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Les discriminations


Df.Le terme de discrimination est un synonyme de distinction, c’est à l’origine un mot neutre. Cependant, lorsqu’il est appliqué à une question sociale, il acquiert une connotation péjorative.
Dans le domaine social, la discrimination est la distinction, l'isolement, la ségrégation de personnes ou d'un groupe de personnes par rapport à un ensemble plus large. Elle consiste à restreindre les droits de certains en leur appliquant un traitement spécifique défavorable sans raison objective.


Section 1 : La condamnation de la discrimination


Les pratiques et législations discriminatoires sont anciennes et diverses. Tout au long de l’histoire, des groupes ethniques, religieux… ont subi des traitements inégalitaires par rapport au groupe social dominant (esclavage, colonisation, ségrégation, statuts des juifs, des protestants….). Si la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 consacre l’égalité en droit, la question des discriminations est plus récente.

La France n'est pas la pionnière dans la reconnaissance du problème des inégalités de traitement. Le vote de lois anti-discrimination remonte à 1964 aux États-Unis et à 1976 en Grande-Bretagne. Pourtant, En France, si les discriminations fondées sur la race sont interdites depuis 1974, il faut attendre 2001 pour qu'une loi générale contre les discriminations soit adoptée sous la pression de l'Europe. En effet, en 2000, deux directives européennes relatives à la mise en œuvre du principe d'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique sont adoptées à l'unanimité (directives n° 2000/43/CE et n° 2000/78/CE). Depuis, d'autres lois ont complété ce dispositif, celle de 2002 sur les discriminations dans les rapports locatifs, celles de 2006 relatives à la relation de soin et à l'égalité des chances, celles de 2008 relatives à la lutte contre les discriminations....
Df.En France, la discrimination est l'inégalité de traitement fondée sur un critère interdit par la loi (sexe, âge, état de santé…) et dans un domaine cité par la loi (accès à un service, embauche…). A ce jour, 26 critères de discrimination (« critères prohibés ») sont fixés par la loi.


La loi française détermine les critères qui ne sont pas légitimes à fonder une inégalité de traitement. L'article 225-1 du Code pénal, dont la dernière mouture date de 2022, définit une liste de critères qui entrent dans la constitution de la discrimination :
Df.« Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d'autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, de leur capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée. »
Ces discriminations s’appliquent aux personnes morales, lorsque ces critères concernent les membres des personnes morales.

Df.Au niveau international, la discrimination est définie dans la convention 111 de l’Organisation Internationale du Travail de 1958 comme toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale ou l’origine sociale qui a pour effet de détruire, ou d’altérer l’égalité des chances ou de traitement en matière d’emploi ou de traitement.

L'ONU, dans l’article 26 du Pacte International des Droits Civils et Politiques de 1966, condamne la discrimination :
Tx.« Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. À cet égard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique et de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. »


Les causes de discrimination sont donc plurielles.
La plus connue, celle qui est la plus anciennement reconnue, est la discrimination fondée sur l‘origine ethnique. En 1998, le rapport du Haut Conseil à l'Intégration reconnaît pour la première fois l’existence et l’étendue des discriminations liées à l'origine. La discrimination raciale ne consiste pas à adhérer ou à promouvoir une idéologie raciste, mais les discriminations raciales sont souvent le résultat des idéologies racistes.
Constitue une discrimination raciale tout traitement défavorable d'une personne ou d'un groupe de personnes en raison de leur l'origine réelle ou supposée, ou de leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une « race », ou une religion déterminée. La discrimination raciale est une atteinte au principe d'égalité, suivant lequel « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit » (article 1 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789).
À cette discrimination raciale se joignent la discrimination liée au patronyme qui est principalement appliquée en cas de patronyme à consonance étrangère et, dans une moindre mesure, la discrimination liée à l'apparence physique.

