Avec la remise en question de la thèse d’Henri Mendras sur la moyennisation des sociétés contemporaines (voir leçon 3) et le succès des derniers ouvrages de Thomas Piketty (Le Capital au XXIème siècle, 2013 et Capital et idéologie, 2019), la question des inégalités est revenue au cœur des débats scientifiques et politiques. La croissance des inégalités de revenus est éclatante depuis vingt ans et comme le dit Pierre Rosanvallon, elle se vérifie partout sur la planète (in La société des égaux, Seuil, 2011). Les inégalités de patrimoine sont pourtant plus grandes encore. Mais elles ne doivent pas occulter d’autres formes d’inégalités qui se maintiennent malgré des progrès : les inégalités entre les sexes, et les inégalités sociales face à la santé et aux loisirs.
Section 1. Le développement des inégalités de revenus et de patrimoine
§1. Mesurer les inégalités à l’échelle mondiale
Df.Le revenu disponible comprend les revenus déclarés à l’administration fiscale, les revenus financiers non déclarés et imputés (produits d’assurance-vie, livrets exonérés, PEA, PEP, CEL, PEL), les prestations sociales perçues et la prime pour l’emploi, nets des principaux impôts directs (impôt sur le revenu, taxe d’habitation, CSG et CRDS).
Le niveau de vie correspond au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation (UC). Il est donc le même pour toutes les personnes d'un même ménage. Les unités de consommation sont calculées selon l'échelle d'équivalence dite de l'« OCDE modifiée » qui attribue 1 UC au premier adulte du ménage, 0,5 UC aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans.
Le niveau de vie médian est le revenu qui partage la population en deux parties égales ; 50 % gagnant moins que ce revenu et 50 % plus. Il correspond au niveau de vie du cinquième décile. Les 10 % des personnes les plus modestes ont un niveau de vie inférieur ou égal au 1er décile (D1), le niveau de vie des 10 % les plus aisés est supérieur au 9ème décile (D9), la médiane D5 partage la population en deux parts égales.
Attention ! Il ne faut pas confondre médiane et moyenne. La médiane est la valeur qui sépare un effectif en 2 ; 50 % de l'effectif sont en dessous de cette valeur et 50 % sont au-dessus. La moyenne est le résultat d'un calcul : la moyenne arithmétique est la somme des valeurs divisées par l'effectif.
Le niveau de vie correspond au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation (UC). Il est donc le même pour toutes les personnes d'un même ménage. Les unités de consommation sont calculées selon l'échelle d'équivalence dite de l'« OCDE modifiée » qui attribue 1 UC au premier adulte du ménage, 0,5 UC aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans.
Le niveau de vie médian est le revenu qui partage la population en deux parties égales ; 50 % gagnant moins que ce revenu et 50 % plus. Il correspond au niveau de vie du cinquième décile. Les 10 % des personnes les plus modestes ont un niveau de vie inférieur ou égal au 1er décile (D1), le niveau de vie des 10 % les plus aisés est supérieur au 9ème décile (D9), la médiane D5 partage la population en deux parts égales.
Attention ! Il ne faut pas confondre médiane et moyenne. La médiane est la valeur qui sépare un effectif en 2 ; 50 % de l'effectif sont en dessous de cette valeur et 50 % sont au-dessus. La moyenne est le résultat d'un calcul : la moyenne arithmétique est la somme des valeurs divisées par l'effectif.
A - Le rapport inter-décile
Le rapport inter-décile est fréquemment utilisé comme indicateur des inégalités : D10/D1 = Revenu moyen du décile le plus riche/revenu moyen du décile le plus pauvre.
En France, en 2019 (dernière année disponible), le niveau de vie médian est de 22 040 euros annuels, soit 1 837 euros mensuels, pour une personne seule, après impôts et prestations sociales. Il partage la population en deux : la moitié touche moins, la moitié davantage. C'est autour de ce montant que l'on peut situer les classes moyennes. On est pauvre quand on vit avec moins de 918 euros par mois, soit la moitié du niveau de vie médian au seuil de 50 %. On est riche à partir de 3 674 euros, le double du niveau de vie moyen (toujours au seuil de 50 %). Les 10 % les plus riches ont un niveau de vie moyen 6,9 fois supérieur à celui des 10 % les plus pauvres. Ils vivent en moyenne avec 4 288 euros de plus par mois.
