L’égalité femme/homme est une idée récente dans l’histoire des sociétés occidentales, une idée qui a encore du mal à s’imposer dans certains domaines ou dans certaines parties du monde. En raison d'un héritage historique pesant qui cantonne les femmes à la sphère privée, il est encore difficile aujourd'hui de faire concilier l'égalité en droit de tous les citoyens avec la réalité de la différence des sexes.
Section 1 : Une longue marche vers l’égalité
En Occident, le rôle social attribué aux hommes et aux femmes est fondamentalement différent, ainsi que leurs droits respectifs. Cette inégalité juridique et sociale perdure, avec quelques aménagements, jusqu'au XXème siècle et au-delà.
§1. Les femmes dans l'ombre des hommes
Sous l’Antiquité, dans les cités grecques et à Rome, berceaux de la civilisation occidentale, les sociétés qui se mettent en place sont des sociétés patriarcales, qui nient aux femmes la qualité pleine et entière de citoyennes.
Ex.La femme athénienne est une éternelle mineure sans droit juridique ni politique. Toute sa vie, elle doit rester sous l’autorité d'un tuteur : d’abord son père, puis son époux, voire son fils (si elle est veuve) ou son plus proche parent mâle. L’existence de la femme n’a de sens que par le mariage, acte privé, qui permet à la femme d’accomplir son rôle : donner naissance à des fils légitimes, des citoyens, qui hériteront du patrimoine familial. Les femmes de bonne famille ont pour principal rôle de tenir leur maison et sont confinées au gynécée, littéralement la « pièce des femmes », entourées de leurs servantes. Elles ne se risquent hors du domaine familial que pour accomplir des fonctions religieuses. En revanche, les femmes du peuple apportent au ménage un complément de ressources en vendant leur surproduction agricole ou artisanale. Malgré tout, à l’époque hellénistique, de grandes figures de femme, reines en titre, émergent dans un mode dominé par les hommes (les Bérénice, les Arsinoé, les Cléopâtre).
À Rome la situation des femmes est plus contrastée : si elles sont toute leur vie sous la domination du pater familias (père, époux, frère) et destinées à être épouse et mère, elles jouissent de certains droits qui ne sont pas accordés aux femmes dans les autres civilisations contemporaines (le droit de témoigner devant un tribunal, le droit d’hériter, le droit à un éloge funèbre).
À Rome la situation des femmes est plus contrastée : si elles sont toute leur vie sous la domination du pater familias (père, époux, frère) et destinées à être épouse et mère, elles jouissent de certains droits qui ne sont pas accordés aux femmes dans les autres civilisations contemporaines (le droit de témoigner devant un tribunal, le droit d’hériter, le droit à un éloge funèbre).
Au Moyen Âge et sous l’Ancien Régime, les femmes sont cantonnées à un rôle domestique à quelques exceptions : les femmes commerçantes, à partir du XIIème siècle, qui peuvent s’engager juridiquement et qui sont donc elles-mêmes responsables de leurs propres dettes (et non leur époux) ; les nobles qui agissent et régissent leur domaine au nom de leur époux ou fils en période de guerre ou de croisade, les nobles qui sont à la tête de principautés territoriales en leur nom propre (Aliénor d’Aquitaine ou Anne de Bretagne par exemple). En France, il n’y a pas de souveraine en titre, les Lois Fondamentales du Royaume excluent les femmes de la succession à la couronne de France depuis 1316 ainsi que leurs descendants depuis 1328. Cette exclusion ne sera jamais remise en cause. En revanche, dans certains pays européens comme l’Angleterre ou l’Espagne, il y a eu des souveraines en titre (Isabelle de Castille, Élisabeth Tudor ou plus récemment Élisabeth II par exemple) qui ont régné personnellement de manière effective.