La discrimination peut également être sexuelle. En 1979, la Cedaw (Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes) a été adoptée. Si elle est largement ratifiée (187 pays en 2007) elle compte également beaucoup de réserves.
Df.L’article 1er de la convention définit la discrimination à l’égard des femmes comme toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine. C’est une définition englobante.
La convention consacre l’intégrité corporelle des femmes et leur accès aux services de santé, leurs droits dans la sphère familiale, l’égalité professionnelle, l’égalité scolaire, politique et gouvernementale.
Tx.L'article 225-1-1 du Code pénal y ajoute les actes discriminatoires faisant suite à un harcèlement sexuel : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes parce qu'elles ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel ou témoigné de tels faits, y compris si les propos ou comportements n'ont pas été répétés. »

À cette discrimination sexuelle s’ajoute le Family gap, c’est-à-dire la discrimination, principalement salariale, des mères de famille, due aux interruptions de carrières, à la recherche d’un emploi proche du domicile, aux horaires alignés sur ceux des enfants… Les femmes souffrent également parfois de discrimination en raison de leur grossesse.

De même, la situation familiale peut donner lieu à discrimination tout comme l’orientation sexuelle. Le critère des mœurs permet de réprimer les comportements discriminatoires qui seraient déterminés par les mœurs sexuelles de la victime (fréquentation de bars dont la clientèle est majoritairement homosexuelle, de clubs de rencontres, etc.) indépendamment de son orientation sexuelle. Cette notion n’est pas limitée aux pratiques sexuelles puisqu’elle est susceptible de s’appliquer également au mode de vie, aux habitudes individuelles ou collectives.

La discrimination peut également être sociale : il s’agit notamment de l’importance des codes sociaux et culturels dans l’accès à certaines professions. Cette discrimination explique, en partie, le maintien de l’écart social entre les enfants de cadres et les enfants d’ouvriers. La discrimination sociale résulte également de l’importance du lieu de résidence, les personnes habitant dans des quartiers dits « sensibles », en particulier en Seine-Saint-Denis éprouvent des difficultés pour obtenir, notamment, des entretiens d'embauche.

La discrimination peut également avoir pour fondement le physique d’une personne qui se trouve être obèse, ingrate de visage… Mais également l’apparence d’une personne, c’est-à-dire ses vêtements, sa coiffure, ses piercings, ses tatouages (principalement), ou encore son âge (en particulier pour les seniors).
Ex.Ainsi, en 2024, les députés ont voté, en première lecture, une proposition de loi du député guadeloupéen Olivier Serva pour sanctionner la discrimination capillaire. Le député, s’il reconnaît que la discrimination sur l’apparence physique est déjà punie en France, dénonce les pratiques des employeurs obligeant les salariés à se lisser les cheveux, à dissimuler coupes afro et dreadlocks. D’ailleurs, en 2022, la Cour de Cassation a considéré comme une discrimination le fait pour une compagnie aérienne d’interdire l’accès à bord à un steward coiffé de tresses africaines nouées en chignon. Ainsi, la loi préciserait, après l'expression "apparence physique", « notamment la coupe, la couleur, la longueur ou la texture de leurs cheveux ». Lors de débats, certains députés ont dénoncé le risque d’un droit bavard, d’une précision superflue.

La discrimination peut également avoir lieu pour des motifs religieux. Il s’agit d’une distinction opérée entre les personnes à raison de leur appartenance ou leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une religion déterminée. Si la discrimination religieuse est retenue pour les distinctions fondées sur l'appartenance, vraie ou supposée, à une religion, l'article 225-1 du Code pénal ne s'applique pas aux différences de traitement fondées sur l'appartenance à des mouvements spirituels qui ne constituent pas de véritables religions (c’est ce qu’énonce l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 25 mars 1996, pour "l’Église" de Scientologie).

