Sujet : Les conflits du travail sont-ils en déclin ?
En savoir plus : Corrigé
La crise de la société salariale semble avoir entrainé avec elle celle du syndicalisme. Les grèves, très souvent associées au mouvement syndical ont, elles aussi, fortement diminué notamment du fait que leur recours est de plus en plus risqué et coûteux pour les salariés. On ne saurait pour autant en conclure à un déclin des conflits du travail dans la mesure où ceux-ci prennent, peut-être de plus en plus, d'autres formes que la grève.
I. Le déclin des grèves
Forme archétypale du conflit industriel (avec la journée nationale d'action et le défilé syndical), la grève connait un déclin continu depuis les années 1980. Elle apparait même à certains comme une forme désuète et en tout état de cause est rendue difficile par les transformations des modes d'organisation du travail et la crise économique.
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A - La chute des JINT
L'indicateur le plus utilisé dans le recensement des grèves est la journée individuelle non travaillée (JINT) qui est le produit du nombre de journées de grève par le nombre de grévistes recensés. Son usage seul réduit l'appréhension des conflits à la seule définition juridique de la grève entendue comme une « cessation collective du travail ». Seuls sont recensés « les conflits collectifs du travail donnant lieu à cessation totale de travail », c'est-à-dire les grèves au sens du code du travail.
De ce point de vue, on assiste très clairement à une chute importante du nombre de journées individuelles non travaillées pour fait de grève (JINT) : plus de trois millions de JINT dans le secteur privé à la fin des années 1970, entre 250 000 et 500 000 JINT au milieu des années 1990. Les journées nationales d'action et les mouvements interprofessionnels, comme en 1995 ou en 2003, se concentrent pour l'essentiel dans les fonctions publiques et les grands entreprises publiques.
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B - Un recours à la grève devenu difficile
Le mode d'organisation du travail caractéristique du « 3ème âge du capitalisme » rend de fait difficile le recours à l'action collective : déclin des CDI au profit des formes dites atypiques, dissolution des entreprises dans des réseaux externalisés, déstructuration des collectifs de travail, dispositifs organisationnels et de procédures de gestion des personnels individualisés et individualisants, etc. (voir leçon 4).
II. Les mutations des conflits du travail
Il faut toutefois noter que la conflictualité est minorée en raison non seulement de sa réduction aux JINT mais aussi aux limites du suivi des conflits résumés aux JINT.
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A - Un outil de mesure à relativiser
Plus de 80 % (84 %) des mouvements de grève, dans les établissements de plus de 50 salariés, échappe au recensement de l'administration du travail (développer à partir de la leçon).
Les enquêtes REPONSE (Relations professionnelles et négociations d'entreprise) conduites toutes les 5 ans depuis 1992-1993 montrent à l'inverse de ce seul indicateur que si l'on retient l'ensemble des formes conflictuelles (À savoir, non seulement les débrayages, les grèves de moins de deux jours ou celle de plus de deux jours, mais aussi les formes de contestation collective sans arrêt de travail : manifestations, pétitions, refus d'heures supplémentaires), on constate une augmentation significative de la proportion de directions d'établissement déclarant avoir connu au moins une forme de conflit collectif qui peut être constatée : hausse de la conflictualité collective : dans 30 % des établissements d'au moins 20 salariés en 2002-2004 contre 21 % en 1996-98. Alors que sur la même période, les JINT sont en recul, de 999 400 en 1996-98 vs 665 300 pour 2002-04.
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B - Les transformations des conflits d'entreprise
Recul des grèves longues au profit d'arrêts du travail plus courts voire sporadiques et surtout de conflits sans arrêt de travail, individuels comme le recours croissant aux prud'hommes (42 % en 2004 vs 36 % en 1998), plus fréquent dans les petits établissements, les secteurs du transport et le commerce (sans doute car faible présence syndicale). Les chercheurs des enquêtes Réponse incluent également comme indicateurs de conflit (mais cela pourrait être discuté) le refus des heures supplémentaires (+ 6,4 points entre 1998 et 2004) et la montée des sanctions (dans 72 % des établissements en 2004 vs 66 % en 1998). Ils constatent surtout un désengagement dans le travail. Pour eux, les conflits sont désormais articulés autour de l'exit et d'attitudes de retrait volontaires (moindre implication dans la travail) ou non (montée des pathologies liées au travail).
En conclusion, rappeler qu'il ne faut pas assimiler les conflits du travail à la grève, laquelle est par ailleurs plus fréquente qu'il n'apparait dans les statistiques. On peut ouvrir en disant que l'importance de la présence syndicale pour voir éclore une grève dans l'entreprise montre que les syndicats demeurent efficaces dans leur « travail de mobilisation », mais cette efficacité est perdue en revanche en matière de recrutement.
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