En 2018, le niveau de vie annuel médian des salariés est ainsi de 24 410 euros, mais celui des demandeurs d'emploi de seulement 15 310 euros. Les retraités ont vu leur niveau de vie médian augmenter pour se porter à 22 380 euros. S'il a globalement augmenté entre 2008 et 2018, ce n'est pas le cas des plus modestes (D1) comme le montre le document suivant.
Source : INSEE (Inégalités de niveau de vie et pauvreté entre 2008 et 2018 ? Revenus et patrimoine des ménages | INSEE).
Sur longue période, la remontée des inégalités que l'on observe à partir du nouveau millénaire est en rupture avec les évolutions du siècle précédent (voir graphique) et plus encore avec leur réduction considérable des années 1960 aux années 1980, celles des Trente Glorieuses et de la moyennisation de sociétés étudiées dans la troisième leçon.
A l'échelle comparée, on constate partout une augmentation des écarts D9/D1 depuis les années 1980 sauf au Japon et en France, laquelle se situe à un niveau intermédiaire entre les pays de l'Europe centrale et du nord d'un côté, les pays du sud de l'autre. On a donc une opposition entre les pays anglo-saxons, libéraux, les plus inégalitaires, et les pays scandinaves socio-démocrates, comme on peut le voir dans le tableau suivant.
Tx.Nicolas Frémeaux et Thomas Piketty, Growing Inequalities and their Impacts in France , Country Report for France, january 2013.
B - Le coefficient de Gini
L'indice (ou coefficient) de Gini est un autre indicateur synthétique d'inégalités de revenus qui permet lui aussi de comparer dans le temps et/ou entre pays. Il varie entre 0 et 1 (ou 100). Il est égal à 0 dans une situation d'égalité parfaite. Plus il est proche de 1 (ou de 100 selon les sources), plus l’inégalité mesurée est importante. Entre 0 et 1, l'inégalité est d'autant plus forte que l'indice de Gini est élevé. Sa représentation graphique est la courbe de Lorenz qui va mesurer le degré de concentration des niveaux de vie ou du patrimoine (ensemble des avoirs). Plus les courbes de Lorenz sont éloignées de la bissectrice, plus l’inégalité est grande.
Courdes de Lorenz
Ex.En France, le coefficient de Gini s'établit en 2022 à 0,294.
Pour la France, selon le coefficient de Gini, le niveau des inégalités de niveau de vie qui s'était réduit régulièrement au cours des années 1970-1980, est ensuite resté stable jusqu'à l'année 1998 où il est au plus bas (0,272) avant d'augmenter pour atteindre un pic en 2011 (0,298) et retrouver leur niveau de 1980. Le soutien aux bas revenus en 2019 avec la hausse de la prime d'activité consécutive au mouvement des Gilets jaunes (voir leçon 10) puis par les mesures pour limiter les effets de la crise sanitaire l'année suivante freinent cette hausse qui repart à partir de 2021 (0,294). En somme, l'inversion de tendance longue s'observe autant avec l'indice de Gini qu'avec le rapport interdécile.
En savoir plus
Cette augmentation des inégalités de revenus peut recevoir plusieurs explications qui alimentent la réflexion des économistes et parfois des politiques depuis le retentissement qu’a connu l’ouvrage de Thomas Piketty, Le capital au XXIème siècle, pari aux éditions du Seuil en 2013 (voir leçon 3) :
- La propagation des bas salaires consécutive aux métamorphoses du travail au 3ème âge du capitalisme (voir leçon 4) ;
- L’envolée des hauts et a fortiori des très hauts salaires, puisque l’on constate que ce sont les revenus des 1 % les plus riches qui ont le plus progressé en vingt ans, particulièrement dans les pays anglo-saxons (voir tableau ci-dessous « en savoir plus ») ;
- Une évolution de la répartition des revenus défavorable aux salariés : entre 1988 et 1994, l’accroissement des revenus du patrimoine est de 3,9 % par an, tandis que les revenus d'activité des ménages décroissent de 0,5 % ;
- Le déclin de la syndicalisation et un rapport de forces défavorable désormais aux salariés (voir leçon 9).
En savoir plus
Part du centile supérieur des revenus
§2. Les inégalités de revenus
En 2018, les 10 % des salariés les moins bien rémunérés touchent au mieux 1 280 euros par mois, les 10 % les mieux payés au moins 3 780 euros, soit trois fois plus. On entre dans le club du 1 % des plus hauts salaires à partir de 9 200 euros.
