Df.La guerre est un conflit dans lequel se pratiquent des actes de violence armée, organisée et collective.
La guerre n'est pas un phénomène nouveau, c'est sans doute une des actions humaines les plus anciennes. Il existe plusieurs types de guerres et plusieurs raisons de faire la guerre qui traversent l’histoire. Cependant, la guerre a connu une évolution importante au XXème siècle : la guerre classique, conduite aux moyens d’armées qui s’affrontent face-à-face, est apparue trop coûteuse, en termes de vies humaines et de ressources, après les deux Guerres Mondiales. Une nouvelle guerre, dite « moderne » s’est alors développée, lorsqu’a émergé un nouvel ordre mondial.
Section 1 : Les diverses formes de la guerre
La guerre est un phénomène protéiforme. Elle peut être une guerre de conquête (ou défensive pour le territoire agressé) qui a pour but d’agrandir son territoire ou de piller le territoire ennemi. Il s’agit de la forme la plus ancienne de la guerre. Elle n'a pas pour but la destruction de la partie adverse. Elle est interétatique, ou en tout cas elle émane de deux entités politiques distinctes.
Le conflit peut avoir lieu à l'intérieur d'une entité politique, il s'agit alors de guerre civile, de guerre d'indépendance ou de guerre coloniale. Le but est alors pour une partie d'une population de s'émanciper d'une tutelle jugée trop lourde ou illégitime, et pour l'autre de maintenir l'unité nationale. La guerre révolutionnaire vise quant à elle à renverser le pouvoir politique, jugé arbitraire et liberticide, pour le remplacer par un gouvernement populaire.
La guerre peut également être plus complexe et concerner plus de deux belligérants. Ils s'agit des guerres de religions, qui cette fois n'opposent plus deux entités politiques mais deux groupes religieux, pas nécessairement structurés, le groupe des croyants orthodoxes et les autres, les infidèles, les mécréants, les hérétiques. Le but est alors de convertir à la « vraie foi » ou d'éliminer les non ou mal croyants.
Enfin, la guerre peut être supra-étatique, comme les deux conflits mondiaux. Elle repose sur des alliances internationales et a pour but de faire reconnaître (ou de refuser) une domination politique et idéologique internationale, voire de détruire l'ennemi. Il s'agit alors d'une guerre totale, un conflit armé qui mobilise toutes les ressources disponibles de l'État. Elle ne concerne plus uniquement des objectifs militaires mais, souvent source d'union sacrée entre tous les partis politiques, elle cherche à mobiliser la nation autour de l’armée en impliquant l'ensemble de la société et ses moyens. En cherchant à affaiblir l’adversaire, les belligérants provoquent des destructions combinées civiles autant que militaires. Cette forme de guerre impose une gestion étatisée et centralisée, et repose sur le soutien de tous les secteurs de la population au moyen en particulier de la propagande.
À ces formes de guerre se joignent parfois des corollaires comme la guerre économique ou la guerre psychologique dont le but est d’affaiblir l'adversaire pour permettre un triomphe militaire effectif.
Ces formes de guerre peuvent être d'intensité diverse. Ainsi, selon l'intensité du conflit, on distingue la guerre totale (qui vise la destruction complète de l'adversaire) de la guerre limitée (qui a lieu pour atteindre un objectif précis et qui est limitée dans ses objectifs et dans ses moyens). Contrairement aux idées reçues, la guerre totale n'est pas une invention du XXème siècle comme le montre par exemple les guerres puniques où lors de la troisième (149-146), l’incantation de Caton l'Ancien Carthago Delenda est (Carthage doit être détruite) fut suivie à la lettre : la cité fut brûlée, rasée et les survivants vendus en esclavage.
Enfin la guerre peut être de durée très variable, de quelques jours (l'exemple le plus frappant est la Blitzkrieg, la guerre éclair, qui a permis à Hitler de conquérir les Pays-Bas en 4 jours, la Pologne en 21 et la France en 46) à de nombreuses années (comme la guerre de Cent Ans qui s’étendit de 1337 à 1453).
Aux diverses formes de guerre correspondent diverses sortes de paix. La paix peut être une paix par l’Empire : l’exemple-type est la pax romana imposée par Rome avec la participation des peuples soumis à un système associatif dont elle reste l’inspiratrice et la maîtresse. La paix peut s'obtenir par l’équilibre des puissances à travers des systèmes d’alliances qui se traduisent par des traités de paix (dont l’efficacité est douteuse et qui sont parfois solidifiés par des échanges d’otages, des mariages politiques…). C'est par exemple le cas de la Sainte Alliance créée en 1815 regroupant la Russie, l'Autriche et la Prusse, ou encore de l'OTAN établie en 1949. La paix peut émerger de l'épuisement mutuel des adversaires : c’est un temps de latence qui aboutit soit à une reprise des hostilités soit à l’instauration d’une paix plus durable. La paix peut également s'installer par disparition des causes de l’affrontement. Enfin, la paix peut apparaître par interdépendance lorsque disparaissent d’un commun accord les enjeux de l’affrontement (c'est le cas de l’essor des relations franco-allemandes à partir de 1945).
