Sujet n°1 : L'action en justice dans l'intérêt d'autrui (sujet d'actualité en procédure civile)
1) Délimitation du sujet au brouillon
Tel que posé, le sujet renvoi à la notion d'action en justice (article 30 du Code de procédure civile) et plus précisément aux conditions de l'action en justice. En effet, pour pouvoir agir il faut avoir un intérêt à le faire c'est-à-dire tirer un avantage quelconque à la saisine du juge (moral, pécuniaire, patrimonial..). Or, cet intérêt, précise la jurisprudence, doit présenter certains caractères : il doit être né et actuel, légitime et surtout personnel.
Or, le sujet est « l'action dans l'intérêt d'autrui ». Cela semble contradictoire. Il convient de rechercher si cette situation est envisageable en procédure civile et d'identifier au brouillon les cas dans lesquelles cela peut se présenter. Il faut, d'une part, travailler sur le principe de base qui est l'exigence de cet intérêt personnel (origine de l'exigence, raison de cette dernière, manifestation de celle-ci) Il faut, d'autre part, essayer de voir si l'action dans l'intérêt d'autrui est permise par le procédure civile française et si oui, identifier les cas possibles d'action dans l'intérêt d'autrui et les personnes physiques ou morales qui sont habilitées à porter ces actions en justice particulières.
2) Recherche de la problématique
Il ressort des différents éléments étudiés que s'opposent deux façons de considérer l'action en justice exercée pour autrui : celle classique qui proscrit l'action pour autrui et réserve l'action en justice uniquement à la protection de l'individu qui l'exerce et celle plus contemporaine qui permet d'ouvrir l'action à des personnes autres que celle titulaire du droit d'agir à titre personnel. La question est alors de savoir comment le droit procédural civil français est parvenu à combiner ces différentes conceptions.
3) Construction du plan
- Le plan doit être la réponse à la problématique. Si votre problématique est claire et précise, le plan le sera également.
Quel type de plan adopter ?
- La problématique repose sur le fait que la procédure civile française est ambigüe quant à la question de l'action dans l'intérêt d'autrui. Cette ambigüité doit ressortir dans le plan et il apparait clairement un mouvement, une « oscillation » entre d'un côté l'affirmation d'un principe clair : l'exigence d'un intérêt personnel et d'un autre côté la multiplication d'exceptions sporadiques en faveur de l'action dans l'intérêt d'autrui. Le plan peut être bâti sur cette idée.
4) Bâtir l'introduction
Phrase d'attaque possible : Il est possible de partir de l'adage classique « nul ne plaide par procureur » ; Il est également possible de se baser sur l'actualité puisque qu'un projet de loi (avril 2013) actuellement en discussion au parlement vise à offrir aux associations agréées de consommateurs une action en réparation des préjudices individuels subis par un groupe de consommateurs lésés par un produit (class action).
A - Définition des termes du sujet
Action (latin : actio ) : droit d'agir en justice ; droit subjectif processuel d'être entendu par le juge ; définition légale à l'article 30 du Code de procédure civile.
Action définie comme un droit autonome : par rapport au droit substantiel et par rapport à la demande en justice (acte)
Intérêt : notion imprécise : avantage que l'action est susceptible de procurer au plaideur (matériel ou moral). La demande doit être susceptible d'améliorer sa condition juridique. Utilité de l'action. Intérêt ne se confond pas avec le préjudice.
Appréciation souveraine par juges du fond.
Condition essentielle : pas d'intérêt, pas d'action.
Condition d'existence du droit d'agir (art. 31 Code de procédure civile).
Distinction intérêt/ qualité (titre juridique permettant d'exiger un examen de la prétention). Notions souvent confondues car la qualité se ramène à l'obligation de justifier d'un intérêt. Mais distinction possible :
- Qualité = condition supplémentaire : restriction parmi les personnes ayant un intérêt à agir.
- Qualité = condition autonome : action attribuée pour défendre un intérêt déterminé autre que son propre intérêt personnel
Intérêt d'autrui : intérêt individuel autre que l'intérêt personnel du demandeur.
Distinction :
- intérêt général : intérêt de la société dans son ensemble (Seule le ministère public a compétence pour le défendre) ;
- intérêt collectif : ce n'est ni l'intérêt général, ni la pluralité d'intérêts particuliers. Intérêt collectif d'une profession, grandes causes (lutte contre racisme et les discriminations par exemple).
B - Intérêt du sujet
En principe, la procédure civile française est claire : on ne peut agir en justice que pour défendre son propre intérêt. On ne peut donc pas agir en défense de l'intérêt d'autrui : « Nul ne plaide par procureur ».
