposée aux justiciables agissant en matière civile devant les Cours d'appel lorsque la constitution d'avocat est obligatoire. Le produit de ce droit est affecté au fonds d'indemnisation de la profession d'avoué près les cours d'appel.Ces textes ont été critiqués (F. G'sell, JCP G 2011 F. 41 n° 1098 § 7; N. Gerbay, « Une réforme épicée : à propos du décret du 28 sept. 2011 », JCP G 2011 Fasc. 42 n° 1107, H. Croze, JCP G 2011 Fasc. 43 n° 1145, L. Cadiet, JCP G 2011 F. 50 n° 1397 §2) : il leur a été reproché de porter atteinte aux principes de gratuité de la justice, de libre accès au juge et d'égalité des citoyens devant les charges publiques. Ils ont fait l'objet d'un recours de la part du CNB et de deux QPC (renvoi CE, 3 fév. 2012 et Cass., 26 janv. 2012). Le Conseil Constitutionnel a néanmoins déclaré ces dispositions conformes à la Constitution dans une décision du 13 avril 2012, considérant qu'aucune de ces contributions n'entraînait de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques (CC, décision du 13 avril 2012, JCP G 2012, Fasc. 42 n° 1121 § 14).
    Mais, comme s'y était engagé F. Hollande lors de la campagne présidentielle 2012, la contribution de 35 euros a été supprimée à compter du 1er janvier 2014 (L n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 et décret n° 2013-1280 du 29 décembre 2013).
    En revanche, le produit de la taxe due pour les procédures d'appel s'étant révélé insuffisant, la loi de finances pour 2015 en a porté le montant à 225 € et l'a prolongée jusqu'en 2026 (M. Attal, « Le prix de l'accès à la justice en appel », JCP G 2014 Fasc. 46 n° 1167).
  • S'agissant de la justice commerciale, la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 prévoit la création pour 4 ans à titre expérimental de « tribunaux des activités économiques » dans neuf à douze tribunaux de commerce. Ceux-ci auront une compétence étendue pour traiter toutes les procédures amiables et collectives engagées par les acteurs économiques, sauf pour les professions du droit réglementées. L'article 27 prévoit le versement par la partie demanderesse pour chaque instance introduite devant le tribunal des activités économiques d'une contribution pour la justice économique dont le montant sera fixé par un barème défini par décret en Conseil d'Etat, dans la limite de 5 % du montant des demandes cumulées au stade de l'acte introductif d'instance et pour un montant maximal de 100 000 euros. Il sera tenu compte du montant des demandes initiales, de la nature du litige, de la capacité contributive de la partie demanderesse, appréciée en fonction de son chiffre d'affaires annuel moyen sur les trois dernières années, de ses bénéfices ou de son revenu fiscal de référence, et de sa qualité de personne physique ou morale. Cette contribution, imposée à peine d'irrecevabilité, que le juge pourra prononcer d'office, sera remboursée lorsque les parties au litige parviendront à un accord amiable.

La collégialité est considérée comme une garantie de meilleure justice et d'impartialité.
L'article L. 212-1 du COJ dispose notamment que le tribunal judiciaire statue en formation collégiale, sous réserve des exceptions tenant à l'objet du litige ou à la nature des questions à juger. Selon le même texte, il ne peut statuer à juge unique dans les matières disciplinaires ou relatives à l'état des personnes, sous réserve des dispositions particulières aux matières de la compétence du juge aux affaires familiales et du juge des contentieux de la protection.

De fait on a assisté progressivement à une multiplication des juges uniques, qui a pu susciter des controverses au regard de la Convention EDH (RTD civ. 00 619).
S'agissant du tribunal judiciaire (TJ), outre les cas d'intervention d'un juge unique expressément prévus par l'art. R. 212-8 du COJ, le Code de procédure civile ouvre en réalité la faculté de faire trancher la plupart des affaires par un juge unique (art. R. 212-9 COJ et art. 812 et s. du CPC – V. déjà auparavant l'ex-art. 801 du CPC - Villacèque, « Le TGI statuant au fond en matière civile : la collégialité menacée par les juges uniques », D. 95 chr. 317).
En faveur du juge unique, on fait valoir que cette situation développe le sens de la responsabilité, permet une spécialisation, est source de simplification des procédures et rend la Justice plus proche des justiciables. Cela étant, le système présente sans doute aucun une rentabilité accrue pour l'Etat.
Toutefois, quand des textes imposent ou prévoient un recours au juge unique, existe en principe une possibilité de renvoi à une formation collégiale : devant le tribunal judiciaire, de telles dispositions sont prévues par les articles R. 212-8 du COJ et 815 du CPC, ainsi que pour le JAF, le JEX, et en matière de référé.
Cette permanence est la traduction du principe de continuité du service public.
Le fonctionnement de la Justice ne connaît pas d'interruption (totale) de fonctionnement sauf pour les juridictions fonctionnant par sessions et pour les audiences foraines.

Ex.A titre d'illustration, en cas d'urgence, une assignation en référé est possible la nuit ou un jour férié.

Section 2. Les différentes juridictions civiles

 
Sy.







On distingue les juridictions de droit commun des juridictions spécialisées.

Les juridictions de droit commun sont habilitées à connaître de tout litige dont la compétence n'a pas été attribuée par la loi à une autre juridiction. Au premier degré, succédant au TGI, tel est le cas depuis le 1er janvier 2020 du nouveau tribunal judiciaire. Au second degré, la Cour d'appel jouit également d'une plénitude de juridiction.

La compétence des juridictions spécialisées est au contraire cantonnée aux affaires qui leur ont été expressément dévolues par la loi. Ces juridictions font souvent intervenir des juges non professionnels et n'ont pas nécessairement une composition homogène. Leurs formations de jugement peuvent en effet comporter des juges appartenant à des catégories socioprofessionnelles distinctes ou faire siéger ensemble des magistrats professionnels et des juges non-professionnels.
Comme nous le verrons dans la section 2, les règles relatives à l'organisation des juridictions spécialisées, ainsi que celles afférentes au recrutement et à la déontologie des magistrats non professionnels ont connu des évolutions importantes depuis 2015.

La hiérarchie des juridictions judiciaires se traduit par l'existence de deux degrés de juridictions et d'un contrôle de conformité au droit effectué par la Cour de cassation.

Ce principe, qui n'est plus aujourd'hui un instrument politique mais une garantie de bonne justice, se traduit par l'existence de deux degrés hiérarchisés.
On a fait valoir que les magistrats d'appel étaient plus expérimentés mais il est aussi parfois plus aisé de se livrer au réexamen d'affaires déjà expurgées.

Le principe du double degré reçoit toutefois des dérogations.
Il n'a pas valeur constitutionnelle et ne figure pas dans la liste des droits garantis en matière civile par la Convention EDH.
L'appel est ainsi exclu pour les petits litiges en raison de l'existence d'un taux de ressort, d'un montant de 5 000 euros :
  • depuis le 1er janvier 2020 devant les tribunaux judiciaires, les tribunaux de commerce et les tribunaux paritaires des baux ruraux ;
  • pour les instances introduites à compter du 1er septembre 2020 devant les Conseils de Prud'hommes (décret n° 2020-1066 du 17 août 2020 – Le taux antérieur de 4 000 € a été maintenu pour les instances introduites avant cette date).

L’appel est également parfois exclu pour certaines catégories de litiges ou de décisions.
Ensuite si l'appel est un droit, il est aussi parfois possible d'y renoncer.

Enfin les textes légitiment parfois de fait la perte du premier degré de juridiction. Il en est ainsi en cas d'interventions de tiers, de demandes nouvelles en appel ou d'évocation par la Cour d'appel. Dans ce cas, l'appel n'est plus seulement une voie de réformation, il peut devenir une voie d'achèvement des procès. Cette conception était issue du décret du 17 décembre 1973 mais les juges se sont attachés à éviter que l'appel ne se transforme en voie de commencement des procès : ils ont toujours veillé à interpréter de manière stricte les textes dérogeant au principe d'interdiction des demandes nouvelles.

La réforme de l'appel issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, a supprimé la possibilité de former certaines demandes nouvelles. Elle a surtout redéfini la finalité de l'appel, l'art. 542 du CPC disposant qu'il « tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel ». Cela traduit une forme de retour à un appel voie de réformation, même si les auteurs parlent de « voie d'achèvement maîtrisée », dans la mesure où est maintenue la possibilité d'une certaine évolution du litige. Il s'agit de juger le jugement, non de rejuger l'affaire. Dans le même esprit, la déclaration d'appel doit à présent mentionner « les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible » (art. 902 du CPC).

En savoir plus


H. Croze, « Dernier appel de la République hollandaise : le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile », Proc. 2017 Fasc. 7 n° 23 - S. Amrani-Mekki, « L'appel en matière civile : en marche vers un nouvel équilibre procédural (...) », JCP G 2017 Fasc. 23 n° 659 – N. Fricero, « L'appel nouveau est arrivé », D. 2017 1057.


Sa mission traditionnelle a, jusqu'à présent, été de contrôler la conformité au droit des décisions rendues par les juges du fond
et, ce faisant, de contribuer à unifier la jurisprudence.

Rq.Cour EDH, 9 fév. 2016, Çelebi et a. c/ Turquie, Proc. 2016 Fasc. n° 131 note N. Fricero : il y a violation du procès équitable dès lors que les contradictions manifestes dans la jurisprudence de la Cour de cassation relative au point de départ de la prescription, et la défaillance du mécanisme conçu pour assurer l'harmonisation de la pratique au sein de cette haute juridiction, ont pour effet que l'action en responsabilité dirigée par les requérants contre les constructeurs a été déclarée irrecevable, alors que d'autres personnes dans une situation similaire ont pu obtenir un examen au fond de leur demande.

Il s'agit d'une voie de recours extraordinaire, ouverte seulement dans les cas prévus par la loi, à l'encontre des jugements rendus en dernier ressort. Mais certains considèrent qu'un pourvoi minimum pour excès de pouvoir est ouvert même quand les textes interdisent tout recours : cela a justifié la création du pourvoi-nullité, notamment en matière de procédures collectives.

Jusqu'à l'intervention de la loi J21 il était possible d'affirmer que la Cour de cassation, n'étant pas un troisième degré de juridiction, n'examinait pas le fond des affaires, même en cas de cassation sans renvoi. L'affirmation pouvait toutefois être un peu nuancée dans le cas de la cassation sans renvoi visée par l'art. 627 al 2 du CPC.
Désormais l'art. L. 411-3 du COJ dispose que la Cour de cassation peut statuer au fond en matière civile lorsque l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie.
En matière pénale, elle peut, en cassant sans renvoi, mettre fin au litige lorsque les faits, tels qu'ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, lui permettent d'appliquer la règle de droit appropriée.

En savoir plus


  • E. Dreyer, « La main invisible de la Cour de cassation », D. 2016 2473.
  • F. Ferrand, « La Cour de cassation dans la loi J21 », JCP G 2016 Fasc. 52 n° 140.
  • H. CROZE, « Cour de cassation : la vraie révolution ? », Proc. 2017 Fasc. 1, repère 1.
  • L. CADIET, «La loi "J21" et la Cour de cassation : la réforme avant la réforme ? », Proc. 2017 Fasc. 2, étude 3.