La guerre a connu plusieurs formes et organisations, elle a eu des buts variés et son armement n'a cessé d'évoluer jusqu'à nos jours.
§1. L’évolution historique de la guerre
Durant l’Antiquité, la guerre connaît un processus d’institutionnalisation sous l’égide des cités, un droit de la guerre qui repose sur des règles simples : immunité des ambassadeurs, des prêtres et des non-combattants, ensevelissement des morts, construction de trophées, partage du butin, organisation de la conquête. Ce droit de la guerre antique inclut l’ennemi dans un cadre juridique commun équivalent à un cadre culturel commun. La cité repose sur le système de la milice : tout citoyen qui peut subvenir à ses besoins (ayant des biens à défendre), se procure son armement et participe à la défense. Les Spartiates, peuple guerrier par excellence, inventent la phalange, première véritable formation tactique, composée de huit lignes d'hommes, fortement armés et protégés de boucliers. Les techniques et la stratégie militaire se développent ; Alexandre le Grand, premier conquérant à l’échelle mondiale, développe la technique d'encerclement dite du marteau (la cavalerie) et de l'enclume (l'infanterie). Avec Rome apparaît l’armée régulière dont le recrutement et l’équipement sont organisés de manière administrative, financés par l’impôt et encadrés par un corps d’officier d’état ; l'organisation de l'armée se rationalise davantage.
Alexandre et Bucéphale, Mosaïque, Pompéi, IIe siècle avant J.-C.. Source : Musée archéologique national, Naples, Wikimedia commons.
La chute de l'empire romain d'Occident en 476 entraîne de profonds bouleversements dans l'organisation militaire des nouvelles entités politiques qui sont apparues à sa place. Aux légions romaines, armée permanente sous les ordres de l'empereur succède un nouveau type d'armée, non permanente, l'armée médiévale : l’ost.
La tradition germanique est de convoquer tous les hommes libres au plaid et à la guerre ; en contrepartie ils ne reçoivent pas de solde, car la compensation est espérée dans le butin. Charlemagne tente de codifier les modalités de convocation à l'ost et la composition de cette armée. Ceux qui ne sont pas venus à l’ost paient une lourde amende, le hériban (s’ils ne peuvent pas payer, ils sont réduits en esclavage).
En raison de l'affaiblissement du pouvoir central mérovingien, puis carolingien, une multitude de petites armées seigneuriales voit le jour. Chaque seigneur dispose librement de ses propres forces, recrutées parmi ses vassaux. Ces osts se regroupent à l'appel du roi pour former l'« ost royal », l’armée royale.
Les hommes d'armes servent pour un temps déterminé (de quarante à soixante jours). Le seigneur pourvoit sa troupe en armes, en munitions et en vivres. S'ils sont eux-mêmes chevaliers ou barons, les vassaux emmènent avec eux leurs soldats. En Europe, avant l’époque moderne, la guerre est saisonnière : les armées prennent leur quartier d’hiver et le printemps marque la reprise des hostilités. Elle se déroule selon une séquence d’opérations que constitue la « campagne », ponctuée de batailles et de sièges. Les batailles rangées, violentes et sanglantes sont rares. L'art militaire évolue, la cavalerie prend le pas sur l'infanterie. En raison des progrès de la métallurgie permettant de créer des armes plus solides, mais aussi plus coûteuses, donc réservées à l'élite, le coût de l'équipement limite la levée des hommes aux plus riches, si bien que l'armée tend en quelque sorte à se professionnaliser. C'est ainsi qu’apparaît la chevalerie.
Deux conceptions de la guerre s'opposent rapidement, celle des armées en ligne et celle des armées mobiles qui enchaînent les razzias, les pillages, les fuites et le harcèlement des troupes adverses.