Expliquer le sens de la règle et son évolution
Règle de plus en plus écornée.
Question d'actualité : Introduction dans notre droit d'une class action à la française.
Volonté de mettre en place une action de groupe permettant aux associations de consommateurs d'agir en justice pour demander réparation de préjudices individuels subis par des consommateurs. Hypothèse d'un préjudice de masse (tabac, produits de consommation...).
Idée émise par Jacques Chirac en janvier 2005 dans un discours. Souhait de mettre en place une meilleure protection des intérêts des consommateurs. Un groupe de travail se met en place et une première proposition émane de Serge Guinchard : mettre en place une « action en déclaration de responsabilité pour préjudice de masse ». Toutefois, ce n'est pas ce qui est finalement retenu dans le projet de loi déposé le 8 novembre 2006 visant à modifier le code de la consommation. (Projet de loi en faveur de la protection des consommateurs).
Le projet prévoit que seuls les préjudices matériels pourraient faire l'objet de cette action et pour un montant maximum de réparation de 2000 euros par plaignant. (peu satisfaisant). En janvier 2008, le projet devait être discuté. Mais pour des raisons politiques, il a été retiré de cette législature.
La question reste cependant d'actualité :
- En janvier 2008, une mission de réflexion portant sur « l'objectif général de croissance » a été confiée à J. Attali. Parmi les propositions de cette commission, une action de groupe au profit des consommateurs.
- Un autre groupe de travail chargé de réfléchir à la « dépénalisation de la vie des affaires » et présidé par J. M. Coulon a remis son rapport le 20 février 2008. Parmi les propositions visant à rendre la voie civile plus attractive, création d'une action de groupe avec système d'opt-in pour les consommateurs.
- Enfin, sous la pression de l'Union européenne, le projet de loi relatif à la consommation du 30 avril 2013 voit le jour. Il vise à introduire la class action en matière de préjudice à la consommation dans le Code de la consommation aux articles L. 423-1 et suivants. Les associations agréées se verraient dotées de la faculté d'engager ces actions. Le projet est actuellement en discussion devant le parlement.
C - Problématique et plan
Au regard de ces éléments, se pose la question de savoir si la défense des intérêts d'autrui est possible dans notre système procédural civil actuel et si oui, à quelles conditions ?
Annonce de plan : A cette question, il est possible de répondre que le principe demeure celui de la prohibition de ce type d'action en droit français (I). Cependant, pour être en phase avec les exigences européennes et les évolutions du monde moderne (action des groupements), il apparaît que l'admission de l'action dans l'intérêt d'autrui se fait jour et se manifeste de façon sporadique (II).
5) Exemple de plan détaillé avec chapeaux et transitions
I. La prohibition générale de l'action dans l'intérêt d'autrui
Chapeau : Seul peut agir en justice celui qui a un intérêt propre à se manifester devant le juge. Effectivement, l'exigence d'un intérêt personnel demeure classique en procédure civile (A). Toutefois, il peut arriver que la personne titulaire du droit d'action soit dans l'impossibilité de l'exercer. Le droit procédural organise alors la possibilité d'une représentation à l'action qui ne méconnait pas l'exigence de principe d'un intérêt personnel (B).
A. L'exigence classique d'un intérêt personnel
Art. 31 du Code de procédure civile : l'action est ouverte àtous ceux qui ont un intérêt...
A qualité pour agir celui qui a un intérêt personnel au succès ou rejet d'une prétention. Dans ce cas qualité absorbée par intérêt : l'intérêt donne qualité à agir.
- En principe, le droit d'action n'existe qu'au profit de ceux qui justifie d'un intérêt personnel à agir (caractère direct ambigu car renvoi au préjudice direct).
Justification : Le meilleur moyen d'assurer le respect de la règle de droit, c'est de confier sa défense à celui qu'elle intéresse personnellement.
- La règle vaut aussi bien pour les personnes physiques que pour les personnes morales : Une personne morale a un patrimoine propre. Le groupement peut donc agir dans un intérêt personnel en invoquant par ex. une atteinte à l'un de ses droits patrimoniaux.
- Donc impossibilité d'agir pour défendre l'intérêt de quelqu'un d'autre. C'est la formule un peu archaïque : nul ne plaide par procureur !
- Si l'on n'agit pas dans un intérêt personnel, le droit d'agir n'existe pas. La demande est irrecevable. Sanction par une FNR (122).