Réflexions contemporaines et vélléités de réforme : des débats ont été engagés autour de projets de réforme qui auraient dû conduire, si tous avaient abouti, à une évolution substantielle, tant du rôle de la Cour de cassation et de la finalité du pourvoi, que du contenu des arrêts. La réflexion, suscitée par la Cour elle-même au vu de son encombrement et de sa volonté de s'adapter, tant au rôle croissant, qu'à la méthode de contrôle des juridictions européennes (Cour EDH et CJUE) a été menée dans plusieurs directions :
  • une évolution de la motivation,
  • l'abandon du syllogisme au profit d'un contrôle de proportionnalité,
  • la limitation de l'accès à la Cour de cassation avec une volonté de recentrage normatif et de réserver l'accès aux pourvois présentant une importance jurisprudentielle, matérielle ou sociétale.

F. Zénati-Castaing a évoqué à cet égard une auto-réforme en gestation pour transformer la Cour de cassation en une institution de pleine juridiction sur le modèle des cours européennes. L'objectif de la Cour était de passer d'un contrôle formel et de légalité, au service du pouvoir législatif, à une pratique volontariste du contrôle européen de proportionnalité. Cela s'est traduit par le développement d'un dispositif de communication, la limitation dans le temps des effets des revirements de jurisprudence, la reconversion et le développement de la motivation. La conséquence en aurait été, selon lui, une remise en cause de la séparation des pouvoirs dont la Cour assure traditionnellement le respect, et la disparition de la prohibition d'aborder le fond, avec un effet de diminution du nombre de pourvois (F. Zénati-Castaing, « La juridictionnalisation de la Cour de cassation », RTD civ. 2016 511).

Les premières pierres de la réforme ont semblé s'inférer de la loi J21 : possibilité de statuer au fond évoquée ci-dessous, précision du rôle du Procureur général (art. L. 432-1 du COJ) , institutionnalisation de l'amicus curiae.
La velléité d'aller -subrepticement- plus loin encore a toutefois été contrecarrée lors du débat parlementaire (rejet d'un amendement visant à opérer une limitation des pourvois).
La Cour a par ailleurs initié elle-même, à l'occasion de diverses décisions récentes, la mise en oeuvre d'un contrôle de proportionnalité.

La commission de réflexion sur la réforme de la Cour de cassation, mise en place par le Premier président Louvel a rendu un rapport d'étape en février 2017 (Réforme de la Cour de cassation : vers un filtrage des pourvois et une motivation enrichie des arrêts, JCP G 2017 Fasc. 10 n° 261 ; J. Théron, JCP G 2017 Fasc. 24 n° 666), puis un rapport définitif en avril 2017. Des magistrats avaient reçu des lettres de mission pour approfondir la réflexion sur la mise en œuvre des axes « filtrage » et « motivation enrichie ».

Des projet de textes « Filtrage des pourvois » avaient été proposés par la Cour de cassation en mars 2018 (JCP G 2018 Fasc. 14 n° 381). Les critères de sélection suggérés étaient les suivants :
  • Questions de principe présentant un intérêt pour le développement du droit.
  • Intérêt pour l'unification de la jurisprudence ou divergence avérée d'interprétation ou d'application de la loi.
  • Atteinte grave à un droit fondamental.

Ces propositions avaient donné lieu à de nombreux commentaires, partagés et passionnés. Elles n'ont néanmoins pas été intégrées dans les projets ayant abouti à la loi du 23 mars 2019 et, fin 2018, la Garde des Sceaux avait saisi de la réflexion une nouvelle commission. Celle-ci avait rendu en novembre 2019 un rapport qui, tout en formulant des propositions, écartait en l'état les souhaits de la Cour de cassation et notamment l'introduction du filtrage des pourvois (P. Théry, « Pour une réforme du pourvoi en cassation en matière civile - Observations sur le rapport Nallet », JCP G 2019 Fasc. 50 n° 1285). Le rapport Nallet préconisait :
  • d'une part de renforcer la procédure d'admission des pourvois, un système d'admission avec contrôle de légalité paraissant plus acceptable qu'un filtrage dénué d'un tel contrôle,
  • d'autre part, d'instaurer un traitement différencié des pourvois et d'en évaluer ensuite l'impact.
Contrainte de se cantonner aux évolutions relevant de ses seules prérogatives, la Cour de cassation a confirmé l'évolution de la rédaction et de la motivation de certains de ses arrêts (JCP G 2019, Fasc. 13, n° 409, Fasc. 27, n° 753, B. Pireyre, JCP G 2019, Fasc. 25, n° 65). Elle a publié des guides pratiques sur son site internet (lecture des deux premiers conseillée ! ) :
• Guide de la rédaction en motivation enrichie (actualisé en sept. 2023)
• Guide des nouvelles règles relatives à la structure et à la rédaction des arrêts (2019)
• Memento du contrôle de conventionalité au regard de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (2018)
Une commission de réflexion sur la Cour de cassation 2020-2030, présidée par André Potocki a par ailleurs été chargée de mener un travail prospectif pour « repenser l'identité et le positionnement de la Cour de cassation dans son environnement juridique, institutionnel et international ».

En savoir plus


  • P. Jestaz, J.-P. Marguénaud, C. Jamin, « Révolution tranquille à la Cour de cassation », D. 2014 2061 (évolutions potentielles induites par Cour EDH).
  • C. Jamin, Juger et motiver,
    • RTD civ. 2015 263 (question de la motivation en lien avec le contrôle de proportionnalité imposé par la Cour EDH) : « Cour de cassation : une question de motivation », JCP G 2015 Fasc. 29 n° 878, D. 2015 1641 & 2001 ;
    • « Motivation (suite) quelle tradition civiliste défendre ? », D. 2016 F. 19 p. 1073.
  • P.-Y. Gautier,
    • « Eloge du syllogisme, JCP G 2015 Fasc. 36 n° 902 » ;
    • « Contre la "balance des intérêts" : hiérarchie des droits fondamentaux », D. 2015 2189.
  • C. Fattacini, « L'intensité du contrôle de cassation (proportionnalité) », D. 2015 1734.
  • P. Deumier,
    • « Accès à la Cour de cassation et traitement des questions jurisprudentielles », D. 2015 1720 ;
    • « Repenser la motivation des arrêts de la Cour de cassation », D. 2015 2022.
  • P. Cassia, « Filtrer l'accès au juge de cassation », D. 2015 1361.
  • N. Fricero, JCP G 2015 Fasc. 26 n° 753.
  • V. Rebeyrol, « Une réforme pour la Cour de cassation », JCP G 2015 fasc. 37 n° 954.
  • F. Chenedé, « Contre-révolution tranquille à la Cour de cassation », D. 2016 796.
  • B. Haftel, « La disparition ajournée de l'autorité de lois civiles en France », D. 2016. 1011.
  • X. Dupré de Boulois, « Regard extérieur sur une jurisprudence en trompe-l'œil », JCP G 2016 Fasc. 18 n° 552.
  • P. Malaurie, JCP G 2016 Fasc. 12 n° 318.
  • P. Sargos, « Il n'y a, pour toute la République, qu'une seule justice », JCP G 2016 Fasc. 24 n° 697.
  • P. Puig, « L'excès de proportionnalité », RTD civ. 2016 70.
  • V. Vigneau, « Libres propos d'un juge sur le contrôle de proportionnalité », D. 2017 123.
  • H. Fulchiron, « Le contrôle de proportionnalité : questions de méthode », D. 2017 656.
  • J. Antippas, « Pour une mention par la Cour de cassation des précédents issus du droit public », D. 2017 1428.
  • F. Ferrand, « Des circuits différenciés au filtrage des pourvois », D. 2017 1770.
  • P. Ducoulombier, « Contrôle de conventionnalité et C. Cass. », D. 2017 1778.
  • P. Deumier, « Motivation enrichie : bilan et perspectives », D. 2017 1783.
  • Bénabent, Sire, « Pourvoi ? », note crit. D. 2018 731.
  • J.-P. Gridel, « La motivation aux défis de la modernité », JCP G 2020 Fasc. 5 n° 141.

Une commission de réflexion sur la Cour de cassation 2030, présidée par André Potocki, a par ailleurs mené un travail prospectif et déposé le 5 juillet 2021 un rapport contenant 37 propositions pour « repenser l'identité et le positionnement de la Cour de cassation dans son environnement juridique, institutionnel et international » (JCP 2021 Fasc. 28 n° 790, D. 2021 p. 1536, F. Ferrand ; J. Théron, « La cour de cassation garante de l'Etat de droit », JCP 2021 Fasc. 29 n° 794).


Sy.

Le principe du double degré implique un examen des affaires par les juridictions du premier degré (de première instance) avant un appel et un réexamen éventuels par les Cours d'appel.



Nous traiterons tout d'abord des juridictions de droit commun, que sont les tribunaux judiciaires (1), issus de la fusion entre tribunaux d'instance et de grande instance, avant d'évoquer les juridictions spécialisées (2)

Rq.Avant la fusion au 1er janvier 2020 des TGI et TI, et la création du tribunal judiciaire, diverses évolutions avaient déjà affecté les juridictions du premier degré, au titre des réformes intéressant la "Justice du XXIème siècle".
Certaines ont concerné l'organisation et le fonctionnement des juridictions de première instance. Elles seront évoquées ci-dessous.
L'un des objectifs a notamment été de renforcer l'indépendance et l'impartialité des juridictions spécialisées. D'autres réformes ont visé le fonctionnement de la Justice et des juridictions : E. Camous, « La politique de juridiction, nouvelle réalité d'une justice qui pense gestion et performance », Proc. 2018 Fasc. 1 Etude 1.

L'implantation des juridictions résulte de la carte judiciaire pour laquelle s'est achevée, début 2011, une réforme d’envergure, entamée en 2007.
Le Gouvernement s'est engagé à ce que la réforme structurelle à venir de l'organisation judiciaire n'ait pas d'impact territorial, en termes de proximité d'accès à la justice pour les justiciables.

Rq.Depuis la loi du 8 février 1995, toutes les juridictions de première instance ont la possibilité de tenir des audiences foraines. Le régime en est précisé par le décret du 27/2/96 : la décision est prise par le Premier Président de la Cour d'appel, après avis du Procureur Général (art. R. 124-2 du COJ).

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  • le 3 décembre 2008 : suppression et regroupement de 62 conseils de prud'hommes (décret n° 2008-514 du 29 mai 2008) ;
  • le 1er janvier 2009 : suppression de 55 tribunaux de commerce (décret n° 2008-146 du 15 février 2008) ;
  • le 1er janvier 2010 : suppression de 178 tribunaux d'instance et juridictions de proximités liées ; création de sept nouveaux TI et juridictions de proximité liées (décret n° 2008-145 du 15 février 2008) ;
  • le 1er janvier 2011 : fermeture de 23 TGI (décret n° 2008-145 du 15 février 2008).

Début 2011, le nombre de juridictions est passé de 1206 à 819. Il y a par ailleurs eu création de 14 juridictions : sept TI et juridictions de proximité liées, un conseil de prud’hommes, cinq tribunaux de commerce et un tribunal mixte de commerce.

Lors de la présentation du budget 2009, la Ministre de la Justice avait annoncé que la réforme de la carte judiciaire aurait un coût total de 427 millions d’euros, dont 20 millions pour les avocats, 21,5 millions pour les primes de restructuration versées aux magistrats et fonctionnaires et 385 millions pour l’immobilier (JCP G 08 actu n° 594).

Sur les difficultés induites par la réforme, voir l’enquête d’A. Coignac : « La nouvelle carte judiciaire se dessine, les difficultés émergent », JCP G 2010 Fasc. 13 n° 344).

