Df.Le terme de discrimination est un synonyme de distinction, c’est à l’origine un mot neutre. Cependant, lorsqu’il est appliqué à une question sociale, il acquiert une connotation péjorative.
Dans le domaine social, la discrimination est la distinction, l'isolement, la ségrégation de personnes ou d'un groupe de personnes par rapport à un ensemble plus large. Elle consiste à restreindre les droits de certains en leur appliquant un traitement spécifique défavorable sans raison objective.
Dans le domaine social, la discrimination est la distinction, l'isolement, la ségrégation de personnes ou d'un groupe de personnes par rapport à un ensemble plus large. Elle consiste à restreindre les droits de certains en leur appliquant un traitement spécifique défavorable sans raison objective.
Section 1 : La condamnation de la discrimination
Les pratiques et législations discriminatoires sont anciennes et diverses. Tout au long de l’histoire, des groupes ethniques, religieux… ont subi des traitements inégalitaires par rapport au groupe social dominant (esclavage, colonisation, ségrégation, statuts des juifs, des protestants….). Si la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 consacre l’égalité en droit, la question des discriminations est plus récente.
La France n'est pas la pionnière dans la reconnaissance du problème des inégalités de traitement. Le vote de lois anti-discrimination remonte à 1964 aux États-Unis et à 1976 en Grande-Bretagne. Pourtant, En France, si les discriminations fondées sur la race sont interdites depuis 1974, il faut attendre 2001 pour qu'une loi générale contre les discriminations soit adoptée sous la pression de l'Europe. En effet, en 2000, deux directives européennes relatives à la mise en œuvre du principe d'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique sont adoptées à l'unanimité (directives n° 2000/43/CE et n° 2000/78/CE). Depuis, d'autres lois ont complété ce dispositif, celle de 2002 sur les discriminations dans les rapports locatifs, celles de 2006 relatives à la relation de soin et à l'égalité des chances, celles de 2008 relatives à la lutte contre les discriminations....
Df.En France, la discrimination est l'inégalité de traitement fondée sur un critère interdit par la loi (sexe, âge, état de santé…) et dans un domaine cité par la loi (accès à un service, embauche…). A ce jour, 26 critères de discrimination (« critères prohibés ») sont fixés par la loi.
§1. La judiciarisation de la discrimination
La loi française détermine les critères qui ne sont pas légitimes à fonder une inégalité de traitement. L'article 225-1 du Code pénal, dont la dernière mouture date de 2022, définit une liste de critères qui entrent dans la constitution de la discrimination :
Df.« Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d'autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, de leur capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée. »
Ces discriminations s’appliquent aux personnes morales, lorsque ces critères concernent les membres des personnes morales.
Df.Au niveau international, la discrimination est définie dans la convention 111 de l’Organisation Internationale du Travail de 1958 comme toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale ou l’origine sociale qui a pour effet de détruire, ou d’altérer l’égalité des chances ou de traitement en matière d’emploi ou de traitement.
L'ONU, dans l’article 26 du Pacte International des Droits Civils et Politiques de 1966, condamne la discrimination :
Tx.« Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. À cet égard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique et de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. »
§2. les facteurs de discrimination
Les causes de discrimination sont donc plurielles.
La plus connue, celle qui est la plus anciennement reconnue, est la discrimination fondée sur l‘origine ethnique. En 1998, le rapport du Haut Conseil à l'Intégration reconnaît pour la première fois l’existence et l’étendue des discriminations liées à l'origine. La discrimination raciale ne consiste pas à adhérer ou à promouvoir une idéologie raciste, mais les discriminations raciales sont souvent le résultat des idéologies racistes.
Constitue une discrimination raciale tout traitement défavorable d'une personne ou d'un groupe de personnes en raison de leur l'origine réelle ou supposée, ou de leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une « race », ou une religion déterminée. La discrimination raciale est une atteinte au principe d'égalité, suivant lequel « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit » (article 1 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789).