La discrimination peut également être liée à des considérations politiques ou syndicales. La discrimination politique est caractérisée dès lors que l’on subordonne une mesure à l’appartenance ou à la non-appartenance à un parti politique.
Ex.Par exemple, le refus d’embauche ou refus d’attribution d’un logement à un non-sympathisant de tel ou tel parti ; une offre d’emploi s’adressant uniquement aux personnes faisant état d’une parfaite neutralité (les adhérents des formations politiques sont alors pénalisés) sont également des pratiques discriminatoires.

La discrimination peut également être liée au handicap d’une personne ; constitue un handicap au sens de la loi du 11 février 2005, « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ». À cette discrimination peut se rattacher une discrimination liée à l’état de santé.

Enfin, bien sûr, les causes de discriminations peuvent être multiples (typiquement une discrimination peut être à la fois sexuelle et raciale).

Le droit français ne s'inspire pas du droit anglo-saxon de la non-discrimination qui repose intégralement sur l'énumération de « classes protégées » (protected classes). La loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, au rebours de l'évolution vers une protection catégorielle des victimes des discriminations, prônée au nom de l'efficacité, confirme l'inspiration universaliste du Code pénal qui caractérise la discrimination comme une atteinte à la dignité de la personne. Au fond, du point de vue juridique, le fondement de la discrimination importe peu, dès lors qu''il est possible d'établir qu'il est la cause d'un désavantage illégal. Cette interchangeabilité des critères est un moteur important dans la lutte contre la discrimination. Ainsi, les affaires, médiatisées, de discrimination en raison du sexe ou de l'ethnie ont bénéficié à la lutte contre toutes les formes de discrimination.

La discrimination commise à l'égard d'une personne physique ou morale, est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende lorsqu'elle consiste à refuser la fourniture d'un bien ou d'un service ; à entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque ; à refuser d'embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne ; à subordonner la fourniture d'un bien ou d'un service à une condition fondée sur un élément discriminatoire; à subordonner une offre d'emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur un élément discriminatoire ; à refuser d'accepter une personne à un stage.
Lorsque le refus discriminatoire est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d'en interdire l'accès, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende.

La discrimination concerne donc un large éventail de situations qui vont au-delà de celles citées par la loi : emploi, logement, accès aux loisirs, aux services publics, à l'éducation et à la santé comme, par exemple, le fait pour une personne d’être fréquemment contrôlée par les forces de police, en raison de critères ethniques (c’est le cas des contrôles au faciès régulièrement dénoncés dans la presse).

Enfin, les différences de traitement sont justifiées si elles répondent à une exigence professionnelle déterminante, pour un objectif légitime et une exigence proportionnée (l’exemple-type est l’embauche d’un mannequin féminin pour présenter de la lingerie féminine), ou pour des raisons d’utilité publique ou fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi. C’est alors au juge de déterminer si la discrimination est légitime ou non. Les décisions de la chambre criminelle ne sont pas suffisamment nombreuses pour que la question puisse être définitivement tranchée. Quoi qu'il en soit, la reconnaissance du caractère objectif d'une justification ne doit pas conduire à conforter des attitudes discriminatoires.
Ex.Ainsi, le simple constat objectif que les hommes ont en moyenne une force physique supérieure à celle des femmes ne justifie pas que certains emplois soient a priori réservés aux hommes (arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation du 25 mai 1983).

La Cour de Justice de l'Union européenne a construit une conception concrète de l’égalité pour réaliser l’égalité en fait et en droit. Elle considère qu’il y a discrimination lorsque qu’une mesure apparemment neutre aboutit au même résultat que s’il y avait une discrimination directe. C’est la notion de discrimination indirecte. Le droit communautaire considère la discrimination soit comme le traitement différent de situations identiques soit comme le traitement identique de situations différentes.

Section 2 : La lutte contre les discriminations


Il y a deux manières de lutter contre les discriminations. Tout d’abord en réprimant les comportements discriminants interdits par la loi puis en adoptant des dispositions visant à faciliter l’insertion au sens large des personnes couvertes par un critère de discrimination.