Quelques réajustements ont depuis été opérés et certaines juridictions ont été rétablies : le décret n° 2013-1258 du 27 décembre 2013 a ainsi prévu la réimplantation de trois TGI et la création de trois chambres détachées à compter du 1er septembre 2014.

Conférences vidéo de l'Académie de législation de Toulouse : Cycle Justice et territoires :


En application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, afin d'améliorer la lisibilité de la répartition des contentieux en première instance et pour répondre aux besoins de spécialisation des magistrats dans les domaines complexes, une évolution importante est intervenue le 1er janvier 2020 : le contentieux civil des « anciens » tribunaux d'instance et TGI relève désormais de Tribunaux judiciaires, qui constituent la nouvelle juridiction de droit commun en première instance. La réforme a poursuivi un objectif de simplification, mais aussi de gestion managériale.

Passés de 473 à 302 au 1er janvier 2010 (retour à 307 en 2013), les tribunaux d'instance (TI) étaient issus des anciens juges de paix, lesquels avaient plus une fonction d'arbitres que de juges. Lors de leur création, les TI étaient supposés connaître des « petits litiges civils ». Cette référence avait ensuite été relativisée, du fait de la création des juridictions de proximité au début des années 2000, et de l'élévation à 10 000 euros du taux de compétence du TI. La suppression des juridictions de proximité le 1er juillet 2017 (voir 2.d.1, infra), avait restitué aux TI compétence pour les litiges civils de valeur inférieure à 4 000 €.
Rq.Contentieux pénal relevant du TI, tribunal de police.Depuis la suppression des juridictions de proximité, si le tribunal de police connaissait de toutes les contraventions, il était désormais constitué par un juge du TGI, étant précisé qu'un magistrat exerçant à titre temporaire pouvait connaître des contraventions des quatre premières classes (à l'exception de celles déterminées par décret en Conseil d'Etat) et des contraventions de cinquième classe, relevant de la procédure d'amende forfaitaire.
 
Le tribunal d'instance possédait en matière civile des attributions importantes et diversifiées. Ceci avait conduit certains auteurs à le considérer comme une juridiction de droit commun. Tel n'était pas le cas : même si ses attributions étaient nombreuses et variées, il n'en demeure pas moins qu'elles faisaient l'objet d'une énumération par les textes, et ce faisant étaient limitées, ce qui correspond à la définition d'une juridiction spécialisée.
 

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  • Le TI possédait tout d'abord, à charge d'appel, une compétence générale pour connaître de toutes les actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 10 000 euros (depuis le 1er juillet 2017, il n'y avait plus de partage de compétence avec les juridictions de proximité). Cette valeur était qualifiée de taux de compétence : au-delà de 10000 euros, la compétence appartenait en principe au TGI.
  • Il connaissait aussi à charge d'appel des demandes indéterminées ayant pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excédait pas 10 000 euros et des actions aux fins d'expulsion des personnes occupant aux fins d'habitation des immeubles bâtis, sans droit ni titre.
  • Il connaissait en dernier ressort jusqu'à 4 000 euros, et à charge d'appel lorsque la demande excédait cette somme ou était indéterminée, des actions dont un contrat de louage d'immeuble ou un contrat portant sur l'occupation d'un logement était l'objet, la cause ou l'occasion, et des actions relatives à l'application de la loi du 1er septembre 1948 (il n'était plus compétent en matière de baux commerciaux depuis 1999). Ceci lui conférait une compétence générale en matière de traitement des litiges relatifs au « logement d'habitation ».
  • Le contentieux du crédit à la consommation avait aussi été recentré devant les tribunaux d'instance.
  • Le tribunal d'instance possédait aussi de nombreuses compétences spéciales, énumérées dans la partie réglementaire du Code de l'organisation judiciaire, pour lesquelles il n'y avait pas de taux de compétence et donc pas de limite à son intervention : actions en bornage, contestations en matière de funérailles, contentieux électoraux spécifiques (exclusion du contentieux législatif : Ass. Plén., 8/3/96 JCP G 96 II 22621) ...
  • Depuis le 1er septembre 2011, les mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers et la procédure de rétablissement personnel relevaient du tribunal d'instance. Le décret n° 2011-981 du 23 août 2011 avait précisé la liste des TI spécialisés en matière de surendettement sur le ressort de certains TGI.
  • Le juge d'instance avait par ailleurs la qualité de juge des tutelles, fonction limitée aux majeurs par une loi du 12 mai 2009.


Outre ses attributions juridictionnelles, le TI exerçait des fonctions administratives et extrajudiciaires, qui ont été transférées aux tribunaux judiciaires : enregistrement des déclarations de nationalité, délivrance des certificats de nationalité (délivrance par le directeur de greffe, sous contrôle du juge : art. 31 et s. du C. civ.), présidence des conseils de famille...

Rq.La loi du 20 décembre 2007 avait retiré compétence au TI pour délivrer des actes de notoriété en matière successorale et familiale et, depuis le 1er novembre 2017, les greffiers étaient "sortis" du dispositif d'enregistrement des déclarations, modifications et dissolutions de PACS qui relèvent à présent de la compétence des notaires et officiers d'état-civil (L. n° 2011-331 du 28 mars 2011, loi J21 du 18 nov. 2016, décret n° 2017-890 du 6 mai 2017 et circulaire du 10 mai 2017 : M. Douchy-Oudot, « Du nouveau en matière d'état civil », Proc. 2017 Fasc. 7 n° 25).

Le ressort territorial des TI couvrait plusieurs cantons et ils pouvaient tenir des audiences foraines.
Ils statuaient toujours à juge unique, même lorsqu'ils étaient composés de plusieurs magistrats. Dans ce cas, le magistrat de rang le plus élevé exerçait les fonctions d'administration et de direction, mais sans avoir la qualité de président. Le service des TI était souvent assuré par des magistrats délégués du TGI : il y avait eu intégration organique progressive, puis mise en place d'une coordination des tribunaux d'instance. Depuis le décret n° 2016-514 du 26 avril 2016, un magistrat du TGI chargé du service d'un tribunal d'instance était en effet chargé de coordonner et d'animer l'activité des tribunaux d'instance du ressort de ce TGI. Il établissait un rapport annuel sur l'activité des tribunaux d'instance du ressort, qu'il transmettait au président du TGI. Ce magistrat instruisait également les dossiers de candidature des conciliateurs de justice et les transmettait au premier président de la cour d'appel.
Ces premières étapes préfiguraient la fusion avec les TGI et la création des tribunaux judiciaires, intervenue le 1er janvier 2020.

- Conditions d'institution et de mise en place.

Les compétences des TI et des TGI ont donc été agrégées au sein des tribunaux judiciaires.
Il y avait 164 TGI en France, au moins un par département, situé au chef-lieu. Au plan territorial, TGI et TI ont été regroupés si les deux existaient dans une même ville. Toutes les implantations judiciaires ont été maintenues pour répondre au besoin de proximité et d'accessibilité de la justice. Dès lors, pour garantir un maillage territorial répondant à ces besoins, dans les villes où il n'y avait auparavant que des TI, ceux-ci sont devenus des chambres du tribunal judiciaire sous la dénomination de "tribunaux de proximité" (art. L. 212-8 du COJ - voir infra).
La loi organique du 23 mars 2019 a par ailleurs transformé les juges d'instance en juges des contentieux de la protection au 1er janvier 2020. Ceux-ci sont en charge de la protection des majeurs vulnérables (art. L. 231-4-2 du COJ) et d'autres situations de vulnérabilité, relevant de la compétence antérieure des tribunaux d'instance (surendettement et rétablissement personnel, consommation, expulsion, baux d'habitation, fichiers des incidents de paiement).
Les dispositions transitoires figurent à l'art. 40 IV du décret n° 2019-912 du 30 août 2019. En principe, les procédures en cours au 1er janvier 2020 ont été transférées en l'état aux juridictions désormais compétentes. Les actes, formalités et jugements intervenus antérieurement n'ont pas eu à être renouvelés, à l'exception des convocations, citations et assignations délivrées aux parties et aux témoins en vue d'une audience avant cette date devant le tribunal d'instance ou la chambre détachée d'un TGI antérieurement compétents qui n'auraient pas été suivis d'une comparution effective. Le premier président de la cour d'appel est compétent pour statuer sur les difficultés d'application des dispositions transitoires. Il le fait par ordonnance insusceptible de recours.
La fusion s'est également traduite par une réforme procédurale, dont le champ d'application est d'ailleurs beaucoup plus large que la procédure devant le tribunal judiciaire (décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019).
Pour le reste, au-delà de l'impact induit de la fusion, l'organisation et le fonctionnement du tribunal judiciaire reprennent pour l'essentiel le « modèle TGI ».

- Organisation et fonctionnement du tribunal judiciaire.

Le tribunal judiciaire est organisé en une ou plusieurs chambres et en différents services. Certains services peuvent regrouper des chambres (art. R. 212-3 du COJ). Ils sont coordonnés et animés par des magistrats. Lorsque le tribunal judiciaire est composé de plusieurs chambres et services, ceux-ci peuvent être regroupés en pôles, également coordonnés et animés par des magistrats (art. R. 212-62 du COJ). Cette organisation permet une spécialisation interne, mais les chambres n'en sont pas moins considérées comme le tribunal judiciaire en soi.
Les TGI pouvaient avoir des chambres détachées, afin d'assurer sur leur ressort une justice de proximité pour le jugement des affaires civiles et pénales. Leur service était fixé par ordonnance du président du TGI, sur proposition du magistrat chargé d'assurer la présidence de la chambre détachée, après avis de l'Assemblée générale des magistrats de la juridiction. Depuis le 1er janvier 2020, en lien avec la création des tribunaux judiciaires, la dénomination a évolué : aux termes de l'art. L. 212-8 du COJ, le tribunal judiciaire peut comprendre en dehors de son siège des chambres de proximité dénommées "tribunaux de proximité".
Comme indiqué auparavant, dans les villes où il n'y avait autrefois que des TI, ceux-ci sont devenus des chambres du tribunal judiciaire avec cette dénomination de tribunaux de proximité.
Il y a 125 tribunaux de proximité. Leurs sièges, ressorts et compétences matérielles ont été fixés par décret pour répondre au mieux au besoin de justice dans chacun des territoires concernés (décret n° 2019-912 et n° 2019-914 du 30 août 2019 - V. aussi tableaux en annexe du COJ).
Au-delà d'un socle de compétence commun, afin de prendre en compte la réalité des bassins économique et sociologique de leur ressort, les tribunaux de proximité peuvent aussi se voir attribuer, dans les limites de leur ressort territorial, un ou plusieurs contentieux supplémentaires. La décision est prise conjointement par le Premier président et le Procureur général de la Cour d'appel, après avis des chefs de juridiction et consultation du conseil de juridiction concernés (art. L. 212-8 du COJ).

Le fonctionnement normal du Tribunal judiciaire obéit aux principes de collégialité et de publicité. Les affaires sont jugées par trois magistrats en application du principe d'imparité. En cas de problème d'effectifs, la formation peut être complétée par des avocats (art. L. 212-4 du COJ). Le président a la faculté de faire juger une affaire d'une particulière complexité ou susceptible de recevoir dans les chambres des solutions divergentes par une formation de chambres réunies, présidée par lui-même (art. R. 212-8-1 du COJ issu du décret n° 2014-1458 du 8 déc. 2014).