À cette discrimination raciale se joignent la discrimination liée au patronyme qui est principalement appliquée en cas de patronyme à consonance étrangère et, dans une moindre mesure, la discrimination liée à l'apparence physique.
La discrimination peut également être sexuelle. En 1979, la Cedaw (Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes) a été adoptée. Si elle est largement ratifiée (187 pays en 2007) elle compte également beaucoup de réserves.
Df.L’article 1er de la convention définit la discrimination à l’égard des femmes comme toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine. C’est une définition englobante.
La convention consacre l’intégrité corporelle des femmes et leur accès aux services de santé, leurs droits dans la sphère familiale, l’égalité professionnelle, l’égalité scolaire, politique et gouvernementale.
Tx.L'article 225-1-1 du Code pénal y ajoute les actes discriminatoires faisant suite à un harcèlement sexuel : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes parce qu'elles ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel ou témoigné de tels faits, y compris si les propos ou comportements n'ont pas été répétés. »
À cette discrimination sexuelle s’ajoute le Family gap, c’est-à-dire la discrimination, principalement salariale, des mères de famille, due aux interruptions de carrières, à la recherche d’un emploi proche du domicile, aux horaires alignés sur ceux des enfants… Les femmes souffrent également parfois de discrimination en raison de leur grossesse.
De même, la situation familiale peut donner lieu à discrimination tout comme l’orientation sexuelle. Le critère des mœurs permet de réprimer les comportements discriminatoires qui seraient déterminés par les mœurs sexuelles de la victime (fréquentation de bars dont la clientèle est majoritairement homosexuelle, de clubs de rencontres, etc.) indépendamment de son orientation sexuelle. Cette notion n’est pas limitée aux pratiques sexuelles puisqu’elle est susceptible de s’appliquer également au mode de vie, aux habitudes individuelles ou collectives.
La discrimination peut également être sociale : il s’agit notamment de l’importance des codes sociaux et culturels dans l’accès à certaines professions. Cette discrimination explique, en partie, le maintien de l’écart social entre les enfants de cadres et les enfants d’ouvriers. La discrimination sociale résulte également de l’importance du lieu de résidence, les personnes habitant dans des quartiers dits « sensibles », en particulier en Seine-Saint-Denis éprouvent des difficultés pour obtenir, notamment, des entretiens d'embauche.
La discrimination peut également avoir pour fondement le physique d’une personne qui se trouve être obèse, ingrate de visage… Mais également l’apparence d’une personne, c’est-à-dire ses vêtements, sa coiffure, ses piercings, ses tatouages (principalement), ou encore son âge (en particulier pour les seniors).
Ex.Ainsi, en 2024, les députés ont voté, en première lecture, une proposition de loi du député guadeloupéen Olivier Serva pour sanctionner la discrimination capillaire. Le député, s’il reconnaît que la discrimination sur l’apparence physique est déjà punie en France, dénonce les pratiques des employeurs obligeant les salariés à se lisser les cheveux, à dissimuler coupes afro et dreadlocks. D’ailleurs, en 2022, la Cour de Cassation a considéré comme une discrimination le fait pour une compagnie aérienne d’interdire l’accès à bord à un steward coiffé de tresses africaines nouées en chignon. Ainsi, la loi préciserait, après l'expression "apparence physique", « notamment la coupe, la couleur, la longueur ou la texture de leurs cheveux ». Lors de débats, certains députés ont dénoncé le risque d’un droit bavard, d’une précision superflue.
La discrimination peut également avoir lieu pour des motifs religieux. Il s’agit d’une distinction opérée entre les personnes à raison de leur appartenance ou leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une religion déterminée. Si la discrimination religieuse est retenue pour les distinctions fondées sur l'appartenance, vraie ou supposée, à une religion, l'article 225-1 du Code pénal ne s'applique pas aux différences de traitement fondées sur l'appartenance à des mouvements spirituels qui ne constituent pas de véritables religions (c’est ce qu’énonce l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 25 mars 1996, pour "l’Église" de Scientologie).