Ex.C'est d'ailleurs cette dernière tactique, qui repose sur le mouvement, qui explique en partie le succès de l'armée mongole sous la houlette de Gengis Khan au XIIIème siècle. Avec des troupes souvent inférieures de moitié à celles de leurs adversaires, les Mongols s'appuient sur leur cavalerie légère et sur leurs archers à cheval pour casser les lignes ennemies (grâce à la masse et à la vitesse des troupes). Ainsi, lorsque la cavalerie mongole rencontre une cavalerie lourde, ses cavaliers légers, plus rapides, utilisant des arcs et organisés en unités articulées, harcèlent les formations de cavalerie lourdes, qui se ruent à la poursuite, sans réussir à engager le combat. Désemparées, ces unités perdent de leur compacité, et sont dispersées lorsque les Mongols entrent au contact.
En Europe, à partir du XIVème siècle, la nature de la guerre change, avec l'apparition de nouvelles armes (arbalètes, artillerie).
Ex.La bataille d'Azincourt sonne le glas de la chevalerie et marque le développement des archers. Se créent de véritables compagnies de mercenaires, composées de soldats professionnels, qui s'engagent pour le compte du plus offrant. Le lien qui unissait le seigneur et ses vassaux dans l'ost s'estompe progressivement, en même temps que le système féodal se transforme. Charles VII, par l'ordonnance de 1445 disperse les anciennes bandes armées pour les remplacer par une armée permanente directement sous l'autorité du roi.
Sous l’Ancien Régime, la guerre s’étatise et devient le monopole de l’État. Au début du XVIIème siècle, la taille de l’armée est très réduite et son budget en temps de paix est très faible. Il y a seulement quelques régiments permanents, soit environ 10000 hommes. Ils sont complétés au besoin par des mercenaires, qui se révèlent plutôt de mauvais soldats, car ils ont généralement intérêt à faire durer les guerres, et ils se livrent régulièrement au pillage. En 1636, lors de la guerre contre l’Empire et l’Espagne, Richelieu crée un Ministère de la Guerre. Les armées privées sont interdites, il n’y a plus qu’une seule armée, celle du Roi de France.
La Révolution met en place la conscription des citoyens-soldats contre la double menace de l’ennemi intérieur (les Vendéens) et extérieur (les puissances monarchiques européennes coalisées).
Les guerres napoléoniennes bouleversent complètement les conceptions sur l’art de la guerre. Avant Napoléon, les États européens avaient des armées relativement petites, avec une forte proportion d’étrangers et de mercenaires combattant parfois leur pays d’origine pour une puissance étrangère. Les innovations militaires de la deuxième moitié du XVIIIème siècle préparent cependant le concept de nation en guerre (la guerre nationale remonte à la bataille de Valmy de 1792 qui oppose les Français aux Austro-prussiens). Napoléon innove dans l’usage de la mobilité pour compenser son infériorité numérique, notamment lors de la campagne d’Italie ou de la bataille d'Austerlitz. Le rôle de l’artillerie est considérablement accru ; elle forme désormais des unités mobiles et indépendantes, et plus seulement en appui des autres unités comme auparavant. Napoléon standardise les calibres des canons, de façon à faciliter les approvisionnements et à assurer une meilleure compatibilité entre les pièces. Surtout, la conduite de la guerre est changée : le but recherché est la destruction des armées adverses (et donc de lui infliger des pertes maximales pendant et après la bataille, par une poursuite de cavalerie légère).
Napoléon à la bataille d'Austerlitz le 2 decembre 1805 par François Gérard. Source : Lieu de conservation : Musée national du château de Versailles.
Au XIXème siècle, l’armée se démocratise et s’industrialise. En France, l'aristocratie qui dirigeait les armées laisse progressivement sa place à un État-major professionnel formé dans des écoles militaires.
Le choc des deux conflits mondiaux fut retentissant. Ils marquent l'échec de l'ordre mondial soutenu par les puissances européennes coloniales puis par la Société des Nations. Ces guerres ont atteint une échelle et une intensité inconnues jusqu’alors. Elles se déroulent sur plusieurs fronts, sur une bonne partie de la planète. Elles ont donné naissance, non pas à une paix mais à ce qu'on a appelé la Guerre Froide.
§2. La prévention et l'encadrement de la guerre
La diplomatie est le premier moyen pour éviter la guerre. Les relations diplomatiques sont très anciennes. Dès l'Antiquité, les souverains envoient des émissaires pour conduire des négociations spécifiques. Au Moyen Âge, l'ambassade envoyée par Charlemagne en 797 est célèbre pour être revenue, 5 ans plus tard, chargée de magnifiques cadeaux (dont un éléphant albinos) offerts par le calife de Bagdad. Au XIIIème siècle, Le Devisement du monde rédigé par Marco Polo est considéré comme l'ancêtre des rapports diplomatiques. C'est à cette époque que la diplomatie se développe, les relations consulaires apparaissent lorsque les républiques marchandes italiennes cherchent à protéger les intérêts de leurs commerçants se rendant en Orient. Elle se professionnalise après le congrès de Vienne de 1815 puis se modernise au XXème siècle. Elle se recentre alors sur le commerce et la culture tandis que les nouveaux moyens de transports et de communication facilitent les contacts directs au plus haut niveau de l’État.