Rq.Cas particulier : La composition des tribunaux judiciaires spécialement désignés pour connaître du contentieux social.

Au-delà de compétences communes, et comme c'était le cas pour les TGI, certains tribunaux judiciaires ont par ailleurs été spécialement désignés pour connaître de contentieux spécifiques (voir leçon 4).
Il en est ainsi du contentieux de la sécurité sociale (art. L. 211-16, et D. 211-10-3 du COJ et tableau VIII-III annexé au COJ), qui depuis le 1er janvier 2019, relevait de 116 TGI spécialement désignés, du fait de la suppression des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et des tribunaux du contentieux de l'incapacité (TCI) (voir infra n° 2.d.2).
Pour connaître de ces contentieux, la formation collégiale, dénommée Pôle social, des tribunaux judiciaires concernés est composée du président du Tribunal, ou d'un magistrat du siège désigné par lui pour le remplacer, et de deux assesseurs représentant l'un les travailleurs salariés, et l'autre les employeurs et les travailleurs indépendants.
Ces assesseurs appartiennent aux professions agricoles lorsque le litige concerne un membre de ces professions, et à une profession non agricole sinon. Ils sont choisis pour trois ans par le premier président de la cour d'appel, après avis du président du Tribunal judiciaire, sur une liste dressée dans le ressort de chaque tribunal judiciaire par l'autorité administrative, sur proposition des organisations professionnelles intéressées les plus représentatives. Leurs fonctions peuvent être renouvelées suivant les mêmes formes. Une indemnité leur est allouée pour l'exercice de leurs fonctions. Les assesseurs titulaires doivent être de nationalité française, être âgés de 23 ans au moins, remplir les conditions d'aptitude pour être juré, telles que fixées aux articles 255 à 257 du CPP et n'avoir fait l'objet d'aucune condamnation pour une infraction prévue au livre VII du code rural et de la pêche maritime ou au code de la sécurité sociale.
La fonction d'assesseur n'est pas incompatible avec celle de conseiller prud'homme. En revanche les membres des conseils d'administration des organismes de sécurité sociale ou de mutualité sociale agricole ne peuvent être désignés en qualité d'assesseurs.
Les assesseurs doivent exercer leurs fonctions en toute indépendance, impartialité, dignité et probité et se comporter de façon à exclure tout doute légitime à cet égard. Ils doivent s'abstenir, notamment, de tout acte ou comportement public incompatible avec leurs fonctions. Ils sont tenus au secret des délibérations. Ils doivent veiller à prévenir ou faire cesser immédiatement les situations de conflit d'intérêts, le conflit étant défini comme toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés de nature à influencer ou paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction.
Les assesseurs ont un statut de salariés protégés, une obligation de formation initiale (art. D. 218-13 et s. COJ) et sont assujettis à un régime disciplinaire.
Les articles R. 218-1 et s. COJ (décret n° 2019-912 du 30 août 2019) précisent le fonctionnement des formations échevinées des tribunaux judiciaires compétents en matière de contentieux de la sécurité sociale (désignation des assesseurs, prestation de serment, installation, convocation aux audiences, récusation, indemnisation).

A noter : en application de l'art. 96 de la loi du 23 mars 2019 il y a eu fusion, au 1er janvier 2020, du contentieux général et du contentieux technique de la sécurité sociale, après intervention du décret n° 2019-1506 du 30 déc. 2019.

 
- Administration du tribunal judiciaire.

L'administration d'un tribunal judiciaire est assurée par divers organes (comité de gestion, commission plénière, assemblées générales). Présidées selon les cas par le Président, le Procureur de la République ou le greffier en chef, les assemblées générales émettent des avis sur le fonctionnement interne.
Le Président joue toutefois un rôle essentiel dans le fonctionnement de la juridiction :
  • il est chargé de la surveillance et de la notation des juges du tribunal judiciaire ;
  • il prend les mesures d'administration judiciaire liées à l'organisation du fonctionnement du tribunal judiciaire, telles la répartition annuelle des magistrats ou la ventilation des affaires entre les chambres.
Le décret n° 2016-514 du 26 avril 2016, relatif à l'organisation judiciaire, aux modes alternatifs de résolution des litiges et à la déontologie des juges consulaires avait institué au sein des TGI le projet et le conseil de juridiction, qui sont pérennisés au sein du tribunal judiciaire (art. R. 212-63 et R. 212-64 du COJ) :
  • Le projet de juridiction est élaboré à l'initiative des chefs de juridiction, en concertation avec l'ensemble des magistrats et personnels de la juridiction. Il définit, en prenant en compte les spécificités du ressort, des objectifs à moyen terme visant à améliorer le service rendu au justiciable et les conditions de travail, dans le respect de l'indépendance juridictionnelle.
  • Le conseil de juridiction, coprésidé par le président du tribunal judiciaire et le procureur de la République, est un lieu d'échanges et de communication entre la juridiction et la cité. Il n'exerce aucun contrôle sur l'activité juridictionnelle ou l'organisation de la juridiction, ni n'évoque les affaires individuelles dont la juridiction est saisie. Il se compose de magistrats et fonctionnaires de la juridiction et de divers autres intervenants selon l'ordre du jour (représentants de l'administration pénitentiaire et de la PJJ, représentants locaux de l'Etat, des collectivités territoriales, parlementaires élus du ressort, personnes exerçant une mission de service public auprès des juridictions, représentants des professions du droit, d'associations).

Les projets de réforme avaient un moment évoqué la création d'une juridiction départementale unique rassemblant plus largement tribunaux de commerce (TC) (a) et conseils de prud'hommes (CPH) (b). A ce stade, tel n'a pas été le cas. En revanche, la suppression des tribunaux d'instance a eu des conséquences induites sur l'organisation des tribunaux paritaires des baux ruraux (c). Par ailleurs, préfigurant la nouvelle organisation judiciaire intervenue en janvier 2020, d'autres juridictions spécialisées avaient été supprimées peu avant. Nous les évoquerons pour mémoire (d).
 

Le tribunal de commerce est une juridiction homogène qui, en formation de jugement, se compose de trois commerçants élus par leurs pairs. Les fonctions de juge au tribunal de commerce sont exercées gratuitement.http://auteur.unjf.fr/activity/1380/Editer/28

En 2002 un projet de réforme avait envisagé d'introduire la mixité au sein de la justice consulaire, y compris en appel, et de mettre en place un statut des juges consulaires. Ce projet avait suscité des réactions d'opposition chez les magistrats consulaires et avait été abandonné.
La réflexion menée sur "Les juridictions du XXIème siècle" a relancé le débat sur l'organisation et le fonctionnement de la justice commerciale autour de diverses propositions : procéder à des regroupements de tribunaux et de procédures, instituer l'échevinage (mixité) en appel, créer un nouveau statut des juges consulaires, désigner des juridictions spécialisées pour les affaires les plus importantes, notamment en matière de procédures collectives ou pour certains cas de compétence internationale... Cette compétence spécifique, propre à certains tribunaux de commerce, a été entérinée par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 et est effective depuis le 1er mars 2016 (art. L. 721-8, C. com.). La liste de ces tribunaux de commerce spécialisés a été fixée par un décret du 26 février 2016 après avis du Conseil national des tribunaux de commerce (v. aussi circ. 27 juillet 2016, n° JUSB1619933C relative à la compétence particulière de certains tribunaux de commerce).

Rq.Le Conseil national des tribunaux de commerce, installé le 31 janvier 2006, a un rôle consultatif et de proposition (décret. n° 2005-1201 du 23 sept. 05).

Actualité : La loi J21, du 18 novembre 2016, a remanié diverses dispositions intéressant la justice commerciale, dont les conditions d'élection et le statut des juges consulaires.
L'objectif est de renforcer l'indépendance et l'impartialité des tribunaux de commerce (C. Boillot, « Conforter l'indépendance et l'impartialité des juridictions consulaires », JCP G 2016 Fasc. 49 n° 1304).

Rq.Dispositions en vigueur avant la loi J21 : selon l'ordonnance n° 2004-328 du 15 avril 2004 relative à l'élection des délégués et juges consulaires, le scrutin était à deux degrés, des délégués consulaires étant tout d'abord élus par les électeurs professionnels, lesquels élisaient ensuite les juges consulaires. Pour être éligible, il fallait avoir au moins 30 ans, justifier d'au minimum 5 ans d'activité commerciale et ne pas avoir fait l'objet d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire (réforme du régime électoral par le décret n° 2005-808 du 18/7/05).
Les juges étaient élus pour 2 ans et renouvelables par périodes de 4 ans. Le Président était quant à lui élu pour 4 ans parmi les juges ayant au moins 6 ans d'ancienneté.
En mai 2012, avait été posée par la Cour de cassation au Conseil constitutionnel une QPC sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des textes régissant l'élection des juges consulaires, leur mandat électif et leur régime disciplinaire. Dans une décision du 4 mai 2012, le Conseil constitutionnel avait considéré que la légalité était bien respectée (CC, décision n° 2012-241, 4 mai 2012, QPC, D. 2012 p. 1413, obs. JL Vallens et p. 1626 note N. Fricero, « Le tribunal de commerce : une juridiction conforme aux exigences constitutionnelles ! », JCP G 2012 Fasc. 20 n° 595, note C. Bléry et L. Raschel).

L'élection des juges consulaires reste une élection à deux degrés, la loi nouvelle intégrant la nouvelle compétence des tribunaux de commerce à l'égard des artisans, devenue effective le 1er janvier 2022.
  • Les délégués consulaires sont élus pour 5 ans dans le ressort des tribunaux de commerce, les électeurs étant répartis en quatre catégories professionnelles correspondant aux activités commerciales, artisanales, industrielles ou de services. Les électeurs des membres des chambres de commerce et d'industrie territoriales et de région sont répartis dans chaque circonscription administrative en trois catégories professionnelles correspondant, respectivement, aux activités commerciales, industrielles ou de services. Au sein de ces catégories, les électeurs peuvent éventuellement être répartis en sous-catégories professionnelles définies en fonction de la taille des entreprises.
    Rq.NB : une loi du 11 octobre 2021 a prorogé jusqu'au 31 déc. 2021 le mandat des délégués consulaires élus en 2016. Ceci a eu pour effet de reporter au 1er janvier 2022 l'entrée en vigueur du nouveau collège électoral prévu par la loi PACTE du 22 mai 2019 et permise aux élections de novembre et décembre 2021 de se tenir selon les anciennes règles en rendant rééligibles des membres en exercice et d'anciens membres de tribunaux de commerce qui sinon, du fait d'une inadvertance de la loi PACTE n'auraient pas été rééligibles. Cela aurait privé les juridictions consulaires d'un précieux vivier de compétence. Du fait d'autres malfaçons de la loi PACTE, le régime de réélection des juges consulaires a encore été modifié par la loi n° 2022-1348 du 24 octobre 2022.
  • Les juges consulaires : sont éligibles aux fonctions de juge consulaire, les personnes âgées de trente ans au moins :
    1. Inscrites sur la liste électorale dressée en application de l'article L. 713-7 du C. com. dans le ressort du tribunal de commerce ou dans le ressort des tribunaux de commerce limitrophes ;
    2. Qui remplissent la condition de nationalité prévue à l'article L. 2 du Code électoral ;
    3. A l'égard desquelles une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires n'a pas été ouverte ;
    4. Qui, s'agissant des personnes mentionnées au 1° ou au 2° de l'article L. 713-7, n'appartiennent pas à une société ou à un établissement public ayant fait l'objet d'une procédure, redressement ou de liquidation judiciaires ;
    5. Et qui justifient soit d'une immatriculation pendant cinq années au moins au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, soit de l'exercice, pendant une durée totale cumulée de cinq ans, de l'une des qualités énumérées à l'article L. 713-8 ou de l'une des professions énumérées au d du 1° de l'article L. 713-7 du C. com..
Les juges ne peuvent être élus pour plus de quatre mandats successifs dans un même tribunal de commerce. Une exception est faite pour le président sortant, qui peut être réélu pour un nouveau mandat, en qualité de membre du même TC. Mais à l'issue de ce mandat, il n'est plus éligible dans ce tribunal.
Les juges des tribunaux de commerce ne peuvent siéger au-delà de l'année civile au cours de laquelle ils ont atteint l'âge de 75 ans.

