L’expression « terrorisme » est née avec la Révolution Française au cours de la période qui a suivi la chute de Robespierre ; elle désignait la politique de Terreur des années 1793-1794. Cette expression réapparaît vers la fin du XIXème siècle.
Section 1 : L’histoire du terrorisme
Des formes primitives de terrorisme apparaissent dans les meurtres systématiquement commis par les Zélotes contre l’occupant romain du royaume de Judée ou encore dans l’action, au Moyen Âge, de la secte dite des « assassins » retranchée dans la forteresse d’Alamut au nord de l’Iran actuel. Cette secte dirigeait ses tueurs contre ses ennemis politiques musulmans puis contre les chefs des croisés. Mais il s'agissait principalement de s'attaquer aux chefs ennemis et non de terroriser la population.
§1. L'essor du terrorisme au XIXème siècle
C'est au XIXème siècle que le terrorisme se développe. Dès les premiers attentats de l’époque moderne, les terroristes s’en sont toujours pris à l’ordre établi de leur temps. Grâce à l’invention de l’explosif chimique et des médias de masse, le terrorisme politique acquiert une visibilité qui n’est pas proportionnelle à son efficacité. Le terrorisme moderne commence avec une série d’attentats. Il frappe ses victimes pour ce qu’elles représentent, moins pour les faire disparaître que pour que cela se sache.
Le terrorisme est désormais caractérisé par la stratégie des « 3 s » : secret, surprise et symbole. L’organisation terroriste cherche à la fois à se dissimuler avant d’agir, à créer la confusion et l’affolement dans le camp ennemi (plutôt qu’à lui infliger un réel dommage matériel) et à transmettre un message.
Ce terrorisme politique révolutionnaire connaît un équivalent en Europe occidentale avec le terrorisme anarchiste qui vise à abattre la Troisième République, construite dans le sang par la répression de la Commune en 1871, et la bourgeoisie qui la dirige. Dans les années 1890, les attentats meurtriers se multiplient en France. Ces attentats visent les symboles du pouvoir :
Certains, pourtant, vont au-delà et s'en prennent indistinctement aux « bourgeois ».
Alors que ces événements contribuent à isoler les anarchistes du mouvement ouvrier dont ils se réclament et que la population française se trouve plongée dans un climat de terreur et d'anxiété, des intellectuels se montrent solidaires des actes de terrorisme et soutiennent les militants anarchistes, notamment à l'occasion de l'adoption des lois scélérates et du "procès des Trente" en août 1894 : ce sont les débuts de la théorisation intellectuelle de la violence politique.
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En effet, une série de trois lois est votée dans l'urgence afin de lutter contre ces actions anarchistes qui visent à déstabiliser la société. Le 11 décembre 1893, soit deux jours après l'attentat d'Auguste Vaillant visant les députés, Jean Casimir-Perier soumet à la Chambre des députés un ensemble de mesures pour sauvegarder l’ordre et les libertés publiques, ce sont les « lois scélérates ». Il s'agit de modifications de la loi de 1881 sur la liberté de la presse qui ne punissait que la provocation directe aux crimes et aux délits ; désormais la provocation indirecte, l'apologie, est elle aussi punie et un juge peut ordonner la saisie des journaux et imprimés et l'arrestation préventive des auteurs et imprimeurs. La seconde loi votée le 18 décembre 1893 concerne les associations de malfaiteurs et vise particulièrement les groupes anarchistes, alors nombreux et très actifs. Elle permet d’inculper tout membre ou sympathisant sans faire de distinction. Elle encourage également à la délation : « Les personnes qui se seront rendues coupables du crime (d’association de malfaiteurs) seront exemptes de peine si, avant toute poursuite, elles ont révélé aux autorités constituées l’entente établie ou fait connaître l’existence de l’association ». La troisième loi, votée le 28 juillet 1894, est sans doute la plus marquante pour les anarchistes puisqu'elle les vise directement en les nommant et en leur interdisant tout type de propagande. C'est à la suite de cette loi que de nombreux journaux anarchistes comme Le Père peinard, qui avait déjà été saisi avant, sont interdits. Cette loi permet une véritable chasse aux sorcières, des milliers de perquisitions et d'arrestations débouchent notamment sur le Procès des Trente. Elle ne sera abrogée qu’en 1992. La question de l’équilibre entre les libertés publiques, notamment la liberté d’expression, et la lutte contre le terrorisme se pose déjà.
Au début du XXème siècle, le terrorisme recouvre plusieurs réalités.
Une partie du mouvement anarchique s'oriente vers le banditisme pour exprimer ses revendications et obtenir les moyens financiers de continuer la lutte. C'est notamment le cas de la « Bande à Bonnot » qui, en 1911 et 1912 multiplie les braquages violents.
Le terrorisme devient un moyen au service de l’indépendance nationale. Avant la Première Guerre Mondiale, divers mouvements nationalistes apparaissent en Europe. Ces derniers revendiquent l’indépendance de leur pays, le droit de former une nation. Pour servir leur cause, les nationalistes se servent des armes du terrorisme. Les attentats font rage. Le plus célèbre est celui commis par un Serbe à l’encontre de l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche le 28 juin 1914. Cet événement marque le début de la Première Guerre mondiale.