L'Observatoire des inégalités a publié en juin 2022 la seconde édition du Rapport sur les riches en France, sous la direction d'Anne Brunner et Louis Maurin (édition de l'Observatoire des inégalités). Il fixe le seuil de richesse au double du niveau de vie médian, soit 3 673 euros par mois après impôt pour une personne seule en 2019 (5 511 euros pour un couple et 7 700 euros pour une famille avec deux enfants). Selon les estimations de l'OFCE, environ 4,5 millions de personnes touchent davantage que ce seuil. 7,1 % de la population peut ainsi être considérée comme « riche » selon l'Observatoire.
A - L’augmentation des inégalités salariales
Elle est générale, surtout en GB et aux USA. Ainsi, aux États-Unis, le salaire minimum des 10 % des salariés les plus riches est 5,1 fois supérieur au salaire maximum des 10 % les plus pauvres en 2009 alors que cet écart n’était que de 3,4 en 1973. Aussi ce pays a-t-il retrouvé un niveau d’inégalité supérieur à celui du début du XXème siècle pour les 10 % les plus riches qui s'accaparent 50 % du revenu total. Selon l'OCDE, en mai 2014, la part des revenus accaparés aux USA par le 1 % les plus riches a pratiquement doublé au cours des 30 dernières années (1981-2012) pour atteindre quasiment 20 % du revenu national ; de 6 % à 12 % en GB ; de 10 à 11 % en Allemagne, stable en France autour de 7. Les facteurs principaux sont le poids croissant de la finance et de ses rémunérations (pour Godechot, entre 1996 et 2007, la moitié de la progression des inégalités en faveur des très hauts revenus s'explique par le boom des rémunérations dans la finance) ; des politiques fiscales favorables aux plus riches.
Taux d'imposition, moyenne des pays de l'OCDE, en %
1981
|
2013
|
|
Taxation des dividendes | 75.2
| 42.6
|
Impôt sur le revenu | 65.7
| 41.7
|
Impôt sur le revenu |
47.5
|
25.5
|
Source : OCDE, mai 2014.
En France, ces inégalités ont reculé jusqu'en 2011, date à laquelle l'Insee dresse le constat de leur remontée. L'Observatoire des inégalités précise que « dans le secteur privé, la part de la masse globale des salaires perçue par le 1 % le mieux payé avait diminué de 8,4 % en 1967 à 6,8 % en 1980. À partir de la fin des années 1990, elle a recommencé à augmenter pour revenir à 7,6 % en 2019 selon l'Insee (dernière année disponible). Le rapport entre le seuil des 10 % les mieux rémunérés et celui des 10 % les moins bien payés est passé de 2,87 en 2009 à 3,0 en 2021 selon l'Insee ». La diminution du chômage depuis 2016, qui aurait pu profiter aux bas revenus, n'a guère changé la donne car elle s'est accompagnée d'une hausse des emplois précaires et à temps partiel, comme nous l'avons vu dans la leçon précédente.
Les inégalités sont en grande partie amorties grâce à l’État, plus précisément grâce aux impôts et surtout aux prestations sociales. Les 20 % les plus pauvres touchent 2,1 fois plus de prestations sans condition de ressources (allocations familiales, allocation pour garde d'enfant...) que les 20 % les plus riches, mais ils reçoivent en moyenne 2 890 euros de prestations réservées à ceux dont les ressources sont insuffisantes (allocation logement, bourses scolaires, RSA, ...) contre 40 euros pour les 20 % les plus riches. Bref, grâce à la redistribution de l’État et de la Sécurité sociale, les 20 % les plus riches ne disposent plus que d'un revenu disponible 4,43 fois plus important que les 20 % les plus pauvres. Pour ceux-ci, la redistribution a augmenté de moitié les revenus, tandis que le revenu des 20 % les plus riches a diminué de 12,6 % (données 2018, INSEE).
Par ailleurs, comme le dit Louis Chauvel dans Les classes moyennes à la dérive, Le Seuil, 2006, il faut distinguer les inégalités statiques de revenu (l’écart de salaires entre le salarié des classes supérieures et le salarié des classes populaires), en déclin, des « inégalités dynamiques » (le temps qu’il faudrait au salarié des classes populaires pour voir son salaire rattraper celui du salarié des catégories supérieures), en hausse du fait du ralentissement de la croissance (3 à 4 % par an pendant les 30 Glorieuses, 0,5 % aujourd’hui). Ainsi, dans les années 1960, la différence de revenus était de 1 à 3 entre ouvrier et cadre ; l’ouvrier pouvait espérer « rattraper » les revenus du cadre en une quarantaine d’années (soit une génération) ; aujourd’hui il lui faudrait plus de 160 ans... Ce qui alimente le sentiment d’inégalités et de panne de l’ascenseur social.