La loi J21 a modifié le statut des juges consulaires en instaurant :
  • des incompatibilités nouvelles (art. L. 722-6-1 et s. du C. com.),
  • une obligation de formation initiale et continue,
  • des obligations en matière de déontologie et de prévention des conflits d'intérêts (déclaration d'intérêts : V. aussi décret n° 2017-1163 du 12 juillet 2017),
  • une réforme du régime disciplinaire.

En savoir plus


Décret n° 2016-514 du 26 avril 2016, relatif à l'organisation judiciaire, aux modes alternatifs de résolution des litiges et à la déontologie des juges consulaires (V. aussi décret n° 2017-1163 du 12 juillet 2017) :

  • Le Conseil national des tribunaux de commerce élabore un recueil des obligations déontologiques des juges des tribunaux de commerce, qui est rendu public.
  • Un collège de déontologie, placé auprès du Conseil national des tribunaux de commerce, est chargé de favoriser la bonne application des principes déontologiques inhérents à l'exercice des fonctions des juges des tribunaux de commerce. Il est composé d'un magistrat de l'ordre judiciaire et de deux juges des tribunaux de commerce, dont le mandat est de deux ans renouvelable une fois. Il a pour mission :
    • de donner des avis sur toute question déontologique concernant personnellement un juge d'un tribunal de commerce, sur saisine de celui-ci, des présidents des tribunaux de commerce ou des premiers présidents des cours d'appel ;
    • d'émettre des recommandations de nature à éclairer les juges des tribunaux de commerce sur les obligations déontologiques et les bonnes pratiques qui s'appliquent à eux dans l'exercice de leurs activités.
  • Un magistrat du siège désigné par le premier président de chaque cour d'appel parmi les magistrats de la cour est chargé de répondre à toute demande d'avis sur une question déontologique dont le président d'un tribunal de commerce situé dans le ressort de la cour peut le saisir, d'initiative ou sur la demande d'un juge de sa juridiction.

Les tribunaux de commerce sont implantés dans les lieux où existe une activité commerciale suffisante. En 2009, l'entrée en application de la carte judiciaire issue du décret n° 2008-146 du 15 février 2008 a entraîné la suppression de 55 de ces juridictions. En 2016, 3 200 juges consulaires étaient répartis dans 134 tribunaux sur le territoire français. A défaut de tribunal de commerce, le tribunal judiciaire, à l'instar du TGI, peut statuer en matière commerciale (art. L. 721-2 du C. com.).

Rq.Des textes fixent par ailleurs la liste et le ressort des juridictions - tribunaux judiciaires et tribunaux de commerce - spécialisées en matière de concurrence, de propriété industrielle et de difficultés des entreprises, étant précisé qu’en matière de procédures collectives, le tribunal judiciaire ne connaît que des procédures intéressant les personnes qui ne sont ni artisans, ni commerçants.
A noter : la compétence des tribunaux judiciaires s'est par ailleurs réduite au 1er janvier 2022, du fait du rattachement aux tribunaux de commerce d'une partie des litiges intéressant les artisans (voir leçon 4).

Les greffiers ont la qualité d'officier ministériel. Leur statut avait déjà été modifié par la loi n° 2004-130 du 11 février 2004 et un décret n° 2004-1462 du 23 déc. 2004 encadrant la discipline.
La loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 leur a permis d'exercer leur profession en qualité de salarié d'une personne physique ou morale titulaire d'un greffe de TC (art. L. 743-12 s. du C. com.).
L'ordonnance n° 2016-57 du 29 janvier 2016, ratifiée par la loi J21, prévoit désormais leur recrutement par concours (JCP G 2016 Fasc. 6 n° 155 veille C. Bléry) et les tarifs et conditions d'exercice de la profession ont été révisés (v. décret n° 2016-230 du 26 fév. 2016 relatif aux tarifs des professions juridiques réglementées et au fonds interprofessionnel de l'accès au droit et à la justice et arrêté du 26 fév. 2016 intéressant les greffiers des tribunaux de commerce e.v. le 1er mars 2016 (F. G'sell, JCP G 2016 Fasc. 11 n° 311). Les règles relatives à la déontologie et à la discipline viennent à nouveau d'être remaniées par la loi n° du 22 décembre 2021.

Bibliographie : Blandine Rolland, « Où va la justice commerciale ? », Proc. 2015 Fasc. 1 n° 5 ; « Justice du XXIème siècle : précisions relatives au statut, à la formation, à la déontologie et aux règles disciplinaires des juges des tribunaux de commerce », Proc. 2017 Fasc. 2, étude 15.

Actualité  : Faisant suite au rapport SAUVE, la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 (art. 26s.) prévoit la création pour quatre ans, à titre expérimental, de « tribunaux des activités économiques » dans neuf à douze tribunaux de commerce. Ils auront une compétence étendue pour traiter toutes les procédures amiables et collectives engagées par les acteurs économiques, sauf pour les professions du droit réglementées. Le tribunal des activités économiques sera composé des juges élus du tribunal de commerce, de juges exerçant la profession d'exploitant agricole et d'un greffier. Lorsqu'une formation de jugement comprendra un juge exerçant une profession agricole, celui-ci siègera en qualité d'assesseur. Les juges exerçant une profession agricole seront nommés par le ministre de la justice et choisis sur une liste de candidats présentée par le premier président de la cour d'appel sur proposition de la chambre d'agriculture départementale.
J. Jourdan-Marques, « Le tribunal des activités économiques : une chimère ? », D. 2024 735 - F. Kendérian, « Le transfert au tribunal des activités économiques du contentieux du bail commercial en lien avec les procédures collectives : une fausse bonne idée », D. 2024, p. 130.
Juridiction paritaire, le conseil de prud'hommes était aussi auparavant une juridiction élective, avant une réforme d'envergure, intervenue en 2017 (voir ci-dessous).

Il existe au moins un CPH par ressort de tribunal judiciaire. Ils sont divisés en sections autonomes , composées d'au moins 8 conseillers. Un conseil peut comporter jusqu'à 5 sections : agriculture, commerce et services commerciaux, encadrement, industrie, activités diverses. Les périmètres et attributions des sections sont à présent déterminés à partir du champ d'application des conventions et accords collectifs fixés par un tableau réglementaire (art. R. 1423-4 du C. trav.).

Les conseillers étaient autrefois élus par tous ceux qui, âgés d'au moins 16 ans, exerçaient une activité professionnelle en tant que salarié ou employeur. Les électeurs votaient dans la section liée à leur activité principale. Pour être éligible, il fallait avoir la nationalité française, être âgé d'au moins 21 ans et ne pas avoir fait l'objet de condamnation. Ils avaient un mandat de 5 ans renouvelable.

L'ordonnance n° 2016-388 du 31 mars 2016 prévoit désormais une nomination pour 4 ans par les ministres de la justice et du travail (A. Bugada, Proc. 2016 Fasc. 8 alerte 36). La mise en place d'un tel changement avait conduit à reporter au 31 décembre 2017 la fin des mandats en cours de 14 500 conseillers, qui par suite étaient restés en fonctions neuf ans au lieu de cinq.

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Depuis le 1er février 2017, la désignation des conseillers intervient en fonction de la représentativité des organisations syndicales et patronales.
Les conseillers prud'homaux sont désormais désignés, côté salariés, à l'issue des élections professionnelles dans les entreprises (représentativité en fonction des suffrages, l'audience nationale et interprofessionnelle étant appréciée par département). Côté employeurs, l'audience professionnelle (adhésions) s'apprécie au plan national. L'attribution des sièges par organisation syndicale dans chaque Conseil est à présent fonction des résultats départementaux, les nomination se faisant sur la base de candidatures par conseil, collège et section, en intégrant des conditions personnelles à remplir (possibilité de candidature de demandeurs d'emploi et conjoints collaborateurs). Le conseil de rattachement est celui du ressort de la section déterminée par l'activité principale du candidat. 


Les conseillers, lorsqu'ils sont salariés, font l'objet d'une protection spécifique :
  • ils peuvent s'absenter pour exercer leurs fonctions ou recevoir une formation en relation avec celles-ci ;
  • ils bénéficient d'une rémunération même en cas d'absence ;
  • ils sont considérés comme des salariés protégés au regard du licenciement et toute entrave à l'exercice de leurs fonctions est passible de sanctions.
Le président et le vice-président du Conseil de prud'hommes sont élus pour un an, en alternance, parmi les conseillers employeurs et salariés.

Rq.La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 (dite loi Macron) a par ailleurs apporté des modifications importantes au Code du travail :
  • renforcement de la formation, du statut et de la discipline des conseillers (création d'une Commission nationale de discipline siégeant à la Cour de cassation et présidée par un président de Chambre),
  • fonctionnement des conseils de prud'hommes,
  • création du statut de défenseur syndical.
A. Bugada, « La loi Macron et les prudhommes : une (r)évolution », Proc. Fasc. 2015 Fasc. 11 alerte 49.

Une circulaire du 7 août 2018 a rappelé le Recueil déontologique élaboré par le Conseil supérieur de la prud'homie et précisé la nouvelle procédure disciplinaire (Alexis Bugada, « Déontologie et discipline des conseillers prud'hommes : à propos de la circulaire du 7 août 2018 », Proc. 2018 Fasc. 12 Etude 9).

Chaque section comporte :
  • un bureau de conciliation et d'orientation composé d'un conseiller employeur et d'un conseiller salarié
  • un bureau de jugement composé de 4 conseillers, avec même principe de parité. la loi du 6 août 2015 a institué une formation restreinte du bureau de jugement, composée de deux conseillers.
Il existe aussi une formation de référé paritaire, commune à toutes les sections.
En cas de partage des voix, il est fait appel à un juge départiteur, appartenant désormais au tribunal judiciaire, lequel peut même statuer seul.

Rq.Autres réformes récentes :
Dans la continuité de la "Loi Macron" de 2015 :
  • La procédure prud'homale a été réformée par les décrets n° 2016-660 du 20 mai 2016 et n° 2017-1008 du 10 mai 2017.
  • L'établissement des listes et conditions d'exercice des défenseurs syndicaux intervenant en matière prud'homale ont été précisés par le décret n° 2016-975 du 18 juillet 2016.
  • Le décret n° 2016-1948 du 28 décembre 2016 traite de la déontologie et de la discipline des conseillers prud'homaux.
Rapport Rostand du 28 avril 2017 sur la réforme prud'homale (T. Lahalle, JCP G 2017 Fasc. 23 n° 634 : premier bilan mitigé) - A. Bugada, « Ce qu'il faut savoir sur la réforme du contentieux du travail avant l'été 2017 », Proc. 2017 Fasc. 7 n° 26.