B. La possibilité corrélative d'une représentation à l'action
=> L'exigence d'un intérêt personnel à agir n'exclut pas que l'on soit représenté à l'action. Nécessité de distinguer existence et exercice de l'action :
- La condition d'intérêt est appréciée sur la tête du représenté qui est titulaire du droit d'action. C'est lui qui a qualité.
- Le représentant exerce l'action et doit seulement justifier d'un pouvoir de représentation. Il n'a pas qualité mais pouvoir.
Il s'agit bien d'une action dans un intérêt personnel. Mais cette action est exercée par un représentant.
Le représentant n'est pas titulaire d'un droit d'agir dans l'intérêt d'autrui.
Il exerce l'action appartenant à autrui parce qu'il a reçu un pouvoir de représentation : un pouvoir d'agir au nom et pour le compte d'autrui.
Le représentant doit justifier d'un pouvoir qui l'autorise à agir. Il ne peut pas décider de sa propre initiative de représenter autrui.
Le pouvoir de représentation a différentes sources :
- Pouvoir d'origine légale : Habilitation donnée par la loi => représentation d'un incapable, représentant légal d'une société.
- Pouvoir d'origine judiciaire : Habilitation donnée par le juge => désignation d'administrateur ad hoc lorsque les intérêts d'un mineur sont en opposition avec ceux de ses représentants légaux.
- Pouvoir d'origine conventionnelle : Mandat (nécessité d'une procuration écrite et spéciale) => syndic de copropriété peut agir au nom du syndicat des copropriétaires s'il est autorisé par un vote de l'assemblée générale ; représentant d'une association doit être désigné dans les statuts et dans le silence des statuts il faut une délibération de l'assemblée générale (Soc. 16 janv. 2008).
- Sanction du défaut de pouvoir : nullité pour irrégularité de fond (article 117 du Code de procédure civile). Exception de procédure.
Transition : Il semble ressortir de ce qui a été vu que la procédure civile française ne laisse que peu de place à l'action dans l'intérêt d'autrui puisque le principe demeure celui de l'exigence d'un l'intérêt personnel et tout au plus, admet-on le mécanisme de la représentation. Cependant, depuis plusieurs années, la procédure a dû s'adapter aux exigences européennes qui poussent aux actions dans l'intérêt d'autrui. Par ailleurs, les exigences propres à l'action en justice des groupements (associations, sociétés...) ont conduit à l'admission ponctuelle d'actions dans l'intérêt d'autrui.
II. L'admission ponctuelle d'actions dans l'intérêt d'autrui
Chapeau : L'hypothèse est cette fois distincte de la représentation (titulaire du droit d'action est le représenté). Dans ce cas de figure, la personne est titulaire du droit d'agir pour défendre l'intérêt d'autrui. Elle a reçu qualité pour défendre un intérêt déterminé qui n'est pas son intérêt personnel (art. 31 in fine du Code de procédure civile). Le droit procédural organise alors une véritable atteinte à la règle « nul ne plaide par procureur » et ce, pour des raisons pragmatiques : offrir notamment aux groupements (associations, syndicat...) une potentialité d'action en justice plus adaptée à leur particularité. Ainsi, si l'action dans l'intérêt d'autrui est accrue au profit des groupements (A) ; elle demeure limitée au profit des particuliers (B).
A. La défense accrue de l'intérêt d'autrui par des groupements
Action des syndicats dans l'intérêt personnel d'un salarié : substitution syndicale.
- La loi peut autoriser un syndicat à agir pour défendre l'intérêt individuel d'un salarié (ou plus.). Les habilitations législatives se sont multipliées dans le Code du travail.
Ex.Ex. : possibilité d'agir pour faire respecter le principe d'égalité entre hommes et femmes (art. L 1144-2 du Code du travail.), pour protéger victime d'une discrimination (1134-2 du Code du travail).
- Le syndicat n'a pas à justifier d'un mandat du salarié. Ceci montre qu'il ne s'agit pas d'une représentation mais d'une action de substitution. Les actes de procédure sont établis au nom du syndicat.
- Le but est d'assurer la protection des victimes de violation du droit du travail en évitant un procès entre l'employeur et son salarié. Protection de salariés placés dans une situation d'infériorité ou de précarité.
- Le salarié doit être informé par écrit et ne pas s'être opposé à l'action (silence de 15 jours vaut acceptation). Il peut intervenir à l'instance et y mettre fin.
- On pourra voir dans ce mécanisme l'existence d'un mandat tacite et donc d'une représentation. Il n'en est rien et la jurisprudence st en ce sens : il s'agit « d'une action de substitution qui est personnelle au syndicat et non une action en représentation » (Soc. 1er fév. 2000).