B - La croissance des dépenses contraintes
Les dépenses contraintes sont celles auxquelles le ménage ne peut échapper et qui viennent évidemment grever son budget comme l’eau, le gaz, l’électricité, le logement, etc... Leur poids, croissant, pèse très différemment selon les CSP, du fait en particulier, du logement. La part des dépenses contraintes a fortement augmenté, passant de 12 à 29 % des revenus en moyenne depuis 1950. Entre 2005 et 2011, l’endettement des ménages pour l’immobilier a presque doublé, les encours de crédit sont passés de 442 milliards à 800 (un ménage sur deux détient un crédit immobilier et/ou à la consommation, 14 millions d’entre eux sont concernés). D’après le CREDOC, entre 1980 et 2007, la propriété du logement a globalement décliné ; elle est passée de 45 % à 33 % pour les bas revenus, elle est stationnaire à 46 % pour les classes moyennes, mais en augmentation de 51 à 70 % pour les hauts revenus. En 2011, 40 % des ménages endettés déclarent ne pas pouvoir s’offrir une semaine de vacances au cours des douze derniers mois, contre 28 % pour les autres ménages.
Tx.« La croissance des inégalités de revenus a fait l’objet de multiples études statistiques. Toutes convergent pour souligner la part prise par l’accroissement spectaculaire des rémunérations les plus élevées dans la constitution du phénomène, qu’il s’agisse de celles des grands patrons de l’industrie, des maîtres de la finance, ou tout simplement des cadres dirigeants, comme encore des grands sportifs ou des vedettes du show-business. Aux États-Unis, les 10 % des revenus les plus élevés totalisaient ainsi 50 % des revenus totaux en 2010, alors que ce pourcentage n’était que de 35 % en 1982. Dans le cas français, le salaire moyen des 1 % les mieux rémunérés a augmenté d’environ 14 % entre 1998 et 2006, et celui des 0,01 %, tout au sommet de l’échelle, de près de 100 %, alors que la progression sur la même période n’a été que de 4 % pour la grande masse des salariés du bas. Le mouvement ultérieur a vu cet écart continuer à exploser, comme l’ont montré des travaux publiés par l’Insee (la moyenne des revenus disponibles des 0,01 % les plus aisés est devenue 75 fois supérieure à la moyenne des 90 % les moins favorisés en 2007). L’accroissement de ces écarts se vérifie partout sur la planète. Symétriquement, le nombre de personnes touchant les rémunérations les plus faibles, comme les salariés au Smic en France, s’est accru (un salarié sur cinq y est actuellement payé au voisinage du salaire minimum), tandis que sont également plus nombreux les ménages vivant sous le seuil de pauvreté sous l’effet, notamment, du chômage et de la précarisation des formes de travail. »
Source : Pierre Rosanvallon, La société des égaux, Seuil, 2011.
Source : Pierre Rosanvallon, La société des égaux, Seuil, 2011.
§3. Les inégalités de patrimoine
Df.Le patrimoine détenu comprend les biens immobiliers, les actifs financiers ainsi que le patrimoine professionnel pour les actifs indépendants.
Début 2018, le patrimoine médian brut des ménages est de 163 100 euros, le patrimoine net (dettes déduites) médian s'élève en 2018 à 117 000 euros. Le patrimoine brut des ménages est principalement constitué de biens immobiliers (61 %) et d'actifs financiers (20 %). Attention : il s'agit du patrimoine toutes générations confondues, et l'on sait que la fortune augmente nettement avec l'âge. Entre 30 et 39 ans, le patrimoine net médian est de 51 400 euros, contre 194 300 pour les 60-69 ans.
Le patrimoine net moyen des ménages, c'est à dire déduction faite de leurs emprunts privés ou professionnels, s'élève à 239 900 euros. Mais ces chiffres ne disent pas grand-chose tant les écarts sont importants selon la catégorie de la population.