Il existait jusqu'au 31 décembre 2019 un TPBR par siège de tribunal d'instance, d'où un impact également des réformes récentes (carte judiciaire puis création des tribunaux judiciaires).

L'art. L. 491-1 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM) rural dispose désormais qu'il est créé, dans le ressort de chaque tribunal judiciaire, au moins un tribunal paritaire des baux ruraux. Le TPBR comprend, en nombre égal, des bailleurs non preneurs et des preneurs non bailleurs répartis, s'il y a lieu, entre deux sections. L'une des sections est composée de bailleurs et de preneurs à ferme, l'autre de bailleurs et preneurs de baux à métayage.

Le D. 2019-913 du 30 août 2019, a précisé qu'à compter du 1er janvier 2020, la présidence du TPBR serait assurée, soit par un magistrat du siège du tribunal judiciaire, soit par un magistrat de la chambre de proximité, selon le lieu d'implantation de ce tribunal.
Ces juridictions paritaires siègent par intermittence. En formation de jugement, le magistrat professionnel est assisté de deux assesseurs représentant les preneurs et de deux assesseurs représentant les bailleurs. Lorsque la formation ne peut se réunir au complet, le président peut statuer seul (art. L. 492-6 du CRPM) ou les procédures être transférées au tribunal judiciaire (art. L. 492-7 du CRPMl).

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Avant 2018 les assesseurs étaient élus pour 6 ans par leurs électeurs respectifs. Ils sont désormais désignés pour une durée de six ans par le premier président de la cour d'appel, après avis du président du tribunal paritaire, sur une liste dressée dans le ressort de chaque tribunal paritaire par l'autorité administrative, sur proposition des organisations professionnelles les plus représentatives intéressées pour les preneurs non bailleurs ainsi que sur proposition, pour les bailleurs non preneurs, des organisations professionnelles les plus représentatives intéressées et, le cas échéant, des organisations de propriétaires ruraux représentatives au plan départemental. Leurs fonctions peuvent être renouvelées suivant les mêmes formes. En l'absence de liste ou de proposition, le premier président de la cour d'appel peut renouveler les fonctions d'un ou de plusieurs assesseurs pour une durée de six ans.

Les assesseurs titulaires doivent être de nationalité française, âgés de vingt-six ans au moins, jouir de leurs droits civils, civiques et professionnels et posséder depuis cinq ans au moins la qualité de bailleur ou de preneur de baux à ferme ou à métayage.

M. Reverchon-Billot, « La constitution du tribunal paritaire des baux ruraux revue et corrigée par la loi "J21" », Proc. 2017 Fasc. 4, étude 21.


Justifiées par la volonté de rapprocher la justice des justiciables et de permettre un règlement rapide des petits litiges de la vie quotidienne, les juridictions de proximité avaient été créées par la loi d'orientation et de programmation pour la justice, promulguée le 9 septembre 2002, l'objectif étant le recrutement dans les 5 ans de 3 300 juges de proximité, équivalent à 580 emplois pleins.

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La loi du 9 sept 2002 avait été complétée par une loi organique du 26 février 2003 et plusieurs décrets (décret n° 2003-438 du 15 mai 2003 et décret n° 2003-542 du 23 juin 2003 - Véricel, « Pour une véritable justice de proximité en matière civile », JCP G 03 I 114).

Mais ce dispositif a rapidement montré ses limites : insuffisance des rémunérations et indemnisations, rigidité des conditions de travail et du système de formation continue des juges de proximité (Lebreton, « La justice de proximité : un premier bilan pessimiste », D. 04 chr. 2808).
Un décret du 4 janvier 2007 avait renforcé les conditions de formation des juges de proximité.

Les juges de proximité étaient des magistrats non professionnels, nommés pour une durée de 7 ans non renouvelable, exerçant leurs fonctions à temps partiel (sur leurs conditions de recrutement et leur statut : voir leçon 3, sous-section 1 §1A2).
Les juridictions de proximité statuaient à juge unique mais pouvaient comporter un ou plusieurs juges de proximité.
Ces juges pouvaient exercer une part limitée des fonctions des magistrats des juridictions judiciaires de première instance. L’objectif était de leur confier, aussi bien en matière civile que pénale, le traitement des “petits” litiges, notamment de la vie quotidienne, pour lesquels le système juridictionnel antérieur apparaissait inadapté.

Leur compétence avait été élargie par la loi du 26 janvier 2005. Les juridictions de proximité connaissaient en matière civile des actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 4 000 euros, ou d'une valeur indéterminée mais ayant pour origine l'exécution d'une obligation d'un montant n'excédant pas 4 000 euros. Ce montant n'était à l'origine que de 1 500 euros, soit 5% seulement du contentieux civil des tribunaux d'instance.

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En juin 2006, les juges de proximité étaient au nombre 530, répartis dans 325 juridictions. Le Garde des Sceaux avait annoncé qu’ils devraient être plus de 820 au terme de l’année 2007. Les profils des premiers nommés reflétaient les conditions d'admission fixées par la loi organique : maîtres de conférences d'université, anciens magistrats ou commissaires de police, mais assez peu de personnes issues du secteur privé.
En juin 2008, il existait 476 juridictions de proximité, dont 322 pourvues d’au moins un juge en fonction, les autres étant composées de juges d’instance faisant office de juges de proximité.

S'était posée la question de savoir si l'on était bien en présence d'une juridiction autonome, les dispositions relatives au fonctionnement des juridictions de proximité conduisant à en douter

  • leur siège et leur ressort étaient calqués sur ceux du tribunal d'instance;
  • le greffe de la juridiction de proximité était le greffe du tribunal d'instance ;
  • l'activité et les services de la juridiction de proximité étaient aussi sous le contrôle du magistrat du TGI. chargé de l'administration du tribunal d'instance.

Bibliographie :
  • Etude CERCRID, « Les juridictions et juges de proximité, Leur rôle en matière d'accès à la justice des petits litiges civils », JCP G 09 I 106 : enquête de terrain réalisée en 2007 et 2008 auprès de 24 juridictions, apportant des informations précises sur le contentieux et le fonctionnement concret de ces juridictions.
  • E. Jeuland, « La parenthèse des juridictions de proximité (statistiques) », D. 2014 2512.

La suppression des juridictions de proximité a été proposée par le rapport Guinchard, qui a suggéré de maintenir les juges de proximité, mais en qualité d’assesseurs dans les TGI. Cette proposition a été reprise par la loi n° 2011-1862 du 13 déc. 2011, relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles (C. Bléry, « Répartition des contentieux et allègement de certaines procédures juridictionnelles – Aspects civils de la loi du 13 déc. 2011 », JCP G 2011 Fasc. 52 n° 1465). L'entrée en vigueur de la réforme a été décalée, tout d'abord par la loi n° 2012-1441 du 24 décembre 2012, puis par la loi de finances pour 2015, et à nouveau par la loi sur Justice du XXIème siècle : les juridictions de proximité ont finalement été supprimées à compter du 1er juillet 2017 et leurs compétences transférées aux tribunaux d’instance (pour les dispositions transitoires, voir leçon 1, section 2 §2 ). Les archives et les minutes des greffes ont été transférées aux greffes des tribunaux de police ou d'instance compétents.

Rq.Les juges de proximité, intégrés aux TGI, se sont vus confier de nouvelles missions. Ils ont aussi été chargés de fonctions juridictionnelles dans les TI.

Le contentieux était jusqu'à fin 2018 réparti entre deux catégories de juridictions : les tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et les tribunaux du contentieux de l'incapacité (TCI).

Le TASS connaissait du contentieux juridique général de la sécurité sociale et traitait : d'une part des litiges entre organismes et assujettis : problèmes d'affiliation, de cotisations ; d'autre part des litiges entre organismes et bénéficiaires de prestations : problèmes de versement d'indemnités ou de répétition de versements indus. C'était une juridiction échevinale, associant en formation de jugement un magistrat professionnel (un magistrat du siège du TGI, en activité ou honoraire) et deux assesseurs.
Un assesseur représentait les salariés, l'autre les employeurs et travailleurs indépendants. Tous étaient désignés par le Premier Président de la Cour d'appel sur une liste dressée par l'administration à partir des propositions des organisations syndicales les plus représentatives (art. L. 143-5 du CSS). Leur mandat était de 3 ans.


Le contentieux médical relevait des tribunaux du contentieux de l'incapacité. Ils étaient chargés d'apprécier l'état et le degré d'invalidité ou d'incapacité.
Il s'agissait de juridictions régionales échevinales, composées de deux assesseurs : l'un représentait les salariés, l'autre les employeurs et travailleurs indépendants. Ces tribunaux étaient en principe présidés par un magistrat honoraire ou une personnalité compétente offrant des garanties d'indépendance et d'impartialité (art. L. 143-2 du CSS).
L'appel de leurs décisions était porté devant une Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail.


En application de la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle, TASS et TCI ont été supprimés le 1er janvier 2019, de même que la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, les commissions départementales d'aide sociale et la Commission centrale d'aide sociale. La loi a été complétée par deux ordonnances n° 2018-358 et 2018-359 du 16 mai 2018 relatives au traitement juridictionnel de ce contentieux et aux modalités de transfert des personnels concernés, ainsi que par le décret n° 2018-772 du 4 sept. 2018.

116 TGI avaient été spécialement désignés connaissent en première instance aux termes de l'art. L. 211-16 du COJ  :
  • Des litiges relevant du contentieux général de la sécurité sociale, défini à l'article L. 142-1 du Code de la sécurité sociale ;
  • Des litiges relevant du contentieux technique de la sécurité sociale, défini à l'article L. 142-2 du même Code, à l'exception de ceux mentionnés au 4° du même article  (l'art. 96 de la loi du 23 mars 2019 prévoit la fusion au plus tard le 1er janvier 2020 du contentieux général et technique de la sécurité sociale);
  • Des litiges relevant de l'admission à l'aide sociale mentionnés à l'article L. 134-3 du Code de l'action sociale et des familles et des litiges relatifs aux décisions mentionnées aux art. L. 861-5 et L. 863-3 du Code de la sécurité sociale ;
  • Des litiges relevant de l'application de l'article L. 4162-13 du Code du travail.
Comme indiqué auparavant (voir A1, supra), 116 tribunaux judiciaires spécialement désignés se sont « substitués » à ces TGI.

Rq.Certains litiges de l'aide sociale ont par ailleurs été répartis entre le juge judiciaire et le juge administratif (sur ce point voir ord. n° 2018-358 et ord. n° 2018-359 du 16 mai 2018 et décret n° 2018-360 du 16 mai 2018, relatifs aux modalités de remplacement des juridictions administratives spécialisées de l'aide sociale - A. Bugada, Proc. 2018 Fasc. 7 alerte 13). En effet, le contentieux de l'aide sociale, celui des ex-commissions départementales et de la commission centrale d'aide sociale dépendent désormais des juridictions administratives, avec un rôle particulier dévolu à la cour administrative d'appel de Paris.

- A. Bugada,
  • « La refonte du contentieux de la sécurité sociale dans la justice du XXIème siècle », Proc. 2017 Fasc. 2, étude 11.
  • « Procédures nouvelles pour le contentieux Séc. Sociale » (décret n° 2018-928 du 29 oct. 2018, JCP G 2018 Fasc. 46 n° 1166 et Proc. 2018 Fasc. 12 alerte 31E).
- Négron, « La création des pôles sociaux – Une nouvelle étape vers une justice plus proche et plus efficace », JCP G 2018 Fasc. 51 n° 1353 : le point sur les difficultés antérieures de la justice sociale ayant conduit à la réforme, les conditions de réalisation du transfert.