Pour mettre un terme aux discriminations, des lois les sanctionnant ont été mises en place. Par exemple, la loi contre le racisme de 1972, celle contre la discrimination dans l’emploi en 1982, celle relative au salaire en 1983, celle relative au logement en 2002, celle contre la discrimination indirecte en 2008.
Pour assurer l’effectivité de cette lutte, la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité), autorité administrative indépendante française, créée en 2005 et dissoute en 2011, était compétente pour se saisir « de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie ». Dans le bilan qu'elle a établi, la moitié des réclamations pour discrimination sont liées à l'emploi et pour 27 % des cas, il s'agit de discriminations liées à l'origine. La Halde avait des missions relativement étendues puisqu'elle pouvait mener des investigations auprès des administrations et des entreprises, procéder à des vérifications sur place, recourir au testing pour révéler l'existence de comportements discriminatoires (notamment à l'entrée des boites de nuit), et informer et sensibiliser contre les discriminations. Cependant, la puissance réelle de la Halde était faible, la plupart des réclamations n’étaient pas traitées ; en 2010, la Halde a procédé à trois vérifications sur place et seules 14 réclamations sont parvenues jusqu'au Parquet.

La Halde a été dissoute le 1er mai 2011, et ses missions transférées au Défenseur des Droits, autorité administrative indépendante. Toutefois un collège spécifique est créé pour prendre en charge la lutte contre les discriminations et promouvoir l’égalité. Un adjoint du Défenseur des droits est désigné à cette fin. C’est George Pau-Langevin qui est l’adjointe chargée des questions de discrimination. Depuis 2020, le Défenseur des Droits est Claire Hédon, elle est assistée de 570 délégués dans l’ensemble du territoire national.
C’est ainsi que la personne qui s’estime victime d’une discrimination, quel qu’en soit le motif peut saisir le Défenseur des Droits. Le Défenseur peut permettre soit une médiation soit une transaction : le Défenseur des droits propose à l'auteur des faits une ou plusieurs sanctions (versement d'une amende, indemnisation de la victime, publicité des faits). En cas d'acceptation, la transaction doit être homologuée par le procureur de la République. Ou alors une action en justice : si le Défenseur des droits a connaissance de faits de nature à constituer une infraction ou si l'auteur refuse la transaction, le Défenseur des droits saisit le procureur de la République.
Pour établir les faits, le Défenseur des Droits, dans le respect du principe du contradictoire, commence par recueillir toutes les informations pour avoir une connaissance approfondie de la situation. Pour cela, il peut demander de simples explications par courrier au mis en cause mais il peut aussi, sous le contrôle du juge, utiliser des moyens plus contraignants : convoquer la personne mise en cause à une audition ou procéder à une vérification sur place. Dans les deux cas, un procès-verbal est établi par les juristes du Défenseur des droits. Les personnes sollicitées doivent répondre aux demandes du Défenseur des droits. En cas de refus, le Défenseur des droits peut adresser des mises en demeure puis saisir le juge des référés, ou encore invoquer le délit d'entrave prévu par la loi. Les enquêteurs du Défenseur des droits sont soumis à un strict secret professionnel.
Pour faire la preuve d'un comportement discriminatoire, le Défenseur des Droits peut mettre en œuvre une procédure de test en situation qui peut être considérée comme un mode de preuve. Il consiste à comparer l'attitude de la personne « testée » envers un candidat de référence d'une part, et un candidat qui pourrait être discriminé d'autre part. Ces deux personnes ne se distinguent que par l'un des nombreux critères de discrimination interdits par la loi (âge, origine, sexe, handicap…). Le « test en situation » peut, par exemple, consister à soumettre deux fausses candidatures pour le même emploi, les CV envoyés au recruteur présentant le même profil, à l'exception du critère testé (l'âge, l'origine…). Pour qu'il soit valable, il faut que des témoins fiables soient présents durant toute la durée du test, et que celui-ci ne comporte aucune provocation.
De gauche à droite : Claire Hédon, Défenseure des droits et George Pau-Langevin, George Pau-Langevin. Source : https://www.defenseurdesdroits.fr.