En 2018 toujours, les 10 % les plus fortunés possèdent près de la moitié (46 %) du patrimoine total des ménages ; ils disposent de 607 700 euros ou plus. Les 10 % les plus pauvres n'ont rien (enfin 0,1 % du patrimoine total très précisément), soit 3 800 euros ou moins. Selon l'Insee dans son rapport sur les revenus et le patrimoine des ménages, le niveau de vie des 20 % de ménages les plus aisés était, en 2018, 4,45 fois supérieur à celui des 20 % les moins aisés, contre 4,35 fois en 2008. Si l'on considère que le seuil de richesse en termes de patrimoine correspond au triple du patrimoine médian (c'est-à-dire plus de 490 000 euros), on comptabilise 4,5 millions de ménages fortunés soit 16 % des ménages français dépassent ce seuil de fortune et 4 % des ménages sont millionnaires.
Rq.Le patrimoine cumulé par les 500 plus gros propriétaires d'entreprises et leur famille a été multiplié par 9,3 entre 2003 et 2023. Il atteint 1 200 milliards d'euros en 2021. En savoir plus : La croissance démesurée des 500 plus grandes fortunes (inegalites.fr).
Sy.Trois conclusions principales :
Cet accroissement des inégalités de patrimoine s’explique par le fait que les revenus tirés du patrimoine ont progressé beaucoup plus vite que les revenus du travail, mais aussi par la logique de « capitalisme actionnarial » du « 3ème âge du capitalisme » (voir leçon 4).
- Les inégalités de patrimoine entre milieux sociaux sont plus importantes que celles liées aux revenus : en France en 2010, le patrimoine moyen des 10 % les plus riches (1,2 million d’€) était 920 fois supérieur au patrimoine moyen des 10 % les plus pauvres (1 350 €) alors que l’inégalité entre le niveau de vie moyen des 10 % les plus riches et celui des 10 % les plus pauvres n’était que de 1 à 9 pour la même année.
- Les écarts de patrimoine sont considérables selon les CSP : le montant du patrimoine médian des CSP souligne la séparation entre salariés et non-salariés, et au sein des non-salariés, la position prédominante des chefs d’entreprise et des professions libérales.
- Ces écarts sont en très nette augmentation depuis ces dernières années : entre 1998 et 2015, la part du patrimoine des 10 % les plus riches a augmenté de 113 % tandis que celle des 10 % les plus pauvres a reculé de 31 %. En 2021, les 10 % les plus fortunés détiennent près de la moitié du patrimoine de l'ensemble des ménages, quand les 10 % les moins fortunés n'en possèdent que 0,1 %). La moitié des ménages la moins bien dotée ne dispose que de 7,5 % de l'ensemble (Observatoire des inégalités).
Cet accroissement des inégalités de patrimoine s’explique par le fait que les revenus tirés du patrimoine ont progressé beaucoup plus vite que les revenus du travail, mais aussi par la logique de « capitalisme actionnarial » du « 3ème âge du capitalisme » (voir leçon 4).
Les liens entre inégalités de revenu et inégalités de patrimoine sont nombreux :
- Plus les revenus sont élevés, plus on a la possibilité d’épargner, donc de se constituer ou d’augmenter son patrimoine. Cela est d’autant plus vrai que les hauts revenus accèdent plus facilement au crédit, car leur capacité de remboursement est importante. Ils peuvent donc faire un emprunt immobilier pour financer l’acquisition d’un logement par exemple. D'après les données Insee de 2017, les 20 % du bas de l'échelle des revenus épargnent en moyenne 360 euros par an contre 16 000 euros pour les 20 % les plus riches (Centre d'observation de la société).
- Le patrimoine est source de revenus, et comme on l’a dit, ces revenus augmentent plus vite que les revenus du travail.
Les inégalités économiques sont donc cumulatives d’autant plus que le patrimoine se transmet par héritage.
Rq.On constate en conséquence un retour du poids de l'héritage dans la reproduction du patrimoine qui avait été interrompu des années 1920-1930 aux années 1970, date à laquelle le poids de l'héritage est descendu à 35 % du patrimoine (contre 80 % au début du XXème siècle). Aujourd'hui, l'héritage pèse presque aussi lourd que dans les années 1920. Il s'établit aujourd'hui à environ 60 %. Désormais, les plus privilégiés – les 0,1 % qui touchent le plus d'héritage dans leur vie – ramassent en moyenne 13 millions d'euros soit 180 fois plus que la médiane des Français. Cf. Repenser l'héritage, note de décembre 2021 du Conseil d'analyse économique.