L'appel est une voie de recours hiérarchique
: les Cours d'appel sont situées au second degré de juridiction et sont d'ailleurs les seules juridictions à ce niveau, depuis la suppression de la juridiction d'appel nationale de l'incapacité le 1er janvier 2019 (voir d.2 ci-dessus).

Les Cours d'appel possèdent une compétence en matière civile et pénale.

Il en existe 36 (30 en métropole) avec un ressort territorial correspondant aux anciennes provinces françaises. Elles reçoivent les appels émanant de toutes les juridictions de première instance situées sur leur ressort territorial, sous réserve en principe d'un taux de ressort (voir supra section 1§2H1).
Elles sont divisées en chambres, selon leur activité, mais comportent au moins une chambre civile, une chambre sociale, une chambre d'accusation et une chambre des appels correctionnels.
Le décret n° 2016-514 du 26 avril 2016 relatif à l'organisation judiciaire, aux modes alternatifs de résolution des litiges et à la déontologie des juges consulaires prévoit que les chambres des Cours d'appel
peuvent être regroupées en pôles,  coordonnés et animés par des magistrats.

Les Cours d'appel se composent d'un chef de Cour, le Premier Président, de présidents de chambres et de conseillers. Le parquet est représenté par un Procureur Général, assisté d'avocats et de substituts généraux. Depuis le 1er janvier 2015, le Premier président a la faculté de faire juger une affaire d'une particulière complexité ou susceptible de recevoir dans les chambres des solutions divergentes par une formation de chambres réunies, présidée par lui-même (décret n° 2014-1458 du 8 déc. 2014).
Les Cours d'appel sont administrées par le Premier président, des assemblées générales, un comité de gestion.
Les formations de jugement comportent au moins 3 magistrats. En cas de renvoi de cassation, elles peuvent siéger en audience solennelle, à 5 magistrats, sous la présidence du Premier Président et sur décision de celui-ci (il ne s'agit plus d'une obligation : Cass. Soc., 23 oct. 07, JCP G 08 II 10002, art. R. 312-9 COJ issu du décret du 28 déc. 2005).

Le décret n° 2016-514 du 26 avril 2016, relatif à l'organisation judiciaire, aux modes alternatifs de résolution des litiges et à la déontologie des juges consulaires institue pour les Cours d'appel :
  • Le projet et le conseil de juridiction : dispositions à l'instar de ce qui a été prévu pour les TGI / tribunaux judiciaires (voir supra A1).
  • Une coordination dans leur ressort (art. R. 312-69-3 du COJ) : le premier président peut désigner, un président de chambre ou un conseiller chargé, en concertation, le cas échéant, avec les magistrats coordonnateurs de première instance prévus aux articles R. 212-3 et R. 212-62 du COJ, de coordonner certaines activités juridictionnelles dans le ressort de sa cour d'appel. Celui-ci est l'interlocuteur des personnes, organismes et autorités avec lesquels la cour, au titre de ces activités juridictionnelles, est en relation.

Rq.Un projet de réforme de la justice commerciale, abandonné en 2002 (voir supra §1. A. 2. c), prévoyait l'introduction de la mixité au second degré en matière commerciale. Le débat avait été relancé en 2014.

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Depuis le 1er janvier 2019, 28 cours d'appel spécialement désignées ont vocation à connaître des décisions rendues par les TGI, puis les tribunaux judiciaires, spécialement désignés en matière de contentieux de la sécurité sociale et d'aide sociale, visés par l'art. L. 211-16 du COJ.

Le contentieux de la tarification de l'assurance et des accidents du travail / AT/MP (litiges mentionnés au 4° de l'article L. 142-2 du CSS : accidents du travail - maladies professionnelles) a fait l'objet d'un régime transitoire spécifique mais tous les recours formés depuis le 1er janvier 2019 relèvent au plan national, de la cour d'appel d'Amiens (COJ, art. D. 311-12). Sa formation de jugement est composée d'un magistrat du siège et de deux assesseurs représentant l'un les travailleurs salariés, et l'autre les employeurs et les travailleurs indépendants.

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  • Juin 2008 : rapport de la Commission Magendie : "Célérité et qualité de la justice devant la Cour d'appel" (Granet, Proc. 08 Focus n° 13 ; Entretien avec J.-C. Magendie, JCP G 08 I 145).
  • 1er décembre 2010 : en lien avec la réforme des procédure orales par le décret du 1er octobre 2010, rénovation de la procédure sans représentation obligatoire devant les Cours d'appel.
  • 1er janvier 2011 : entrée en vigueur de la réforme de la procédure avec représentation obligatoire en matière civile devant la Cour d'appel. Certaines propositions du rapport Magendie ont été reprises par le décret n° 2009-1524 du 9 déc. 2009 (H. Croze, JCP G 2010 F 1 n° 3 ; Villacèque, D. 2010 663 ; D. D’Ambra, « La gestion des flux judiciaires, (crit.) D. 2010 1093 ; Fricera, Proc 2010 chr. 3 ; Entretien par Daniel Landry, « La nouvelle procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile, JCP G 2010 F 21 n° 588) et le décret du 28 décembre 2010 (réforme de la réforme : N. Fricero, JCP G 2011 F. 3 n° 37).
  • Janvier 2012 : disparition des avoués, la représentation de la Cour d'appel étant désormais dévolue aux avocats.
  • Décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 : nouvelle réforme de la procédure d'appel en matière civile (H. Croze, « Dernier appel de la République hollandaise : le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile », Proc. 2017 Fasc. 7 n° 23 ; S. Amrani-Mekki, « L'appel en matière civile : en marche vers un nouvel équilibre procédural (...) », JCP G 2017 Fasc. 23 n° 659 ; N. Fricero, « L'appel nouveau est arrivé », D. 2017 1057).
  • Décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 : il vise à simplifier la procédure d'appel en matière civile, notamment la procédure avec représentation obligatoire. Il entrera en vigueur le 1er septembre 2024.


C'est la juridiction suprême
de l'ordre judiciaire.

Nous présenterons successivement sa composition générale puis ses différentes formations et activités spécifiques.

La Cour de cassation se compose de 6 chambres, cinq chambres civiles et une chambre criminelle.
Les attributions des chambres sont déterminées par le Premier Président. La première chambre civile a compétence en matière de droit des personnes, de contrats, d'assurances et de droit international privé. Depuis 2003 elle connaît aussi du divorce, alors que cette compétence relevait auparavant de la deuxième chambre. La deuxième chambre traite de la responsabilité délictuelle et est spécialisée en procédure civile. La troisième chambre connaît du droit des biens.
Ex.Ex : questions liées aux droits réels, à la propriété et à l'urbanisme ...

S'agissant des magistrats du siège, la Cour comprend actuellement un Premier Président, sept présidents de chambres (les présidents des six chambres et celui du Service de Documentation, des Etudes et du Rapport), plus de 200 conseillers parmi lesquels des conseillers en service extraordinaire et plus de 70 conseillers référendaires. Ces derniers assistent les conseillers, ont voix délibérative lorsqu'ils sont rapporteurs et peuvent être appelés à compléter une formation pour des raisons de quorum.Les membres du Parquet étaient au nombre de 58 en 2022 : le Procureur général, assisté d'un secrétaire Général, de six premiers avocats généraux, 36 avocats généraux et 13 avocats généraux référendaires (statut créé par une loi organique du 5 mars 2007 ).
Enfin, des auditeurs sont chargés des activités administratives ainsi que du Service de documentation, des études et du rapport (SDER).
L'encombrement de la Cour de cassation a justifié diverses réformes structurelles ou procédurales des formations juridictionnelles et, en 1991, la création de la formation de saisine pour avis.
La loi J21 a fait évoluer les dispositions relatives à cette formation. Elle a par ailleurs introduit en droit français une procédure de réexamen des décisions civiles en matière d'état des personnes, pour laquelle la Cour de cassation assure le rôle de cour de réexamen.

Les arrêts rendus peuvent émaner d'une chambre, de la chambre mixte ou de l'Assemblée plénière.

En matière civile, chaque chambre peut siéger en formation plénière, en formation de section ou en formation restreinte (art. R. 421-3 du COJ). 

- La formation à 3 magistrats.
Cette formation restreinte constitue désormais la formation ordinaire de chaque chambre.
Depuis le 1er janvier 2002, toutes les affaires soumises à une chambre doivent transiter par cette formation, composée de trois magistrats ayant voix délibérative.

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  • Selon la loi du 3 janvier 1979, cette formation, propre à chaque chambre, ne pouvait connaître que des pourvois irrecevables ou manifestement infondés.
  • Sa compétence avait été élargie par la loi du 6 août 1981 en donnant au Premier Président et aux présidents de chambres la possibilité de renvoyer devant elle les pourvois dont la solution paraissait s'imposer. Elle avait le pouvoir de casser, de rejeter ou de renvoyer les affaires devant la formation normale. Ses attributions dépendaient en fait de la valeur du pourvoi et du degré de pertinence des moyens qu'il mettait en œuvre, selon une distinction s'établissant entre affaires simples et complexes.
  • A partir de 1997, le législateur a inversé le système antérieur (Loi du 23/4/97 : Rev. Justices 98 n° 1; Perdriau, JCP G I 136 - Loi du 25/6/01 : D. 02 chr. 748) : le renvoi à cette formation n'est plus décidé à chaque fois par le Premier Président et les présidents de chambre, sauf pour la chambre criminelle.

Les pouvoirs de la formation ordinaire sont doubles :
  • d'une part, elle décide qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée lorsque le pourvoi est irrecevable ou lorsqu'il n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation (art. 1014 du CPC modifié par décret n° 2014-1338 du 6 nov. 2014). 25 % des dossiers civils étaient concernés en 2016, 29 % en 2017, 34 % en 2018 et 26 % en 2019 (3 248 cas en 2013, 4 380 en 2017, 5 497 en 2018, 4 556 en 2019).
  • d'autre part elle statue, par une décision de rejet ou de cassation, lorsque la solution du pourvoi s'impose (cas de 51 % des procédure terminées en 2010). Si la décision ne s'impose pas, en cas de désaccord entre les trois magistrats, il y a renvoi de l'affaire, par décision non motivée, à la formation d'audience de la chambre.
    Un renvoi direct à l'audience de la chambre peut toutefois être décidé d'office par le Premier président, le président de la chambre concernée ou leurs délégués, ou sur demande du Procureur Général ou d'une des parties (sur la sélection : Boré, « La Cour de cassation de l'an 2000 », D. 95 chr. 133 spéc. p. 138 s.).

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La formation ordinaire est compétente pour examiner les questions prioritaires de constitutionnalité. Il y a eu abrogation des dispositions de la loi du 22 juillet 2010 qui prévoyaient une formation spéciale, présidée par le premier président et composée des présidents des chambres et de deux conseillers appartenant à chaque chambre spécialement concernée.
Toutefois, si la solution lui paraît s’imposer, le Premier président peut renvoyer la QPC devant une formation présidée par lui-même et composée du président de la chambre spécialement concernée et d’un conseiller de cette chambre.