En France, la législation était auparavant influencée par le droit pénal ; elle supposait à la fois une intention de nuire et une faute de l’auteur de la discrimination. La discrimination s’articule désormais depuis 2008 autour d’un traitement défavorable par rapport à une situation comparable, même issue d’une mesure neutre (c'est la discrimination indirecte). De même la preuve de la discrimination est facilitée puisque c’est le défendeur (L’État, l’entreprise) qui doit justifier de la mesure mise en cause en cas de présomption de discrimination.
Cette modification a été accomplie sous l’influence du droit communautaire, pour qui l’égalité est vue comme une égalité de traitement, à la fois un objectif et un fil conducteur du droit communautaire. L’égalité est constituée par l’absence de discrimination, d’inspiration anglo-saxonne.

Depuis peu, se pose la question des actions de groupe, elles-aussi d'inspiration anglo-saxonne. Le Président de la République François Hollande s'est déclaré, début mars 2015, favorable à des recours collectifs ou actions de groupe contre les discriminations. Une possibilité de saisir la justice de manière collective existait déjà en matière de droit à la consommation, mais pas contre les discriminations. Ces actions de groupe permettent aux victimes de ne pas se sentir découragées et surtout d’obtenir un meilleur résultat et une meilleure publicité. En effet, généralement les procédures engagées par les victimes de discrimination n’ont pas eu vraiment d’effet au-delà des seuls bénéficiaires des procès car les actions juridiques n’ont qu’un effet économique faible, et peu de conséquences négatives en termes d’image. Cette idée de permettre l'introduction de recours collectifs a été reprise par Christiane Taubira. En 2016, l’action de groupe est reconnue pour les affaires de discrimination. L’action de groupe n’est ouverte depuis 2016 qu’aux organisations syndicales et à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans intervenant dans la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap. Par ailleurs, concernant le champ de l’emploi, seules les organisations syndicales peuvent initier une action de groupe ; les associations ne peuvent le faire que pour les cas de refus d’embauche et de stage. Depuis 2020, le Défenseur des droits souhaite un élargissement des personnes agrées pour porter une action de groupe. En effet, il n’y a eu que très peu d’actions de groupe depuis l’adoption de la loi. En 2023 ; l’Assemblée Nationale a adopté une proposition de loi à ce sujet.

Dans une action de groupe, une personne peut poursuivre une structure, auteur présumé de discrimination, tout en représentant un grand nombre de victimes concernées par un même problème.
Ex.Par exemple, en 2000 aux États-Unis, une class action contre Coca Cola avait permis d’établir qu’à qualifications et postes égaux, les employés noirs étaient moins bien payés (24 500 € de moins par an en moyenne) et moins susceptibles d’être promus que les blancs. Une des quatre plaignantes avait notamment découvert qu’un des employés blancs qu’elle supervisait était payé 9 400 € de plus qu’elle par an. En tout, 2000 employés noirs avaient reçu des dommages et intérêts, un total de 147 millions d'euros. Pour une multinationale comme Coca Cola, ce genre de somme restait très abordable, mais à la suite de la médiation avec les avocats, l’entreprise avait aussi dû accepter que pendant quatre ans, une commission d’experts extérieurs supervise ses pratiques de recrutement et de gestion de carrière. En France, la première action de groupe a eu lieu en 2017 : Trente-six salariés d'une filiale de Safran affiliés à la CGT ont engagé une action de groupe pour discrimination syndicale.

Avec ce genre d'approche, les discriminations raciales ne sont plus appréhendées comme des actes isolés, mais comme un système de pratiques et de normes qui défavorisent certains groupes.