Ex.La légende du concile de Mâcon de 585 illustre bien cette idée de l’infériorité de la femme par rapport à l’homme. Selon une légende vivace, des évêques auraient discuté de l'existence de l'âme des femmes lors d'un concile et n’aurait reconnu son existence qu’à une voix de majorité. Cette discussion n’a jamais eu lieu, les femmes étant, comme les hommes, baptisées, l’existence de leur âme n’a donc jamais été questionnée. En réalité, cette légende puise son origine dans une controverse linguistique restituée par Grégoire de Tours. Il raconte qu’un évêque affirmait que les femmes ne pouvaient être appelées homme (homo). Les autres évêques invoquèrent la Genèse « Dieu créa l’homme mâle et femelle, appelant du même nom, homo, la femme et l’homme » pour clore le débat. Le concile de Mâcon tomba dans l’oubli jusqu’à la Terreur, où le conventionnel Charlier, demanda si l’on était encore au temps où on décrétait, « comme dans un ancien concile, que les femmes ne faisaient pas partie du genre humain ». Le 22 mars 1848, une citoyenne Bourgeois, à la tête d’une délégation du Comité des « Droits de la femme », altéra ces propos en remettant au gouvernement provisoire une pétition tendant à obtenir le droit de vote pour les femmes et commençant par ces mots : « Messieurs, autrefois, un concile s’assembla pour décider cette grande question : savoir si la femme a une âme… ». C’est de là que s’est forgée la légende du concile de Mâcon.
Pendant des siècles, le statut social et juridique des femmes reste inférieur y compris (et surtout) au sein de la famille. Si le principe de l'échange des consentements repose sur l'égalité des époux, une fois mariée, la femme passe et demeure sous l'autorité de son mari. Quel que soit le régime matrimonial, c'est le mari qui dispose des biens du ménage, de ses biens propres, et qui administre les biens propres de sa femme, comme les biens dotaux (qu'il ne peut cependant pas dilapider). En pays catholique, le mariage, acte religieux, est indissoluble ; le divorce est donc impossible. En matière successorale, filles et garçons ne bénéficient pas des mêmes droits. Les garçons priment sur les filles, et ces dernières peuvent mêmes être exclues de la succession si elles ont été dotées à l'occasion de leur mariage : c’est l’exclusion des filles dotées qui permet de réserver aux seuls garçons l’héritage de leurs parents.
Rq.Hors de la famille, à mesure que le travail se modernise, les professions féminines se développent et se diversifient (ouvrières, comédiennes, peintres, demoiselles de magasin) au côté des professions traditionnelles de paysannes, domestiques, couturières, ce qui donne aux femmes une place certaine, bien qu’inférieure, dans la société.
§2. La Révolution, un espoir déçu pour les femmes
Les femmes attendent beaucoup de la Révolution et expriment leurs revendications par le biais de pétitions, adresses et cahiers de doléances. Leurs revendications portent sur des problèmes auxquels elles sont traditionnellement confrontées : absence d'instruction, mortalité en couches, droit d'exercer un métier, protection des travaux féminins (couturière, brodeuse…).
Ex.À la Révolution, si les privilèges sont abolis et si l’égalité est affirmée, un privilège demeure, celui conféré au sexe masculin de représenter le genre humain dans sa totalité. Pourtant, des voix s’étaient élevées pour réclamer l’égalité, comme celle de François Poulain de la Barre qui écrit en 1673 dans De l'égalité des deux sexes : « Nous sommes remplis de préjugés. […] De tous les préjugés, on n'en a point remarqué de plus propre que celui qu'on a communément sur l'inégalité des deux sexes » ou encore celle de Condorcet qui proclame en 1787 : « Je crois que la loi ne devrait exclure les femmes d'aucune place. [...] Songez qu'il s'agit des droits de la moitié du genre humain ».
La Révolution a donné aux femmes l’espoir d’un changement, elles ont d’ailleurs participé activement à ce mouvement (elles composent l’essentiel du cortège le 5 octobre 1789 qui marque un tournant dans la révolution en obligeant la famille royale à demeurer à Paris). Des avancées certaines ont lieu : les femmes acquièrent une personnalité civile. Avec la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, elles s’émancipent et la Constituante décrète l’égalité des droits aux successions et abolit le privilège de masculinité. La Constitution de 1791 définit de façon identique pour les hommes et les femmes l'accession à la majorité civile. La Révolution délivre les jeunes filles de la tutelle paternelle : celles-ci sont désormais libres de se marier ou non, et d'épouser qui elles veulent. Les grandes lois de septembre 1792 sur l'état civil et le divorce traitent à égalité les deux époux. La femme mariée est délivrée de la tutelle maritale. La loi dispose par ailleurs que le mariage se dissout par le divorce, y compris pour simple incompatibilité d'humeur ou par consentement mutuel. Pourtant, on est encore loin de l’égalité car si la femme a le droit d'accomplir certains actes juridiques, le mari garde la suprématie dans l'administration des biens. Enfin et surtout, les femmes sont exclues des droits politiques. Les revendications touchant aux droits politiques sont rares car peu nombreuses sont celles qui ont conscience de leur importance. Seules quelques militantes, telles que Olympe de Gouges qui rédige la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne (et qui sera guillotinée pour avoir réclamé le droit de monter à la tribune), ou encore la Société Patriotique et de Bienfaisance des Amis de la Vérité, se préoccupent, en vain, des droits politiques pour les femmes. Les salons, espaces à la fois privé et public, tenus par les femmes des milieux dirigeants, tels ceux de Mme Roland et de Mme de Condorcet, ont également joué un rôle important sous la Révolution. En Angleterre, Mary Wollstonecraft publie en 1792 A Vindication of the Rights of Woman , un des premiers ouvrages de philosophie féministe. Elle y critique le manque d’éducation des femmes et le mariage en tant qu’institution patriarcale.