=> Il s'agit donc bien d'une action propre du syndicat qui a qualité à agir dans l'intérêt d'autrui.
• La défense collective des intérêts individuels de leurs membres (Ligues de défenses)
Certaines associations sont constituées pour rassembler des personnes dont les intérêts individuels sont atteints (ex. : association d'usagers, comité de soutien...).
- La jurisprudence civile admet l'action de l'association en défense de l'intérêt de ses membres : théorie de « l'action associationnelle ».
- Il faut que cette défense soit prévue par le pacte social. Les membres, pas forcément tous, doivent avoir subi une atteinte à leurs intérêts individuels. Ils peuvent agir en même temps que l'association (ce qui exclut l'idée de mandat).
- Atteinte à la règle « nul ne plaide par procureur » : l'association n'agit pas en défense de son intérêt personnel (certains y voient néanmoins un préjudice par ricochet pour l'association...). Elle agit pour la défense de l'intérêt individuel des membres.
- Ici la qualité à agir n'est pas attribuée par la loi mais par la jurisprudence (civile).
- Moyen d'assurer une défense plus efficace d'intérêts particuliers.
• L'action en représentation conjointe
- Action autorisée par la loi du 18 janv. 1992 pour les associations de consommateurs agréées. L'association va agir en réparation du préjudice subi individuellement par des consommateurs si ce préjudice est causé par le même professionnel.
Remarque : peu de succès en pratique (Conditions d'ouverture strictes et couteuses).
- Action étendue aux associations agréées de protection de l'environnement (loi 2 fév. 1995) et d'investisseurs en produits financiers (loi 8 août 1994).
• Autre hypothèse :
- La loi du 16 nov. 2001 a permis aux associations de la lutte contre les discriminations d'exercer toutes les actions naissant d'une discrimination en droit du travail (art. L. 1134-3 du Code du travail.). Action en faveur d'un salarié ou d'un candidat à un emploi. Il faut l'accord écrit de l'intéressé qui peut toujours intervenir à l'instance et y mettre un terme => Lien avec le schéma de la substitution syndicale.
- Un décret du 20 août 2008 étend le champ d'action des associations de lutte contre les discriminations. Un article 1263-1 du Code de procédure civile prévoit désormais que ces associations peuvent exercer les actions en justice qui naissent de la loi du 27 mai 2008 en faveur de la victime d'une discrimination (loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de lutte contre les discriminations). Nécessité d'un accord écrit.
- Loi du 13 février 2014 sur la consommation qui introduit en France pour la première fois l'action de groupe au profit des associations habilitées de défense des consommateurs. Ces dernières auront la possibilité de saisir le juge après avoir été averties de l'existence d'un préjudice de masse. L'action est enclenchée sans mandat à la base. Véritable action pour autrui. La loi n'a pas encore été promulguée et fait ce jour l'objet depuis le 17 février d'un recours auprès du Conseil constitutionnel. A suivre...
B. La défense limitée de l'intérêt d'autrui par des particuliers
=> Quelques hypothèses permettent de penser qu'une personne physique peut agir dans l'intérêt d'autrui. En réalité ces hypothèses sont très discutées car certains y voient de simples techniques de représentation.
• L'action sociale ut singuli
- Action exercée par un ou plusieurs associés d'une société contre les dirigeants pour demander réparation du préjudice subi par leur société dans l'hypothèse d'une faute de gestion (ex. : art L. 223-22 du Code de commerce pour les sociétés commerciales).
- L'action intentée est celle de la société et c'est sur la tête de la société qu'est apprécié l'intérêt à agir.
- Certains auteurs estiment qu'il s'agit d'une hypothèse de représentation (pouvoir). D'autres y voient une action de substitution dans laquelle le substituant a une action propre (qualité pour exercer l'action d'autrui).
• L'action oblique
- Art. 1166 du Code civil : les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne.
- Là encore doctrine très divisée :
D'autres estiment qu'il ne s'agit pas d'une représentation mais d'une substitution au débiteur défaillant (action propre du substituant). Jurisprudence semble plutôt en ce sens.
A titre conclusif, le sujet se prête à une ouverture brève sur la mise en place dans le domaine du droit de la consommation de class action au profit d'associations agrées courant 2014 par le projet de loi relatif à la consommation. (Lorsque ce projet sera adopté, les éléments de droit positif issu de la loi nouvelle pourront être intégrés au II-A-2°).