La discrimination peut également être liée à des considérations politiques ou syndicales. La discrimination politique est caractérisée dès lors que l’on subordonne une mesure à l’appartenance ou à la non-appartenance à un parti politique.
Ex.Par exemple, le refus d’embauche ou refus d’attribution d’un logement à un non-sympathisant de tel ou tel parti ; une offre d’emploi s’adressant uniquement aux personnes faisant état d’une parfaite neutralité (les adhérents des formations politiques sont alors pénalisés) sont également des pratiques discriminatoires.
La discrimination peut également être liée au handicap d’une personne ; constitue un handicap au sens de la loi du 11 février 2005, « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ». À cette discrimination peut se rattacher une discrimination liée à l’état de santé.
Enfin, bien sûr, les causes de discriminations peuvent être multiples (typiquement une discrimination peut être à la fois sexuelle et raciale).
§3. Les comportements discriminatoires
Le droit français ne s'inspire pas du droit anglo-saxon de la non-discrimination qui repose intégralement sur l'énumération de « classes protégées » (protected classes). La loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, au rebours de l'évolution vers une protection catégorielle des victimes des discriminations, prônée au nom de l'efficacité, confirme l'inspiration universaliste du Code pénal qui caractérise la discrimination comme une atteinte à la dignité de la personne. Au fond, du point de vue juridique, le fondement de la discrimination importe peu, dès lors qu''il est possible d'établir qu'il est la cause d'un désavantage illégal. Cette interchangeabilité des critères est un moteur important dans la lutte contre la discrimination. Ainsi, les affaires, médiatisées, de discrimination en raison du sexe ou de l'ethnie ont bénéficié à la lutte contre toutes les formes de discrimination.
La discrimination commise à l'égard d'une personne physique ou morale, est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende lorsqu'elle consiste à refuser la fourniture d'un bien ou d'un service ; à entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque ; à refuser d'embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne ; à subordonner la fourniture d'un bien ou d'un service à une condition fondée sur un élément discriminatoire; à subordonner une offre d'emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur un élément discriminatoire ; à refuser d'accepter une personne à un stage.
Lorsque le refus discriminatoire est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d'en interdire l'accès, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende.
La discrimination concerne donc un large éventail de situations qui vont au-delà de celles citées par la loi : emploi, logement, accès aux loisirs, aux services publics, à l'éducation et à la santé comme, par exemple, le fait pour une personne d’être fréquemment contrôlée par les forces de police, en raison de critères ethniques (c’est le cas des contrôles au faciès régulièrement dénoncés dans la presse).
Enfin, les différences de traitement sont justifiées si elles répondent à une exigence professionnelle déterminante, pour un objectif légitime et une exigence proportionnée (l’exemple-type est l’embauche d’un mannequin féminin pour présenter de la lingerie féminine), ou pour des raisons d’utilité publique ou fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi. C’est alors au juge de déterminer si la discrimination est légitime ou non. Les décisions de la chambre criminelle ne sont pas suffisamment nombreuses pour que la question puisse être définitivement tranchée. Quoi qu'il en soit, la reconnaissance du caractère objectif d'une justification ne doit pas conduire à conforter des attitudes discriminatoires.
Ex.Ainsi, le simple constat objectif que les hommes ont en moyenne une force physique supérieure à celle des femmes ne justifie pas que certains emplois soient a priori réservés aux hommes (arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation du 25 mai 1983).
La Cour de Justice de l'Union européenne a construit une conception concrète de l’égalité pour réaliser l’égalité en fait et en droit. Elle considère qu’il y a discrimination lorsque qu’une mesure apparemment neutre aboutit au même résultat que s’il y avait une discrimination directe. C’est la notion de discrimination indirecte. Le droit communautaire considère la discrimination soit comme le traitement différent de situations identiques soit comme le traitement identique de situations différentes.