Le Code Civil revient sur certaines avancées révolutionnaires. Il assimile les femmes aux mineurs et si le mari doit protection à sa femme, celle-ci doit obéissance à son époux. Et bien sûr, les femmes ne bénéficient toujours pas de droits politiques.
Au XIXème siècle, la situation des femmes s’améliore peu à peu et leur condition sociale et juridique commence à rattraper celle des hommes. De grandes figures féminines, telles George Sand, émergent et revendiquent l’émancipation de la condition féminine.
Ex.En matière d’éducation, la loi Falloux de 1850 impose la création d’écoles pour filles dans les communes de plus de 800 habitants et en 1881, Camille Sée, ami de Jules Ferry, fait passer une loi qui ouvre aux filles l'accès à un enseignement secondaire public. Jusque-là, les jeunes Françaises qui désiraient prolonger leurs études n'avaient d'autre solution que les établissements confessionnels ou les « cours secondaires » créés à leur intention en 1867 par Victor Duruy, ministre de l'Instruction publique de Napoléon III (en 1861, alors que les jeunes filles n'ont toujours pas accès à un enseignement secondaire qui préparerait au baccalauréat, Julie Daubié est la première femme à décrocher son baccalauréat. Elle l'obtient en candidat libre à l'âge de 37 ans). Dans les lycées publics qui leur sont ouverts, les cours de religion sont remplacés par des cours de morale. L'Église n'a plus le monopole de la formation des filles. Se met alors en place une éducation différenciée jusqu’au développement de la mixité scolaire dans les années 1960 (les programmes scolaires deviennent uniformes en 1924, date de la création d’un baccalauréat unique) et jusqu’à l’obligation de la mixité en 1976 dans les établissements publics. Cette évolution ne s’est pas faite sans résistance, ainsi, lors de la soutenance de thèse en droit de Jeanne Chauvin en 1892 (elle est la première Française à soutenir son doctorat en droit et sera la première femme à plaider comme avocate en 1901), des étudiants envahissent la salle, chantent La Marseillaise et déclenchent un vacarme tel qu'il faut ajourner la soutenance.
En matière politique, les mouvements féministes se développent comme la société « le droit des femmes », crée en 1876 par Hubertine Auclert qui revendique le droit de vote pour les femmes. Considérée comme la première suffragette française, elle pense que le droit de vote, les droits politiques sont le préalable nécessaire à toute évolution pour les femmes. En 1878, le Congrès international du droit des femmes est fondé, avec Victor Hugo comme président d’honneur. En 1888 est fondé le Conseil International de la Femme (CIF). Les féministes américaines incitent alors les Françaises à se fédérer. En 1901, la branche française du CIF est créée, le CNFF (Conseil National des Femmes Françaises). C’est principalement en Angleterre que les suffragettes seront le plus virulentes, bafouant les règles de la bienséance, avec succès, puisqu’elles obtiennent le droit de vote en 1918.
Les états généraux du féminisme se tiennent en 1929. À l'ordre du jour : la réunion de toutes les activités féminines en vue des réformes souhaitées, parmi lesquelles la suppression de l'incapacité civile de la femme mariée, et les droits civiques. A court terme, le principal succès des états généraux est d'ordre symbolique : la presse rend abondamment compte de l'événement, et les actualités filment les participantes faisant preuve de leur sérieux. Il n’y a donc pas eu d’avancées réelles, mais le mouvement féministe devient un mouvement reconnu.