§2. Le terrorisme au XXème siècle
Le terrorisme renaît à la fin de la guerre avec la fondation de l'IRA en janvier 1919. L’Armée Républicaine Irlandaise naît dans le contexte de la guerre civile d’indépendance en Irlande. Elle mène des actions violentes contre les Britanniques afin de les obliger à rendre une autonomie totale au pays. Lorsque l’indépendance de l’Irlande sera décrétée, l’organisation s’amoindrira. Elle reprendra toutefois les armes pour combattre en faveur des Catholiques d’Irlande du Nord et pour la réunification de l’île.
Avec la Seconde Guerre Mondiale, le terrorisme devient libérateur. C’est au nom de l’indépendance nationale que l’Europe occupée connaît la Résistance, condamnée comme terroriste par l’occupant et la Gestapo. Avec la fin de la guerre, les indépendantismes nationaux se font entendre. La décolonisation de certains pays du Maghreb et du Proche-Orient se fait pacifiquement mais, pour d'autres, elle demeure problématique. Des groupes radicaux utilisent alors le terrorisme meurtrier comme une arme de résistance, à leurs yeux légitime.
En France, c'est avec le cas algérien qu’émerge ce type de terrorisme politique, avec la création en 1954 du FLN (Front de Libération National) qui multiplie les attentats en France et en Algérie. Ces attentats ne visent pas uniquement l'armée d'occupation coloniale, mais aussi les civils (19 000 victimes civiles). En réaction, l'OAS (Organisation de l'Armée Secrète) qui refuse la décolonisation, multiplie, elle aussi, les attentats (notamment celui du Petit-Clamart en 1962 contre le général De Gaulle).
Une partie des intellectuels de l'époque servent de caution morale à ce terrorisme politique particulier.
C'est finalement dans les années 1970, avec notamment le conflit israélo-palestinien et l'opposition idéologique entre bloc de l'Est et bloc de l'Ouest, que naît le terrorisme moderne dans sa version la plus achevée. En effet, les années 1970-1980 sont célèbres, entre autres, pour les mouvements de contestations pacifistes. Cependant, certains groupes ont également donné naissance à des branches beaucoup plus radicales. Pour défendre leurs idéaux ou renverser le pouvoir en place, certains mouvements recourent à la violence.
À la fin des années 1970, le terrorisme islamiste fait son apparition. En 1979 a lieu la Révolution islamique en Iran. Le régime du Chah est renversé. L'ayatollah Khomeyni proclame officiellement la république islamique d'Iran dont la constitution s'appuie sur une stricte interprétation du Coran. À partir de cette époque, un nouveau modèle politique voit le jour dans certains pays musulmans. L’aspect religieux est de plus en plus présent dans les revendications.
Les premiers attentats suicides ont lieu au début des années 1980.
Dans les années 1990, le terrorisme politique se vide peu à peu de toute sa substance. Il se banalise, se déstructure, jusqu'à devenir, parfois, un simple instrument criminel comme Les « Forces armées révolutionnaires de Colombie » (FARC).
En revanche, le terrorisme religieux progresse, le combat religieux est un combat mondial.
Progressivement émergent, dans le mouvement djihadiste, des figures de proue qui facilitent le recrutement nécessaire aux filières terroristes.
Pendant tout le XXème siècle, les terrorismes semblent se classer en trois formes majeures, suivant leurs objectifs politiques, se donnant toutes l’État comme ennemi principal.
- un terrorisme de type révolutionnaire. Il est « vertical » en ce qu’il vise l’État au nom du peuple et que son objectif est de détruire des institutions. Des anarchistes de la Belle Époque aux Brigades Rouges, il se propose de renverser l’ordre établi par une stratégie d’ébranlement. L’acte terroriste doit servir de catalyseur à la mobilisation du peuple et d’accélérateur à la Révolution ;
- un terrorisme « territorial », indépendantiste ou anticolonialiste, celui de l’IRA irlandaise, du PKK kurde et de dizaines de mouvements de libération. Il a pour but de chasser un occupant, ou un groupe allogène. Il emploie une stratégie, souvent complémentaire de la guérilla, de la négociation politique et de la pression idéologique : décourager la puissance étrangère, faire payer sa présence d’un tel prix, en pertes matérielles et politiques, qu’elle doive partir ou céder. L’enjeu est l’occupation d’une terre ;
- un terrorisme « instrumental » de pure contrainte ; il est souvent transnational. Il constitue un élément de menace et de négociation. Il vise à obtenir un avantage précis: la libération d’un prisonnier, contraindre une puissance étrangère à cesser de soutenir telle faction ou de s’interposer dans tel conflit… Des actions de ce type, parfois commanditées par un État, ont des objectifs précis. La France en a eu la démonstration avec les campagnes terroristes de 1986 (dont l’attentat de la rue de Rennes) et de 1995 (avec, notamment, celui du métro Saint-Michel). Ils étaient respectivement liés aux affaires libanaises et algériennes. Ce terrorisme s’en prend au détenteur d’une autorité à qui il cherche à imposer une décision, ou au possesseur d’une ressource, qui peut être éventuellement l’argent ou l’accès aux médias… La méthode est indirecte en ce qu’elle vise à modifier un rapport de forces mais n’est pas censée apporter la victoire finale.