Face avant de la stèle du Code de Hammurabi. Source : Musée du Louvre.
Cependant, la diplomatie ne réussit pas toujours à éviter les conflits. En cas d’échec diplomatique, on a longtemps cherché à limiter la guerre par des lois définissant à la fois le droit à la guerre (jus ad bellum) et ce qui était ou non permis au sein de cette guerre (jus in bello). Ainsi, les premières traces d'un code de conduite en cas de guerre se trouvent dans le Code Hammourabi, du XVIIIème siècle avant notre ère, qui précise que le fort ne doit pas opprimer le faible. Les religions monothéistes contiennent également des règles prônant le respect de l'adversaire et la protection de civils et des vaincus. Ainsi dans le Deutéronome figurent des interdictions en temps de guerre de couper les arbres fruitiers, d'empoisonner une source, de détruire les récoltes, de mutiler un homme....
Selon Augustin d’Hippone, il est permis de guerroyer sous trois conditions : si la cause est juste, si la guerre est menée dans de bonnes intentions, si elle est sous la conduite d’une autorité légale. Thomas d'Aquin dans la Somme théologique démontre que la guerre n’est pas toujours un péché. Elle sera juste si elle respecte trois conditions :
- elle doit être décidée par l’autorité politique légitime, qui cherche le bien de tous. Elle ne saurait être le fait d’un individu ou d’un groupe qui défend ses intérêts. Elle est une affaire publique et non privée ;
- elle doit être engagée en vertu d’une cause juste comme, par exemple, se défendre contre un agresseur ;
- il faut, en outre, que la guerre soit menée selon une bonne intention, car il ne suffit pas que la cause soit juste : on pourrait profiter de la juste cause pour mener une guerre en vue d’accroître ses richesses, ce qui serait injuste. Cela peut également signifier, par extension, que celui qui fait la guerre doit la faire de façon juste.
Grotius, au XVIIème siècle, publie Le droit de la guerre et de la paix. Pour lui, la guerre juste est conçue comme la poursuite d’un droit par la force armée. Ce qui importe ici est avant tout la justesse de la cause.
L’évolution du concept de guerre après Grotius jusqu’à la fin du XVIIIème siècle est marquée, dans l’ensemble, par une lente dérive allant de l’idée de guerre juste vers celle de guerre régulière. Pour Rousseau, la guerre ne peut être qu'une « relation d'État à État ». Kant souligne que le « droit à la guerre est, pour un État, le moyen licite de défendre son droit contre un autre État, (…) même si la raison moralement pratique exprime en nous son veto irrésistible : il ne doit pas y avoir de guerre ».
Lorsque la guerre ne peut être évitée, chaque belligérant s'efforce d'améliorer le plus possible ses chances de victoire rapide et au moindre coût. À chaque époque, presque à chaque guerre, de nouvelles innovations techniques permettent de rendre la guerre plus efficace.
Ainsi, au Moyen Âge, le feu grégeois dont les byzantins se sont servis jusqu’au XIIIème siècle pour défendre leur cité, est un mélange incendiaire dont la composition est mal connue. La poudre, qui fait son apparition en Europe vers 1250 ouvre une nouvelle ère.
La guerre chimique dont l’origine remonte à l’empoisonnement des puits est mentionnée dans l’Ancien Testament. Au Moyen Âge, il est fait mention, surtout pendant les sièges des croisades, de projection par des machines de cadavres d’hommes ou d’animaux frappés de la peste. Puis en raison du développement de la chimie, la véritable guerre chimique fait ses débuts pendant la guerre des tranchées.
L'armement n'a cessé de se développer, des épées aux armures, du mousquet aux canons, du char égyptien antique au char moderne en passant par le canon apparu en 1346 lors de la bataille de Crécy opposants les Français aux Anglais. Cette course à l'armement suscite certaines innovations technologiques, comme le télégraphe Chappe, qui permet à Carnot de communiquer avec les armées françaises combattant sur les frontières. Ce système perdure après 1815. C’est durant la bataille de Fleurus de 1794 que l’on utilise la première fois des ballons pour espionner les positions ennemies.
La bataille de Fleurus du 26 juin 1794 voit la première utilisation militaire d'un ballon d'observation dans l'histoire de l'aérostation. Source : Wikimedia.