- La formation d'audience de la chambre (en section ou formation plénière)

Le renvoi à cette formation constitue désormais l'exception et concerne les affaires où la solution du pourvoi ne paraît pas s'imposer (15 % des procédures terminées en 2019).
Elle doit comporter au moins 5 conseillers ayant voix délibérative.
Elle peut aussi être réunie en formation plénière, à 12 ou 15, sur la demande de trois magistrats.

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Depuis le 1er septembre 2020, ont été créées au sein de toutes les chambres des cellules de pré-orientation des dossiers, composées de conseillers désignés par le président de chambre. Trois circuits ont été mis en place et les pourvois font l'objet d'un traitement différencié selon le circuit dont ils relèvent, afin d'adapter la procédure à la difficulté et à l'état de chaque affaire.

  • Circuit court :
    • Pourvois « dont la solution s'impose », en cassation ou rejet : décisions de rejet non spécialement motivées (RNSM) de l'art. 1014 du CPC (pourvoi irrecevable ou manifestement pas de nature à entraîner la cassation) et non admission (NA) au titre de l'art. 567-1-1 du CPP.
    • Cassations disciplinaires simples (infra ou ultra petita, violation du contradictoire, défaut de motifs).
    • Cassations « simples et évidentes » (application directe d'un texte ou d'une jurisprudence constante). 
  • Circuit approfondi : affaires à forte portée normative (question de droit nouvelle, question d'actualité jurisprudentielle, question récurrente ou « avec un impact important pour les juridictions du fond », question susceptible d'entraîner un revirement de jurisprudence.
     
  • Circuit intermédiaire : pourvois ne remplissant pas les conditions pour être orientés vers les deux autres circuits (décisions « dont la portée dépasse le cas d'espèce » : précisions sur la portée d'une jurisprudence, réaffirmation d'une solution ancienne ou rarement énoncée).
F. Ferrand, « La révision de ses processus internes par la Cour de cassation - À propos du rapport du groupe de travail "Méthodes de travail de la Cour de cassation" » (juin 2020), JCP G 2020 Fasc. 39 n° 1027.


Cette formation comporte des magistrats provenant d'au moins 3 chambres.
Le Premier Président, les présidents des chambres concernées, les doyens et deux conseillers de chacune de ces chambres, soit au moins 13 magistrats.
Sa saisine est, selon les cas, facultative ou obligatoire :
  • Elle est obligatoire en cas de partage égal des voix devant la chambre compétente ou demande du Procureur Général formulée avant l'ouverture des débats.
  • Elle est facultative, sur renvoi du Premier Président, proposition du président de chambre, ou arrêt non motivé de la chambre, quand une question relève de la compétence possible de plusieurs chambres ou a reçu, ou risque de recevoir, devant les chambres des solutions divergentes.

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Certains s'interrogent sur la pertinence de cette formation et sur les conditions de sa possible suppression (3 procédures ont été examinées en matière civile en 2014 et 2015, aucune en 2016, 2 en 2017 et 2018, aucune en 2019, deux en 2022), d'autant que chaque chambre peut désormais solliciter l'avis d'une autre sur un point de droit relevant de la compétence de celle-ci (art. 1015-1 du CPC).


Formation la plus solennelle de la Cour, elle comporte désormais 19 magistrats (25 autrefois) appartenant aux six chambres.
Quatre procédures ont été examinées par l'Assemblée plénière en 2014, 12 en 2015, 4 en 2016, 2 en 2017,  7 en 2018 et 2019, 4 en 2022.

Il existe un cas de saisine obligatoire et un cas de saisine facultative de l'Assemblée plénière :
  • Sa saisine est obligatoire lorsque dans une même affaire une décision rendue par une juridiction de renvoi (après cassation) est attaquée par un pourvoi fondé sur les mêmes moyens que ceux ayant justifié la première cassation.
  • Depuis 1981, elle peut aussi être saisie (saisine facultative) à l'occasion d'un premier pourvoi en cas de solutions divergentes soit entre les juges du fond, soit opposant les juges du fond et la Cour de cassation, à propos notamment de questions de principe.
    Le renvoi peut résulter d'une ordonnance du Premier Président ou d'un arrêt non motivé de la chambre saisie.
    Il est de droit si le Procureur général en fait la demande avant l'ouverture des débats.

La décision de l'Assemblée plénière s'impose dans tous les cas à la juridiction de renvoi qui, sur la question tranchée, a compétence liée.

Tableau récapitulatif : les formations juridictionnelles de la Cour de cassation




La finalité de la saisine pour avis est d'assurer au plus vite une unité d'interprétation quand est en cause une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et susceptible de se poser dans de nombreux litiges. La loi Macron a étendu la possibilité de saisine en matière sociale pour l'interprétation d'une convention ou d'un accord collectif présentant une difficulté sérieuse.

Ex.Cass. Avis, 17 juillet 2019 (formation plénière), Proc. 2019 Fasc. 10 n° 23, A. Bugada : la compatibilité d'une disposition de droit interne avec les dispositions de normes européennes peut faire l'objet d'une demande d'avis, dès lors que son examen implique un contrôle abstrait ne nécessitant pas l'analyse d'éléments de fait relevant de l'office de juges du fond.

La Cour peut être saisie par toutes les juridictions judiciaires, quel qu'en soit le degré y compris par les juridictions répressives, mais à l'exception des juridictions d'instruction et d'Assises.

Rq.La saisine pour avis, instituée par une loi du 15 mai 1991 et étendue en 2001, s'inspire à la fois de la procédure mise en place devant le Conseil d'Etat par la loi du 31 déc. 1987 et du recours préjudiciel devant la CJCE institué par l'article 233 du Traité de Rome.

Statistiques : 13 avis en 2013 et 2014, 6 en 2015, 11 en 2016, 37 en 2017, 19 en 201, 18 en 2019 et un en 2022.

A l'origine, en matière civile, existait une formation de saisine pour avis dont la composition se situait à mi-chemin entre la Chambre mixte et l'Assemblée plénière puisqu'elle se composait du Premier Président, des six présidents de chambre et de deux conseillers de chaque chambre spécialement concernée, soit au minimum neuf magistrats.
En matière sociale elle était composée du Premier Président, du président de la chambre sociale, d'un président de chambre désigné par le premier président, de quatre conseillers de la chambre sociale et de deux conseillers, désignés par le Premier Président, émanant d'une autre chambre.
En matière pénale elle comprenait, outre le premier président, le président de la chambre criminelle, un président de chambre désigné par le premier président, quatre conseillers de la chambre criminelle et deux conseillers, désignés par le premier président, appartenant à une autre chambre.

Le dispositif a été modifié par la loi J21. Désormais, aux termes de l'art. L. 441-2 du COJ, chaque chambre de la Cour de cassation peut se prononcer sur une demande d'avis, selon sa spécialisation.
Lorsque la demande relève normalement des attributions de plusieurs chambres, elle est portée devant une formation mixte pour avis. Lorsque la demande pose une question de principe, elle est portée devant la formation plénière pour avis. La formation mixte et la formation plénière pour avis sont présidées par le premier président ou, en cas d'empêchement, par le doyen des présidents de chambre (F. Ferrand, « La Cour de cassation dans la loi J21 », JCP G 2016 Fasc. 52 n° 1407).
Le renvoi devant une formation mixte ou plénière pour avis est décidé par ordonnance non motivée du premier président ou par décision non motivée de la chambre saisie.
Il est de droit lorsque le procureur général le requiert.

Comme indiqué auparavant, la formation ordinaire de chaque chambre est compétente pour examiner les questions prioritaires de constitutionnalité transmises par les juridictions du fond. Ont été abrogées les dispositions de la loi du 22 juillet 2010 qui prévoyaient une formation spéciale, présidée par le premier président et composée des présidents des chambres et de deux conseillers appartenant à chaque chambre spécialement concernée.
Toutefois, le premier président peut, si la solution lui paraît s’imposer, renvoyer la QPC devant une formation présidée par lui-même et composée du président de la chambre spécialement concernée et d’un conseiller de cette chambre.

Rq.367 QPC ont été soumises à la Cour de cassation en 2013, 310 en 2014, 239 en 2015, 506 en 2016, 126 en 2019, 282 en 2020, 287 en 2021 et 227 en 2022..

Avant 2017 le réexamen d'une affaire suite à un arrêt de la Cour EDH était jusqu'alors possible en matière pénale, non en matière civile.  La loi J21 a fait évoluer les choses sur ce point lorsqu'est en cause l'état des personnes (F. Ferrand, « La Cour de cassation dans la loi J21 », JCP G 2016 Fasc. 52 n° 1407). Ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 15 mai 2017 (décret n° 2017-396 du 24 mars 2017 - F. Ferrand, JCP G 2017 Fasc. 15 n° 400).

Le réexamen de décisions civiles définitives rendues en matière d'état des personnes peut être demandé au bénéfice de toute personne ayant été partie à l'instance et disposant d'un intérêt à le solliciter, lorsqu'il résulte d'un arrêt de la Cour EDH que cette décision a été prononcée en violation de la convention EDH ou de ses protocoles additionnels, et que, par sa nature et sa gravité, la violation constatée entraîne, pour cette personne, des conséquences dommageables auxquelles la satisfaction équitable accordée en application de l'article 41 de la convention ne peut mettre un terme. Le réexamen peut être demandé dans un délai d'un an à compter de la décision de la Cour EDH.

La Cour de réexamen se compose de treize magistrats de la Cour de cassation, dont le doyen des présidents de chambre, qui la préside. Les douze autres magistrats sont désignés par l'assemblée générale de la Cour de cassation pour une durée de trois ans, renouvelable une fois. Chaque chambre est représentée par deux de ses membres.
Le parquet général assure les fonctions du ministère public.
Ne peuvent siéger au sein de la formation de jugement, ou y exercer les fonctions du ministère public, les magistrats qui, dans l'affaire concernée, ont, au sein d'autres juridictions, soit assuré les fonctions du ministère public, soit participé à une décision sur le fond.

Rq.Deux décisions ont été rendues en 2018, aucune en 2019. Quatre requêtes ont été formées en 2021 et une en 2022 ; elles, n'ont pas abouti à des décisions.

Deux structures essentielles méritent d'être citées :
  • Le Bureau de la Cour de cassation, composé du Premier Président, du Procureur Général, des présidents des chambres, des chambres et de trois premiers avocats généraux désignés par le Procureur Général. Le bureau siège avec l'assistance du directeur du greffe de la Cour.
  • Le Service de documentation, des études et du rapport (SDER), désormais dirigé par un magistrat ayant le statut de président de chambre, et exerçant cette fonction à plein temps (décret n° 2009-216 du 23 fév. 09).
    Ce service a plusieurs missions : l'orientation des pourvois vers la chambre compétente, le rapprochement des pourvois posant des questions juridiques identiques ou voisines; l'identification de divergences de jurisprudence entre les chambres de la Cour , la réalisation de recherches juridiques dans le cadre de l'examen d'un litige ou à la demande de tribunaux et cours d'appel, le renforcement du dialogue avec les juridictions judiciaires françaises et européennes, la diffusion de la jurisprudence de la Cour (rapport annuel, bulletins et statistiques, open data...).
Voir, entre autres publications, sur le site internet de la Cour de cassation :
  • les bulletins des arrêts (B), dématérialisés à l'automne 2021,
  • les lettres des chambres,
  • les rapports annuels (R).
NB : la publication des bulletins d'information bi-mensuels (BICC) a cessé définitivement en juin 2021.
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