L’autre axe de lutte est de proposer des correctifs aux situations discriminatoires.
Tout d’abord, il y a la discrimination positive, inspirée de des affirmative action anglo-saxonnes : ce sont des mesures temporaires visant à assurer l’égalité de facto et non des exceptions au principe d’égalité. Elles doivent être spéciales, c’est-à-dire adoptées en vue de la réalisation d’un objectif déterminé et précis ; les discriminations positives sont des actions de rééquilibrage mises en place dans le but de compenser une discrimination négative. La discrimination positive est largement employée aux États-Unis, avec la mise en place des quotas ethniques pour les concours notamment. En France, son utilisation est plus timide car elle se heurte au principe d’égalité républicaine et parce qu’elle nécessite, pour être efficace la mise en place de statistiques ethniques, interdites en France. Elles sont justifiées par le fait que l'égalité en droit ne suffit pas à réaliser pleinement l’égalité des chances.
Dans le domaine du travail, la discrimination positive concerne principalement trois catégories de personnes : les femmes, les seniors et les porteurs de handicaps. Pour ces derniers, une politique de quota a été choisie. En effet, instituée en 1987, l’obligation d'employer des personnes handicapées a été modifiée par une loi de 2005. Cette loi impose aux entreprises de plus de 20 salariés d'avoir 6 % d’employés en situation de handicap.
Cependant, il apparaît à la lecture de la jurisprudence que la frontière entre le comportement non discriminatoire et la discrimination légitime est floue.
Ex.La Cour d'Appel de Paris a ainsi décidé que ne commet pas le délit de discrimination (raciale) le dirigeant d'une compagnie aérienne proposant des avantages tarifaires aux seuls ressortissants ou ex-ressortissants d'un pays asiatique, dès lors que le principe d'égalité des droits n'interdit pas de consentir à certaines personnes des avantages pour faciliter l'exercice de certains droits, comme celui d'avoir une vie familiale.
Cependant, en général, les motifs de discrimination sont indifférents : les juridictions considèrent que la discrimination positive est bel et bien une discrimination au sens de l'article 225-1 du Code pénal et est donc interdite.

Il existe également des dispositifs visant à favoriser l’égalité des chances. C’est ainsi qu’en matière d’éducation, des ZEP (zones d'éducation prioritaires) sont, dans le système éducatif français, des zones dans lesquelles sont situés des établissements scolaires dotés de moyens supplémentaires et d'une plus grande autonomie. Ces moyens sont censés leur permettre de faire face à des difficultés d'ordre scolaire et social, rompant ainsi avec l'égalitarisme traditionnel du système éducatif français, afin de donner plus à ceux qui en ont le plus besoin. Elles sont définies par l'Éducation nationale et ont été créées en 1981 dans le but de lutter contre l'échec scolaire. Les ZEP n'existent plus sous ce nom depuis 2006-2007, d'autres dispositifs les remplaçant sous des appellations variables (APV, RAR, CLAIR, ECLAIR.REP, REP+..) mais l'expression reste ancrée dans le langage du monde éducatif et le principe reste le même.
Dans le même esprit, des voies d’accès alternatives pour de grandes écoles, (principalement pour Science Po et l'ESSEC) un assouplissement de la carte scolaire ont été établis pour favoriser la mobilité et ainsi éviter les ghettos.
En 2004, la Charte de la diversité incite les entreprises à garantir la promotion et le respect de la diversité dans leurs effectifs. En la signant, ces entreprises s'engagent à lutter contre toute forme de discrimination et à mettre en place une démarche en faveur de la diversité.

Sy.La France est depuis 1789 profondément égalitaire, toute idée de discrimination choque profondément. Cependant, l’absence de statistiques sur les religions, sur les ethnies empêche d’avoir une vision nette, impartiale, de la situation, et donc d’apporter les correctifs nécessaires. Mais la discrimination positive, difficile à mettre en place, heurte elle-aussi, ce profond sentiment d’égalité.
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