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En matière politique, les mouvements féministes se développent comme la société « le droit des femmes », crée en 1876 par Hubertine Auclert qui revendique le droit de vote pour les femmes. Considérée comme la première suffragette française, elle pense que le droit de vote, les droits politiques sont le préalable nécessaire à toute évolution pour les femmes. En 1878, le Congrès international du droit des femmes est fondé, avec Victor Hugo comme président d’honneur. En 1888 est fondé le Conseil International de la Femme (CIF). Les féministes américaines incitent alors les Françaises à se fédérer. En 1901, la branche française du CIF est créée, le CNFF (Conseil National des Femmes Françaises). C’est principalement en Angleterre que les suffragettes seront le plus virulentes, bafouant les règles de la bienséance, avec succès, puisqu’elles obtiennent le droit de vote en 1918.
Manifestations des suffragettes le dimanche 21 juin 1908 à Hyde Park, à Londres. Source : https://www.herodote.net
Les états généraux du féminisme se tiennent en 1929. À l'ordre du jour : la réunion de toutes les activités féminines en vue des réformes souhaitées, parmi lesquelles la suppression de l'incapacité civile de la femme mariée, et les droits civiques. A court terme, le principal succès des états généraux est d'ordre symbolique : la presse rend abondamment compte de l'événement, et les actualités filment les participantes faisant preuve de leur sérieux. Il n’y a donc pas eu d’avancées réelles, mais le mouvement féministe devient un mouvement reconnu.
§3. L’inégalité femme / homme traverse les siècles : l'exemple de l'adultère
Un exemple simple permet une illustration claire de cette différence de statut entre homme et femme, différence qui traverse les âges, celui de l’adultère.
- En effet, à Athènes, une stricte fidélité est requise de la part de l'épouse. Le mari surprenant sa femme en flagrant délit d'adultère est ainsi en droit de tuer le séducteur sur-le-champ. La femme adultère, elle, peut être répudiée. Selon certains auteurs, l'époux bafoué serait même dans l'obligation de le faire sous peine de perdre ses droits civiques. En revanche, l'époux n'est pas soumis à ce type de restriction : il peut recourir aux services d'une hétaïre ou introduire dans le foyer conjugal une concubine.
- À Rome, à l’époque classique, le mari peut répudier l’épouse adultère après convocation du conseil de famille : c’est une affaire privée. Cependant, avec l'avènement de l'Empire, des lois comme la loi Julia font de l’adultère une affaire publique sanctionnée par la loi. Dans l'optique laïque (et donc dans la législation civile), c'est l'infidélité de la femme mariée qui seule compte : elle est jugée comme une menace pour l'équilibre de la famille, par l'intrusion possible d'enfants étrangers au sang de l'époux. Cette conception était celle du droit romain, qui ne réprimait généralement que l'adultère de la femme, et du droit germanique, selon lequel le mari infidèle n'encourait aucune peine, sauf la perte de quelques avantages pécuniaires.
- Dans les tribunaux civils du Moyen Âge, c'est uniquement l'infidélité féminine qui est réprimée. Et si le mari avait tué l'amant ou l'épouse infidèle, surpris en flagrant délit, son crime était excusable. Dans le Midi de la France, une peine spécifique, plus égalitaire, est appliquée aux amants pris sur le fait, la course. Les deux fautifs sont condamnés à courir, nus, à travers la ville, sous les quolibets et les coups du public. La punition de l'adultère va toutefois en s'adoucissant au fil du temps : l'amende se substitue de plus en plus souvent à cette peine infamante.
- Au XVIème siècle s'impose la peine de « l'authentique », fondée sur les lois romaines réinterprétées par les juristes royaux. Le code Justinien punissait l'adultère de la réclusion à perpétuité, sauf si l'époux consentait à reprendre sa femme.
- Sous l'Ancien Régime, l'épouse convaincue d'adultère par son mari est « authentiquée », c'est-à-dire qu'elle risque la réclusion à vie dans un monastère et la privation de sa dot. Seul son mari peut l'accuser et, éventuellement, lui pardonner en reprenant la vie commune. Pour les maris infidèles, aucune sanction n'est prévue.
- Avec le Code Napoléonien, la femme adultère est passible d'un emprisonnement de 3 mois à 2 ans alors que l’homme est passible d'une simple amende, et seulement s'il entretient sa concubine au domicile conjugal.
Sy.Après des siècles d’inégalité, en droit et en fait, il faut attendre la fin du XIXème et surtout le XXème siècle pour qu’une égalité, en droit, se mette en place laborieusement.